4312 200-08 - Kant et le Criticisme

February 9, 2018 | Author: Anonymous | Category: Arts et Lettres, Philosophie
Share Embed Donate


Short Description

Download 4312 200-08 - Kant et le Criticisme...

Description

LES LUMIÈRES EUROPÉENNES HUITIÈME SUJET - EMMANUEL KANT (1724-1804) KANT ET LE CRITICISME Le paradoxe d’une critique de la métaphysique qui refonde une métaphysique de l’inconnaissable Ou le pari de Pascal à l’échelle de dieu, mais sans rien attendre d’un gain éventuel Ou la plus gigantesque gestion de dissonance cognitive de l’histoire de la philosophie

«La métaphysique est un champ de bataille.» Préface de la première édition de la Critique de la raison pure “J'appelle transcendantale toute connaissance qui ne porte point en général sur les objets, mais sur notre manière de les connaître, en tant que cela est possible a priori.” Critique de la raison pure Je ne connais que deux belles choses dans l’univers : le ciel étoilé sur nos têtes, et le sentiment du devoir dans nos cœurs Critique de la Raison pratique I

PRÉSENTATION D’EMMANUEL KANT 1 - Kant, le criticisme et l’idéalisme transcendental 2 - Un philosophe des Lumières allemandes, l'Aufklärung (pôle universitaire) 3 - Un philosophe de la quatrième partie des Lumières 4 - Ses relations avec les philosophes de son temps, notamment les lumières allemandes 5 - Le contexte historique de sa vie 6 - Éléments philobiographiques marquants (1724-1804) 7 - Ses principaux ouvrages - Critique de la raison pure (1781, 1787) - Critique de la raison pratique (1788) - Critique de la faculté de juger (1790)

II

LA PENSÉE DE KANT 1 - Un positionnement convergent par rapport aux Lumières, mais toujours de manière ambigüe 2 - Une œuvre philosophique publiée tardivement, pensée comme projet global 3 - La philosophie de Kant, une philosophie religieuse 4 - Le projet du criticisme kantien : sauver la métaphysique ! A - La crise de la métaphysique, constat de départ de Kant B - Refonder la métaphysique sur des bases solides et rationnelles C - Il veut faire une science de la métaphysique, la connaissance des fins de la raison D - Une tentative de repenser la métaphysique alors que les Lumières s’y opposent E - Une réflexion suscitée par les attaques de Hume contre la métaphysique de Leibniz et de Wolff F - Une réfutation à la fois des empiristes et des idéalistes dogmatiques G - Les quatre interrogations kantiennes -

Que puis-je savoir ? Que dois-je faire ? Que m'est-il permis d'espérer ? Qu'est-ce que l'homme ?

H - Limiter les prétentions de la raison en révélant les illusions transcendantales I - Ce qui va l’obliger à repenser la raison et la métaphysique, à en faire la critique J - La notion de critique chez Kant : une critique de la raison par la raison K - Une sauvegarde de Dieu en invalidant tout discours à l’égard de dieu L - Mais aussi un moyen de sauvegarder les acquis de la science contre le scepticisme et les intégristes religieux Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 1

5 - Les trois domaines de la réflexion kantienne, ses trois «Critique» A - Philosophie théorique (développée surtout dans la Critique de la raison pure) B - Philosophie pratique (exposée dans la Critique de la raison pratique et les Fondements de la métaphysique des mœurs) C - Philosophie esthétique (dans la Critique de la faculté de juger) 6 - La théorie kantienne de la connaissance (première Critique) - «Que puis-je connaître ?» A - Il qualifie son système d’idéalisme transcendantal B - Le centre de la connaissance est le sujet connaissant (inversion copernicienne) C - Pour Kant, c’est donc le sujet qui donne ses règles à l’objet D - Il en déduit que nous ne pouvons pas connaître la réalité en soi (nouménale) E - Nous n’avons accès qu’à la réalité sous forme de phénomènes F - La distinction entre connaissance pure et connaissance empirique G - Jugement analytique, a priori, et jugement synthétique a postériori H - L'esthétique transcendantale, ou ce qu’il est possible de connaître a priori : le temps et l’espace I - Les facultés de l’esprit à l’origine de la connaissance : - La sensibilité - La faculté de l’entendement - La faculté de raison J - C’est l’association des catégories pures de l’entendement avec les sensations qui donne le savoir objectif des phénomènes K - Cette association délimite le «champ de l’expérience possible» L - L’illusion transcendantale et les illusions transcendantales : sur le monde, les preuves de dieu, les théologies... M - Les idées transcendantales : Dieu, l’âme, la liberté et le monde échappent à l’entendement humain N - Une assignation métaphysicienne des limites de l’entendement humain O - Ce qui n’est pas accessible à la raison humaine, qui la dépasse, relève de la croyance et de la spéculation P - Le désir de la raison de connaître au-delà est la source de son dogmatisme Q - On ne peut supprimer ce mouvement mais on peut en prendre conscience R - Seul ce qui est accessible à la raison humaine peut former science S - Dans la connaissance scientifique, c’est l’entendement qui doit primer et non la raison T - Mais on peut garder l’idée de finalité «comme si», comme principe heuristique et subjectif U - L’impossibilité d’une vérité certaine sur dieu, positive mais aussi négative, il rend impossible l’athéisme V - Des limites assignées à la philosophie, pour qu’elle respecte bien le propre de la religion et de la science 7 - La philosophie pratique, la philosophie morale de Kant (Deuxième critique) A - Le prolongement des thèses sur la connaissance pour fonder une morale et la liberté B - La morale kantienne, entre piétisme luthérien et rousseauisme C - Il cherche les conditions a priori d’une morale dégagée de l’empirisme D - Une morale qui garantisse l’autonomie de la volonté et la liberté transcendantale E - Le paradoxe d’une morale métaphysicienne, reposant sur des idées transcendantales F - La véritable utilité de la raison est uniquement dans la moralité, elle est fait pour cela G - La «Raison» utilisée en dehors de cette dimension morale est source d’immoralité H - Nous ne pouvons pas les connaître mais il faut faire «comme si» («als ob») I - Les postulats de sa raison pratique : Dieu, l’immortalité de l’âme, la liberté J - Une morale de l’autonomie du sujet, sa critique des morales de l’hétéronomie K - Une morale de la «bonne volonté», la conscience commune sait juger le bien et le mal L - Les conditions de cette bonne volonté : raison et devoir M - Une morale de l’intention, la moralité est liée à la rectitude du vouloir à l’égard de la loi morale N - L’être raisonnable se donne à lui-même sa propre loi, qui rejoint l’universelle O - La loi morale, une loi a priori découverte par la raison pratique P - La loi morale s’impose à tout être raisonnable en tant qu’impératif catégorique Q - Le devoir, ou obligation morale, c’est l’obéissance à la loi morale par respect pour la loi R - Un devoir indépendant des causes et des conséquences (comme dans les éthiques conséquentialistes) S - Seul compte l’acte moral en lui-même et pour lui-même, sans recherche d’intérêt personnel ou des conséquences Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 2

T - On doit agir non pas « conformément au devoir », mais «par devoir» U - Pour que le devoir moral soit accompli, il faut vouloir la loi morale et pas seulement s’y conformer V - Un impératif moral est universel : son extension sans contradiction à tous les hommes W - Exemple du mensonge et d’une célèbre polémique avec Benjamin Constant X - Pour Kant, nous sommes libres quand nous sommes moraux Y - Que m’est-il possible d’espérer ? un bonheur qui n’est pas dans ce monde, mais dans l’au-delà Z - Pourtant, il n’y a pas de preuve de cela, mais il faut faire «comme si» @ - Une morale rigoriste, impraticable et inconsistante, qui revient en fait à la morale luthérienne avec une théorisation-justification... kantienne ! & - Qui aboutit à d’étonnantes positions comme l’autorisation de le peine de mort 8 - La philosophie esthétique de Kant (troisième Critique) - [non traité dans ce cours] A - La faculté de jugement, articulation entre raison théorique et raison pratique B - L’analyse du jugement esthétique comme «jugement de goût» C - Une réflexion sur ce qui nous fait juger qu'une chose est belle D - Le beau est un produit de notre sens esthétique, et non de l’objet E - Les définitions kantiennes du beau 1 - Le beau est un intermédiaire entre sensibilité et entendement, une universalité sans concept 2 - Le beau est une finalité sans fin, il n’est ni utile ni n’a de fin extérieure 3 - Un plaisir désintéressé - le beau n’est ni l’agréable ni l’utile 4 - Le beau est universel, je juge pour tout le monde 5 - Il faut faire «comme si» c’était une qualité des choses F - La satisfaction esthétique provient du «libre jeu» des facultés de l’esprit G - Sa redéfinition de l’art, dissocié de la vérité 9 - Il assigne un nouveau rôle à la philosophie, celui de la connaissance métaphysique des fins de la raison A - Il distingue la philosophie des autres formes de savoir B - L’objet de la philosophie est la connaissance de la raison humaine C - La philosophie est une connaissance D - Mais elle n’est «ni dans le ciel ni sur la terre» E - La philosophie est assignée à une Raison finie F - Une philosophie réduite à une connaissance théorique

III

CONCLUSION 1 - Un philosophe des Lumières et même défenseur des Lumières en Allemagne 2 - Mais de Lumières très limitées, voir parfois assez éloignées des Lumières 3 - Kant est plus un philosophe de l'Aufklärung que des Lumières 4 - Il partage partiellement des principes des Lumières mais sans être vraiment assimilable aux Lumières 5 - Des réponses formulées au 18ème siècle à un problème philosophique du 17ème siècle 6 - Une philosophie ambiguë, absconse, peu claire et très trompeuse 7 - Une philosophie du statu quo entre idéalisme et empirisme, entre raison et religion 8 - Elle finira par être dépassée par les progrès de la science et de la réflexion critique 9 - Peu d’influences sur les Lumières en raison de ses publications tardives et de ses idées 10 - Mais une immense influence en Allemagne, dans l’idéalisme allemand et le néo-kantisme 11 - Des influences dans de nombreux courants philosophiques ultérieurs (post-kantien sans être toujours kantien) 12 - Un auteur et des réflexions devenues incontournables dans les théories de la connaissance, de la morale et de l’esthétique ORA ET LABORA

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 3

Document 1 : Principaux représentants des Lumières allemandes, classés par ordre chronologique. -

Christian Thomasius (1655-1728) Christian Wolff (1679-1754) Hermann Samuel Reimarus (1694-1768) et L'Objectif de Jésus et de ses disciples (1778) Alexander Gottlieb Baumgarten (1714-1762), le créateur de l’esthétisme Johann Joachim Spalding (1714-804) et Destination de l’homme (1748) Johann Joachim Winckelmann (1717-1768) et l’Histoire de l’Art de l’Antiquité (1764) Johann Basedow (1723-1790) et la pédagogie Frédéric II de Prusse (1712-1786) - roi de Prusse à partir de 1740 Les français des Lumières allemandes : - Pierre Louis Moreau de Maupertuis (1698-1759) - 1740-1758 - Le marquis d'Argens (1703-1771) - 1740-1765 - Julien Offray de La Mettrie (1709-1751) - 1747-1751 - Christian Felix Weiße (1726-1804) - Emmanuel Kant (1727-1804) - Moses Mendelssohn (1729-1786) - Gotthold Ephraim Lessing (1729-1781) - Christoph F. Nicolai (1733-1811), éditeur et journaliste - Christoph Martin Wieland (1733-1813) - Johannes Nikolaus Tetens (1736-1807) - Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799) et les cahiers d’aphorismes

Document 2 : Gravure du début du 19ème siècle représentant la maison natale de Kant à Königsberg.

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 4

Document 3 : Brève biographie d’Emmanuel Kant. 1 - Sa naissance le 22 avril 1724 à Königsberg en Prusse orientale 2 - Le philosophe Königsberg, il ne s’éloignera jamais de cette ville (l’actuelle Kaliningrad en Russie) 3 - Il naît dans un milieu familial modeste, son père est sellier et sa mère adepte du piétisme 4 - 1732-1739, il fait ses études primaires au Collegium Fredericianum dirigé par le pasteur piétiste Albert Schultz 5 - En 1737, mort de sa mère, il restera toute sa vie marqué par son piétisme 6 - En 1740, il rentre à l’université de Königsberg pour y étudier la théologie 7 - Une université dominée par des théologiens voulant concilier le piétisme en matière morale et religieuse avec le rationalisme philosophique de Wolf et Leibniz 8 - Dès cette époque, il s’éloigne des manifestations extérieures de la religion et du formalisme du piétisme 9 - Il est marqué par la science newtonienne, incarnation pour lui d’une science a priori 10 - S’il s’éloigne de Wolf il en retire la méthode, qu’il prend comme modèle de toute spéculation philosophique 11 - En 1746, mort de son père, ce qui le prive de toute ressource 12 - Pour gagner sa vie, il devient précepteur pour les familles de la noblesse de Königsberg 13 - 1755, il devient privat-dozent à l'université de Königsberg (professeur payé par ses élèves) 14 - Une vie tout entière consacrée au professorat, une carrière universitaire de 42 ans, de 1755 à 1797 15 - Mais des débuts modestes, à un niveau subalterne et sans grandes publications 16 - Ce qui l’oblige à un enseignement volumineux et disparate, de la métaphysique à la géographie 17 - L’enseignement qu’il donne de la métaphysique wolfienne lui en montre les insuffisances 18 - Une vie minutieusement réglée, consacrée à l’enseignement et la lecture, devenue célèbre pour sa promenade quotidienne 19 - À partir de 1760, il se centre sur la théologie naturelle et les doctrines du beau 20 - 1762, lectures de Rousseau, notamment l’Emile et la profession de foi du vicaire savoyard 21 - 1764, publication de Observations sur le sentiment du beau et du sublime 22 - De 1766 à 1772, il est nommé sous-bibliothécaire, à la Bibliothèque de la Cour 23 - 1770, Il est enfin nommé professeur titulaire ordinaire à Königsberg 24 - Une œuvre tardive, publiée à partir de 1781 alors qu’il approche de la soixantaine 25 - 1781, il publie la Critique de la raison pure, la première des trois critiques 26 - 1783, pour se défendre des critiques, publication des Prolégomènes à toute métaphysique future 27 - 1784, défense des Lumières contre le pasteur Johann Friedrich Zôllner avec Qu’estce que les Lumières ? 28 - 1785, publication des Fondements de la métaphysique des mœurs 29 - 1786, élection à l'Académie de Berlin 30 - 1787, seconde édition remaniée de la Critique de la raison pure 31 - 1788, publication de la Critique de la raison pratique 32 - 1789, les débuts de la Révolution française suscitent l'intérêt de Kant 33 - 1786, sa participation à la querelle du panthéisme qui oppose Mendelssohn et Jacobi 34 - 1786, mort de Frédéric II protecteur des Lumières, on ne sait pas qu’elle sera la politique à leur égard du nouveau roi Frédéric-Guillaume 35 - 1795, publication de son Projet de paix perpétuelle inspiré par la révolution française 36 - 1790, publication de Critique de la faculté de juger (3ème critique) 37 - 1793, publication de La Religion dans les limites de la simple raison (ouvrage publié sous la censure) 38 - Il promet à Frédéric-Guillaume II de ne plus publier de livre sur la religion 39 - En 1798, la mort du roi le délie de sa promesse, il y revint avec Le Conflit des facultés de 1798 40 - En 1797, affaibli par l'âge, il renonce à l'enseignement et passe les dernières années de sa vie à achever sa métaphysique 41 - 1797, publication de la Métaphysique des mœurs 42 - 1798, publication de Anthropologie d'un point de vue pragmatique 43 - 1800, très affaibli il se retire de la vie publique 44 - Sa mort le 12 février 1804 à l’âge de 80 ans à Königsberg. Au moment de mourir il aurait prononcé : «Es ist gut» - «C’est bien»

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 5

Document 4 : La vie d’Emmanuel Kant est liée à la ville Königsberg, ancienne capitale de l'Ordre Teutonique. En effet, après la chute de la forteresse teutonique de Marienbourg en 1457, Königsberg devint la capitale de l'Ordre Teutonique et de la Prusse-Orientale. En récompense de son ralliement à la cause autrichienne au début de la Guerre de Succession d'Espagne (1701-1714), l'électeur Frédéric III de Brandebourg obtint l'élévation de la Prusse au rang de royaume, et c'est naturellement à Königsberg qu'il se fit couronner en tant que Frédéric Ier de Prusse. La cathédrale de Königsberg est l'un des bâtiments historiques les plus importants de la ville. Partiellement détruite en 1944 par les raids aériens alliés lors de la Seconde Guerre mondiale, la cathédrale est reconstruite après la guerre. C’est là qu’Emmanuel Kant est enterré.

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 6

Document 5 : La ville de Königsberg est célèbre dans l’histoire des mathématiques grâce au mathématicien suisse Leonhard Euler (1707-1783), qui définit en 1736 les graphes qui depuis portent son nom, en se penchant sur le problème des sept ponts de Königsberg. La ville de Königsberg est traversée par la rivière Pregolia, qui entoure deux grandes îles reliées entre elles et aux deux rives par sept ponts. Le problème était de savoir s'il est possible de suivre un chemin qui emprunte chaque pont une fois et une seule et revienne au point de départ. Euler a établi que, pour que ce soit possible, il aurait fallu que chacune des quatre zones géographiques (les deux îles et les deux rives) soit atteinte par un nombre pair de ponts. La résolution de ce problème est considérée comme le premier théorème de la théorie des graphes.

Carte de Königsberg avec ses sept ponts.

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 7

Document 6 : C’est à l’université de Königsberg (l'Albertina) que Kant fit ses études et travailla ensuite. Elle fut fondée en 1544 par le duc Albert de Brandebourg pour constituer un contrepoids luthérien à l’Académie de Cracovie qui était catholique (le Duché de Prusse orientale étant à l’époque un fief du Royaume de Pologne). Il la fonda par une ordonnance du 20 juillet 1544 et elle fut désignée poétiquement un siècle plus tard sous l'appellation d’Albertina en son hommage par Simon Dach, recteur en 1656, Un de ses premiers enseignant fut l’humaniste Andreas Osiander (1498-1552), célèbre pour la publication du De revolutionibus orbium coelestium de Nicolas Copernic en 1543. Il écrivit une préface anonyme expliquant que le système héliocentrique n'était qu'un instrument mathématique (thèse que défendit en 1616 le cardinal Robert Bellarmin contre Galilée). Il fallut attendre Kepler pour que soit révélée que l'auteur de la préface n'était pas Copernic mais ce théologien luthérien.

Carte postale du XIXe siècle représentant l'université Albertina de Königsberg.

Portrait d’Andreas Osiander par Georg Pencz (1500-1500) en 1544.

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 8

Document 7 : La vie de Kant se confond avec sa vie professionnelle et sa doctrine. Sa vie est saine et régulière : levé à 5H, il commence sa journée en fumant sa pipe et en buvant du thé puis travaille jusqu'à 7H, heure de son premier cours jusqu’à 10H. À son retour, il travaille jusqu'à 13H. C'est alors l'heure du déjeuner, son seul repas de la journée. Il ne mange jamais seul. Ses invités, de 2 à 8 pour que l'ensemble des convives ne soit pas inférieur au nombre des Grâces ni supérieur à celui des Muses, ne sont prévenus que le matin même pour n'avoir pas à renoncer à un autre engagement : ne viennent que ceux qui sont libres. Convive apprécié, amateur de bon vin, Kant ne fait jamais porter la conversation sur son œuvre. Elle se poursuit jusqu'au milieu de l'après midi. Après quoi Kant va se promener toujours à la même heure. Rentré chez lui, Kant travaille jusqu'à 22H et se couche.

Kant et ses commensaux (tableau de Doerstling, vers 1900).

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 9

Document 8 : Oeuvres principales d’Emmanuel Kant. PÉRIODE PRÉCRITIQUE - Nouvelles Explications des premiers principes métaphysiques (1755, mémoire d'habilitation) - Considérations sur l'optimisme (1759) - L'Unique Fondement possible d'une démonstration de l'existence de Dieu (1763) - Essai pour introduire en philosophie le concept de grandeur négative (1763) - Observations sur le sentiment du beau et du sublime (1764) - Recherche sur l'évidence des principes de la théologie naturelle et de la morale (1764) - Rêves d'un visionnaire expliqués par des rêves métaphysiques (1766) - De la forme et des principes du monde sensible et du monde intelligible (1770) PÉRIODE CRITIQUE - Critique de la raison pure - Kritik der reinen Vernunft (1781, 1787) - Prolégomènes à toute métaphysique future qui voudra se présenter comme science (1783). - Idée pour une histoire universelle d’un point de vue cosmopolite (1784) - Réponse à la question : Qu'est-ce que les Lumières ? (1784) - Comptes rendus de l'ouvrage de Herder : Idées sur la philosophie de l'humanité (1785) - Définition du concept de race humaine (1785) - Fondements de la métaphysique des mœurs (1785) - Qu'est-ce que s'orienter dans la pensée ? (1786) - Premiers Principes métaphysiques de la science de la nature (1786) - Critique de la raison pratique (1788) - Sur l'usage des principes téléologiques dans la philosophie (1788) - Critique de la faculté de juger (1790) - Sur une découverte selon laquelle toute nouvelle critique de la raison pure serait rendue superflue par une plus ancienne (1790) - Sur le mysticisme et les moyens d'y remédier (1790) - Sur l'insuccès de tous les essais de théodicée (1791) - Sur le mal radical (1792) - La Religion dans les limites de la simple raison (1793) - Sur l'expression courante : il se peut que ce soit juste en théorie, mais en pratique cela ne vaut rien (1793) - La Fin de toutes choses (1794) - Projet de paix perpétuelle (1795) - D'un ton grand seigneur adopté naguère en philosophie (1796) - Annonce de la prochaine conclusion d'un traité de paix perpétuelle en philosophie (1796) - La Métaphysique des mœurs (1797) - Sur un prétendu droit de mentir par humanité (1797) - Le Conflit des facultés (1798) - Anthropologie d'un point de vue pragmatique (1798) - Logique (1800) - Réflexions sur l'éducation (1803) - Les Progrès de la métaphysique en Allemagne depuis Leibniz et Wolff (1804)

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 10

Document 9 : Portraits d’Emmanuel Kant.

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 11

Document 10 : Frontispice de la première édition de la Critique de la raison pure.

Document 11 : La réflexion fondamentale de Kant est venue d’une interrogation sur la crise de la métaphysique, particulièrement remise en cause par le mouvement des Lumières en général (la seule exception est l’Aufklärung universitaire) et notamment par Hume. Kant l’explique dans le texte suivant. Depuis les essais de Locke et de Leibniz, ou plutôt depuis la naissance de la métaphysique, si loin que remonte son histoire, aucun événement ne s'est produit qui eût pu être plus décisif pour la destinée de cette science que l'attaque dont elle fut l'objet de la part de David Hume. Il n'apporta aucune lumière en cette espèce de connaissance, mais il fit jaillir une étincelle avec laquelle on aurait pu allumer une lumière si elle avait rencontré une mèche inflammable, dont on eût pris soin d'entretenir et d'augmenter l'éclat. [...] J'en conviens franchement : l'avertissement de Hume fût précisément ce qui, voilà bien des années, vint interrompre mon sommeil dogmatique, et donna une tout autre orientation à mes recherches dans le domaine de la philosophie spéculative. J'étais fort éloigné de le suivre dans ses conclusions qui résultaient simplement de ce qu'il ne se représentait pas le problème en entier -, il s'en tenait à une partie qui ne peut apporter éclaircissement si l'on ne fait pas entrer le tout en ligne de compte. Lorsqu'on part d'une conception fondée qu'un autre nous lègue sans l'avoir développé, on est en droit d'espérer qu'en poursuivant la réflexion on ira plus loin que l'homme pénétrant auquel on devait la première étincelle de cette lumière. Emmanuel Kant (1724-1804) Prolégomènes à toute métaphysique future, 1783

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 12

Document 12 : La pensée de Kant va s’efforcer de réfuter à la fois ceux qu’il appelle les «dogmatiques» et de l’autre, les empiristes et sceptiques. Pour lui, ce sont deux perversions de la raison.

KANTISME

S’OPPOSE

«DOGMATIQUE»

«EMPIRISTES ET SCEPTIQUES»

DESCARTES

LOCKE

SPINOZA

BERKELEY

LEIBNIZ

HUME

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 13

Document 13 : C’est dans ce passage de la Critique de la Raison pure qu’il propose le changement de perspective dans la manière de penser la connaissance : non plus par l’objet mais par le sujet. C’est luimême qui assimile cela à une révolution similaire à celle de Copernic. Mais il ne faut se tromper sur l’interprétation, en science et en philosophie, les conclusions fondamentales de la révolution copernicienne ont déjà été intégrées depuis le 17ème siècle, depuis Giordano Bruno, Descartes, Pascal, Spinoza, Liebniz, Locke, Malebranche, Gassendi, Mersenne, etc. Je devrais penser que l’exemple de la Mathématique et de la Physique qui, par l’effet d’une révolution subite, sont devenues ce que nous voyons, était assez remarquable pour faire réfléchir sur le caractère essentiel de ce changement de méthode qui leur a été si avantageux et pour porter à l’imiter ici - du moins à titre d’essai, - autant que le permet leur analogie, en tant que connaissances rationnelles, avec la métaphysique. Jusqu’ici on admettait que toute notre connaissance devait se régler sur les objets ; mais, dans cette hypothèse, tous les efforts tentés pour établir sur eux quelque jugement a priori par concepts, ce qui aurait accru notre connaissance, n’aboutissaient à rien. Que l’on essaie donc enfin de voir si nous ne serons pas plus heureux dans les problèmes de la métaphysique en supposant que les objets doivent se régler sur notre connaissance, ce qui s’accorde déjà mieux avec la possibilité désirée d’une connaissance a priori de ces objets qui établisse quelque chose à leur égard avant qu’ils nous soient donnés. Il en est précisément ici comme de la première idée de Copernic ; voyant qu’il ne pouvait pas réussir à expliquer les mouvements du ciel, en admettant que tout l’armée des étoiles évoluait autour du spectateur, il chercha s’il n’aurait pas plus de succès en faisant tourner l’observateur lui-même autour des astres immobiles. Or, en Métaphysique, on peut faire un pareil essai, pour ce qui est de l’intuition des objets. Si l’intuition devait se régler sur la nature des objets, je ne vois pas comment on pourrait connaître quelque chose a priori ; si l’objet, au contraire (en tant qu’objet de sens), se règle sur la nature de notre pouvoir d’intuition, je puis me représenter à merveille cette possibilité. Emmanuel Kant (1724-1804) Critique de la raison pure, Préface traduction de A. Tremesaygues et B. Pacaud, PUF, 1971

Document 14 : Une autre idée maîtresse de la pensée de Kant est la distinction entre les noumènes et les phénomènes, qu’eux seuls nous pouvons connaître. La réalité échappe donc à notre connaissance, puisque nous pouvons connaître que les phénomènes des choses. J’avoue donc bien qu’il y a hors de nous des corps, c’est-à-dire des choses qui, bien qu’elles nous soient tout à fait inconnues quant à ce qu’elles peuvent être en ellesmêmes, nous sont cependant connues par les représentations que nous procure leur action sur notre sensibilité, et auxquelles nous donnons le nom de corps, mot qui n’indique par conséquent que le phénomène de cet objet à nous non connu mais néanmoins réel. Emmanuel Kant (1724-1804) Prolégomènes à toute métaphysique future, 1re partie

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 14

Document 15 : La pensée de Kant, dans la Critique de la raison pure se déploie à partir de trois questions (canon de la raison pure, chapitre de la méthodologie, Sec. II). Il fait de ces questions philosophiques les buts de la philosophie. Il reprendra la formulation de ces trois questions dans un essai plus tardif, intitulé Logique, où il introduira une quatrième question liée à l’homme et à l’anthropologie. Son raisonnement s’organise ainsi. - Que puis-je savoir ? - Que dois-je faire ? - Que puis-je d'espérer ? - Qu’est-ce que l’homme ?

C’est ce qu’indique la métaphysique, les phénomènes C’est ce qu’indique la morale, l’impératif catégorique C’est ce qu’enseigne la religion, Il n’y a pas de bonheur terrestre C’est ce qu’enseigne l’anthropologie.

Tout intérêt de ma raison (tant spéculatif que pratique) se ramène aux trois questions suivantes : 1° Que puis-je savoir ? 2° Que dois-je faire ? 3° Que puis-je espérer ? La première question est purement spéculative. Nous en avons épuisé (je m'en flatte) toutes les solutions possibles, et nous avons trouvé enfin celle dont la raison doit se contenter et dont, quand elle Ile regarde que la pratique, elle a d'ailleurs sujet d'être satisfaite ; mais nous sommes restés tout aussi éloignés des deux grandes fins où tendent proprement tous ces efforts de la raison pure que si nous avions dès le début renoncé à ce travail par paresse, Si donc c'est du savoir qu'il s'agit, il est du moins sûr et décidé que, sur ces deux problèmes, nous ne l'aurons jamais en partage. La seconde question est purement pratique. Si elle peut comme telle appartenir à la raison pure, elle n'est cependant pas transcendentale, mais morale, et par conséquent elle ne peut d'elle-même occuper notre critique. La troisième question : si je fais tout ce que je dois, que puis-je alors espérer ? est à la fois pratique et théorétique, de telle sorte que l'ordre pratique ne conduit que comme un fil conducteur à la solution de la question théorétique et, quand celle-ci s'élève, de la question spéculative. Emmanuel Kant (1724-1804) Critique de la raison pure, 1781 canon de la raison pure, chapitre de la méthodologie, Sec. II

Le domaine de la philosophie se ramène aux questions suivantes : 1) Que puis-je savoir ? 2) Que dois-je faire ? 3) Que m'est-il permis d'espérer ? 4) Qu'est-ce que l'homme ? à la première question répond la métaphysique, à la seconde la morale, à la troisième la religion, à la quatrième l'anthropologie. Emmanuel Kant (1724-1804) Logique, 1800 trad. Guillermit, éd. Vrin 1966

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 15

Document 16 : Kant fait du temps et de l’espace (notions provenant de la révolution newtonienne) deux notions clefs de son esthétique transcendantale, qui étudie les formes a priori de l'intuition qui sont requises pour toute expérience possible. Ainsi, il nous est impossible de faire l'expérience, et donc de connaître quelque chose, sans les connaître à travers ces formes a priori de l'intuition, qui sont l'espace et le temps. A) Le temps n’est pas quelque chose qui existe en soi, ou qui soit inhérent aux choses comme une détermination objective, et qui, par conséquent, subsiste, si l'on fait abstraction de toutes les conditions subjectives de leur intuition ; dans le premier cas, en effet, il faudrait qu'il fût quelque chose qui existât réellement sans objet réel. Mais dans le second cas, en qualité de détermination ou d'ordre inhérent aux choses elles-mêmes, il ne pourrait être donné avant les objets comme leur condition, ni être connu et intuitionné a priori par des propositions synthétiques; ce qui devient facile, au contraire, si le temps n'est que la condition subjective sous laquelle peuvent trouver place en nous toutes les intuitions. Alors, en effet, cette forme de l'intuition intérieure peut être représentée avant les objets et, par suite, a priori. B) Le temps n'est autre chose que la forme du sens interne, c'est-à-dire de l'intuition de nous-mêmes et de notre état intérieur. En effet, le temps ne peut pas être une détermination des phénomènes extérieurs, il n'appartient ni à une figure, ni à une position, etc. ; au contraire, il détermine le rapport des représentations dans notre état interne. Et, précisément parce que cette intuition intérieure ne fournit aucune figure, nous cherchons à suppléer à ce défaut par des analogies et nous représentons la suite du temps par une ligne qui se prolonge à l'infini et dont les diverses parties constituent une série qui n'a qu'une dimension, et nous concluons des propriétés de cette ligne à toutes les propriétés du temps, avec cette seule exception que les parties de la première sont simultanées, tandis que celles du second sont toujours successives. Il ressort clairement de là que la représentation du temps lui-même est une intuition, puisque tous ses rapports peuvent être exprimés par une intuition extérieure. C) Le temps est la condition formelle a priori de tous les phénomènes en général. L’espace, en tant que forme pure de l'intuition extérieure, est limité, comme condition a priori simplement aux phénomènes externes. Au contraire, comme toutes les représentations, qu'elles puissent avoir ou non pour objets des choses extérieures, appartiennent, pourtant, en elles-mêmes, en qualité de déterminations de l'esprit, à l'état interne, et, comme cet état interne est toujours soumis à la condition formelle de l'intuition intérieure et que, par suite, il appartient au temps, le temps est une condition a priori de tous les phénomènes intérieurs (de notre âme), et, par là même, la condition médiate des phénomènes extérieurs. Emmanuel Kant (1724-1804) Critique de la Raison pure, 1781 traduction de A. Tremesaygues et B. Pacaud, PUF, 1980

Document 17 : Pour Kant, la connaissance repose sur une intuition sensible, l’association de l’intuition, des sens et de l’entendement. Ainsi, pour Kant toute connaissance commence par l’expérience mais cela ne veut pas dire qu’elle provienne dans sa totalité de l’expérience. Car la connaissance la plus élevée est pour lui celle qui s’obtient sans expérience au moyen de la raison pure. De quelque manière et par quelque moyen qu'une connaissance puisse se rapporter à des objets, le mode par lequel elle se rapporte immédiatement aux objets et auquel tend toute pensée comme au but en vue duquel elle est le moyen, est l'intuition. Mais cette intuition n’a lieu qu'autant que l'objet nous est donné; ce qui n'est possible à son tour, du moins pour nous autres hommes, qu'à la condition que l'objet affecte d'une certaine manière notre esprit. La capacité de recevoir (réceptivité) des représentations grâce à la manière dont nous sommes affectés par les objets se nomme sensibilité. Ainsi, c'est au moyen de la sensibilité que des objets nous sont donnés, seule elle nous fournit des intuitions ; mais c'est l'entendement qui pense ces objets et c'est de lui que naissent les concepts. Et il faut que toute pensée, soit en ligne droite (directe), soit par détours (indirecte), se rapporte finalement à des intuitions, par conséquent, chez nous, la sensibilité, parce que nul objet ne peut nous être donné d'une autre façon. L'impression d'un objet sur la faculté représentative, en tant que nous en sommes affectés, est la sensation, et l'intuition qui se rapporte à l'objet au moyen de la sensation s'appelle empirique. Emmanuel Kant (1724-1804) Critique de la raison pure,1781 traduction de A. Tremesaygues et B. Pacaud, PUF, 1980 Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 16

Document 18 : Pour Kant, toutes les connaissances s’expriment par des jugements (des relations entre un sujet et un prédicat), qu’il classe en trois catégories : les deux premières étant connues antérieurement, la troisième étant une catégorie qu’il affirme comme étant sa découverte personnelle. JUGEMENTS ANALYTIQUES A PRIORI Ils sont EXPLICATIFS ceux dans lesquels l'attribut est contenu dans le sujet et qui n’apportent rien de nouveau au prédicat. On les obtient en raisonnant. Exemples : - Le triangle a trois angles. - Tous les corps ont un volume. Ils sont typiques des Mathématiques JUGEMENTS SYNTHÉTIQUES A POSTERIORI Ils sont EXTENSIFS, puisque l'attribut ajoute quelque chose qui n'était pas contenu dans le sujet. Ils apportent de nouvelles informations grâce à l’expérience. Exemples : - Tous les corps ont une masse. - Quand il pleut et qu’il y a du soleil on voit l’arc-en-ciel. Ils sont typiques de la physique a posteriori JUGEMENTS SYNTHÉTIQUES A PRIORI Comme nouveauté, Kant affirme qu’il existe aussi des jugements synthétiques a priori. Ce sont de nouvelles connaissances qui peuvent s’obtenir seulement en raisonnant sans expérience préalable. Exemples : - Les trois angles d'un triangle mesurent 180° - 7+5=12 - Tout ce qui commence a une cause.

Document 19 : Pour Kant, les limites de la raison aboutissent à des «antinomies», des conflits insolubles entre deux thèses opposées où la raison ne peut se déterminer en faveur d'une des deux thèses possibles. Première antinomie : la finitude ou non du Monde Soit le monde a un commencement dans le temps et est limité d’un point de vue spatial, soit le monde n’a pas de commencement et n’a pas de limites dans l’espace et il est donc infini aussi bien du point de vue du temps que de l’espace. Deuxième antinomie : sur l’existence ou non, d’une entité matérielle indivisible Soit toute substance est constituée de parties simples et il n’existe nulle part quelque chose d’autre que le simple ou que ce qui en est composé, soit aucune chose composée dans le monde n'est constituée de parties simples et il n'existe nulle part rien de simple en elle. Troisième antinomie : l'existence ou non de la liberté Soit la causalité d’après les lois de la nature n’est pas la seule forme de causalité à partir de laquelle on peut déduire l’ensemble des phénomènes du monde, et il est donc nécessaire de supposer une causalité par la liberté, soit il n’existe pas de liberté et tout dans le monde a lieu d’après les strictes lois de la nature. Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 17

Quatrième antinomie : l'existence ou non de Dieu Soit un être nécessaire, de manière inconditionnée, fait partie du monde que ce soit comme sa partie ou comme sa cause, soit il n’existe nulle part un être nécessaire, de manière inconditionnée, que ce soit dans le monde ou en dehors du monde ou conçu comme sa cause.

Document 20 : Une sous-partie de son idéalisme transcendentale est «l’analytique transcendantale», qui analyse le fonctionnement de l’entendement (la seconde faculté de l’esprit), qui est la capacité de juger et de former des concepts. Cette faculté possède selon lui des formes a priori de l’entendement, ou catégories, qui sont au nombre de 12. Grace à ces catégories, l’entendement qui travaille avec les données que lui donne la sensibilité peut formuler des jugements et des affirmations. Quantité : Unité Pluralité Totalité Qualité : Réalité Négation Limitation Relation : Inhérence et subsistance Causalité et dépendance Communauté Modalité : Possibilité - impossibilité Existence - non-existence Nécessité - contingence

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 18

Document 21 : La philosophie de Kant fait du devoir pour le devoir la notion centrale de sa morale. Devoir ! nom sublime et grand, toi qui ne renfermes rien en toi d'agréable, rien qui implique insinuation, mais qui réclames la soumission, qui cependant ne menaces de rien de ce qui éveille dans l'âme une aversion naturelle et l'épouvante pour mettre en mouvement la volonté, mais poses simplement une loi qui trouve d'elle-même accès dans l'âme et qui cependant gagne elle-même malgré nous la vénération (sinon toujours l'obéissance), devant laquelle se taisent tous les penchants, quoiqu'ils agissent contre elle en secret ; quelle origine est digne de toi, et où trouve-t-on la racine de ta noble tige, qui repousse fièrement toute parenté avec les penchants, racine dont il faut faire dériver, comme de soit origine, la condition indispensable de la seule valeur que les hommes peuvent se donner à eux-mêmes. Ce ne peut être rien de moins que ce qui élève l'homme au-dessus de lui-même (comme partie du monde sensible), ce qui le lie à un ordre de choses que l'entendement seul peut concevoir et qui en même temps commande à tout le monde sensible et avec lui à l'existence, qui peut être déterminée empiriquement, de l'homme dans le temps, à l'ensemble de toutes les fins (qui est uniquement conforme à ces lois pratiques et inconditionnées comme la loi morale). Ce n'est pas autre chose que la personnalité, c'est-à-dire la liberté et l'indépendance à l'égard du mécanisme de la nature entière, considérée cependant en même temps comme un pouvoir d'un être qui est soumis à des lois spéciales, c'est-à-dire aux lois pures pratiques données par sa propre raison, de sorte que la personne, comme appartenant au monde sensible, est soumise à sa propre personnalité, en tant qu'elle appartient en même temps au monde intelligible. il n'y a donc pas à s'étonner que l'homme, appartenant à deux mondes, ne doive considérer son propre être, relativement à sa seconde et à sa plus haute détermination qu'avec vénération et les lois auxquelles il est en ce cas soumis, qu'avec le plus grand respect. Emmanuel Kant (1724-1804) Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785, 2ème section trad.V. Delbos, Éd. Delagrave, 1977 Si nous avons tiré jusqu’ici notre concept du devoir de l’usage commun de la raison pratique, il n’en faut nullement conclure que nous l’ayons traité comme un concept empirique. Loin de là, si nous appliquons notre attention à l’expérience de la conduite des hommes, nous nous trouvons en présence de plaintes continuelles et, nous l’avouons nous-mêmes, légitimes, sur ce fait qu’il n’y a point d’exemples certains que l’on puisse rapporter de l’intention d’agir par devoir, que mainte action peut être réalisée conformément à ce que le devoir ordonne, sans qu’il cesse pour cela d’être encore douteux qu’elle soit réalisée proprement par devoir et qu’ainsi elle ait une valeur morale. Voilà pourquoi il y a eu en tout temps des philosophes qui ont absolument nié la réalité de cette intention dans les actions humaines et qui ont tout attribué à l’amour-propre plus ou moins raffiné ; ils ne mettaient pas en doute pour cela la justesse du concept de moralité ; ils parlaient au contraire avec une sincère affliction de l’infirmité et de l’impureté de la nature humaine, assez noble, il est vrai, suivant eux, pour faire sa règle d’une idée si digne de respect, mais en même temps trop faible pour la suivre, n’usant de la raison qui devrait servir à lui donner sa foi que pour prendre souci de l’intérêt des inclinations, soit de quelques-unes d’entre elles, soit, si l’on met les choses au mieux, de toutes, en les conciliant entre elles le mieux possible. Emmanuel Kant (1724-1804) Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785, 2ème section trad. V. Delbos, Éd. Delagrave, 1977

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 19

Document 22 : Le premier impératif catégorique kantien est le suivant, il fonde tous les autres. Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature. Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, en ta personne ainsi qu’en celle des autres, comme une fin, et jamais comme un moyen. Agis toujours en sujet autonome, c’est-à-dire indépendant, non pas seulement d’autres volontés, mais encore des objets du vouloir. Emmanuel Kant (1724-1804) Fondement de la métaphysique des mœurs, 1785, 2ème section trad. V. Delbos, Éd. Delagrave, 1977

Document 23 : Le deuxième impératif catégorique pose la valeur inconditionnelle de toute personne. Mais supposé qu'il y ait quelque chose dont l'existence en soi-même ait une valeur absolue, quelque chose qui, comme fin en soi, pourrait être un principe de lois déterminées, c'est alors en cela et en cela seulement que se trouverait le principe d'un impératif catégorique possible, c'est-à-dire d'une loi pratique. Or je dis ; l'homme, et en général tout être raisonnable, existe comme fin en soi, et non pas simplement comme moyen dont telle ou telle volonté puisse user à son gré ; dans toutes ses actions, aussi bien dans celles qui le concernent lui-même que dans celles qui concernent d'autres êtres raisonnables, il doit toujours être considéré en même temps comme fin. Tous les objets des inclinations n'ont qu'une valeur conditionnelle; car si les inclinations et les besoins qui en dérivent n'existaient pas, leur objet serait sans valeur. Mais les inclinations mêmes, comme sources du besoin, ont si peu une valeur absolue qui leur donne le droit d'être désirées pour elles-mêmes, que, bien plutôt, en être pleinement affranchi doit être le souhait universel de tout être raisonnable. Ainsi la valeur de tous les objets à acquérir par notre action est toujours conditionnelle. Les êtres dont l'existence dépend, à vrai dire, non pas de notre volonté, mais de la nature, n'ont cependant, quand ce sont des êtres dépourvus de raison, qu'une valeur relative, celle de moyens, et voilà pourquoi on les nomme des choses ; au contraire, les êtres raisonnables sont appelés des personnes, parce que leur nature les désigne déjà comme des fins en soi, c'est-àdire comme quelque chose qui ne peut pas être employé simplement comme moyen, quelque chose qui par suite limite d'autant toute faculté d'agir comme bon nous semble (et qui est un objet de respect). Ce ne sont donc pas là des fins simplement subjectives, dont l'existence, comme effet de notre action, a une valeur pour nous : ce sont des fins objectives, c'est-à-dire des choses dont l'existence est une fin en soi-même, et même une fin telle qu'elle ne peut être remplacée par aucune autre, au service de laquelle les fins objectives devraient se mettre, simplement comme moyens. Sans cela, en effet, on ne pourrait trouver jamais rien qui eût une valeur absolue. Mais si toute valeur était conditionnelle, et par suite contingente, il serait complètement impossible de trouver pour la raison un principe pratique suprême. Si donc il doit y avoir un principe pratique suprême, et au regard de la volonté humaine un impératif catégorique, il faut qu'il soit tel que, par la représentation de ce qui, étant une fin en soi, est nécessairement une fin pour tout homme, il constitue un principe objectif de la volonté, que par conséquent il puisse servir de loi pratique universelle. Voici le fondement de ce principe : la nature raisonnable existe comme fin en soi. L'homme se représente nécessairement ainsi sa propre existence ; c'est donc en ce sens un principe subjectif d'actions humaines. Mais tout autre être raisonnable se présente également ainsi son existence, en conséquence du même principe rationnel qui vaut aussi pour moi ; c'est donc en même temps un principe objectif dont doivent pouvoir être déduites, comme d'un principe pratique suprême, toutes les lois de la volonté. L'impératif sera donc celui-ci : Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. Emmanuel Kant (1724-1804) Fondement de la métaphysique des mœurs, 2ème section trad. V. Delbos, Éd. Delagrave, 1977

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 20

Document 24 : Kant déplace la religion des questions doctrinales (débat sans fin, inutile et générateur de violences, dont les réponses étant des idées transcendantales sont au-delà des moyens humains) à celle de nos devoirs. La religion se résume alors d’un point de vue pratique à la connaissance de nos devoirs comme commandements divins. La religion (considérée subjectivement) est la connaissance de tous nos devoirs comme commandements divins. Grâce à cette définition, on évite mainte interprétation erronée du concept de religion en général. Premièrement, elle n'exige pas en ce qui concerne la connaissance et la confession théoriques, une science assertorique (même pas celle de l'existence de Dieu) ; car, étant donnée notre déficience pour ce qui est de la connaissance d'objets suprasensibles, cette confession pourrait bien être une imposture ; elle présuppose seulement du point de vue spéculatif, au sujet de la cause suprême des choses, une admission problématique (une hypothèse), mais par rapport à l'objet en vue duquel notre raison, commandant moralement, nous invite à agir, une foi pratique, promettant un effet quant au but final de cette raison, par suite une foi assertorique, libre, laquelle n'a besoin que de l'idée de Dieu où doit inévitablement aboutir tout effort moral sérieux (et, par suite plein de foi) en vue du bien, sans prétendre pouvoir en garantir par une connaissance théorique la réalité objective. Pour ce qui peut être imposé à chacun comme devoir, il faut que le minimum de connaissance (possibilité de l'existence de Dieu) suffise subjectivement. Deuxièmement, on prévient, grâce à cette définition d'une religion en général la représentation erronée, qu'elle constitue un ensemble de devoirs particuliers, se rapportant à Dieu directement, et on évite ainsi d'admettre (ce à quoi les hommes sont d'ailleurs très disposés) outre les devoirs humains moraux et civiques (des hommes envers les hommes) des services de cour, en cherchant peut-être même par la suite à compenser par ces derniers, la carence des premiers. Dans une religion universelle, il n'y a pas de devoirs spéciaux à l'égard de Dieu, car Dieu ne peut rien recevoir de nous ; nous ne pouvons agir ni sur lui, ni pour lui. Emmanuel Kant (1724-1804) Critique de la faculté de juger, 1791 On peut ramener toutes les religions à deux : celle qui recherche des faveurs (religion de simple culte) et la religion morale, c'est-à-dire de la bonne conduite. D'après la première, l'homme se flatte que Dieu peut bien le rendre éternellement heureux sans qu'il ait à vrai dire besoin de devenir meilleur (par la rémission des péchés) ; ou encore, si cela ne lui semble pas possible, il se flatte que Dieu peut bien le rendre meilleur sans qu'il ait autre chose à faire qu'à l'en prier ; ce qui, en présence d'un Être qui voit tout, n'étant autre chose que désirer, serait en réalité ne rien faire ; en effet, si le simple désir suffisait, tout le monde serait bon. Mais, suivant la religion morale (et parmi toutes les religions publiques qu'il y eut jamais, seule la religion chrétienne a ce caractère), c'est un principe fondamental que chacun doit, selon ses forces, faire son possible pour devenir meilleur et ce n'est que lorsqu'il n'a pas enfoui la mine qui lui a été donnée en propre (Luc, XIX, 12-16), lorsqu'il a employé sa disposition originelle au bien, pour devenir meilleur, qu'il peut espérer que ce qui n'est pas en son pouvoir sera complété par une collaboration d'en haut. Et il n'est pas absolument nécessaire que l'homme sache en quoi elle consiste ; peut-être même est-il inévitable que, si la manière dont elle se produit a été révélée à une certaine époque, d'autres hommes, à une autre époque, s'en feraient chacun une idée différente et certes en toute sincérité. Mais alors le principe suivant garde sa valeur : «Il n'est pas essentiel, ni par suite nécessaire à quiconque, de savoir ce que Dieu fait ou a fait pour son salut» ; mais bien de savoir ce que lui-même doit faire pour se rendre digne de ce secours. Emmanuel Kant (1724-1804) La Religion dans les limites de la simple raison, 1793 traduction de J. Gibelin, Vrin, 1972

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 21

Document 25 : À propos des conceptions de Kant sur le bonheur. Le concept du bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu'a tout homme d'arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et il veut. La raison en est que tous les éléments qui font partie du concept du bonheur sont dans leur ensemble empiriques, c'est-à-dire qu'ils doivent être empruntés à l'expérience; et que cependant pour l'idée du bonheur un tout absolu, un maximum de bien-être dans mon état présent et dans toute ma condition future, est nécessaire. Or il est impossible qu'un être fini, si perspicace et en même temps si puissant qu'on le suppose, se fasse un concept déterminé de ce qu'il veut ici véritablement. Veut-il la richesse ? Que de soucis, que d'envie, que de pièges ne peut-il pas par là attirer sur sa tête ! Veut-il beaucoup de connaissance et de lumières ? Peut-être cela ne fera-t-il que lui donner un regard plus pénétrant pour lui représenter d'une manière d'autant plus terrible les maux qui jusqu'à présent se dérobent encore à sa vue et qui sont pourtant inévitables, ou bien que charger de plus de besoins encore ses désirs qu'il a déjà bien assez de peine à satisfaire. Veut-il une longue vie ? Qui lui répond que ce ne serait pas une longue souffrance ? Veut-il du moins la santé ? Que de fois l'indisposition du corps a détourné d'excès où aurait fait tomber une santé parfaite, etc. ! Bref, il est incapable de déterminer avec une entière certitude d'après quelque principe ce qui le rendrait véritablement heureux : pour cela il lui faudrait l'omniscience. (...) Il suit de là que les impératifs de la prudence, à parler exactement, ne peuvent commander en rien, c'est-à-dire représenter des actions d'une manière objective comme pratiquement nécessaires, qu'il faut les tenir plutôt pour des conseils (consilia) que pour des commandements (proecepta) de la raison ; le problème qui consiste à déterminer d'une façon sûre et générale quelle action peut favoriser le bonheur d'un être raisonnable est un problème tout à fait insoluble ; il n'y a donc pas à cet égard d'impératif qui puisse commander, au sens strict du mot, de faire ce qui rend heureux, parce que le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l'imagination, fondé uniquement sur des principes empiriques, dont on attendrait vainement qu'ils puissent déterminer une action par laquelle serait atteinte la totalité d'une série de conséquences en réalité infinie... Emmanuel Kant (1724-1804) Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785

Document 26 : Pour Kant, le Beau ne relève pas de l’agréable. Le goût pour le beau est pour lui une satisfaction désintéressée (ni des sens ni de la raison) et libre. L'agréable et le bon ont l'un et l'autre une relation avec la faculté de désirer et entraînent par suite avec eux, le premier une satisfaction pathologiquement conditionnée (par des excitations, stimulos), le second une pure satisfaction pratique ; celle-ci n'est pas seulement déterminée par la représentation de l'objet, mais encore par celle du lien qui attache le sujet à l'existence de l'objet. Ce n'est pas seulement l'objet, mais aussi son existence qui plaît. En revanche le jugement de goût est seulement contemplatif ; c'est un jugement qui, indifférent à l'existence de l'objet, ne fait que lier sa nature avec le sentiment de plaisir et de peine. Toutefois cette contemplation elle-même n'est pas réglée par des concepts ; en effet le jugement de goût n'est pas un jugement de connaissance (ni théorique, ni pratique), il n'est pas fondé sur des concepts, il n'a pas non plus des concepts pour fin. L'agréable, le beau, le bon désignent donc trois relations différentes des représentations au sentiment de plaisir et de peine, en fonction duquel nous distinguons les uns des autres les objets ou les modes de représentation. Aussi bien les expressions adéquates pour désigner leur agrément propre ne sont pas identiques. Chacun appelle agréable ce qui lui FAIT PLAISIR, beau ce qui lui PLAÎT simplement ; bon ce qu'il ESTIME, approuve, c'est-à-dire ce à quoi il attribue une valeur objective. L'agréable a une valeur même pour des animaux dénués de raison : la beauté n'a de valeur que pour les hommes, c'est-à-dire des êtres d'une nature animale, mais cependant raisonnables, et cela non pas seulement en tant qu'êtres raisonnables (par exemple des esprits), mais aussi en même temps en tant qu'ils ont une nature animale ; le bien en revanche a une valeur pour tout être raisonnable. Cette proposition ne pourra être complètement justifiée et éclaircie que plus tard. On peut dire qu'entre ces trois genres de satisfaction, celle du goût pour le beau est seule une satisfaction désintéressée et libre ; en effet, aucun intérêt, ni des sens, ni de la raison, ne contraint l'assentiment. C'est pourquoi l'on pourrait dire de la satisfaction que, dans les trois cas indiqués, elle se rapporte à l'inclination, à la faveur ou au respect. La FAVEUR est l'unique satisfaction libre. Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 22

Un objet de l'inclination ou un objet qu'une loi de la raison nous impose de désirer, ne nous laissent aucune liberté d'en faire pour nous un objet de plaisir. Tout intérêt présuppose un besoin ou en produit un, et comme principe déterminant de l'assentiment, il ne laisse plus le jugement sur l'objet être libre. Emmanuel Kant (1724-1804) Critique de la faculté de juger (1790), § 5 traduction d'A. Philonenko, Éd. Vrin, 1968

Document 27 : Le criticisme de Kant propose aussi de faire de la philosophie une médiation entre science et métaphysique. Comme l’indique ce passage, Kant considère encore la philosophie comme une source de savoir autonome et, comme les médiévaux, qu’elle est supérieure à la science. Mais au fond, on pourrait tout ramener à l'anthropologie, puisque les trois premières questions se rapportent à la dernière. Car sans connaissances on ne deviendra jamais philosophe, mais jamais non plus les connaissances ne suffiront à faire un philosophe, si ne vient s'y ajouter une harmonisation convenable de tous les savoirs et de toutes les habiletés jointes à l'intelligence de leur accord avec les buts les plus élevés de la raison humaine. De façon générale, nul ne peut se nommer philosophe s'il ne peut philosopher. Mais on n'apprend à philosopher que par l'exercice et par l'usage qu'on fait soimême de sa propre raison. Comment la philosophie se pourrait-elle, même à proprement parler, apprendre ? En philosophie, chaque penseur bâtit son œuvre pour ainsi dire sur les ruines d'une autre ; mais jamais aucune n'est parvenue à devenir inébranlable en toutes ses parties. De là vient qu'on ne peut apprendre à fond la philosophie, puisqu'elle n'existe pas encore. Mais à supposer même qu'il en existât une effectivement, nul de ceux qui l'apprendraient ne pourrait se dire philosophe, car la connaissance qu'il en aurait demeurerait subjectivement historique. Il en va autrement en mathématiques. Cette science peut, dans une certaine mesure, être apprise ; car ici, les preuves sont tellement évidentes que chacun peut en être convaincu ; et en outre, en raison de son évidence, elle peut-être retenue comme une doctrine certaine et stable. Celui qui veut apprendre à philosopher doit, au contraire, considérer tous les systèmes de philosophie uniquement comme une histoire à l'usage de la raison et comme des objets d'exercice de son talent philosophique. Car la science n'a de réelle valeur intrinsèque que comme instrument de sagesse. Mais à ce titre, elle lui est à ce point indispensable qu'on pourrait dire que la sagesse sans la science n'est que l'esquisse d'une perfection à laquelle nous n'atteindrons jamais. Celui qui hait la science mais qui aime d'autant plus la sagesse s'appelle un misologue. La misologie naît ordinairement d'un manque de connaissance scientifique à laquelle se mêle une certaine sorte de vanité. Il arrive cependant parfois que certains tombent dans l'erreur de la misologie, qui ont commencé par pratiquer la science avec beaucoup d'ardeur et de succès mais qui n'ont finalement trouvé dans leur savoir aucun contentement. La philosophie est l'unique science qui sache nous procurer cette satisfaction intime, car elle referme, pour ainsi dire, le cercle scientifique et procure enfin aux sciences ordre et organisation. Emmanuel Kant (1724-1804) Logique, 1800 trad. Guillermit, Vrin, 1966

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 23

Document 28 : Kant, avant même de comprendre ses idées, donc de savoir si on est d’accord avec lui ou pas, c’est d’abord une langue étrangère, techniciste et propre à Kant qu’il faut maîtriser. On s’y perd facilement, et surtout cette débauche terminologique fait oublier que l’exposé compliqué d’une idée ne présume en rien de la validité de cette idée. À force d’énergie déployée pour comprendre ce qu’il veut dire, on n’a parfois plus la vivacité pour s’interroger sur le bien-fondé de l’idée qu’il avance. Antinomie : signe d'un conflit de la raison avec elle-même qui, dans son exercice, excède les limites de l'expérience et à propos duquel elle (la raison) avance deux solutions contradictoires, à l'occasion d'un problème dont elle est seule responsable, sans pouvoir choisir au profit de l'une ou de l'autre. Catégories : concepts a priori de l'entendement, qui assurent l'unité synthétique du divers qui se trouve dans l'intuition. Connaissance a posteriori : connaissance qui a sa source dans l'expérience. Elle prend la forme d’une proposition synthétique du type : «Cette rose est rouge». Le prédicat (rouge) est extérieur au sujet (la rose). Connaissance a priori : connaissance indépendante de l'expérience et même de toute impression sensible. Elle prend la forme d’une proposition analytique du type : «Le triangle est une figure qui possède trois angles». Le prédicat (trois angles) est contenu dans le sujet (triangle) Criticisme : selon Kant : «Je n'entends point par là une critique des livres et des systèmes, mais celle du pouvoir de la raison en général, par rapport à toutes les connaissances auxquelles elle peut aspirer indépendamment de toute expérience, par conséquent la solution de la question de la possibilité ou de l'impossibilité d'une métaphysique en général et la détermination aussi bien de ses sources que de son étendue et de ses limites, tout cela suivant des principes» (Critique de la raison pure). Dans le vocabulaire kantien, ce terme ne désigne pas une dénonciation vigoureuse, une remise en question, ni un compte rendu appréciatif d’une œuvre ou d’un spectacle. Pour Kant, la critique est une activité de la raison consistant à opérer des partages, des discernements et porter des jugements. Plus précisément, Kant cherche à tracer les limites au delà desquelles la raison ne peut s’aventurer sans affirmer une chose et son contraire et tomber dans une chaine infinie de contradictions. La critique a donc pour vocation de définir le domaine à l’intérieur duquel les pouvoirs de la raison peuvent légitimement s’exercer. Critique de la faculté de juger : activité de la raison qui s'efforce de déterminer si la faculté de juger (terme intermédiaire dans l'ordre de nos facultés de connaissance entre l'entendement et la raison), possède ou non, considérée en elle-même, des principes a priori. Critique de la raison pratique : activité de la raison qui analyse les conditions a priori de la détermination de la volonté. Critique de la raison pure : activité de la raison qui s'attache à rassembler dans toute leur étendue les principes de la synthèse a priori et, surtout, à fixer des limites aux prétentions de la raison dans son usage théorique. Entendement : faculté discursive permettant d'ordonner, de regrouper sous des concepts la multiplicité des intuitions sensibles. L’entendement est structuré par des concepts purs, dits catégories. Expérience : Si, chronologiquement, aucune connaissance ne précède en nous l'expérience, cela ne signifie pas que toute connaissance dérive de l'expérience : «Que toute notre connaissance commence avec l'expérience, cela ne soulève aucun doute. En effet, par quoi notre pouvoir de connaître pourrait-il être éveillé et mis en action si ce n'est par des objets qui frappent nos sens […] ?» (Critique de la raison pure). Formes a priori de la sensibilité : cadres purs de l'intuition sensible repérés dans l'espace et le temps. À l'aide du sens externe, nous nous représentons les objets hors de nous et tous situés dans l'espace. Au moyen du sens interne, nous saisissons des objets dans l'ordre de la simultanéité ou de la succession dans le temps. Idée : fruit de l'activité de la raison, qui perd le caractère absolu que lui prêtait la philosophie dogmatique, qui se confond avec l'idéal et qui bénéficie d'un rôle régulateur des connaissances. Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 24

Impératif catégorique : principe qui ne fait que déterminer la volonté, qu'elle soit suffisante ou non pour l'effet. L'impératif catégorique peut seul prétendre au titre de loi pratique ; il lie la volonté à la loi. Impératif hypothétique : précepte d'efficacité, de savoir-faire, un impératif de l'habileté dans lequel la volonté des moyens dépend de la volonté de la fin. Intuition : mode par lequel la connaissance se rapporte immédiatement aux objets. Jugement analytique : relation dans laquelle le prédicat appartient au sujet comme quelque chose qui y est contenu implicitement. Kant donne comme exemple : «Tous les corps sont étendus» et affirme qu'un tel jugement est explicatif et n'accroît nullement notre connaissance. Jugement synthétique : relation dans laquelle le prédicat, extérieur au sujet, augmente notre connaissance du sujet. Il opère une synthèse du sujet et du prédicat. Loi morale : principe objectif, dont la condition est reconnue comme valable pour la volonté de tout être raisonnable. Maxime : principe subjectif, dont la condition est considérée par le sujet comme valable seulement pour sa volonté. Noumène : ce qui ne peut être que pensé ; ce que la pensée suppose être en soi, pardelà ce qui apparaît (synonyme : chose en soi) ; envers du phénomène. Phénomène : ensemble des objets qui relèvent de l'intuition sensible, dans l'espace et le temps. Le phénomène est ce qui apparaît ; aussi n'est-il qu'une représentation. Principes pratiques : propositions renfermant une détermination générale de la volonté, à laquelle sont subordonnées plusieurs règles pratiques. Pur : sans aucun élément empirique. Schème : produit de l'imagination qui rend possible l'application des concepts purs de l'entendement aux intuitions sensibles. Subsumer : aller de l'intuition sensible particulière au schème. Sensibilité : capacité de recevoir des représentations dans la mesure où nous sommes affectés par les objets extérieurs. Transcendantal : Se dit de ce qui se rapporte aux conditions a priori de la connaissance, c'est-à-dire hors de toute détermination empirique. La philosophie transcendantale pose la question suivante : à quelle condition la sensibilité est-elle possible ? à quelle condition la connaissance est-elle possible ? Ainsi, l’espace et le temps sont des conditions de possibilité de la sensibilité, les catégories de l’entendement. Volonté : «pouvoir ou de produire des objets correspondant aux représentations ou de se déterminer soi-même à réaliser ces objets (que le pouvoir physique soit suffisant ou non), c'est-à-dire de déterminer sa causalité» (Critique de la raison pratique). Volonté pathologique : volonté soumise aux besoins et aux désirs : le principe qui la détermine lui est extérieur. Elle est hétéronome. Volonté pure : volonté déterminée par la simple forme de la loi de la raison ; elle manifeste son autonomie.

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 25

Document 29 : Statue de Kant à Kaliningrad.

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 26

Document 30 : La tombe de Kant se situe devant la cathédrale de l’actuelle Kaliningrad. Les restes du grand philosophe reposent dans la "crypte des professeurs" attenante au mur nord de la cathédrale. Peu de temps avant de disparaître, Kant avait donné des instructions pour que son enterrement soit d'une grande discrétion. Mais, à sa mort, les autorités de la ville de Königsberg décidèrent de passer outre sa volonté et de rendre un hommage au défunt. Pendant seize jours, les citadins défilèrent devant sa dépouille. Le jour des funérailles, son cercueil, porté par 24 étudiants, fut suivi par le corps des officiers au complet et une foule, évaluée à plusieurs milliers de personnes. Noter les fleurs déposées au pied de sa tombe par quelque admirateur encore aujourd’hui. Sur son tombeau, on lit ces mots : «Le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi.»

«Es ist gut» - «C’est bien», paroles qu’il prononça à sa mort.

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 27

SI VOUS VOULEZ APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS : Les CD et DVD des conférences de notre AUDIOTHÈQUE sont en vente à la MAISON DE LA PHILOSOPHIE à Toulouse, par correspondance et téléchargeables sur notre site internet. Pour renseignements et commandes : tél : 05.61.42.14.40 - email : [email protected] - site : www.alderan-philo.org. Conférences en relation avec les Lumières allemandes - La révolution copernicienne - La révolution galiléenne - La révolution newtonienne

1000-052 1000-038 1000-148

Conférences sur des philosophes en relation avec Emmanuel Kant -

Descartes et la méthode Spinoza et le monisme John Locke, de la théorie de la connaissance au libéralisme politique Leibniz et la monadologie Rousseau et le Contrat Social

4311-08 4311-10 4311-12 4311-14 4312-08

Livres sur les Lumières allemandes - Aufklärung. Les Lumières allemandes. Textes et commentaires, Gérard Raulet, Flammarion, 1995 Livres d’Emmanuel Kant - Critique de la raison pratique, Alain Renaut, Livre de poche, 2006 - Critique de la raison pure, PUF, Quadrige 2004 - Critique de la faculté de juger, traduc. Alain Renaut, Livre de poche, 2000 - Correspondance, traduite de l'allemand par M.-C. Challiol, M. Halimi, V. Séroussi, N. Aumônier, M.B. de Launay et M. Marcuzzi, Gallimard, 1991 Livres sur Emmanuel Kant - Kant, les années 1747-1781, Kant avant la critique de la raison pure, collectif sous la direction de Luc Langlois, Vrin, 2009 - Emmanuel KANT, Aphorismes sur l'art de vivre, textes réunis et présentés par Didier Raymond,, éd. du Rocher, coll. « Alphée », 1990 - Kant, Alexandre Kojève, Gallimard, 1973 - Les Derniers jours d'Emmanuel Kant, Thomas de Quincey (1854), Éd. Ombres, 1998 Livres sur la pensée d’Emmanuel Kant - Kant sans kantisme, Gérard Lebrun, Fayard, 2009 - Comprendre Kant, Olivier Dekens, Armand Colin, 2003 - Rousseau, Kant, Goethe, E. Cassirer, Belin, 1991 - Kant et le problème de la philosophie: l'a priori, Jean Grondin, Vrin, 1989 - Kant et le problème du mal, D. Reboul, Presses universitaires, Montréal, 1971 - La Philosophie religieuse de Kant, J.-L. Bruch, Aubier-Montaigne, 1968 - Kant et le kantisme, Jean Lacroix, PUF, 1966 Sur la métaphysique kantienne - Kant et la métaphysique spéculative, L. Freuler, Vrin, 1992 - Critique de la « critique de la raison pure » de Kant, Roger Verneaux, Aubier Montaigne, 1972 - La critique kantienne de la métaphysique, Ferdinand Alquié, PUF, 1968 - Physique et métaphysique kantiennes, J. Vuillemin, PUF, 1955 - Kant et le problème de la métaphysique, Martin Heidegger (1929), Gallimard, 1981

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 28

Sur la philosophie esthétique de Kant - Sur l'esthétique de Kant, O. Chédin, Vrin, 1982 Sur la philosophie politique de Kant - Autocensure et compromis dans la pensée politique de Kant, Domenico Losurdo, Septentrion,1998 - Juger : sur la philosophie politique de Kant, H. Arendt, Seuil, 1991 - La Pensée politique de Kant, G. Vlachos, PUF, 1963 Sur les influences de la philosophie de Kant - Good bye Kant ! : Ce qu'il reste aujourd'hui de La Critique de la raison pure ?, Maurizio Ferraris, Édition de l'Éclat, 2009 - La philosophie critique de Kant, Gilles Deleuze, PUF, Quadrige, 2004 - L'Héritage kantien et la révolution copernicienne, J. Vuillemin, PUF, 1954 - Les Systèmes post-kantiens, Ernst Cassirer, Presses univ. de Lille, 1983

Association ALDÉRAN © - Conférence 4312 200-08 : “Kant et le Criticisme” - 03/02/2014 - page 29

View more...

Comments

Copyright � 2017 NANOPDF Inc.
SUPPORT NANOPDF