dossier EFFROYABLES JARDINS + articles de Presse

January 9, 2018 | Author: Anonymous | Category: Arts et Lettres, Spectacle vivant, Théâtre
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extrait vidéo sur Youtube http://www.youtube.com/user/DOMINIQUELAFONT#p/a/u/1/oOh-D4_p1Es dossier accessible sur le site de la compagnie http://theatre.carpediem.free.fr/

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résumé de la pièce texte paru en septembre 2000

Le protagoniste, un haut fonctionnaire de la Commission Européenne des finances, tout jeune enfant, détestait les clowns et trouvait particulièrement ridicules et embarrassantes les pitreries auxquelles s'adonnait son père, instituteur, qui passait son temps libre habillé en auguste, allant jusqu'à délaisser sa vie familiale.

Un jour, son cousin Gaston lui raconte comment ce père et lui sont entrés dans la Résistance pendant la seconde guerre mondiale, comment ils sont arrêtés et retenus comme otages par les nazis, comment ils sont gardés par un soldat clown qui refuse de perdre son humanité et comment ils sont sauvés in extrémis par le sacrifice extraordinaire d’un inconnu.

Ce passé mouvementé mêlant quiproquo, humour, peur et amour éclaire l'esprit de l'adolescent sur les faits et gestes de son entourage marqués par la guerre. Il comprend alors la complicité muette de sa mère vis à vis de son père, les pirouettes clownesques de celui-ci et, aussi sûrement le plus important, la grandeur de l’homme et le devoir de mémoire que tout individu doit assumer durant sa vie.

En hommage au père disparu, le jeune garçon devenu adulte se rend sous le déguisement d’un clown, à Bordeaux au procès de Maurice Papon, l’ancien fonctionnaire du régime vichyste.

Des personnages d’une rare humanité, un texte d’une grande sensibilité. Une histoire toute simple... Un épisode de la Résistance raconté avec beaucoup de pudeur entre rires et larmes.

extrait « À mon avis, quelles que soient vos responsabilités dans le sabotage, vous avez tort de marcher dans la combine du Herr Oberst... L’idéal est de l'obliger à vous fusiller tous ou aucun... Si vous lui offrez une victime expiatoire, vous collaborez, vous le justifiez, sa proposition de choix inhumain devient raisonnable, presque charitable... » Tous ces mots, tellement beaux, recherchés, que je m'en souviens comme des étoiles, c'était Bernd, assis à nouveau au bord du trou. « Victime expiatoire, choix inhumain... » T'en parles à ton aise, a dit Henri. Vaut mieux en sacrifier un pour en sauver trois que faire les fiers et y passer tous les quatre ! « Consentir à autrui le pouvoir de vie et de mort sur soi ou se croire si au-dessus de tout qu'on puisse décider du prix de telle ou telle vie, c'est quitter toute dignité et laisser le mal devenir une valeur. Pardon d’être, avec cet uniforme, du côté du mal ! »

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note d’intention

Quand André Salzet m’a proposé de mettre en scène le texte de Michel Quint, je me suis demandé en quoi ce récit pourrait avoir un écho suffisamment profond en moi pour que je puisse l’offrir au public.

D’origine brésilienne, j’ai vécu, quand j’étais adolescente dans les années 70, la dictature militaire au Brésil. L’interdit, là-bas non plus, n’avait pas de limites comme la violence d’ailleurs : interdits de se réunir, de parler, d’écrire, de lire certains ouvrages. La censure et le silence étaient la règle ; la peur était vécue au quotidien par tous, peur la nuit d’entendre les pas des paramilitaires venir vous enlever, peur le jour du regard du policier ou du voisin, de l’autre qui pouvait, aussi, être du côté du mal...

Effroyables Jardins fait surgir en moi tout d’abord, les bribes de la mémoire oubliée, les réminiscences de l’adolescence, ce « réveil fortuit de traces anciennes dont l'esprit n'a pas la conscience nette et distincte » dont parle Sainte-Beuve. Le narrateur, haut fonctionnaire à la Commission Européenne des finances se souvient et « conte » son histoire : le rendez-vous manqué avec son père sur le quai de la gare de Lille en partance vers Bordeaux où doit se dérouler le procès Papon. La mort sur ce quai de ce père instituteur, pitre, clown triste et ridicule déclenche cet insoutenable besoin de raconter et de susciter l’image de celui qui fut la cause de toutes ses douleurs et de toutes ses hontes. Il comprend enfin la bravoure et la fraternité que son père, Résistant, dissimulait derrière son humilité. Ce fils qui, à la mort du père tellement rejeté, est capable de faire cet effort de résurgence de la compassion, rejoint notre histoire à tous.

Ombres et lumières ! Un couloir de lumière dans la vie étriquée de ce haut fonctionnaire où les ombres surgissent et s’imposent dans son présent, si soudaines et si réelles. Il lui est impératif de se souvenir et de se raconter. Une mémoire oubliée qui se veut perdue dans le trop plein de sentiments contradictoires, la mesquinerie de l’adolescent face à la présence de ce père au passé dérisoire de Résistant. Comme un mannequin, peut être une marionnette qui, tour à tour, représente le père, l’oncle Gaston, Emile, Henri, Berndt, le « « conteur » peut, enfin se livrer sans retenue : « J’ai tout ressorti, tout épousseté » avoue-t-il.

Ombres et lumières ! Un brouhaha de hall de gare, celle aussi d’une salle des pas perdus de palais de justice. Des images fugitives et subliminales d’une foule traversant l’espace. Autant de fantômes évoqués par le souvenir de l’homme conteur … Autant de fantômes surgissant dans les plaidoiries du procès Papon … Autant de fantômes enfouis dans nos vies… Márcia de Castro

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André Salzet Après des études d’ingénieur, il se consacre au théâtre en 1984 et suit les cours de l'Ecole Dullin. Il a récemment adapté et joué Le Joueur d'Echecs de Stefan Zweig (1000ème en mai 09), mise en scène d’Yves Kerboul et La Colonie Pénitentiaire de Franz Kafka (07-08), mise en scène de Laurent Caruana. Il a débuté au théâtre de l’Epée de Bois (1987 à 89) dans Volpone de Ben Jonson et Tamerlan de Christopher Marlowe dans les mises en scènes d'Antonio Diaz Florian. Puis il a joué dans La Nuit Miraculeuse, film du Théâtre du Soleil sur les droits de l’homme, réalisé par Ariane Mnouchkine en 1989. Il dirige la compagnie Théâtre Carpe Diem Argenteuil où ses activités de comédien, metteur en scène et adaptateur l'amènent à côtoyer les textes et les auteurs les plus divers (Maupassant, Stefan Zweig, Thomas Bernhard, Franz Kafka) dans une démarche volontairement ouverte et éclectique. Depuis 2008, il travaille en collaboration avec Márcia de Castro : de leur envie de porter sur scène des textes littéraires, est né le spectacle Effroyables Jardins.

Márcia de Castro Metteuse en scène associée au Théâtre Carpe Diem. Formée à l’Ecole Dullin et au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris, elle a joué, entre autres, dans Veillée Irlandaise de Bob Maguire au Théâtre de l'Odéon, mise en scène de Philippe Mercier, Les Acteurs de Bonne Fois de Marivaux, mise en scène de Philippe Adrien au Théâtre de l’Athénée, Le Misanthrope de Molière mise en scène de Jean Luc Jeener (tournée en Afrique, Europe et Moyen Orient). Dans sa découverte du monde, elle participe, à Ouagadougou, à la création de la première école de théâtre. A Dakar, elle crée et dirige la troupe de clowns sénégalais Côté Jardin. A Madagascar, elle met en scène Mille francs de récompense de Victor Hugo avec la Cie Landyvolafotsy et Anthropo-fagïa avec la chorégraphe Gaby Saranouffi. Elle a adapté et mis en scène Effroyables Jardins au Festival d’Avignon 2009. Elle joue actuellement Poivre et sel, scènes piquantes de vie de couple.

Michel Quint Titulaire d'une licence de lettres classiques et d'une maîtrise d'études théâtrales, après avoir enseigné le théâtre dans un lycée à Roubaix, il se consacre désormais exclusivement à l'écriture. Il a commencé par écrire du théâtre pour Théâtre Ouvert puis des feuilletons radiophoniques pour France Culture. Il a obtenu le Grand Prix de la littérature policière en 1989 pour Billard à l'étage (Ed. Rivage). Son plus grand succès est Effroyables Jardins (Ed. Joëlle Losfeld, 2000). Ses dernières publications : Les Joyeuses (Ed. Stock 2009), Max (Ed. Perrin 2008), Et mon mal est délicieux (Ed. Gallimard 2005), Aimer à peine (Ed. Joëlle Losfeld 2002), A l'encre rouge (Ed. Rivages Noirs 2002)

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note de l’auteur « Je ne sais pas si j'ai bien fait de tout déballer cette vieille affaire de famille. Une anecdote de la seconde guerre comme il y en a en mille, et même pas héroïque. D'abord vous avez les vôtres, d'affaires, et puis vous allez peut-être m'en vouloir parce que c'est quand même plus confortable, je le sais d'expérience, vu qu'avant d'écrire ce bazar, j'avais ma tranquillité, c'était plus confortable d'ignorer, d'avoir oublié complètement. Je veux dire : de plus faire le lien entre les effroyables jardins de nos mémoires et les autres, qui continuent à fleurir sauvage, partout et sans cesse. Parce que la barbarie c'est pas que de l'autrefois, une vieille maladie circonscrite dans l'Histoire et vaccinable à coups de dépôts de gerbes et de commémorations. C'est du passé vivant. Evidemment, malgré tout, vécue, racontée par un clown à trois ronds, cette affaire prend tout de suite une tournure officielle ! D'ailleurs au fond, le problème est là : est-ce que vous pouvez, vous spectateurs, nous faire confiance ? Croire que le pire n'arrête pas de survenir et qu'on peut quand même croire en l'humanité ? C'est donc à cela qu'on vous convie : mettez un nez rouge, ce soir, et sûrement que le monde ne sera pas moins cruel mais peut-être qu'on sera un petit peu plus des hommes qui n'en détournent pas le regard. » « André Salzet a bien semé, raclé, planté dans les Effroyables Jardins » Michel Quint

point de vue pédagogique Le roman de Michel Quint, publié en 2000, est d’un intérêt pédagogique incontestable, comme l’affirment les professeurs qui l’ont fait découvrir à leurs élèves, en raison du contact simple et familier qu’il entretient avec le lecteur. Il permet d’aborder de manière efficace et originale la question du genre biographique, entre fiction et réalité. L’environnement historique (la période de la Résistance et de l’Occupation) et ses incidences sur l’actualité (le procès Papon et ses différents rebondissements) permettent de relier cet ouvrage à une réflexion plus générale sur l’engagement politique et la citoyenneté. Des rencontres avec les scolaires peuvent être organisées avant ou après la représentation

extraits presse André Salzet remue le cœur du spectateur en traitant de l'importance de la vérité, de l'idée de transmission du devoir de mémoire. C'est un homme rare, dont la générosité se devine sur les planches. Figaroscope 5/1/09 Le texte de Michel Quint est magnifique. André Salzet l’incarne avec sensibilité et humour, beaucoup de tendresse et de générosité. Télérama 6/1/09 La pièce opère une introspection pleine d'émotion portée par un comédien, les chairs à vif au fur et à mesure que la chrysalide laisse naître le papillon. Laissez-vous surprendre par cette mue. Magazine Théâtral - Festival d’Avignon 09 André Salzet, qui triompha dans « Le Joueur d’Echecs » plonge le public au cœur d’un conte très… réel. La folie des hommes y prend souvent le pas sur la raison, mais, à la fin, c’est l’amour et la tendresse d’un sourire qui gagnent. On dit alors un seul mot : bravo ! La Provence - Festival d’Avignon 09

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05/01/2010

Promenade émouvante dans les «Effroyables jardins» Nathalie Simon (Figaroscope) Théâtre du Lucernaire 53 rue Notre Dame des Champs 75006 Paris jusqu’au 24 janvier 2010

Sollicitée par le comédien André Salzet, le metteur en scène d'origine brésilienne Márcia de Castro a adapté le livre à succès que Michel Quint a publié en 2000 (chez Joëlle Losfeld). L'histoire est à la fois banale et magnifique. Dans les années 1950, un instituteur se déguise en clown pour amuser les autres. Il ne sait pas que son fils a honte de lui, de son « maquillage ridicule », et le considère comme « le plus triste des clowns tristes ». Jusqu'au jour où son oncle Gaston lui raconte qu'ils ont participé à la Résistance. D'abord « pour rigoler », puis sérieusement. Après avoir saboté un transformateur électrique, ils sont faits prisonniers. S'ils ne se dénoncent pas, tous les détenus seront fusillés.

Critique Malgré le titre de la pièce éponyme présentée dans le salle du Lucernaire baptisée « Théâtre noir », on sourit souvent face à André Salzet, seul sur une scène dépouillée. Vêtu d'un costume classique sur une chemise jaune - la couleur de la perruque de l'Auguste et de la Panhard familiale qui font le désespoir du fils -, l'acteur relate le touchant destin d'un homme comme les autres avec un accent patois parfois prononcé, mais toujours compréhensible. Il dit si bien les mots ciselés de Michel Quint qu'il fait revivre au public l'arrestation des deux « héros », leurs souffrances dans la fosse, le « trou » où ils sont détenus et espèrent un miracle. Une mèche sur le front, le regard niais, il interprète avec un talent époustouflant le gardien, étonnamment humain : « Pardon d'être, avec cet uniforme, du côté du mal », justifie le soldat qui jongle avec des tartines de pain emballées dans du papier journal. Mine de rien, si on peut l'écrire, André Salzet remue le cœur du spectateur en traitant de l'importance de la vérité, de l'idée de transmission et, d'une certaine façon, du devoir de mémoire. Répondant ainsi au vœu de l'auteur d'un ouvrage qu'on a envie, du coup, de relire. Parti pour une carrière d'ingénieur, André Salzet a eu la bonne idée de suivre des cours à l'École Dullin. Amoureux de littérature, il a récemment présenté et joué Le Joueur d'échecs de Stefan Zweig et dirige la compagnie Théâtre Carpe Diem à Argenteuil. C'est un homme rare, dont la générosité se devine sur les planches.

Un film de Jean Becker Professionnellement, Michel Quint a au moins deux raisons de se réjouir. Car son livre a également fait l'objet d'une adaptation très réussie au cinéma. Elle a été réalisée en 2003 par Jean Becker avec une pléiade d'acteurs que n'importe quel metteur en scène envierait : à commencer par Jacques Villeret, disparu en 2005, André Dussollier, Benoît Magimel, Thierry Lhermitte, Isabelle Candelier, Damien Jouillerot... Si Jean Becker a modifié certains éléments du texte original, il a en revanche fait ressortir l'humanité de l'histoire, à l'instar de Márcia de Castro, laquelle a tout misé sur le talent de son interprète.

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Sylviane Bernard-Greish

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Studio Théâtre - Laure Adler Coup de Cœur de Mr Guy

Effroyables Jardins de Michel Quint adaptation, scénographie et mise en scène: Márcia de Castro avec: André Salzet lumières: Ydir Acef Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre Dame des Champs 75006 Paris, jusqu'au 24 janvier

Entre un aller à Bordeaux, où il va assister au procès de Maurice Papon, et un retour introspectif à son adolescence, le narrateur d'Effroyables Jardins explore le lien entre le jardin de son histoire intime et l'effroyable terrain de la guerre de 39-45, labouré par la haine et l'inhumain. Adolescent, bon élève, le narrateur se sent promis à un bel avenir, il rêve de hauteur. Mais il aimerait être plus bas que terre lorsque son père s'accoutre de son costume de clown. Dans ces moments, il se sent envahi par la honte. C'est Gaston, l'ami de la famille, qui va l'entraîner dans les sous-couches du passé pas si lointain, là où lui et André le père du narrateur, aujourd'hui instituteur, furent résistants et otages. Les révélations de Gaston vont révolutionner autant le regard de l'adolescent sur son père, que celui sur la vie. En révélant à l'adolescent que son père et lui ont résisté et survécu à la haine, Gaston lui révèle dans un même temps l'incongruité de sa honte. A la fois roman initiatique et fable philosophique, Effroyables Jardins révèle au lecteur, ici au spectateur, que l'identité de chacun prend ses racines dans le terreau de l'histoire et de ses désordres. L'ignorer, c'est faire le lit de la peur et de la honte de l'autre. Pire, c'est se retrouver désarmé lorsque l'ignorance métamorphosée en déni, donnera libre court à la haine destructive et meurtrière. Le clown, ici figure allégorique du vivant et de ses désordres, sort vainqueur en introduisant du sens et de la pensée dans les rouages de la machine aux ordres de la mort. L'auteur, Michel Quint, a écrit des dramatiques pour la radio et enseigné le théâtre. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles ce texte supporte si bien l'adaptation sur un plateau. La scénographie et la mise en scène de Márcia de Castro, soulignent et accompagnent tout en nuance les enjeux du texte. Dans le rôle du narrateur, André Salzet est émouvant de justesse dans son habilité à trouver un juste équilibre sur le fil de son jeu, qui l'empêche de sombrer dans le pathos. Un spectacle d'une incroyable actualité, où l'identité n'est pas une fleur rêvée, renouvelée à l'identique dans un jardin en ordre et aux ordres, où il suffirait d'obéir. L'identité, ici, est synonyme de singularité, d'aléatoire, d'enracinement dans le vivant, où vivre c'est penser sa place en incluant celle de l'autre. Coup de Cœur de Mr Guy 18/12/09

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SORTIR Publié le 02/12/2009 à 17:32 Le Point.fr - Culture

THÉÂTRE / LUCERNAIRE

Entre effroi et tendresse, les jardins de Michel Quint

Effroyables jardins de Michel Quint. Mise en scène de Marcia de Castro. Avec André Salzet. Lucernaire, Paris 6e jusqu'au 23 janvier 2010.

Mais pourquoi diable André, l'instituteur bonhomme, a-t-il toujours eu ce nez rouge vissé sur la bouille, ce fard blanc et cette perruque ridicule ? Pourquoi a-t-il toujours passé ses dimanches en goguette, à faire le pitre, plutôt qu'en famille, comme tous les autres ? Son fils, qui tient en horreur les Auguste, le découvrira au fil du récit de l'oncle Gaston. "Sans vérité, comment peut-il y avoir de l'espoir ?" Tendu, précis, le texte de Michel Quint est magnifique. Dans une mise en scène de Gérard Gélas, JeanPaul Farré en offrait une superbe découverte, voilà quelques années. Il y eut ensuite le film de Jean Becker. Pas forcément évident d'arriver après. Pourtant, André Salzet se fait sa place dans ce jardin luxuriant, entre effroi et tendresse. Costume de laine épaisse, chemise jaune, tignasse blanche, il déroule son récit en douceur, l'oeil malicieux et le sourire timide. L'acteur est tour à tour André, le soldat-clown Berndt, et tous les autres personnages. Dans l'ombre et dans la lumière, il se souvient. Candide, touchant, sur le fil, l'air de rien. C'est précisément de ce presque rien que naît l'émotion. Sans pathos, sans trémolos dans la voix, il nous embarque, dans un trou humide, dans un transfo EDF saboté, dans un Nord occupé, dans un bistrot peuplé de Chtis, dans un tribunal, au procès de Maurice Papon. Et peu à peu, la petite histoire dévoile la grande, avec dignité, et une farouche humanité. Par Nedjma Van Egmond - 2 décembre 2009

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Le Quotidien du Spectacle Vivant en Europe, depuis 2003.

EFFROYABLES JARDINS UN SACRÉ COMEDIEN ! Avec la même fougue que pour « Le Joueur d’Echecs » qu’il interprète en alternance avec « Effroyables jardins », André Salzet s’empare du texte de Michel Quint sur la scène du théâtre Saint-Martin. Une performance incandescente. Michel Quint, présent ce soir-là, fut catégorique : « C’est un texte très difficile à mémoriser ». Tournures de phrases, pluralité des registres de langues, multiplicité des personnages auxquels il faut, sur la scène, insuffler corps, vie et identité : autant d’éléments qui compliquent plus encore le « simple » travail de la mémorisation. André Salzet relève ce défi. Ce double défi même, puisqu’il joue ce texte en alternance une semaine sur deux avec « Le Joueur d’Echecs » de Zweig sur cette même scène immense du théâtre Saint-Martin. Ecrits avec plus de 50 ans de distance, ces deux textes révèlent de troublantes ressemblances qui éclairent le pari du comédien. Même construction en abîme, même puissance narrative romanesque d’un sujet à fort ancrage historique, potentiellement lacrymogène mais traité avec dignité, sans pathos ni démagogie et plaçant l’Homme au cœur du débat. Photo Michel Paret

Romanesque et historique Le narrateur se souvient de son père, l’instituteur de la commune, et de son incoercible propension à se faire remarquer de ses co-villageois en se déguisant en clown à la moindre occasion, sans se soucier du qu’en-dira-t-on populaire mais surtout du « qu’en-rira-t-on » des camarades d’école du fiston. Qu’est-ce qui poussait cet homme à ainsi se grimer et amuser la galerie ? C’est le cousin Gaston qui prend la parole et explique ce clownesque credo de l’instit’ que son fils prenait pour l’idiot du village. « Ce texte, c’est quatre-vingts pour cent de fiction » affirme l’auteur. Le faible reliquat suffit pourtant à ancrer ce récit magnifique dans une réalité historique prégnante et un sujet brûlant. Audelà du devoir de mémoire, c’est l’Homme qui intéresse Michel Quint comme il habite toute l’œuvre de Zweig. Il est exploré ici sous la forme la plus romanesque, ce que Quint revendique haut et fort : il est romancier avant tout, pas homme de théâtre. Pourtant, sur la scène, le travail d’André Salzet nous en ferait presque douter. S’accaparant ce noble terreau, le comédien y fait pousser des champs émotionnels rares. Avec la même aisance que chez Zweig à se fondre dans tous les personnages, il est magistral. Aussi bouleversant dans la peau de ce Gaston qui se délivre d’un secret pour rendre sa dignité à un homme qui l’a perdue aux yeux de son fils que drôle et touchant en garde SS un peu lunaire, il livre une performance à mi-chemin entre un réalisme induit par les situations et un soupçon de mystère propre à l’univers du conte. Ce juste équilibre souligne les formes et la richesse de ce texte mis en scène avec sobriété par Márcia de Castro et auquel le comédien transmet toute la générosité, l’humour, la tendresse et, précisons-le, toute la force ludique et pédagogique à la fois. Franck Bortelle - 30 janvier 2009

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« Effroyable jardins » est le type même du récit qui transcende tout débat partisan et rend son humanité à chacun. Par ailleurs, ce texte est parfaitement servi par André Salzet. Texte : « Effroyables jardins » est au départ un livre de Michel Quint paru en 2000, avant de devenir un film réalisé par Jean Becker en 2003, avec Jacques Villeret, André Dussolier, Thierry Lhermitte. C’est aujourd’hui, grâce à l’adaptation et la mise en scène de Márcia de Castro (qui connut le contexte des prises d’otages au Brésil dans les années soixante-dix) un seul en scène interprété par André Salzet dont les lecteurs de F.C. connaissent déjà le talent grâce au « Joueur d’échecs » (millième en mai 09) et « à La colonie pénitentiaire » (07-08).. Ce dernier en effet raconte l’histoire connue de ces jeunes qui font sauter un poste d’aiguillage durant la dernière guerre pour épater une fille, pris par ironie du sort en otage, maintenus humains par les grimaces d’un soldat clown allemand et sauvés par le cheminot qu’ils ont grièvement blessé dans

l’explosion, lequel se dénonce comme auteur de l’attentat sur son lit de mort. Ce qui frappe, dans le jeu du comédien, est d’abord ce mélange parfaitement équilibré entre distance (il raconte une histoire qui n’est pas la sienne mais celle de plusieurs autres) et authenticité (on croit immédiatement à chacun des sentiments de chacun des personnages évoqués), le tout étant coiffé par une humanité palpable. Cette dernière n’est d’ailleurs le monopole de personne, ce qui donne une valeur encore accrue au devoir de mémoire du père : on ne rappelle pas la saga héroïque de l’ancêtre, comme c’est le cas dans tous les récits depuis les débuts de l’humanité, mais l’humanité incroyable qui a plané sur le sort de deux jeunes qui n’avaient que les défauts de leur âge à une époque où le moindre acte pouvait avoir des conséquences mortelles. Du coup, cette pièce devient aussi un spectacle sur les apparences trompeuses qui sont induites par un uniforme, un silence, une situation… La langue de l’auteur mélange habilement tournures littéraires et patois du nord, langage oral et introspection, en y ajoutant un style qui manie volontiers le raccourci aussi saisissant que parlant : « bourré de reconnaissance liquide et ivre par devoir », par exemple. On est captivé dès la première seconde. 3/12/09 - Pierre François

AVIGNON 2009 Effroyables Jardins, de Michel Quint Les chairs à vif Michel Quint est connu et reconnu pour son écriture, fine, précise, un véritable scalpel qui scrute l'âme humaine à la recherche de son essence. Cette écriture s'adapte bien hors du roman, au cinéma par exemple, ici au théâtre. En effet le mode narratif utilisé par l'auteur permet ce transfert sur un plateau, sur le mode du récit. Le comédien est d'abord le fils dont le souvenir du père est particulièrement douloureux, le père ayant exercé la profession d'instituteur après la 2ème guerre mondiale, une véritable institution de l'époque tout en distrayant la population de son village en faisant le clown à ses heures perdues. Le fils rapporte sa honte et transporte le public dans une histoire d'une autre complexité, mêlant l'engagement dans la résistance, les drames connus par les oppressés et les terreurs appliquées par les oppresseurs, sous la contrainte de la guerre. La pièce opère une introspection pleine d'émotion portée par un comédien, les chairs à vif au fur et à mesure que la chrysalide laisse naître le papillon. Laissez-vous surprendre par cette mue. Florent Saclier [8 juillet 2009]

Pièce de Michel Quint, mise en scène Marcia de Castro, avec André Salzet Espace Roseau, 8, rue Pétramale 84000 Avignon, à 14h, 04 90 25 96 05

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LA LETTRE DU SNES « Effroyables Jardins » Jusqu’au 24 janvier 2010, au Théâtre du Lucernaire Enfant, je détestais les clowns, c’est ainsi que commence « Effroyables jardins » et l’on entend un adolescent exprimer la honte que lui inspirait son père instituteur lorsqu’il s’affublait d’un nez rouge et du costume de l’Auguste pour aller faire le clown dès qu’on le lui demandait, au point d’en délaisser la vie familiale. Un jour, son oncle lui raconte les circonstances qui, au cours de la guerre, ont conduit son père à cette « mission » de clown. Devenu adulte et haut fonctionnaire européen, cet homme tentera, en hommage à son père, d’assister sous le déguisement d’un clown, au procès à Bordeaux de Maurice Papon, l’ancien fonctionnaire de Vichy. Adapté et mis en scène par Màrcia de Castro, le très beau texte de Michel Quint trouve ici son tempo, sa grandeur et sa force. Les trois temps - l’adolescent qui exprime son ressentiment contre ce père un peu extravagant, la révélation, l’hommage au père qui libère l’adulte de sa culpabilité d’adolescent qui jugeait sans savoir - sont bien marqués par un détail d’accessoire ou d’éclairage. André Salzet seul en scène nous conte cette histoire où l’on croit partir sur une histoire d’adolescent en crise contre son père, pour atterrir sur l’évocation de la guerre et de la Résistance, à travers les actions de héros discrets, qui ont fait des choix honnêtes, se sont comportés dignement et n’en ont tiré aucune gloire. Par quelques gestes, André Salzet arrive à incarner tous les personnages présents dans la partie de la révélation. Grâce au seul jeu de l’éclairage de son visage, on est au fond du trou avec le père et l’oncle du narrateur quand Bernd, le soldat allemand, leur parle. C’est une histoire forte de guerre, de peur, d’amour, où l’humour n’est pas absent, portée par un excellent comédien. Micheline Rousselet 30/11/09

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LA MONTAGNE 8/01/11

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