« Comme dans un cirque mais autrement »

January 12, 2018 | Author: Anonymous | Category: Arts et Lettres, Spectacle vivant, Théâtre
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mardi 13, mercredi 14, jeudi 15 et vendredi 16 octobre à 20h30 samedi 17 octobre à 18h30 lundi 19 et mardi 20 octobre à 20h30

« Comme dans un cirque mais autrement » Dossier pédagogique Les artistes Le spectacle Mentions du spectacle Articles de presse Entretien avec Trottola et le Petit Théâtre Baraque Pistes pédagogiques Liens utiles Renseignements pratiques

………………………… Pourquoi un dossier d’accompagnement ?

Le dossier d’accompagnement est un outil que nous mettons à votre disposition pour vous donner des éléments sur le spectacle et la compagnie qui l’a créé. Nous vous laissons le soin de vous emparer de ces éléments pour sensibiliser les élèves avant le spectacle ou encore continuer à le faire après la représentation.

Parce que votre parole est essentielle :

Parce que nous souhaitons connaître votre avis sur les spectacles que vous êtes venus voir et parce que votre ressenti et le regard que vous portez sur les propositions artistiques sont essentiels, l’équipe des relations avec le public du Manège de Reims vous invite à partager vos réflexions sur les spectacles. Vos impressions et les productions plastiques des élèves sont les bienvenus !

Éducation Artistique : l’Éducation à l’Art et par l’Art

Dans la plupart des cultures, les arts font partie intégrante de la vie : fonction, création et apprentissage sont liés. Les arts véhiculent, de façon formelle ou informelle, le savoir mais aussi des méthodes d'éducation dans diverses disciplines. En ce sens, l'éducation artistique ne limite pas les arts à un outil d'éducation supplémentaire, et n'a pas pour simple ambition d'intégrer les arts comme sujet principal, au sein des programmes éducatifs.
 L'UNESCO soutient l'éducation artistique à travers deux approches qui peuvent être complémentaires. La première approche concerne l'éducation à travers les arts/la culture et démontre comment les expressions artistiques, les ressources et pratiques culturelles, contemporaines et traditionnelles peuvent être utilisées comme un outil éducatif. Elle a pour but de souligner la richesse de la culture, du savoir et du savoir-faire des sociétés pour favoriser une approche interdisciplinaire et renforcer la participation dans un vaste nombre de domaines.

La seconde approche se réfère à l'éducation dans les arts/la culture et met l'accent sur les perspectives culturelles, multi et interculturelles ; sur le respect des cultures à travers les procédés éducatifs. Ce type d'approche contribue à améliorer la compréhension de l'importance de la diversité culturelle et encourage le maintien de la cohésion sociale.

Introduire les arts et les pratiques culturelles dans des environnements éducatifs constitue un réel atout, résultat d'un développement intellectuel, émotionnel et psychologique équilibré des individus et des sociétés. Une telle éducation renforce non seulement le développement cognitif et l'acquisition de connaissances sur la vie et l'alphabétisation - la pensée innovante et créative, la réflexion critique, les compétences communicationnelles et interpersonnelles, etc - mais participe aussi à l'adaptabilité sociale et à la prise de conscience culturelle des individus. Elle leur permet ainsi de construire une identité personnelle et collective et de comprendre ce que sont la tolérance, l'acceptation et l'appréciation des autres. Son impact est remarquable sur le développement des sociétés : il concerne l'amélioration de la cohésion sociale et de la diversité culturelle, mais aussi la prévention de la standardisation et la promotion du développement durable. Source : http://www.unesco.org/new/fr/culture/themes/creativity/arts-education/

Le Cirque Trottola Le Cirque Trottola a été créé en 2002, à Nexon et à Aurillac, avec l’ancien chapiteau du cirque Convoi exceptionnel. L’histoire s’est écrite avec Laurent Cabrol, Titoune et Bonaventure ; trois sur une toute petite piste avec un musicien à l’orchestre, au-dessus de la gardine1. Trottola2 (toupie en italien) a été joué plus de 300 fois en 4 ans.
Parallèlement, en 2005, Titoune et Bonaventure participent à Toogen avec Le P’tit Cirk tout en tournant le spectacle Trottola jusqu’en 2006. En 2007, création du deuxième spectacle du Cirque Trottola : Volchok 3(toupie en russe), sous un chapiteau neuf, avec deux gradins face à face, où la piste devient couloir. Ils sont rejoints par Mads Rosenbeck, jongleur danois. De nouvelles disciplines de cirque apparaissent : voltige aérienne, échelle sur un balai (mis au point par Mads Rosenbeck). Ils sont rejoints par l’univers musical de Thomas Barrière et Bastien Pelenc.
Ovationnés en France et en Europe, ils bâtissent depuis plus de dix ans une esthétique singulière faite de virtuosité où l’art circassien est prétexte à raconter avec justesse l’âme humaine. Ils sont terriblement et délicieusement attachants avec leur monde de prouesses, de burlesque, ouverts au présent, ici et maintenant, attachés à une certaine forme de la tradition. Le Cirque Trottola est composé de : Bonaventure Gacon, porteur En 1991, il intègre le cirque Les Saltimbanques en tant qu’apprenti. Puis ce sera l’École du Cirque de Rosnysous-Bois, suivie du Centre National des Arts du Cirque de Châlons en Champagne. Il en sort diplômé en 1997 avec le spectacle C’est pour toi que je fais ça, mis en scène par Guy Alloucherie. Il crée le Cirque Désaccordé, puis remplace l’Ange Acrobate au Cirque Plume et danse avec la Cie Pierre Doussaint.
En 1999, il rencontre Titoune au Cirque Klotz, ensemble ils créent leur premier numéro de main à main à Convoi Exceptionnel.
En 2001, il crée Par le Boudu4, monologue clownesque.
En 2002, il crée avec Titoune et Laurent Cabrol, le Cirque Trottola et le spectacle du même nom qui tournera en France et à l’étranger plus de quatre ans. En 2007, il crée avec Titoune et Mads Rosenbeck, toujours pour le Cirque Trottola, Volchok.
Depuis 2005, avec la Cie l’Entreprise (François Cervantes), il présente le spectacle Les Clowns.
En 2011, il obtient le prix SACD pour les arts du Cirque. Titoune, voltigeuse A reçu l’enseignement du trapèze avec André Simar, à l’Ecole du Cirque de Montréal. Elle remporte une médaille d’argent au Cirque d’Hiver ; puis monte le Cirque Pocheros où elle rencontre Mads Rosenbeck, Adell Nodé-Langlois et Sky de Sala. Elle crée le Cirque Klotz et travaille au Cirque Plume ainsi qu’à Convoi Exceptionnel. En 2002, elle crée avec Bonaventure, Laurent Cabrol, le Cirque Trottola et le spectacle du même nom qui tournera en France et à l’étranger plus de quatre ans. En 2007, elle crée Volchok avec Bonaventure et Mads Rosenbeck, toujours pour le Cirque Trottola. Elle est conseillère artistique de l’Ecole du Cirque Cirqule de Genève. Parallèlement, elle se passionne pour le graphisme et les collages qui font l’objet d’expositions et de commandes diverses... Mads Rosenbeck, jongleur Après quelques années de cirque classique au Danemark, Mads quitte son pays de viking pour la France et le Centre National des Arts du Cirque d’où il sort quasiment sans traumatismes en 1993.
Il passe ensuite une bonne poignée d’années avec le Cirque Pocheros dont il est cofondateur. Sans moyen d’y échapper, il se dépatouille entre la vie simple du circassien en caravane, travaillant sous chapiteau et l’infernale complexité de la vie en compagnie.
Il étudie le comique de situations dans L’histoire d’Auguste avec la Cie de cirque de Ueli Hirzel. Il met ses objets au service du burlesque avec la Cie de l’Ebauchoir. En 2007, il rejoint la troupe du Cirque Trottola où avec Titoune et Bonaventure, il crée Volchok. Rideau cachant les coulisses Accueilli au Manège en 2005 3 Accueilli au Manège en 2008 4 Accueilli au Manège en 2002 1 2

Le petit Théâtre Baraque En 1977, Nigloo et Branlotin, passionnés par le cirque traditionnel, commencent leur parcours artistique dans la rue. Ils créent avec Igor (Volière Dromesko), Paillette et Zoé, le Cirque Aligre, un spectacle où la violence héritée de la rue côtoie les dorures rococo et les velours de la piste classique, ouvrant ainsi une des premières voies au cirque contemporain. Quelques années plus tard, rejoints par Bartabas, ils créent le théâtre équestre et musical Zingaro. À partir de 1987 leur travail s’oriente plus franchement vers des formes théâtrales, mais toujours itinérantes. Ils passent un an sur les routes avec le Footsbarn Theater, puis créent le Théâtre Krill avec Ahmed P. Braschi. Leur rencontre avec François Tanguy et l’équipe du Théâtre du Radeau, avec qui ils tournent pendant quatre ans, enrichira leur vision du théâtre et ouvrira d’autres perspectives. Parallèlement, ils construisent un petit théâtre ambulant pour 32 spectateurs, le Tonneau, qui deviendra le lieu de prédilection de leur travail. Dans ce creuset où se retrouvent les marques de toutes ces aventures humaines quatre spectacles verront le jour : l’Entresort du Bossu Bitor, Coude à coude, Une case provisoire, et enfin Augustes. Toujours imprégnés d’univers forain Nigloo et Branlotin fabriquent un théâtre impressionniste où pantins, décors peints et arnaques lumineuses font le jeu de la scène au même titre que les acteurs. Le petit Théâtre Baraque est composé de : Nigloo & Branlotin Co-fondateurs du Cirque Aligre, tournées de 1977 à 1981. Fondent le Cirque des rats, 1982 à 1984. Co-fondateurs du théâtre équestre et musical Zingaro, tournées de 1984 à 1987. Comédiens en tournée avec le Footsbarn Travelling Théâtre, 1987 à 1988 Fondent le Théâtre Krill 1989 et 1990. Création du Petit Théâtre
Baraque et de l’espace scénique Le Tonneau, avec un premier spectacle L’entresort du Bossu Bitor en 1991. Participent à la première création du Ton und Kirschen Théâtre à Berlin en 1992. Comédiens au Théâtre du Radeau dirigé par François Tanguy, sur deux créations entre 1993 et 1998 : Choral et La Bataille du Tagliamento. Nigloo et Branlotin se consacrent ensuite au travail dans Le Tonneau du Petit Théâtre Baraque. Trois créations suivront : Coude à Coude de 2000 à 2003, Une Case Provisoire de 2004 à 2007 et Augustes5 2008 à 2010.

Le Tonneau Dans ce théâtre d’apparition les codes ne sont pas respectés, la matière et la couleur parlent autrement, et la vision plongeante perturbe notre rapport au temps.

Le spectacle Les deux troupes, le Cirque Trottola et le Petit Théâtre Baraque n'en forment aujourd'hui plus qu'une, réunies pour Matamore dans l'arène creusée au centre du chapiteau rouge... Là, dans le fond, où tempête une corrida de pacotille mais où des acrobates en chair et en os bravent un vide bien réel, quelles contorsions, quel acharnement et quelles délicatesses vont transfigurer les fauves en princes et les dieux archaïques en pantins désarticulés ?... La fosse... On y verra fleurir la mémoire des pistes de sciure et du simple émerveillement, l'âme du chapiteau-cirque... et dans un même mouvement s'en extraire la moelle cruelle, que l'on essore jusqu'à la fibre, puis que l'on tord, que l'on ré-habite avec outrance, afin qu'en jaillisse le squelette revigoré, repeint de rouge et de blanc. Et nous, spectateurs assis en rond autour de cette arène, sommes nous venus chercher l'éblouissement des strass de la piste, ou l'étalage en cascade des prouesses techniques?... « ...Plonger plutôt ! tout entier dans la fosse, et renaître, engloutis... » « Ces matamores » déploient un cirque à cru, artisanal et brinquebalant, baigné de fanfares sans âge et de compositions insolites.
Une galerie de figures fragiles et burlesques qui peuvent flanquer la frousse, multiplier les jongleries, s'envoler dans les airs et défier la pesanteur à nous couper le souffle. Et ça s'engueule méchamment du côté des clowns, bien teigneux et emplâtrés comme Fellini les aimait. Le cirque est là, familier et reconnaissable, tordu et magnifié dans son fondement. 5

Accueilli dans la cour du Palais du Tau en 2009

Pour l’anecdote, Matamore est né il y a cinq ans à l’occasion d’une «carte blanche» au Manège de Reims, Trottola et Baraque se prennent à rêver d’un projet commun. Puis un jour, les choses se font : Matamore a mis un an à mûrir !

Extrait de conversation celui-là : « C’est une arène » l’autre : « Non, c’est un cirque » celui-là : « C’est les gladiators ! » l’autre : « Ah non alors ! » celui-là : « C’est les clowns ! » l’autre : « Ah » celui-là : « Ah bon ... » l’autre : « Oui, enfin c’est d’être en rond quoi » celui-là : « Oui, d’être ensemble en cercle. On a compris. » l’autre : « Et de regarder, avec nos yeux, là, au milieu. » celui-là : « Ben oui, mais regarder quoi ? » l’autre : « Ben ... des bêtes, ou des gens qui tombent, ou qui saignent, et puis qui meurent, quoi » celui-là : « Ah bon ... » l’autre : « ... » celui-là : « Mais... » l’autre : « Mais quoi ? » celui-là : « Ils sont morts ? ... » l’autre : « Evidemment ! C’est des miroirs... Et puis après ils recommencent ! »

Mentions du spectacle Créé et interprété par : Nigloo, Titoune, Bonaventure, Branlotin et Mads. Création sonore : Thomas Barrière et Bastien Pelenc Avec la collaboration d’Alain Mahé.
 Création lumière : Nicolas Cautain. Régie son : Thomas Barrière, Bastien Pelenc ou Grégory Cosenza. Régie générale et lumière : Samuel Bodin. Costumes : Anne Jonathan. Construction : atelier CENIC Construction. Production / Diffusion : Marc Délhiat. Communication / Diffusion : Guiloui Karl.
 Durée : 1h40.
 Spectacle sous chapiteau : 330 places, à partir de 10 ans.

Articles de presse Petit théâtre baraque et cirque Trottola : ils étaient faits pour s’aimer

Scène de « Matamore » (Vincent Muteau) C’est une histoire d’amour entre une piste de cirque et un tonneau. La piste de cirque, c’est celle du cirque Trottola de Titoune et Bonaventure. Le tonneau, c’est celui du Petit théâtre baraque de Nigloo et Branlotin, lieu circulaire de leurs derniers spectacles. Quand on les voit ensemble, on se dit qu’ils étaient faits pour se rencontrer tant ils partagent une complicité et une façon commune à la fois d’aimer le cirque traditionnel et ses figures (comme celles des clowns), et de biaiser avec. « Matamore », ça sonne bien De fait, ils se connaissent depuis longtemps. Nigloo et Branlotin ont vu Par le boudu et Volchok. Bonaventure et Titoune ont grimpé en haut du tonneau pour voir en contrebas Une case provisoire ou Augustes. Un jour a germé l’idée de travailler ensemble. Ainsi est né Matamore, créé début 2013 et qui devrait tourner plusieurs années. La figure du matamore traverse bien des pièces ; elle est ici, au mieux, disséminée, il ne faut pas chercher une explication raisonnée. Le mot est là pour sa beauté d’abord. Il est mystérieux, insaisissable et sonne bien comme le spectacle « Matamore ». D’entrée de jeu, quand on prend place dans le chapiteau, on est saisis par la beauté du lieu : des gradins tout autour d’un espace circulaire resserré avec, au centre, la piste mais abaissée, en contrebas d’un cylindre haut d’1,50 m environ. Une arène donc. Comme dans un cirque mais autrement Il y aura des clowns, des acrobates, des jongleurs, des dresseurs comme dans un cirque mais autrement. On verra des clowns se battre, des clowns blancs mais aussi des clowns noirs, des clowns qui ne font pas de « numéros » mais s’observent ou ne font que passer. On verra un dompteur de fouets, un jongleur de pistolets. On verra un balai et des échelles, objets familiers aux spectacles du cirque Trottola. L’amitié mène la danse, la poésie joue les accompagnatrices. L’invention concrète – et ses jaillissements –, étayée par un travail de mise au point phénoménal, est ici maîtresse. Mais sans ostentation, l’air de pas y toucher, sans arrogance. On est à l’épicentre de la chaleur humaine, ce qui ne va pas sans soudaine cruauté. On se moque des théoriciens de la piste, on les chasse comme les marchands du temple mais avec bonhommie. On brocarde les numéros obligés du cirque traditionnel comme celui du dressage de « petits chiens » mais aussitôt après, on lui

rend hommage. Rien à prouver, tout à partager Même si le public, avec raison, applaudit des acrobaties insensées, jamais les exploits ne sont présentés comme tels, mais pris dans les rets de la complicité entre le porteur et la voltigeuse au fil d’une infime fiction. Bonaventure, barbu et fort comme un homme de foire qui sait rompre ses chaînes, fait la paire avec le plus maigrelet Branlotin et les angoisses blanches de son personnage. La souplesse de Titoune n’a d’égale que la légèreté de Nigloo, deux sacrés petits bouts de bonne femme. Ces quatre larrons sont complétés par un cinquième et dernier dénommé Mads, beau « go between ».

Séance de répétition de « Matamore » (Matthieu Dussol)

Ce n’est rien dévoiler que de dire que l’on verra les mésaventures d’un épouvantail fait de journaux et les pirouettes d’une marionnette à taille humaine sur une barre fixe comme aucun gymnase ne saurait le faire. Des choses pas imaginables qu’ils ont pourtant bel et bien imaginées. Le point commun au cirque Trottola et au Petit théâtre baraque, c’est peut-être d’abord le rapport au temps. La représentation avance à la vitesse de la promenade. Sans se presser. Des gens entrent et sortent. Rien à prouver, tout à partager. Pas d’effets, pas de m’as-tu-vu, les choses adviennent doucement. Le cirque est là familier et méconnaissable, retourné délicatement comme un gant de soie, magnifié dans son fondement et son détournement. J.-P. Thibaudat, le 23/08/2013 Paru sur http://blogs.rue89.nouvelobs.com

«Matamore», roi de la jongle (…) «Arène». «Ce qui nous a rassemblés, dit Branlo, c’est une même façon de faire les choses : crue, pas sophistiquée, avec des techniques traditionnelles, mais en essayant d’aller chercher les gens au fond d’euxmêmes.» Bona ajoute : «Dans notre petite arène, il n’y a pas d’échappatoire. Il y a ce danger d’être là, dont on tire une émotion.» Le champ de contraintes du cirque classique fait naître chez ces acteurs, car c’en sont, une envie permanente de s’élever du fond de leur trou (un puits de quelques mètres de diamètre). Et qu’on ne compte pas sur eux pour épiloguer sur le thème «nouveau cirque contre cirque traditionnel». Pas facile de mettre en scène à cinq, surtout quand il s’agit de réunir deux univers aussi particuliers. Bona : «On s’est dit : "Ça va frotter, ce sera intéressant." Car il y avait une confiance mutuelle qui permettait de prendre des risques.» Branlo : «Comme dans un couple, dans le fond.» Et, comme dans un couple, il y a probablement eu des engueulades. Bona : «On ne voulait pas simplement juxtaposer nos deux univers, on voulait que naisse quelque chose de nouveau, qu’on aurait eu du mal à définir a priori et que de toute manière on s’est refusé à définir». Branlo : «C’est peut-être dans les transitions entre numéros, dans les jonctions que s’est joué l’essentiel.» C’est en tout cas là que les personnages prennent de l’épaisseur, comme apparaît du sens entre les mots. Les mots, les vrais, ont, eux, du mal à sortir car il y a dans ces cinq rêveurs quelque chose qui ne parvient à

s’exprimer qu’à travers les corps. Et quand Titoune prend (fugitivement) la parole, c’est pour faire, avec Jean Tardieu, ce constat de néant : «Quoi qu’a dit ? - A dit rin. Quoi qu’a fait ? - A fait rin. A quoi qu’a pense ? - A pense à rin. […] A’xiste pas.» Matamore s’achève sur un duo de clowns (Bonaventure et Branlotin) dont Jean-Marie Songy, le directeur du festival, pense qu’il fera date dans l’histoire du spectacle vivant. Il a certainement raison. Edouard LAUNET Envoyé spécial à Aurillac - 23 aout 2013 Paru sur http://www.liberation.fr/culture/2013/08/23/matamore-roi-de-la-jongle_926702

Le cirque comme une arène Deux cirques pour le prix d’un, et un spectacle sans prix : Matamore. C’est le rêve d’un cirque tout droit sorti d’une toile de Seurat. C’est un spectacle mélancolique et cruel sur les rapports que tisse le cirque avec la mort et la douleur, mais dont on sort content. EAN-PIERRE ESTOURNET Prenez deux compagnies aux univers bien dessinés : Le Cirque Trottola et Le Petit Théâtre Baraque. Mélangez tout cela avec une bonne dose d’amitié. Faites couver sous un chapiteau aux allures d’arène : tout d’or et de rouge orné. Et voici Matamore ! Matamore ? Drôle de nom… Rien de fanfaron dans ce spectacle pourtant. Chaque artiste a su trouver sa place, faire ses petits tours de piste puis s’en aller pour qu’un autre apparaisse. Clowns blancs ou noirs, Hercule de foire dérisoires : tous ces personnages ont un petit air fatigué. Le colosse a beau bomber le torse, il fait penser au dernier des hommes * ou à ces clochards qui balbutient et se soutiennent à peine dans nos rues. Ils sont ainsi des monstres magnifiques qui comme ceux des films de Fellini nous tendent le miroir de notre cruauté. Car nous devenons matadors. Nous matons la mort, la douleur aussi. De fait, la piste se trouve en contrebas. Nous la surplombons, voyeurs protégés par les gradins. Les saltimbanques, au contraire, doivent ployer l’échine pour entrer et sortir par de minuscules portes. Dans leur monde, on joue avec des pistolets, on mutile des clowns de papier, on oublie un pauvre trapéziste suspendu. On se malmène, on est en sueur. L’artiste ici semble en définitive assumer toute la douleur du monde, comme le pantin des créations de Kantor. D’ailleurs, ce n’est peutêtre pas un hasard si, justement, une marionnette à taille humaine intègre la troupe dans un numéro magnifique. L’univers de la corrida En outre, musique, costumes et scénographie lorgnent vers l’univers de la corrida. Mais on pense aussi à une étrange morgue aux caissons surprises : les morts y reprennent vie, les artistes s’y abolissent. On n’est donc jamais au bout de son étonnement. Méfiez-vous des préjugés : la tendresse et l’insolite pointeront aussi le bout de leur nez. Par ailleurs, un beau travail sur la lumière laisse parfois dans l’ombre les visages ou les surexpose au contraire pour les laisser en pâture aux regards. On rit, on s’ébaudit, on applaudit, mais on sent une forme de nostalgie. La musique faite de sons qui embarquent et de beaux airs est une réussite. Elle nous propulse dans un autre temps. En effet, Matamore a parfois des allures d’hommage. On y sent un amour profond pour le cirque d’antan avec ses paillettes, ses petits chiens de spectacle pauvre, ses clowns, ses numéros. Mais on n’assiste pour autant pas à un spectacle de cirque traditionnel. Par exemple, les numéros s’enchaînent avec une drôle de temporalité comme ralentie, presque onirique. Les transitions n’en sont pas. Matamore serait plutôt un cirque sorti d’un tableau de Chagall, de Seurat… d’un songe. Ce rêve serait commun à deux troupes et partagé avec le spectateur. On n’en sort pas indifférent. Laura Plas
Les Trois Coups.com | le Monde.fr Paru sur http://www.franceculture.fr * Le pauvre portier du film de Murnau.

Le Dernier des hommes : Photo Emil Jannings, Friedrich Wilhelm Murnau

Entretien avec Trottola et Petit Théâtre Baraque Pour leur création 2013, le Cirque Trottola (Bonaventure Gacon, Titoune et Mads Rosenbeck) et Le Petit Théâtre Baraque (Nigloo et Branlotin) ont mêlé leurs univers autour d’un singulier Matamore : des clowns sibyllins, des numéros de fouets et de colts, saupoudrés de poésie vénéneuse... Rencontre en janvier 2013, au Théâtre d’Arles. Assiste-t-on à la fin d’une certaine défiance entre cirque traditionnel et contemporain ? Bonaventure Gacon : Aucun de nous ne s’est jamais positionné en défiance face au cirque traditionnel. Je connais peu de circassiens qui disent renier la tradition, la plupart ont eu comme enseignants des artistes traditionnels. Parler de « nouveau cirque », j’ai l’impression que c’est une manière de se singulariser, mais sans doute pas la meilleure. Il y a des perles dans le cirque traditionnel. Avant le creux des années 70, le cirque était d’une inventivité folle ! On a tendance à l’oublier, à cantonner la tradition à des images d’Epinal, « la belle écuyère, le joli trapéziste »... C’est injuste. Le cirque a évolué, mais il n’y a pas eu de rupture. Il ne faut pas mettre à la casse tout le boulot des frères Fratellini, de Pierre Etaix, de Grock, de George Karl ! Branlotin : Le contexte est différent aujourd’hui : on parle de la dernière promo du CNAC, des Pôles Cirque, des subventions... Mais quand on a commencé Aligre, il n’existait pas d’école, et le cirque était encore sous la tutelle du Ministère de l’Agriculture ! Il y avait une certaine fierté à partir sur les routes en inventant sa manière d’être, tout en s’inspirant du monde du cirque qui nous fascinait : on se levait à 5h du matin pour voir Bouglione monter son chapiteau, on s’inventait des origines familiales circassiennes... Les premiers cirques dits « nouveaux » ne se sont pas dits « on va faire du nouveau cirque », mais « on va faire du cirque » ; ça change tout. Ils ont fait un cirque qui leur ressemblait, sans pour autant s’inscrire en faux par rapport au passé. Mads Rosenbeck : Quand j’étais à l’école de cirque au début des années 90, il s’agissait de tout casser pour aller plus loin : le numéro, la piste... Le questionnement est très valide, c’est important de l’avoir fait. Aujourd’hui à l’inverse, ça devient classique de ne plus faire de numéro ! Mais davantage que le résultat final, je pense que la plus grande différence entre les deux mondes réside dans la façon de travailler : faire deux spectacles par semaine en fonctionnant à la recette, passer beaucoup de temps à monter et démonter le chapiteau, chauffer les camions... Ou bien passer plus de temps sur la création. Y a-t-il des codes qui vous semblent indissociables du cirque, ou qui permettraient de le définir ? B.G. : La piste raconte quelque chose, il y a une certaine magie dans le cercle. Un chapiteau qui arrive en ville bouscule l’architecture, il a cette fougue ! Mais le cirque est tellement riche, j’ai l’impression qu’il est impossible de le définir. Il existe certes des tendances, mais il me semble réducteur de cloisonner ; comme les clowns, chacun est différent, tellement unique... J’ai choisi de faire du cirque pour la liberté qu’il offre ; à part le travail et l’engagement qu’il présuppose, on peut tout y faire, sans cadrer les disciplines ou la manière de s’habiller... M.R. : Définir, c’est aussi poser des limites qui permettent de travailler, en explorant toutes les possibilités. Par exemple Johan Le Guillerm mène une recherche sur le cercle, mais elle n’est valable que pour lui ; jusqu’à ce qu’un autre circassien prouve qu’on peut faire du cirque dans un carré... Comme dans la musique : Bach a créé des règles, jusqu’à ce que Stravinsky démontre qu’elles sont des limites destinées à être poussées plus loin !

Quelles étaient vos intentions sur Matamore ? B. : Nous nous sommes d’abord mis ensemble dans le Tonneau du Petit Théâtre Baraque, pour arracher Trottola de son chapiteau : secouer la petite boule de neige, nous déstabiliser un peu en mélangeant nos univers ! B.G. : Comme le Tonneau était trop petit pour nous cinq, nous avons reconstruit une piste sur le même modèle, un peu encaissée, avec des gradins autour qui peuvent accueillir 330 personnes au lieu de 33 ! Il fallait que chacun se reconnaisse dans cette nouvelle structure qui mélange nos histoires, afin de trouver un langage commun qui ne soit ni une juxtaposition, ni un compromis. En sachant qu’on apportait chacun des techniques qui

allaient ressurgir : des années de boulot, des manières d’être, de construire le spectacle... B. : On se retrouve dans une caravane qu’on habitait il y a 35 ans, Nigloo a repris les fouets qu’elle utilisait en rue, et son numéro de chien mis du Cirque Aligre, tout ça vient de loin ! La structure de Matamore s’inspire de la tradition : mise en valeur des techniques individuelles, progression dramaturgique dans la succession de numéros, et même un étrange Monsieur Loyal... B. : En effet, rien n’est plus beau qu’un numéro ! Bonaventure et Titoune là-haut sur leur coréen, c’est magnifique, il n’y a rien à rajouter... En même temps, Titoune voulait aussi casser la logique du numéro, on marche dans un entre-deux intéressant. Nous avons travaillé sur les enchaînements, l’ambiance, la lumière, les personnalités des uns et des autres... Tout ce qui transpire de l’ensemble d’une troupe, au niveau des couleurs, des musiques, et surtout des individus. M.R. : En tant que spectateur, j’apprécie encore plus les figures proposées si j’y vois une évolution, c’est peutêtre mon côté vieux jeu ! Je trouve aussi que les personnages sont plus forts s’ils ont chacun un moment privilégié, qui leur permet de présenter une histoire dans l’histoire. B.G. : Simultanément s’est posée la question du présentateur, mais nous voulions éviter une allusion artificielle à la tradition. Nigloo : Dans le cirque traditionnel, le présentateur se justifiait parce que les artistes ne se connaissaient pas forcément : ils habitaient chacun leur caravane, et parfois ne se croisaient que lors de la présentation de leur numéro. B. : Finalement, le personnage du présentateur apparaît dans une seule scène au début de Matamore, mais c’est un présentateur qui n’en a plus que l’apparence ! On ne comprend pas bien ce qu’il dit, ni ce qu’il présente... B.G. : Comme quand Titoune revêt le costume du clown blanc, ou déclame un poème de Tardieu : d’une manière ou d’une autre, le cirque est fait pour scotcher et dérouter ! Propos recueillis par Julie Bordenave

Pistes pédagogiques Définition du titre Matamore : nom masculin (de Matamore, nom propre). Littéralement « le tueur de Maures ». Faux brave, homme qui se vante d'exploits imaginaires. Personnage de la comédie espagnole qui se vante à tout propos de ses exploits guerriers contre les Maures et que l'on représente généralement en uniforme coloré au geste large et au verbe haut. « Jouer les matamores » : Se donner avec ostentation l'attitude d'un brave. http://www.cnrtl.fr/lexicographie/matamore Capitan Maramore : soldat devenu familier de la scène théâtrale des années 1635-1640 à Paris grâce au comédien Bellemore, personnage cocasse que Corneille a également mis en scène dans L’Illusion comique en 1635. (…) Sur la scène française des années Richelieu, la guerre contre l’Espagne favorise à Paris l’implantation du Matamore, soldat espagnol dont la lâcheté, emblématique de celle de l’armée ennemie, doit rassurer le soldat français et le pousser à la victoire. Ce personnage au premier abord flamboyant et puissant, est en réalité un lâche, doué de peu d'intelligence, seul son art de la rhétorique et son costume affichant les symboles du pouvoir (épée, cape, large chapeau orné) le sauve des situations dans lesquelles il s'est lui même fourré. Incapable de tuer une mouche, cette âme sensible se vante pourtant de nombreux combats. http://denmasques.e-monsite.com/pages/masques-decommedia-dell-art/capitan.html

Maurice Sand dans le Capitan Matamore (1860).

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Référence à Jean Tardieu (poème La môme néant récité par Titoune au début du spectacle). Jean Tardieu (1903 – 1995) est un écrivain et poète français. Il écrit pour le Théâtre et travaille de nombreuses années à la radiodiffusion française.

A la veille de la guerre, il publie son premier volume de poésie, Accents. Puis, il intègre les mouvements de résistance et participe à la diffusion de plaquettes et d'émissions radio clandestines. Il se lie d'amitié avec Pierre Seghers, Paul Eluard, Raymond Queneau, Max-Pol Fouchet et Pierre Emmanuel. En 1944, Figures est son premier succès littéraire d'envergure.

Son œuvre remet en jeu les conventions des genres. L'auteur multiplie les expériences autour du langage poétique et de sa relation avec les mots du quotidien. Mêlant Théâtre et Poésie, il renouvelle la dramaturgie contemporaine avec des pièces "éclairs", données en un acte (Le Théâtre de chambre 1955; Poèmes à jouer 1960). Jean Tardieu reçoit notamment le Grand Prix de Poésie de l'Académie française en 1972 et le Grand Prix de la Société des Gens de Lettres en 1986. Source : http://www.printempsdespoetes.com

La môme néant Quoi qu’a dit ? A dit rin. Quoi qu’a fait ? A fait rin. A quoi qu’a pense ? A pense à rin. Pourquoi qu’a dit rin ? Pourquoi qu’a fait rin ? Pourquoi qu’a pense à rin ? A’xiste pas. Pour aller plus loin sur le langage et l’absurde Mettre en perspective avec un autre texte de Tardieu pour étudier le rapport entre langage (assimilation, sonorité voisine), communication verbale et non-verbale et le comique Décor: un salon plus « 1900 » que nature. Au lever du rideau, Madame est seule. Elle est assise sur un « sopha » et lit un livre. IRMA, 'entrant et apportant le courrier.) - Madame, la poterne vient d'élimer le fourrage... (Elle tend le courrier à Madame, puis reste plantée devant elle, dans une attitude renfrognée et boudeuse.) MADAME, (prenant le courrier)- C'est tronc !. .. Sourcil bien !. .. (Elle commence à examiner les lettres puis, s'apercevant qu'Irma est toujours là ) Eh bien, ma quille ! Pourquoi serpez-vous là ? (Geste de congédiement.) Vous pouvez vidanger ! IRMA. - C'est que, Madame, c'est que... . MADAME. - C'est que, c'est que, c'est 'que quoi-quoi? IRMA. - C'est que je n'ai plus de « Pull-over » pour la crécelle... . MADAME, (prend son grand sac posé à terre à côté d'elle et après une recherche qui paraît laborieuse, en tire une pièce de monnaie qu'elle tend à Irma.) - Gloussez ! Voici cinq gaulois! Loupez chez le petit soutier d'en face: c'est le moins foreur du panier... IRMA, (prenant la pièce comme à regret, la tourne et la retourne entre ses mains, puis.) - Madame, c'est pas trou: yaque, yaque... MADAME. - Quoi-quoi: yaque-yaque ? IRMA, (prenant son élan.) - Y-a que, Madame, yaque j'ai pas de gravats pour mes haridelles, plus de stuc pour le bafouillis de ce soir, plus d'entregent pour friser les mouches... plus rien dans le parloir, plus rien pour émonder, plus rien... plus rien... (Elle fond en larmes.) MADAME, (après avoir vainement exploré son sac de nouveau et l'avoir montré à Irma.) -:. Et moi non plus, Irma! Ratissez: rien dans ma limande! IRMA, (levant les bras au ciel.) - Alors! Qu'allons-nous mariner, Mon Pieu? MADAME, (éclatant soudain de rire.) - Bonne quille, bon beurre ! Ne plumez pas ! J'arrime le Comte d'un croissant à l'autre. (Confidentielle.) Il me doit plus de 30 cinq cents crocus ! IRMA, (méfiante.) - Tant fieu s'il grogne à la godille, mais tant frit s'il mord au Saupiquet !... (Reprenant sa litanie:)

Et moi qui n'ai plus ni froc ni gel pour la meulière, plus d'arpège pour les.,. MADAME, (l’interrompant avec agacement.) – Salsifis ! Je vous le plie et le replie: le Comte me doit des lions d'or ! Pas plus lard que demain. Nous fourrons dans les grands Argousins : vous aurez tout ce qu'il clôt. Et maintenant, retournez à la basoche ! Laissez-moi saoule ! (Montrant son livre.) Laissez-moi filer ce dormant ! Allez, allez ! Croupissez ! Croupissez ! (Irma se retire en maugréant. Un temps. Puis la sonnette de l’entrée retentit au loin.) IRMA, (entrant. Bas à l'oreille de Madame et avec inquiétude.) - C'est Madame de Perleminouze, je fris bien: Madame (elle insiste sur « Madame »), Madame de Perleminouze ! MADAME, (un doigt sur les lèvres, fait signe à Irma de se taire, puis, à voix haute et joyeuse.) - Ah ! Quelle grappe ! Faites-la vite grossir ! (Irma sort. Madame, en attendant le visiteuse, se met au piano et joue. Il en sort un tout petit air de boîte à musique. Retour d’Irma, suivie de Madame de Perleminouze.) IRMA, (annonçant.) - Madame la Comtesse de Perleminouze ! MADAME, (fermant le piano et allant au-devant de son amie.) - Chère, très chère peluche ! Depuis combien de trous, depuis combien de galets n'avais-je pas eu le mitron de vous sucrer ! MADAME DE PERLEMINOUZE, (très affectée.) – Hélas ! Chère ! J'étais moi-même très, très vitreuse ! Mes trois plus jeunes tourteaux ont eu la citronnade, l'un après l'autre. Pendant tout le début du corsaire, je n'ai fait que nicher des moulins, courir chez le ludion ou chez le tabouret, j'ai passé des puits à surveiller leur carbure, à leur donner des pinces et des moussons. Bref, je n'ai pas eu une minette à moi. MADAME. - Pauvre chère ! Et moi qui ne me grattais de rien ! Jean Tardieu, La comédie du langage. © Éd. Gallimard. D’autres poèmes de Jean Tardieu : http://www.lycee-chateaubriand.eu/IMG/pdf/3_Jean_Tardieu.pdf

Référence (capillaire) au tableau Le Cirque de Seurat

Tableau « Le Cirque » de Seurat (1890)

Titoune portée par Bona dans le spectacle Matamore

Faisant suite à Parade et Chahut, Cirque est le troisième volet d'une série consacrée par Seurat aux attractions populaires de la ville moderne, aux spectacles nocturnes. Le thème du cirque fut fréquemment traité dans les années 1880, en particulier chez Renoir, Degas et Toulouse-Lautrec. Mais Cirque se présente comme l'une des plus impressionnantes applications des recherches divisionnistes. Seurat y interprète en effet les théories de Charles Henry sur les effets psychologiques de la ligne et de la couleur ainsi que celles des lois du mélange optique de couleurs formulées par Chevreul et Rood. Source : http://www.musee-orsay.fr

Georges Seurat est un peintre néo-impressionniste français (1859-1891). Il utilise une technique particulière : le pointillisme, qui consiste à appliquer sur la toile de minuscules points de couleurs pures. Vues avec un certain recul, ces touches rassemblées constituent des formes, des zones d'ombre et de lumière.

Le clown et ses origines Art clownesque Issu de la comédie anglaise de l’époque pré-shakespearienne, le clown était à l’origine un personnage comique de bouffon campagnard, une sorte de burlesque équestre et acrobatique, pour ensuite devenir de façon générale un personnage comique et grotesque dans le cadre des spectacles de pantomime et de cirque. L’art clownesque est un travail de jeu dramatique, de mime, de la farce et du burlesque pour réaliser des sketches qui font rire les spectateurs. Le premier clown de pantomime célèbre fut Joey Grimaldi (1778-1837). La figure du Clown dans le cirque en France6 Etymologiquement, le mot “Clown” signifie “rustaud” en anglais. Dans les pièces de théâtre élisabéthain, le clown était un personnage gaffeur, balourd, ridicule, mais en même temps, doué d’un rude bon sens et d’un audacieux cynisme.
 À l’origine, le rôle du clown était d’amuser entre deux numéros violents ou dangereux. En prenant de l’importance, les clowns ont donné une connotation nouvelle au spectacle. Issu du paysan bouffon des comédies anglaises, mélange des jesters (joker) et des minstrels, le clown est, au XVIIIème siècle, un écuyer acrobate qui parodie de manière comique des numéros équestres. Il porte une sorte de sac bouffant en guise de tunique et une perruque en pointe. Il est au début Chamberlin. Busby et Cyrillo, vers 1920 tout seul sur scène, puis rejoint par d’autres personnages permettant la création de duos, de trios et de saynètes. A cette époque, en plus de la piste habituelle, certains grands cirques disposent d’une autre scène pour y jouer notamment des pantomimes, si bien qu’outre les artistes de cirque, ils engagent des acteurs, des chanteurs et des danseurs. Il y a osmose, vie commune, plutôt que discrimination entre divers spécialistes. On présente au XIXème siècle des hippodromes, avec courses à cheval pour sauver l’héroïne en péril, mais les actions sont muettes : depuis 1806 – 1807, des décrets impériaux n’ont autorisé que huit théâtres dramatiques parlants à Paris. Surviennent à Paris des clowns anglais qui échappent aux décrets. Billy Saunders, écuyer burlesque et dresseur de chiens, lance son fameux « Voulez vous jouer avec moâ ? ». Des français se font alors passer pour anglais, changent de nom, prennent l’accent et se singularisent chacun par un cri, une phrase, un leitmotiv. En 1852, au Cirque Napoléon, les clowns sont jongleurs. A l’intérieur du cirque, les clowns sont un peu méprisés. Les acrobates les traitent de « bons à tout, bons à rien ». Ce sont parfois des artistes accidentés. En 1864, les clowns sont autorisés à jouer des dialogues. Ils se mettent aussitôt en quête de textes, ils adaptent à la hâte des farces, des parades, des canevas de commedia dell’arte, ils empruntent des situations aux pièces à succès, aux mélodrames ou ils inventent. Il font des allusions à l’actualité et parodient aussi le personnel du cirque. C’est la naissance du clown parleur. On voit apparaître des duos comiques dont le premier est celui de Foottit et Chocolat. La tradition fut entretenue par Antonet et Baby, Pipo et Rhum, Dario et Bario, Alex et Porto, etc.
 Enfin apparaît l’Auguste, mal habillé, anarchiste, recevant des coups de batte du premier clown, qui abandonne son maquillage bariolé et devient le clown blanc, scintillant dans sa robe pailletée ; sa perruque en pointe est remplacée par un petit chapeau de feutre blanc, puis par un cône. Auguste, dit-on, doit son nom à un garçon de 6

Sources : http://www.cirque-autour.com http://www.giovannifusetti.com/public/file/histoire_du_clown.pdf Du cirque au théâtre, Collection Théâtre années vingt, Editions L’Age D’Homme, 1983

piste maladroit qui provoqua l’hilarité du public et donna naissance à un nouveau personnage mal habillé, sans vergogne, à l’opposé des personnages de la pantomime devenue guindée. A travers le couple clown blanc / Auguste, on peut lire le rapport ordre / anarchie, celui qui brille / et son faire-valoir, l’ignare, le licencieux / celui qui lui fait la leçon, celui qui donne / celui qui reçoit des gifles (dont on doit montrer qu’elles ne causent pas de douleur physique). En France, dans les années 1920, le cirque est à la mode. Les romanciers, les auteurs dramatiques, les peintres sont fascinés par les paillettes, la piste ronde, les prouesses acrobatiques, le retour à l’enfance. Une nouvelle mythologie se crée dans laquelle le clown est roi. A la même époque, des polémiques ardentes naissent entre ceux qui déniaient aux femmes toute possibilité d’assumer le métier de clown – les chutes grotesques leur paraissant incompatibles avec leur image de la féminité – et ceux qui citaient maints exemples féminins fameux. Aujourd’hui on peut citer Giulietta Masina, Ariane Mnouchkine (dans Les Clowns, 1969), Annie Fratellini ou encore Adèll Nodé-Langlois (vue au Manège en 2013 avec La Fascination du Désastre). En revanche, on admettait très bien que les clowns se travestissent en femme : Footit en Sarah Bernhard à Paris, Lazarenko en écuyère en URSS… Le cirque commence son déclin à partir des années cinquante. D’autres formes de spectacle se développent et le public est de moins en moins attiré par le chapiteau. Sorti de la piste du cirque, le clown suit deux voies différentes d’évolution : la rue et la scène. Aujourd’hui encore, on ne sait jamais si le clown est sérieux ou railleur, triste ou gai. Il amuse et inquiète. Sa fonction est de divertir, mais à travers lui, c’est le vrai monde qui grimace.

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François Tuefferd. Pipo et Rhum. Entrée des tapissiers, Cirque Medrano, 1943-1944

Anonyme. Kill et Ovaro, fin XIXe siècle

Source des photographies : Regard sur le cirque – photographies 1880 – 1960, Paris bibliothèques éditions, 2002.

Endrey. Ilès et et Loyal, Cirque d’Hiver, 1923-1925

Le clown fait du théâtre Extrait de Secret de clown de Paul-André Sagel, Edition Riveneuve, 2013. Le clown ou la recherche de l’homme originel Depuis qu’il est apparu sur cette terre, prématuré et nu, l’homme a toujours cherché à se débarrasser des habits qui ont fait de lui un être apprivoisé. Il n’y a qu’une lumière qui l’attire, celle de son innocence. Cette innocence qu’il tient au secret de peur d’être dénoncé et ridiculisé. L’homme moderne est un primitif travesti qui le sera jusqu’à la fin de l’humanité (…). La recherche d’un théâtre d’art libéré de ses carcans sociaux ou psychologiques aspire à la découverte d’un être primitif, simple qui reconstruit le monde. L’inquiétude du regard neuf guide toujours l’acteur. Être neutre, disponible lavé de son histoire. (…) En traquant ce primitivisme nous tentons d’échapper à la conformité et à l’uniformité : c’est la quête des clowns. Acteur et clown fascinent parce qu’ils donnent de la nature à la culture, parce qu’ils marient la culture à la nature. Si l’acteur c’est la collision de la nature et de la culture, le clown c’est la collision de l’organique et de l’émotion. Gabor Rasov8 rajoute à la réflexion : trop de culture tue l’art, trop de nature étouffe l’art. Le clown est en équilibre sur ce fil fragile. Si le théâtre parle de l’état du monde, le clown parle de l’état de l’homme. p 30-31 Le clown fait du théâtre Les clowns s’investissent dans le théâtre depuis les années 1970. Peter Brook met en scène Le songe d’une nuit d’été de William Shakespeare en posant des nez rouges sur le visage des personnages des artisans. Ionesco, Damov, Beckett, Tardieu, Pinter, Michaux, Dario Fo etc. offrent des univers absurdes, dérisoires ou critiques qui séduisent les nouveaux clowns en quête d’histoires hors du cirque traditionnel. Ces clowns se mettent au théâtre. Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil s’y adonnent. Les acteurs trouvent une nouvelle dynamique de jeu dans un personnage en lien direct avec le public annulant le fameux quatrième mur. Le clown aurait la faculté de ressourcer l’acteur. Les clowns apparaissent même chez Corneille ou Marivaux. Ils ont de l’audace. Ils font du théâtre dans le théâtre au deuxième degré et font la conquête des scènes de vie. Ce personnage qui jouit d’une réputation de simplicité comique populaire est à toutes les modes. Il investit les terrains vagues artistiques dédaignés par les théâtres officiels boudés par un public populaire qui ne se reconnaît pas dans la programmation de ces établissements. Ces derniers ouvrent désormais leur porte à ces artistes impétueux. Le clown traditionnel du cirque a perdu de sa superbe au vu de numéros mal dégrossis ou démodés. Les nouveaux cirques modifient les codes et théâtralisent les spectacles. Le circassien découvre l’acteur et inversement. Cet échange engendre un renouveau qui éclaire le personnage clownesque (…).Le clown de théâtre qui ne doute de rien aborde le public plus facilement et se donne des libertés d’interprétation certes parfois abusives mais 8

Dramaturge, scénariste et acteur français.

toujours surprenantes. Il se libère de contraintes esthétiques ou intellectuelles inspirées par les censeurs culturels de tout poil. Faisant fi des tartuffes certifiés, le clown s’adresse aussi bien à l’enfant qu’à l’adulte. (…) p 36-37 L’évolution du clown au cours des deux dernières décennies Du corps burlesque aux formes plus théâtrales Né dans un silence forcé, le cirque a mis du temps à émerger à la parole ; de ce « déficit » verbal, il a fait une force, cristallisant dans la pantomime son manque à gagner en prolifération. Même si certains clowns ont pu faire preuve d’une agilité et d’une inventivité remarquables, il reste néanmoins quelque chose d’énigmatique dans un art qui a su trouver ses moyens en dehors des mots. […] Ce qui se confirme, lorsque l’on fait le compte des artistes de cirque passés au cinéma muet, de Buster Keaton et Harold Lloyd à W.C. Field, trouvant là une occasion d’employer leur plastique, le plus souvent au profit de ce que l’on a appelé le corps burlesque. Ce n’est pas un hasard si l’arrivée du parlant mettra fin à la carrière de ces artistes. Un clown de cinéma revient lui aussi, presque invariablement, à une gestion quasi muette de son jeu. Est-ce à dire l’inscription corporelle et l’émission de signaux infra-verbaux chassent toute forme d’oralité ? C’est là que la piste de travail des Nouveaux-Nez parait pertinente. Il fait confluer des apports successifs du cirque, du théâtre, avec ceux du cinéma et du music-hall. […] L’apport principal consistant à plonger le corps burlesque du quatuor dans une fiction à base documentaire.

Des clowns différents, des figures d’Auguste, entre littérature et déchéance

©Pascal Ploix

Du corps burlesque aux formes plus théâtrales Né dans un silence forcé, le cirque a mis du temps à émerger à la parole ; de ce « déficit » verbal, il a fait une force, cristallisant dans la pantomime son manque à gagner en prolifération. Même si certains clowns ont pu faire preuve d’une agilité et d’une inventivité remarquables, il reste néanmoins quelque chose d’énigmatique dans un art qui a su trouver ses moyens en dehors des mots. […] Ce qui se confirme, lorsque l’on fait le compte des artistes de cirque passés au cinéma muet, de Buster Keaton et Harold Lloyd à W.C. Field, trouvant là une occasion d’employer leur plastique, le plus souvent au profit de ce que l’on a appelé le corps burlesque. Ce n’est pas un hasard si l’arrivée du parlant mettra fin à la carrière de ces artistes. Un clown de cinéma revient lui aussi, presque invariablement, à une gestion quasi muette de son jeu. Est-ce à dire l’inscription corporelle et l’émission de signaux infra-verbaux chassent toute forme d’oralité ? C’est là que la piste de travail des Nouveaux-Nez parait pertinente. Il fait confluer des apports successifs du cirque, du théâtre, avec ceux du cinéma et du music-hall. […]

L’apport principal consistant à plonger le corps burlesque du quatuor dans une fiction à base documentaire. Extrait vidéo des Nouveaux-Nez : http://www.youtube.com/watch?v=6ikhTr6_-PU Par le Boudu – Bonaventure Gacon Clown atypique : le grand méchant. Ce clown-là s’est déjà taillé une sacrée réputation : un peu sale, pas mal méchant, un ogre aux appétits hors normes. Et pourtant, est-il si sale cet homme ? Si méchant ? Parfois méchanceté est seulement un autre nom pour tristesse ou pour fragilité. Quoi qu’il en soit, le clochard céleste de Bonaventure Gacon est un clown pour enfants spéciaux : le genre d’enfant inquiet que chaque adulte abrite encore en lui et qu’il ne laisse sortir au grand air que si personne ne l’observe. « Par le boudu, c’est le titre de mon spectacle. Comme ça parle de la fin, du bout, du rien, du tout seul, d’avoir une chose un peu qui s’en va, une fuite en avant. Ca fait aussi « Parle Boudu », et Boudu, c’est aussi le nom du personnage, petit clin d’œil pour le film Boudu sauvé des eaux de Renoir. » Bonaventure Gacon joue un Auguste loqueteux et provoquant. Le Boudu est une épave. Un clown méchant et qui le revendique. Mais c’est en endossant toute l’horreur du monde que le personnage de Bonaventure Gacon libère le rire. Gueule tordue, barbe foisonnante, le Boudu entre en scène, dépenaillé, fourbu, plus instable qu’une coquille de noix dans la tempête. Regardez un peu ses grands yeux lunaires, la misérable calotte de feutre gris qu’il porte sur la tête, sa souquenille, ses basques, ses pantoufles et son nez rouges. Vous l’avez compris, le Boudu est un clown qui s’appelle le Boudu. Pas un de ces clowns blancs, tyranniques et vaniteux, mais un Auguste un pauvre type, une épave. http://www.youtube.com/watch?v=VacO_NU-n70 Les nouvelles figures du clown, présentation Pascal Jacob Document France 5 http://videos.france5.fr/video/c21d765ef3bs.html L’immaturité et le burlesque Quand on parle de burlesque, il faut toujours en dégager la part d’enfance. Chaque grand comique a un âge de référence. Le « Kid » Charlot garde un comportement teigneux d’adolescent de treize ans, alors que Laurel et Hardy plongent leurs démêlés affectivo-corporels dans la prime enfance. Harry Langdon doit avoir sept ans à l’aune de son inconscience attardée du social. Extrait vidéo de Harry Langton : http://www.youtube.com/watch?v=NyqODEky44A Extrait vidéo de Buster Keaton : http://www.youtube.com/watch?v=f-y36kHok4U&feature=related Extraits choisis in Théâtre aujourd’hui n°7, le Cirque contemporain, la piste, la scène p82-85

Les autres disciplines de cirque dans le spectacle Le main à main entre Titoune (voltigeur) et Bona (porteur) : Exercice acrobatique au cours duquel porteur et voltigeur, sur une registre statique ou dynamique, multiplient les élévations en se tenant par les mains, le premier « arrachant » du sol, soulevant et portant le second. Jonglerie par Mads Dans le spectacle, Mads jongle avec des pistolets. Portique Coréen entre Titoune et Bona Dressage de chien par Nigloo Numéro d’adresse au fouet par Nigloo

Cirque traditionnel, cirque contemporain : vers une réconciliation des genres ? Depuis le déclin du cirque traditionnel et l’apparition du nouveau cirque dans les années 70, on a coutume d’opposer les deux genres. Ces dernières années, les frontières sont plus ténues. Pour la chercheuse Magali Sizorn (1), le cirque traditionnel et le nouveau cirque s’identifient à travers de grands indicateurs : « d’un côté, le cirque traditionnel, qui a tendance à valoriser la technique : ritualisation autour de la prise de risque, surenchère de l’exploit, écriture en crescendo, construite à partir de numéros plutôt qu’à partir d’un propos ; présence d’animaux, et d’un certain nombre de disciplines considérées comme des fondamentaux circassiens. De l’autre côté, un cirque contemporain qui s’inscrirait en rupture, avec un autre rapport à la prise de risque, une construction des spectacles reposant davantage sur une logique de projets – reposant sur la narration ou l’abstraction du propos. Une autre vision du monde y est véhiculée : par exemple concernant la mise en scène des identités sexuées en piste, on est plutôt sur un brouillage des genres que sur une représentation conventionnelle de la répartition des rôles hommes / femmes... » Les pionniers du nouveau cirque Le contexte des années 70 (déclin du cirque traditionnel lié à la crise pétrolière, à la concurrence de la télévision...) voit l’émergence des pionniers du nouveau cirque, qui réinvestissent notamment la rue avec de petites formes circassiennes et foraines, dans la foulée de mai 68. Ces nouvelles générations s’émancipent des modèles familiaux. Une évolution facilité par l’apparition des premières écoles de cirque : en 1972, ouvrent l’école d’Annie Fratellini et Pierre Etaix, et le carré Sylvia Monfort / Alexis Grüss : « ce sont eux qui ont cassé le cycle de la formation familiale fermée, et ont permis à des gens qui venaient de tous horizons de travailler des techniques de cirque », se souvient Jean-Christophe Hervéet, cofondateur du Cirque du Dr Paradi en 1978. La motivation de ces pionniers ne se situe pas fondamentalement en rupture avec les aînés : la fascination pour un idéal est souvent évoquée. Beaucoup apprennent aussi sur le terrain, en se formant auprès de grandes familles. « Nous avons toujours eu de bons rapport avec les traditionnels, d’abord parce qu’on a travaillé avec eux, notamment les Morallès ; ensuite parce qu’on a très vite eu des animaux », constate Jean-Christophe Hervéet. « L’expérience s’acquiert dans les tournées traditionnelles : la « ville d’un jour », avec montage le matin, spectacle le soir, puis démontage, avant de reprendre la route... Nous étions ravis de ce travail ; et à la fois, nous avions d’autres ambitions artistiques, une certaine frustration de venir sur la piste uniquement pour y présenter notre numéro, puis revenir pour la parade finale. Nous avions envie de penser le spectacle différemment : que ce ne soit pas simplement un programme, avec tout le respect qu’on a toujours eu et qu’on a toujours pour ça. » La rupture esthétique, quant à elle, est progressive : « chez ces compagnies, la logique de numéros n’est pas complètement cassée ; au milieu des années 80, les premiers spectacles d’Archaos reposaient aussi sur cette écriture, même si on était sur la voie du renouvellement total », analyse Magali Sizorn. La tradition se revisite de manière plus fine : Archaos, « cirque de caractère » remplace les chevaux par des motos, qui correspondent davantage aux usages contemporains. L’apprivoisement nécessaire entre les deux milieux a néanmoins été réel, se souvient Jean-Christophe Hervéet : « Il a fallu un peu de temps pour que les deux mondes se tolèrent ! C’était plus sur des questions de principes très arrêtés, des codes intangibles du cirque, notamment les animaux. Le nouveau cirque n’était pas non plus toujours objectif ni bienveillant... A l’époque, les cirques traditionnels se regroupaient sous l’Association nationale de développement des arts du cirque (ANDAC). Sur pression du ministère, cette association s’est ouverte au nouveau cirque : Paradi, Christian Taguet (Cirque Baroque), Adrienne Larue, Plume... Il y a eu des empoignades mémorables ! Puis ça s’est arrondi, un dialogue s’est établi ». Les modèles économiques sont alors fort différents : « Il y avait de leur part cette peur de se faire grignoter, pourtant nous n’étions pas sur le même fonctionnement économique. Notre force de frappe par rapport à celle de Pinder n’était pas comparable ! Et dès le départ, nous avons revendiqué des aides publiques pour le travail de création, même si on travaillait aussi beaucoup au contrat. Pour les familles de cirque traditionnel, hormis l’Andac qui possédait alors un fonds de soutien, c’était exclu. » Distanciation puis réconciliation Il faut attendre 1978 pour que le cirque rejoigne la tutelle du Ministère de la Culture. En 1985, la création du

CNAC, école diplômante, pose un jalon capital dans le paysage de la formation, et assume depuis ses débuts un renouveau esthétique ; pour preuve, des artistes issus des premières générations impriment leur patte singulière encore aujourd’hui : Jean-Paul Lefeuvre, Nikolaus… La mise en piste du spectacle de la 7e promotion par le chorégraphe Josef Nadj (Le cri du caméléon, 1994), sonne comme un manifeste ; d’autres lui emboîtent le pas (François Verret, Guy Alloucherie, Philippe Decouflé, Fatou Traoré, David Bobée... La notion de cirque d’auteurs émerge, avec ses fers de lance (Johann le Guillerm, Jérôme Thomas...) et la reconnaissance par la critique (numéro spécial Le cirque au-delà du cercle, Art Press, en 1999). Explorant le terreau pulsionnel, le clown regagne ses lettres de noblesse (Ludor Citrik, Bonaventure Gacon.... Passant progressivement du « nouveau cirque » au « cirque contemporain », l’institutionnalisation du paysage se renforce : l’Année des arts du cirque, lancée par le Ministère de la culture en 2001, vise à un meilleur accompagnement de la création circassienne, avec des dispositifs adaptés à sa spécificité (itinérance, diffusion, création...). Des Pôles Cirque sont identifiés (label d’abord régional, puis national en 2010 (2). Des dispositifs visent à mailler un réseau : à l’échelle européenne, Circostrada Network (créé en 1993) et Jeunes Talents Cirque / Circus Next (créé en 2001) ; à l’échelle nationale, Territoires de Cirque (créé en 2004). A une époque où le cirque a assis sa pluralité - des esthétiques (spectacles monodisciplinaires, sanctifiant le passage du « cirque » aux « arts du cirque », dans la veine des Colporteurs, Arts Sauts, Jérôme Thomas, XY... ; et croisements incessants avec les arts voisins comme la danse, le théâtre, le multimédia...) ; des écritures ; des formats ; des propos ; des lieux de représentation... –, l’on assiste à l’affirmation d’une réconciliation des genres. Certains reviennent même à des codes longtemps jugés tabous (lire la suite du dossier). « Beaucoup d’artistes contemporains aussi jouent sur la nostalgie d’une imagerie circassienne ; c’est peut-être aussi cela qui fait lien entre les genres », conclut Magali Sizorn. Sans oublier que la porosité opère des deux côtés : « on a tendance à enfermer la tradition dans un cirque immuable, or il n’est pas monolithique, il a aussi beaucoup évolué. Des cirques comme Arlette Grüss incorporent l’influence de certaines formes plus nouvelles. » Julie Bordenave date de publication : 24/05/2013 (1) Magali Sizorn est maitre de conférences à l’UFR STAPS et enseignante au Master développement des publics de la culture à l’UFR de lettres de Rouen. Elle est l’auteur de Être et se dire trapéziste, entre le technicien et l'artiste. Ethnosociologie d'un cirque en mouvement, Thèse de doctorat dirigée par Betty Lefèvre (PU), Université de Rouen, octobre 2006. (2) Les Pôles Nationaux des Arts du Cirque (PNAC) sont au nombre de 12 en 2013 : consulter la rubrique "Les membres du réseau"

Bibliographie sur les compagnies, les chapiteaux, l'itinérance : BEAUVALLET, Cathy, REISCH, Manu, Carnet de Cirque, du montage au démontage, Gallimard, 2001. COLLECTIF, In Situ Voyages d’artistes européens, Editions L’Entretemps, 2006. DAVID, Gwénola, Cirque Plume, Actes Sud / CNAC, 2010. DELAROZIERE, François, Le grand répertoire, machines de spectacle, Actes Sud, 2003. DUPAVILLON, Christian, Architectures du Cirque des origines à nos jours, Le Moniteur, 2001. GARCIA, Marie-Carmen, Artistes de cirque contemporain, Editions La Dispute, 2011. HIVERNAT, Pierre, KLEIN, Véronique, Panorama contemporain des arts du cirque, Textuel hors les murs, 2010. JACOB, Pascal, POURTOIS, Christophe, Du permanent à l’éphémère… Espaces de Cirque, CIVA, 2002. JACOB, Pascal, RAYNAUD DE LAGE, Christophe, Extravaganza ! Histoires du cirque américain, Éditions théâtrales, 2005. JACOB, Pascal, RAYNAUD DE LAGE, Christophe, Les jongleurs, Magellan & Cie, 2002. JACOB, Pascal, Cirque et compagnies, Actes Sud Junior / Hors les murs, 2004. LAURENDON, Laurence & Gilles, Nouveau Cirque, la grande aventure, Le Cherche Midi Éditeur, 2001. LE GUILLERM, Johann, Le Cirque Ici présente « où ça », Association Attraction / Cirque Ici, 1999. MALEVAL, Martine, Archaos, Actes Sud, 2010. sur les clowns et les acrobates : BERNARD, Heliane, FAURE, Alexandre, C’est quoi le rire ?, Milan Jeunesse, 2009. CERVANTES, François, GERMAIN, Catherine, Le clown Arletti, vingt ans de ravissement, Co-édition Magellan&Cie / Editions Maison, 2009. CHALANDE, Yvette, Méthodologie trapézoïdale, 2002. CLAIR, Jean (sous la dir.), La grande parade portrait de l’artiste en clown, Gallimard, 2004. COLLECTIF, En piste ! Les plus beaux costumes de cirque, Centre national du costume de scène, 2013. COLLECTIF, Regard sur le cirque – Photographies 1880 – 1960, Paris Bibliothèques Editions, 2002. COLLECTIF, Clowns sans Frontières, j’ai dix ans, Magellan & Cie, 2003. JACOB, Pascal, RAYNAUD DE LAGE, Christophe, Les Clowns, Magellan & Cie, 2000. JACOB, Pascal, RAYNAUD DE LAGE, Christophe, Les acrobates, Magellan & Cie, 2001. JACOB, Pascal, Les nouveaux nez, Actes Sud, 2012. LANGLOIS, Hervé, Lettres ouvertes à de jeunes clowns et autres égarés, Capculture, 2013. MARCHAK, Samuel, LEBEDEV, Vladimir, Quand la poésie jonglait avec l’image, Editions Mémo, 2005. SAGEL, Paul-André, Secrets de clown, Editions Riveneuve/Archimbaud, 2013. SERRAULT, Michel, ROBERT LEVY, Pierre, GAGNEPAIN, Gérard, Les Fratellini, trois clowns légendaires, Actes Sud, 1997. SERREAU, Colline, ERLIH, Charlotte, L’Académie Fratellini, Actes Sud, 2008. sur la référence à l'arène, au torero : MOLINS, Patricia, G.ROMERO, Pedro, The Spanish night. Flamenco, avant-garde and popular culture1865-1936, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, 2010.

SOYEZ LES BIENVENUS ! La plupart de nos propositions étant accessibles aux collégiens et lycéens, nous aurons plaisir à vous accueillir tout au long de la saison (pour vous renseigner sur les séances tout public, reportez-vous sur www.manegedereims.com). Pour les séances scolaires (à 10h), les spectacles sont accessibles au tarif de 4 € par élève. Les accompagnateurs du groupe bénéficient d'une place gratuite par groupe de 10 élèves maximum. Pour les adultes accompagnateurs supplémentaires, la place est à 6 €. Pour les groupes scolaires en soirée ou le mercredi à 15h, les spectacles sont accessibles au tarif de 6 € par élève. Les lycéens et les apprentis en CFA de Champagne-Ardenne peuvent payer avec leur carte Lycéo ! Les accompagnateurs du groupe bénéficient de places gratuites dans certaines proportions. Pour les adultes accompagnateurs supplémentaires, la place est à 10 €. Afin de préparer vos élèves au spectacle, nous élaborons - aussi souvent que possible - des ateliers du regard et des ateliers pratiques. Pour tout renseignement, le service des relations avec le public se tient à votre disposition.

Le Manège soutient La Belle saison Avec l'enfance et la jeunesse Comment l'art vient-il aux enfants et en quoi les aide-t-il à mieux grandir ? Chaque jour, des milliers d'artistes, professionnels, médiateurs et éducateurs se mobilisent pour proposer aux enfants et aux adolescents l'émotion et l'intelligence de la rencontre avec les œuvres de l'art vivant. C'est pour mettre en lumière cette vitalité et cet engagement, la force et la qualité de cette création artistique, c'est aussi pour agir sur l'avenir que le ministère de la Culture et de la Communication, avec les artistes et les professionnels les plus investis et volontaires, ont décidé de placer 2014 et 2015 sous le signe d'une Belle saison avec l'enfance et la jeunesse. www.bellesaison.fr

Vos interlocuteurs au Manège : Nina Penz 03 26 47 98 72 / [email protected] Votre interlocutrice pour toutes les réservations scolaires Céline Gruyer 03 26 47 97 70 / [email protected] Elise Mérigeau 03 26 46 88 96 / [email protected] Responsables des relations avec le public Rémy Viau – [email protected] Enseignant relais, responsable du service éducatif

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