Dans son livre Petit organon pour le théâtre, Bertolt Brecht explique

January 9, 2018 | Author: Anonymous | Category: Arts et Lettres, Spectacle vivant, Théâtre
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Dans son livre Petit organon pour le théâtre, Bertolt Brecht explique une nouvelle façon de percevoir et de faire le théâtre, il donne une définition très claire de sa vision du théâtre : «Le théâtre consiste à fabriquer des reproductions vivantes d’événements, rapportés ou inventés, qui opposent des hommes, et cela aux fins de divertissement. C’est en tout cas ce que nous entendrons dans ce qui suit quand nous parlons de théâtre, de l’ancien ou du nouveau.» 1

Bertolt Brecht est un dramaturge, metteur en scène et poète allemand, né en 1898 et mort en 1966, il a écrit plusieurs pièces dont Les tambours dans la nuit (1920), L'Opéra de Quat'sous (1928) et Le cercle de craie caucasien (1945). Écrit en 1948, son livre Petit organon pour le théâtre parle du contexte de l’ère scientifique de l’époque et de son impact sur l’environnement, mais aussi sur l’être humain, il est aussi question de ce qu'il appelle : le théâtre de l'ère scientifique. Étant un militant marxiste, Brecht défend beaucoup les différences entre les classes sociales, entre la classe bourgeoise et la classe ouvrière, il croit que plus ce changement de société, qui est beaucoup tourné vers la production, prend de l’expansion, plus le creux entre ces deux classes s’agrandit. De plus, l’auteur précise à plusieurs reprises au travers de son livre qu’une des fonctions primaires du théâtre est d’être un divertissement et il en est ainsi pour toutes les autres formes d’art sans exception.

Bertolt Brecht est le père d'une esthétique théâtrale que l'on appelle le théâtre épique, qui a vu le jour en 1926, cette forme de théâtre, s'oppose surtout au courant naturaliste, qui est du théâtre réaliste, qui nous permet de nous identifier aux personnages et qui selon Brecht endort l'esprit critique. Brecht s'oppose donc aux théories d'Aristote, qu'il qualifie de théâtre d'illusion. Contrairement aux pièces de théâtre réaliste qui forment une unité, Brecht croit que l'on doit jouer et monter chaque scène d'une pièce de théâtre épique de façon indépendante les unes des autres. Cette 1

Brecht, Bertol. 1978. Petit organon pour le théâtre. Paris : L'Arche. p.11

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nouvelle esthétique amène des changements au niveau de l'écriture, de la mise en scène, de la scénographie ainsi que sur le jeu des comédiens. Une autre critique qu'il fait envers le naturaliste est que cette forme de théâtre tente de recréer un faux présent, alors que le théâtre épique se base sur le passé, sur des faits historiques et le public est conscient qu'il s'agit de représentation du passé. De plus, Brecht croit que plus une scène de théâtre s'éloigne de nous socialement et historiquement, il est beaucoup plus difficile de s'y identifier. Brecht croit que le théâtre naturaliste tente de faire passer pour la réalité la représentation théâtrale de façon un peu hypnotique pour amener le spectateur à s'identifier aux personnages. De plus, le théâtre épique procure un effet totalement contraire à la théorie de la catharsis d'Aristote, parce que les spectateurs ne doivent jamais s'identifier. «La catharsis est l'épuration des passions par le moyen de la représentation dramatique : en assistant à un spectacle théâtral, l'être humain se libère de ses pulsions, angoisses ou fantasmes en les vivants à travers le héros ou les situations représentées sous ses yeux. »2 Le théâtre épique est plus un théâtre de raison, que de sentiment, il a pour but de conscientiser, de responsabiliser, de provoquer une transformation dans la société, il tente aussi d'expliquer la place de l'être humain.

Une des notions les plus importantes du théâtre épique de Brecht est la distanciation, il commence à utiliser ce terme vers 1936 qui désigne certains des procédés utilisés dans le théâtre épique : «L'effet de distanciation. Une reproduction qui distancie est une reproduction qui, certes, fait reconnaître l'objet, mais qui le fait en même paraître étranger.»3 Les effets de distanciation concernent autant l'acteur que le spectateur. Le spectateur ne doit pas trop s’identifier au personnage qu’il voit, il doit prendre ses distances de ce qu’il voit, la distanciation empêche le spectateur de confondre le théâtre et la réalité. Les procédés de distanciation peuvent créer un effet 2

http://labourseoulavie.wordpress.com/2013/04/18/quest-devenue-la-catharsis/ (consulté le 30 octobre 2013) 3 Brecht, Bertol. 1978. Petit organon pour le théâtre. Paris : L'Arche. P.57

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d'étrangeté chez les spectateurs, le terme que Brecht utilise pour définir la distanciation en allemand est Verfremdung ou Verfremdungseffekt qui signifie : effet d'étrangeté. Le théâtre épique a pour but de faire réfléchir librement le spectateur, on ne l'oblige pas à avaler tout cru ce qui se déroule sur la scène. Le spectateur se doit de juger, d'observer et de critiquer et on le force parfois à prendre des décisions, le théâtre épique chercher à éveiller l'activité intellectuelle de son public. Brecht croit que sans la participation active du spectateur, la représentation est incomplète. De plus, le public se doit d'être attiré dans l'histoire : «Afin que le public ne soit surtout pas invité à se jeter dans la fable comme dans un fleuve pour se laisser porter indifféremment ici ou là, il faut que les divers événements soient noués de telle manière que les nœuds attirent l'attention.»4

Il y a plusieurs façons de captiver cette attention du spectateur, tout d'abord, par l’acteur, ce dernier ne doit pas être trop associé à son personnage, les spectateurs doivent voir le comédien qui joue le personnage. Le comédien ne doit pas vivre son personnage, mais plutôt le jouer, l'acteur raconte plus son personnage qu'il ne le joue. Par contre, il ne faut pas croire que le comédien ne jouera pas les émotions intenses du personnage, le comédien au théâtre épique ne reste pas de glace, il est seulement important que ses sentiments personnels ne deviennent pas ceux du personnage. Le seul moment où l’acteur a le droit de s’identifier à son personnage est lors des répétitions, lorsqu’il travaille sur son personnage et se demande, par exemple, comment son personnage réagirait dans telle situation, qu'est-ce qu'il répondrait à telle affirmation, ce qui aide son personnage à se construire. Le personnage se construit beaucoup avec l’observation, l’acteur observe les gestes, les réactions d’autrui, pour s’aider à former son personnage, tout en passant par un stade de réflexion, pour que le comédien n’imite pas ce qui a déjà été fait, mais qu'il crée plutôt sa propre version. Aussi, il est très important pour le comédien de bien connaître son sujet, le contexte historique et tout ce qu'y tourne autour de la pièce, s'il ne veut as faire qu'une banale imitation de ce qui a déjà été fait. Un acteur ne peut pas rien montrer ni donner de piste 4

Brecht, Bertol. 1978. Petit organon pour le théâtre. Paris : L'Arche. P. 89

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de réflexion à son public s'il ne connait rien. De plus, le comédien ne doit jamais devenir totalement son personnage, il doit toujours garder une certaine distance par rapport à son personnage, il joue le personnage, mais il ne l’est pas. L'acteur est sur scène en tant que lui-même, mais aussi en tant que le personnage, il a donc deux identités sur la scène. «Ses propres sentiments ne devraient pas être fondamentalement ceux de son personnage, afin que ceux de son public non plus ne deviennent pas fondamentalement ceux du personnage. Le public doit avoir là une entière liberté.» 5 Cette non-identification créer un sentiment d’étrangeté chez le spectateur et lui permet de prendre du recul sur ce qui se passe. C'est seulement si l'acteur se distancie de son personnage, que le spectateur pourra à son tour, se distancier.

Un acteur doit faire beaucoup de travail avant de trouver la meilleure façon de jouer son personnage dans l'esthétique épique. Il ne doit pas nécessairement de fier à ce qu'il trouve comme étant le plus naturel, car le naturel ne permettra pas aux spectateurs de voir le procédé de distanciation à l'œuvre, ils verront seulement un personnage joué de façon réaliste. Aussi, il est important que tous les comédiens travaillent ensemble à la construction de leur personnage, car une certaine unité sociale est désirée et c'est en travaillant ensemble que les gens évoluent. Au théâtre épique, il n'est pas vraiment question de personnage vedette qui se fait mettre en évidence par tous les autres personnages. Les comédiens se doivent de travailler ensemble pour tous se donner pour les autres. Brecht croit aussi qu'il est intéressant que lors des pratiques, les comédiens essaient de jouer les rôles des autres et voir ce qu'ils peuvent y apporter. Jouer aussi son personnage de plusieurs façons différentes, tant comiques que tragiques peut aider à amener de nouvelles couleurs au personnage. Brecht appelle gestus sociale, la façon, dont les personnages bougent, mais cela définit aussi leur comportement, les gestes, les attitudes et les paroles de l'acteur.

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Brecht, Bertol. 1978. Petit organon pour le théâtre. Paris : L'Arche. P.64

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De plus, l'acteur n'a pas à cacher tous les mécanismes qui se cachent sous la machine théâtrale : «De même, le comédien n'a pas à faire accroire à son public que ce n'est pas lui, mais le personnage de la fiction qui se tient sur le plateau, il n'a pas non plus à lui

faire accroire que ce qui se déroule sur le plateau n'a jamais été répété, mais se produit pour la toute première et unique fois.»6

Lorsque les techniques de distanciation sont bien utilisés, à aucun moment, le spectateur ne va oublier qu'il est au théâtre, le public est conscient que ce qui se passe à ce moment précis n'est pas réel, il est donc inutile de tenter de lui faire croire le contraire.

Une autre façon d'attirer l'attention du public peut être par la scénographie, car dans le théâtre épique, les scénographes ont souvent une très grande liberté. Par exemple, si la pièce se passe en ville, le décor n'a pas être très vrai en représentant tous les détails d'une vraie rue, mais cela pourrait plutôt être des éléments qui rappel la ville avec des diapositives ou des projections sur le fond de la scène. Le décor, tout en restant simpliste et qui n'est obligatoirement réaliste, peut rappeler des éléments sociaux ou historiques importants qui concerne la pièce ou alors une simple inscription qui nous indique où a lieu la scène. La scène n'est pas richement décorée comme au théâtre réaliste, il peut parfois y avoir que deux ou trois éléments de décors sur la scène, car Brecht mise plus sur la projection pour installer une ambiance. Il arrive parfois que pendant des changements de scène, le rideau se baisse seulement à la moitié ou alors pas du tout, ce qui permet au spectateur de voir tous les changements qui ont lieu sur la scène. Il peut arriver la même chose pour les costumes, alors qu'un comédien change de costume à la vue de tous. Pour Brecht, les costumes sont une façon de dire le texte. Du côté de l'éclairage, la scène n'est pas autant plongé dans le noir, comme on peut le voir au théâtre réaliste, cette plus grande lumière permet au spectateur d'être plus conscient de toute la magie qui s'opère durant la représentation.

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Brecht, Bertol. 1978. Petit organon pour le théâtre. Paris : L'Arche. P.67

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De plus, il arrive que la salle où les spectateurs sont assis soit éclairée, ce qui permet au public de se voir entre eux, mais aussi aux comédiens de bien voir le public.

Tous les procédés utilisés au théâtre épique ont pour but de nous rappeler que nous sommes au théâtre et que ce que nous voyons n'est pas la réalité. Au théâtre épique, il existe plusieurs procédés différents qui permettent de créer un effet de distanciation. Premièrement, il est très important de briser le quatrième mur, ce qui donne un contact très différent avec le public. Cette façon de jouer est très différente de qu'on l'on peut voir au théâtre classique où les acteurs ne prennent pas conscience des spectateurs et n'interagis jamais avec eux. Dans le théâtre épique, un comédien pourrait arrêter de jouer avec sa réplique pour aller parler à un des sectateurs afin de la confronter, il pourrait accuser un spectateur des fautes de l'autre personnage. Cette confrontation directe avec une personne peut permettre au spectateur de s'arrêter pour réfléchir à ce que vient de lui dire cet acteur, cela peut faire prendre conscience au spectateur des choses auxquelles il n'avait jamais pensé.

Deuxièmement, les acteurs peuvent aussi être présents à titre de narrateurs, le narrateur peut commenter l'action, dire ce qu'il pense ou ce qu'il croit qu'un personnage aurait dû faire. Le narrateur peut aussi informer le public de ce qui va arriver au personnage dans les scènes qui suivent, ce qui permet aux spectateurs d'avoir l'esprit libre et de pouvoir pousser sa réflexion plus loin, sans se soucier de ce qui va arriver aux personnages. Le narrateur peut aussi divulguer les pensées secrètes d'un personnage ou alors les raisons qui le poussent à agir de la sorte. Par contre, les personnages peuvent eux-mêmes faire la même chose en venant se présenter aux spectateurs chacun leur tour à l'avant de la scène. Un personnage peut aussi divulguer au public ses pensées profondes ou alors pour rajouter des informations sur quelque chose qui concerne la pièce.

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Les chansons sont beaucoup utilisées dans le théâtre épique, un personnage peut interrompre son jeu pour se mettre à chanter. La chanson peut exprimer l'état d'âme du personnage ou alors quelque chose qui concerne le contexte historique de la pièce. De plus, lorsque les comédiens arrêtent l'action pour chanter, il s'agit très rarement de voix impressionnantes, il arrivait souvent que les comédiens n'aient absolument aucun talent en chant et c'est ce que Brecht désirait. S'il y avait un orchestre qui accompagnait la chanson, il n'était pas caché dans une fosse, mais plutôt bien visible sur la scène. Aussi, la musique n'était pas seulement présente comme accompagnement à la pièce, elle était un élément important qui rajoutait souvent son propre commentaire, la musique avait sa propre valeur dans la pièce. Dans ses productions, Brecht aimait beaucoup utiliser la projection, autant d'image que de vidéos. Dans les projections, on pouvait par exemple voir de véritables articles de journaux par rapport un événement, des photos, des statistiques, toutes sortes de choses qui rajoutent de l'information à la pièce sans que les personnages aient besoin de les prononcer mot pour mot. Ces projections peuvent mettre la lumière sur de vrais problèmes qui touchent notre société et les spectateurs sont obligés d'y être confronté, ils ne peuvent pas éviter les faits qui leur sont présentés. Les projections vidéos peuvent servir à illustrer des faits, en montrant par vidéos des événements qui se sont réellement produits. Les informations peuvent aussi êtres écrites sur de simples bouts de cartons, écrits à la main, il peut être la journée, le nom d'un personnage, n'importe qu'elle information qui pas dit dans les dialogues.

La façon dont joue un acteur peut aussi amener un effet de distanciation, par exemple, l'acteur peut jouer tout au long de la pièce face public sans jamais regarder son partenaire de jeu. Il serait aussi possible de voir un comédien jouer de dos au public, ce qui empêcherait d'une autre façon, le spectateur de s'identifier à ce personnage s'il ne le voit pas bien.

Certains effets de distanciation utilisés dans le théâtre Brechtien, telle la chanson, les pancartes, s'adresser au public, etc., ont été aussi remarqué dans les farces 7

du Moyen Âge ainsi qu'au théâtre asiatique. Le théâtre épique a été très populaire en Europe, jusque dans les années 1970, au Québec, il faut plutôt attendre durant les années 1980, pour voir cette forme de théâtre apparaitre.

En créant son théâtre, Brecht avait surtout comme objectif, de créer un théâtre qui allait porter le public à réfléchir, il n'est pas intéressé par qui endort l'esprit, au contraire, il veut éveiller les gens. Aujourd'hui, il n'est plus souvent question de théâtre épique, maintenant les metteurs en scène vont souvent mélanger des éléments de plusieurs esthétiques différentes. Donc, sans revoir tous les éléments qui caractérisent le théâtre, on peut en reconnaître certains éléments de distanciation dans des pièces modernes.

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Bibliographie

Brecht, Bertol. 1978. Petit organon pour le théâtre. Paris : L'Arche. 116 P.

La bourse ou la vie. 2013. «Qu'est devenue la catharsis?» En ligne. http://labourseoulavie.wordpress.com/2013/04/18/quest-devenue-la-catharsis/ consulté le 30 octobre 2013.

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