Crise aiguë thyrotoxique - Thyrotoxic storm

February 13, 2018 | Author: Anonymous | Category: Science, Médecine, Endocrinologie
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diabétologie Urgences en endocrinologie, et maladies métaboliques

Crise aiguë thyrotoxique Thyrotoxic storm M. Klein*

Définition La crise aiguë thyrotoxique (CAT) est une exacerbation aiguë d’une hyperthyroïdie pouvant mettre en péril le pronostic vital. Elle est généralement fatale en l’absence de traitement. La mortalité de cette complication reste comprise entre 10 et 30 % malgré le traitement.

Cadre de survenue La CAT peut survenir dans trois circonstances : ■ elle correspond à l’évolution spontanée d’une hyperthyroïdie méconnue ou négligée, éventualité rare ; ■ elle est secondaire à un événement qui interfère avec l’état hyperthyroïdien, exacerbant la symptomatologie de façon brutale, paroxystique. • Cet événement peut, lui-même, représenter une épine irritative thyroïdienne : – geste chirurgical thyroïdien ; – irathérapie, ces deux circonstances ne se rencontrant plus guère compte tenu d’une meilleure préparation des patients ; – arrêt d’un traitement par antithyroïdiens ; – traumatisme thyroïdien (palpation trop vigoureuse) ; – surdosage en hormones thyroïdiennes. • Cet événement peut correspondre à une pathologie extrathyroïdienne : – infection ; – poussée auto-immune ; – complication aiguë d’un diabète ;

* Service d’endocrinologie, CHU de Nancy.

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– traumatisme physique (fracture, intervention chirurgicale extrathyroïdienne, etc.) ; – stress psychologique ; – complication cardiovasculaire (infarctus du myocarde, décompensation cardiaque aiguë, accident vasculaire cérébral, etc.) ; – toxémie gravidique. La pathogénie de la CAT peut, dès lors, refléter une libération brutale d’hormones thyroïdiennes ou témoigner d’une activation délétère du système nerveux sympathique qui potentialise l’effet des hormones thyroïdiennes.

Diagnostic positif Clinique Souvent la symptomatologie correspond à une majoration des symptômes habituels d’hyperthyroïdie : ■ asthénie majeure ; ■ symptômes cardiocirculatoires : • Tachycardie sinusale très rapide ou tachyarythmie par fibrillation auriculaire qui peut décompenser un angor latent ou se compliquer d’insuffisance cardiaque aiguë. • Symptomatologie cardiaque hyperdynamique : – hypertension artérielle systolique avec pouls bien frappé ; – éclat de B1, renforcement de la composante pulmonaire de B2, souffle systolique fonctionnel témoignant du haut débit. • Extrémités chaudes et érythémateuses, ce qui, dans un contexte d’insuffisance cardiaque, doit faire évoquer un débit élevé ; ■ symptômes divers : • Tremblements.

Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 4, juillet/août 2005

• Sueurs (qui peuvent être profuses, ce qui doit attirer l’attention).

• Hyperthermie, quelquefois fièvre pseudo-infectieuse. Régulièrement, la symptomatologie d’hyperthyroïdie, modeste, passe au second plan, ce qui peut faire errer le diagnostic lorsque d’autres symptômes dominent la scène : ■ des symptômes de la sphère digestive : • Nausées, vomissements, diarrhée. • Hépatomégalie. • Ictère de pronostic péjoratif. ■ des symptômes neurologiques : • Faiblesse musculaire proximale ou tableau myasthéniforme. • Troubles des fonctions supérieures : – fluctuation de l’humeur ; – delirium ; – stupeur ; – coma. C’est dans ces formes cliniques piégeuses, survenant généralement chez des personnes âgées, que les symptômes thyroïdiens peuvent faire totalement défaut, y compris le goitre qui peut être calme. C’est dans ce contexte de difficultés diagnostiques que certains ont élaboré des critères diagnostiques qui ont été résumés dans le tableau.

Biologique Les dosages de TSH, T4L et si nécessaire de T3L, permettent de faire le diagnostic d’hyperthyroïdie. La TSH est effondrée, les hormones thyroïdiennes augmentées. Toutefois, leurs valeurs ne diffèrent pas de celles observées au cours des hyperthyroïdies tout venant et ne permettent pas de diagnostic de gravité. Il ne faut pas attendre leur résultat pour instaurer le traitement si le diagnostic

Première partie : thyroïde – parathyroïde

de CAT est évoqué. La glycémie et la calcémie peuvent être élevées, et le bilan hépatique peut témoigner d’une cholestase.

nomènes de toxicité sympathique, un phéochromocytome, un delirium tremens et une encéphalopathie toxique ou infectieuse.

Diagnostics différentiels

Conduite à tenir

Devant l’association d’une altération des fonctions supérieures, de manifestations cardiovasculaires et d’une fièvre, il conviendra d’évoquer systématiquement un syndrome malin des neuroleptiques, un syndrome sérotoninergique, une intoxication par les anticholinergiques, des phé-

Tableau. Critères diagnostiques de crise thyrotoxique.

Température (°F) Score 99-100 5 100-101 10 101-102 15 102-103 20 103-104 25 > 104 30 avec t°C = 5/9 (t°F-32) Tachycardie 90-110 5 110-120 10 120-130 15 130-140 20 > 140 25 Insuffisance cardiaque congestive absente 0 peu intense 5 modérée 10 sévère 15 Fibrillation auriculaire 10 Troubles des fonctions supérieures absence 0 agitation 10 delirium 20 crise comitiale, coma 30 Troubles digestifs absents 0 troubles fonctionnels 10 ictère 20 Cause déclenchante 0 0 + 10 Probabilité d’une crise thyrotoxique Score : > 45 = très vraisemblable 25-44 = probable < 25 = peu vraisemblable

Prévention Le traitement préventif repose sur le repos et la prise en charge rapide et efficace de l’hyperthyroïdie dès son diagnostic. Le traitement symptomatique par les -bloquants a, en cela, révolutionné la prise en charge des hyperthyroïdies réduisant de façon considérable le risque de CAT. Dans certaines circonstances, le risque demeure toutefois non négligeable. Il s’agit tout particulièrement des traitements radicaux de l’hyperthyroïdie qui peuvent l’exacerber. C’est pourquoi il faut veiller tout particulièrement à la préparation soigneuse à la thyroïdectomie par : – antithyroïdiens de synthèse (ATS) ; – -bloquants ; – Lugol. Préparation soigneuse à l’irathérapie : – ATS ; – -bloquants. Éviter salicylés et hydantoïnes qui déplacent la T4 de la thyroxin-binding globulin.

Traitement curatif Dès le diagnostic posé, il convient de conditionner le patient et de l’acheminer sans délai en unité de soins intensif ou en réanimation. Le traitement comportera dès lors sur trois volets : traitement symptomatique, traitement de l’hyperthyroïdie et traitement de la cause déclenchante. Traitement des effets systémiques – Le traitement de l’hyperthermie repose sur des vessies de glace, du paracétamol, voire de la chlorpromazine (25-100 mg/j). En revanche, l’aspirine qui déplace la T4 de la TBG est contre-indiquée.

– La déshydratation sera corrigée par des boissons abondantes ou des perfusions correctrices des troubles ioniques en fonction de l’état de conscience du patient. – Une nutrition orale ou parentérale apportera quotidiennement 2 000 à 3 000 calories et un supplément polyvitaminique (vitamines B, en particulier). – Un traitement sédatif par diazépam ou chlorpromazine sera instauré. Le phénobarbital qui stimule le métabolisme hépatique de la T4 peut être utile. – Toute hypercalcémie sera corrigée. – Les traitements cardiovasculaires feront appel aux associations digitalodiurétiques, à une anticoagulation préventive et à une oxygénothérapie. – Un traitement corticoïde par dexaméthasone ou méthylprednisolone i.v. aura un triple intérêt : prévenir une insuffisance surrénalienne fonctionnelle, lutter contre l’hypercalcémie et inhiber la conversion de T4 en T3. Le traitement antithyroïdien agit à plusieurs niveaux : ■ Inhibition de la synthèse des hormones thyroïdiennes : le médicament de choix est le propylthiouracile (PTU) qui n’est disponible qu’à la pharmacie centrale des hôpitaux. Il a l’avantage d’inhiber la conversion de T4 en T3. La dose de charge est de 900 à 1 200 mg par voie orale ou sonde nasogastrique. Après déconditionnement, la voie rectale peut être proposée chez les patients aux vomissements incoercibles. La dose d’entretien est de 200 mg toutes les 4 à 6 heures ou de 300 à 400 mg toutes les 8 heures. Le carbimazole est l’alternative principale à la posologie de 120 mg/j, soit un comprimé toutes les 4 heures. ■ Inhibition du relargage des hormones en réserve : ce traitement recourt aux iodures qu’il convient de débuter 2 heures après les ATS. Peuvent être utilisés une solution orale de Lugol fort à la posologie de 30 gouttes/j en 3 à 4 prises, soit 3 à 4 fois 30 gouttes/j de solution de

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diabétologie Urgences en endocrinologie, et maladies métaboliques Lugol à 1 % ou encore une solution d’iodure de sodium à raison de 1 g toutes les 8 heures en perfusion i.v. Comme alternatives, on peut recourir à une solution saturée d’iodure de potassium à raison de 5 gouttes toutes les 6 heures ou, dans les pays où ils sont encore disponibles, les produits de contraste radiographiques utilisés pour les cholécystographies (ipodate, acide iopanoïque). ■ Traitement dirigé contre les effets périphériques des hormones thyroïdiennes. – Inhibition de la conversion de T4 en T3 : le PTU a été évoqué précédemment. Les -bloquants (propranolol, aténolol ou métoprolol) et les glucocorticoïdes partagent cette même capacité à inhiber la conversion de T4 en T3. Ainsi, la dexaméthasone est proposée aux posologies de 2 à 5 mg toutes les 6 heures per os, i.v. ou i.m. Ipodate et acide iopanoïque ne sont plus disponibles en France. – Blocage -adrénergique : ce traitement permet de lutter contre les effets de l’hyperadrénergie secondaire à l’hyperthyroïdie. Le chef de file est le propranolol à la posologie de 20 à 120 mg toutes les 4 à 8 heures

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per os ou 0,5 à 1 mg/mn à la seringue électrique pour un total de 2 à 10 mg toutes les 3 à 4 heures. Si une insuffisance cardiaque est à craindre, le recours à l’esmolol, -bloquant de demi-vie très courte, peut être envisagé avec prudence, à la dose de charge de 500 g/kg/mn et à la dose d’entretien de 50 à 200 g/kg/mn. La réserpine (2,5 mg toutes les 4 heures) et la guanéthidine (30 mg toutes les 6 heures) ne sont plus guère utilisées. ■ Soustraction de l’excès d’hormones thyroïdiennes circulantes : en l’absence de réponse rapide des autres traitements, ou si le malade est comateux ou présente certaines étiologies particulières, les techniques d’épuration extrarénale peuvent être envisagées : plasmaphérèse, hémofiltration, dialyse péritonéale. Chaque épuration de 60 ml/kg permet l’extraction de seulement 20 % du pool d’hormones thyroïdiennes. Il convient de réaliser au moins deux séances à 24 heures d’intervalle pour être efficace. ■ Traitements d’exception – Place de la chirurgie de sauvetage : ses indications sont devenues exceptionnelles. Elle est généralement pré-

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parée par une épuration extrarénale. Les CAT secondaires à une surcharge iodée représentent l’indication quasi exclusive. Elle reste grevée par une mortalité de 10 à 42 %. – Carbonate de lithium : ce traitement est réservé aux contre-indications des traitements habituels. Des posologies de 200 à 300 mg/6 h permettent de maintenir la concentration sérique aux alentours de 1 mEq/l. Traitement étiologique Il correspond au traitement de la cause déclenchante, par exemple antibiothérapie, équilibre d’un diabète, etc.

Références ■ Goldberg PA, Inzucchi SE. Critical issues in endocrinology. Clin Chest Med 2003;24:583-606. ■ Ringel MD. Management of hypothyroidism and hyperthyroidism in the intensive care unit. Crit Care Clin 2001;17:59-74. ■ Scholz GH et al. Is there a place for thyroidectomy in older patients with thyrotoxic storm and cardiorespiratory failure? Thyroid 2003;13: 933-40.

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