dossier pédagogique - Comédie de Béthune

January 8, 2018 | Author: Anonymous | Category: Arts et Lettres, Spectacle vivant, Théâtre
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Révolte (Revolt. She said. Revolt again.) Texte Alice Birch Création de la Cie Théâtre du Prisme (Arnaud Anckaert et Capucine Lange)

Mise en scène Arnaud Anckaert Traduction Sarah Vermande

DOSSIER PEDAGOGIQUE

Réalisé par Géraldine Serbourdin

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Sommaire 1. L’autrice Alice Birch 2. Le metteur en scène Arnaud Anckaert 3. La compagnie 4. La pièce et ses enjeux 5. Traduire pour le théâtre 6.

La pièce dans le parcours de la Compagnie : une troisième pièce britannique après Nick Payne avec Constellations et Dennis Kelly avec Orphelins

7. En amont de la Représentation : Une entrée par le tableau 2 8. Quelques suggestions de séquences pédagogiques

- Groupement de textes : La demande en mariage - Groupement de textes : Ecritures dramaturgiques féminines - Lectures d’images : Des œuvres contemporaines de femmes - Questionnaire pour une lecture du spectacle

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1.

L’autrice Alice Birch

Alice Birch est une autrice, actrice et scénariste anglaise. Elle est lauréate de plusieurs prix dont celui du George Divine Award 2014 pour Revolt. She Said. Revolt again.

Ses différentes pièces : Ophelia's Zimmer (2015) We want you to watch (2015) Little light (2015) Revolt. She said. Revolt again. (2014) The Commissioners (2014) The Lone Pine Club So muck once (2013) Open court – Soap Opera (2013) Little on the inside (2013) Salt (2013) Life for beginners (2012) The Magpies the wolves (2012) Many Moons (2011) Miniaturists (2010) 24 hour plays (2010) Come to where I'm from season (2010)

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2.

Le metteur en scène Arnaud Anckaert

J'ai un nom à consonance Belge mais je suis né en France près de Paris, le 17 février 1975. Très vite, mes parents viennent s'installer à Armentières, puis ce sera Roubaix dans le Nord de la France. J'ai une scolarité difficile car l'école n'est pas un cadre pour moi, je change souvent d'établissement. Au lycée je fais le mur pour aller d'abord aux cours d'arts plastiques, et puis dans les théâtres et les cafés la nuit. Je commence le théâtre au lycée le jour de la mort de Kantor, j'ai beaucoup cherché un maître... Ça a été une fascination pour Grotowski, quelques échanges violents avec Eugenio Barba, mais surtout une compagnie avec des copains dont je suis le metteur en scène. Toujours dans le désir d'apprendre, je pars pour trois ans à Bruxelles chez Lassaad, le Lecoq Belge. Je découvre le Mouvement. Je continue à faire des spectacles avec la compagnie car je veux garder mon indépendance. A l'école nous décidons de faire le tour du monde -rien que ça- pour découvrir des façons de travailler, finalement ce sera le tour d'Europe pendant un an avec un camion acheté à crédit. Je découvre une autre Géographie. En Suisse je rencontre Armand Gatti, maître Anarchiste, avec qui je participe au spectacle « Incertitudes, feuille de brouillon écrit dans la tempête pour dire Jean Cavaillès». Je découvre la poésie et la résistance. En revenant de Norvège fin 99, je me fixe dans le Nord, et monte plusieurs spectacles. Comme il me manque quelque chose pour me sentir un peu plus « metteur en scène », je fais l'Unité Nomade au Conservatoire National de Paris. J'apprends dans l'adversité, d'abord avec Claude Stratz qui voulait le mieux pour nous mais qui décèdera avant la fin de la formation. Puis, après les passages violents de Kama Ginkas à Moscou et l'assistanat de Matthias Langhoff, je fais un dernier stage avec Jean-Pierre Vincent et Bernard Chartreux qui transmettent leur vision du théâtre public. J'approfondis le texte. Depuis toujours je fais des spectacles croisant le mouvement, le théâtre, le cirque, la vidéo ou la musique. Aujourd'hui c'est à l'espace, au texte et à l'acteur que je m'intéresse... Je cherche des moments qui nous rendent plus intensément humains, c'est pour cela que je suis souvent énervé devant l'état du monde. C'est pour cela que je fais du théâtre. Pour dire, émouvoir, penser et partager.

Spectacles créés : Simon la Gadouille, Rob Evans (Création avril 2015) Comment va le monde? (2014) Constellations, Nick Payne (2013) 4

Sœur de, Lot Vekemans (2012) Orphelins, Dennis Kelly (2011) Débris, Dennis Kelly (2011) Appris par corps (2010) Ma/Ma (2009) Ha la la …!, d’après Eugène Ionesco (2008/2009) Les Chaises, Eugène Ionesco (2006/2007) La Ménagerie, d’après La ménagerie de verre, de Tennessee Williams et Nœud, de Ronald Laing (2007) Disco Pigs, Enda Walsh (2004/2005) Pulsion, Franz Xaver Kroetz (2002-03) Avant la fin, d’après La Rose blanche, d'Inge Scholl, Peter Weiss, Primo Levi, Bertold Brecht, Klaus Mann (2001) Un cahier Bleu dans la neige, d’après Daniil Harms et Vaguinov (2000/2001) Un riche trois pauvres, Louis Calaferte (1997/98) Formation 2005-2006

Unité Nomade - Formation à la mise en scène du C.N.S.A.D à Paris Stages à Moscou et à Paris avec Kama Ginkas et Matthias Langhoff. JeanPierre Vincent et Bernard Chartreux et stage technique auTNS

1996-1998

Diplôme de l’Ecole Internationale de Théâtre Lassaad - Bruxelles (Lecoq)

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3.

La compagnie

Nous créons la compagnie Théâtre du Prisme en 1998 à Villeneuve d'Ascq. Nous affirmons dès le début un goût pour les écritures contemporaines, en prise avec le réel, telles que celles de Kroetz, d'Enda Walsh, de Dennis Kelly, ou encore de Nick Payne. Notre particularité et le cœur de notre travail, c'est le défrichage des textes, la découverte d'auteurs. Nous nous voulons structure ouverte et collaborons avec d'autres artistes pour développer des projets originaux. La mise en scène du spectacle de cirque Appris par corps, qui a fait le tour du monde, en est un exemple, ou la mise en place du festival Prise Directe. Il est essentiel pour nous de partager notre travail et notre démarche avec le public, en accompagnant la création par des rencontres et des stages, mais aussi par des formes intimes, dans un rapport direct au spectateur. Le sens et l'ampleur de ce lien avec le public se revitalise sans cesse au cœur d'une maison de théâtre, de son projet. C'est cet endroit de rencontre que nous pouvons questionner et éprouver avec la Comédie de Béthune CDN Nord/Pas-de-Calais, structure avec laquelle nous sommes partenaires depuis 2014, et pour 4 ans. Arnaud aime travailler sur le texte en collaborant avec différentes disciplines -mouvement, danse, vidéo ou musique- mais l'acteur reste au centre de son travail. Ce qui l'intéresse principalement, c'est que l'interprète soit au cœur du spectacle, et que la relation qu'il entretient avec le public soit privilégiée. Ce qu'il recherche, c'est que la fabrication du théâtre soit invisible. En 1998, nous montons Un riche trois pauvres, de Louis Calaferte, spectacle qui situe tout de suite l'univers de la compagnie : une écriture acide, qui nous parle d'aujourd'hui, une mise en scène qui mélange les styles et la musique, dans une complicité avec le public. En 1999, nous voyageons dans un camion à travers toute l'Europe durant un an, à la rencontre de femmes et d'hommes de théâtre, notamment Armand Gatti. C'est lors de cette année que nous posons les bases de notre identité d'artistes. Au retour de ce voyage, nous montons au Grand Bleu à Lille Un cahier bleu dans la neige, d'après Daniil Harms. Les thématiques se précisent, celles de la chute et de la responsabilité, et un certain humour politico-absurde. Nous sommes associés au Centre Arc en Ciel de Liévin de 2002 à 2004. Nous aimons les écritures actuelles, voire inédites, et, suite au spectacle Pulsion, de FrantzXaver Kroetz, c'est le spectacle Disco Pigs de l'auteur Enda Walsh, en 2004, qui confirme l'identité artistique d'Arnaud, à savoir celle d'un metteur en scène qui découvre des auteurs, anglophones notamment, et qui travaille étroitement avec des traducteurs, éditeurs ou agents, pour les créer en France pour la première fois.

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En 2006, nous entamons un volet sur la famille avec La Ménagerie, d'après Tennessee Williams, que nous présentons à la Scène nationale la rose des vents, à la ferme du Buisson et au Théâtre National de Strasbourg. Après un détour par Ionesco - Les Chaises et Ha la la -, nous poursuivons ce cycle avec Ma/Ma en 2009, un duo dansé qui met au coeur la question de la filiation. En 2010, nous sommes associés pour 4 ans au Centre Culturel Daniel Balavoine à Arques, pour mener un travail de territoire. Nous approfondissons la thématique de la famille en 2011 avec Orphelins, de Dennis Kelly, en première création française, et Soeur de en 2012, de l'auteure néerlandaise Lot Vekemans. C'est l'occasion pour nous d'affirmer un théâtre immédiat, avec des textes en prise directe avec la réalité. Prise Directe, c'est le nom que nous donnons au festival de lectures de théâtre contemporain que nous mettons en place en 2013, en partenariat avec plusieurs lieux de la métropole lilloise. Nous invitons des metteurs en scène et des auteurs pour une programmation dont la ligne éditoriale s'oriente autour de paroles inscrites dans un contexte humain, social et politique, en prise avec notre monde. Nous développons cet événement lors de sa deuxième édition en 2015 en l'ouvrant au théâtre documentaire et aux conférences théâtrales. Nous commandons la traduction du texte Constellations, de Nick Payne, à la dramaturgie singulière -un système de variations quasi musicales-, afin d'une nouvelle fois, faire découvrir au public en première française le texte d'un jeune auteur anglais. Nous devenons en 2014 compagnie partenaire de La Comédie de Béthune, Centre Dramatique National Nord-Pas de Calais, et créons Comment va le monde ?, une conférence-spectacle à mi-chemin entre le road movie et le témoignage personnel, qui retrace notre voyage européen à la rencontre de compagnies de théâtre. En 2015, nous présentons notre première création jeune public, un texte de Robert Evans, Simon la Gadouille. Un récit bouleversant qui a trouvé des résonances fortes dans l'histoire personnelle d'Arnaud, celles de la chute et de la réconciliation.

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Répertoire de la compagnie : spectacles en tournée Orphelins, De Dennis Kelly (création 2011) Orphelins fait partie de ces pièces Anglo-saxonnes qui nous racontent le monde d'aujourd'hui à travers le prisme d'histoires et de situations fortes ancrées dans le réel. Prenant racine dans un contexte urbain où la relation à l'étranger se pose comme une menace, c'est un texte concret, vif et plein de vitalité qui nous est offert. Orphelins est un huis clos familial qui traite d'une question morale forte: Les liens familiaux ont-ils la priorité sur la responsabilité civique ? Constellations, De Nick Payne (création 2013) Dans Constellations, de Nick Payne, c’est l’histoire d’un gars et d’une fille qui se rencontrent à un barbecue. Lui est apiculteur et elle enseigne la physique quantique. À partir de cette situation simple, deux univers à priori opposés se rencontrent. Comme dit Hitchcock, «mieux vaut partir du cliché que d’y arriver». C’est donc une histoire d’amour. » Marianne est physicienne. Roland est apiculteur. Constellations est l’histoire de cet homme et de cette femme, de leur rencontre, de leur relation, de leur séparation, de leurs choix face à l’adversité .. Simon la Gadouille , De Robert Evans (création 2015) Spectacle dès 9 ans Au retour des vacances de Pâques, l’école compte deux nouveaux élèves : Martin et Simon, qui se lient d’amitié et deviennent inséparables. Mais un jour, Martin se distingue au football et devient le plus populaire de la classe. Simon, lui, n’a pas d’amis. Martin se range à l’avis des autres, tournant lui aussi le dos à Simon. Il faut dire que depuis que Simon est tombé dans la gadoue, Martin a un peu honte : Simon la Gadouille, un sobriquet tout trouvé qui lui colle à la peau comme la vase de l’étang. Puis les deux garçons grandissent, s’éloignent et s’oublient... jusqu’à ce qu’un soir, la voiture de Martin s’arrête à un feu et qu’il remarque quelque chose. Alors il se souvient... Comment va le monde ? Conférence spectacle (création 2014) Projet atypique dans le parcours de la compagnie, à mi- chemin entre la conférence, le récit de voyage et le témoignage personnel. Ce spectacle raconte l’année de voyage d’Arnaud Anckaert et Capucine Lange en 1999 dans toute l’Europe à la rencontre de femmes et d’hommes de théâtre. Arnaud seul en scène, relate leur voyage, c’est un va et vient entre le vécu et le retour sur ce vécu, entre le souvenir et l’analyse, entre l’intime et l’universel. L’idée est de raconter l’histoire de cette traversée en Europe et de témoigner d’un voyage tout autant physique qu’intellectuel, en creusant autour de la notion d’apprentissage : un road movie documenté En Caisse - Lecture-spectacle (2014) Grâce à la lecture du livre de Marlène Benquet, nous avons découvert l’insidieuse violence des dessous du monde de la grande distribution. Face à ce témoignage d'une vie de caissière, la réalisation de cette lecture-spectacle commandée par Travail et Culture est devenue pour nous un engagement à faire entendre l’acuité du regard de l’auteure sur le quotidien des 8

caissières, à interroger leur parole avec intérêt, curiosité, et sans jamais nous départir de l’humour.

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Soutiens et partenaires

LA COMPAGNIE THEATRE DU PRISME EST CONVENTIONNÉE PAR Le Ministère de la Culture et de la Communication / Direction Régionale des Affaires Culturelles du Nord-Pas de Calais Le Conseil Régional Nord-Pas de Calais. SOUTENUE PAR Le Département du Pas-de-Calais au titre de l'implantation, Le Département du Nord, La Ville de Villeneuve d'Ascq. Compagnie partenaire de La Comédie de Béthune, CDN Nord/Pas de Calais. La compagnie est soutenue sur certains projets par : Le CNT - Centre National du Théâtre, La Mairie de Paris, La ville de Lille, L'Adami La fondation d'entreprise OCIRP, L'Union Européenne Métropole Européenne de Lille, Lille 3000 l’ONDA (Organisme National de Diffusion Artistique) La SACD, La Maison Antoine Vitez Ligue de l'enseignement, Centre de ressource du théâtre en amateur Depuis 2009, nous sommes responsables de l'option théâtre obligatoire du lycée Pasteur à Lille.

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4. A.

La pièce et ses enjeux

Le texte

1 Une pièce sur les femmes écrite par une femme Une femme, Alice Birch, dramaturge anglaise, réinterroge la place de la femme dans la société. Où en est-on, homme ou femme, du féminisme aujourd’hui ? Le monde du travail a-til intégré réellement la place des femmes dans son organisation ? Le couple ne reproduit-il pas une forme d’inégalité dans les rapports homme / femme ? Le corps de la femme résiste-il aux injonctions marchandes ? Et si oui, comment ? 2.Une écriture forte au service d’un questionnement actuel Pour poser autrement et de façon frontale ces questions, l’autrice adopte une forme originale. La pièce est écrite à la manière d’une suite de tableaux qui mettent en situation les personnages sans qu’il y ait une logique narrative qui commande les situations. C’est une unité thématique, la question de la femme, et une posture, celle de l’incompréhension qui dirige le mouvement dramaturgique. Toutes les scènes de l’acte 1 commencent en effet par « je ne comprends pas » et invitent le spectateur, non à une sage réflexion mais à un actif questionnement sur l’état des choses, l’état des rapports homme / femme aujourd’hui.

B.

La mise en scène

1.Un homme porte au plateau la rage d’une femme Arnaud Anckaert dit avoir été touché par l’audace dramaturgique de la pièce et sa thématique. « Touché par la pièce et énervé par le monde », dit-il. C’est, non le besoin d’asséner une quelconque vérité ou leçon, mais le désir de s’interroger avec le spectateur qui motive le metteur en scène. D’où le caractère ludique et non didactique de la démarche. La sincérité du geste plus que la volonté de transmettre un message. La pièce porte en son écriture une réelle interrogation et le metteur en scène en lui donnant vie au plateau impulse à son équipe une dynamique de recherche plus qu’une posture d’autorité sur les choses. 2.Le plateau comme champ d’expérimentation Le metteur en scène évoque la scénographie en ces termes : « Elle tient de la page blanche ou de la case de bande dessinée. Un élément scénographique simple et omniprésent : une enseigne lumineuse noire et rouge où défilent les injonctions à la révolution, objet de signalétique, de publicité, du quotidien technologique. Dans le fond de scène : costumes, objets, une table, des fauteuils propres et manufacturés, pas de coulisses. Les acteurs créent l'espace. ». L’humain en jeu dans le texte, puisqu’il y est question de savoir où on est, comment on se situe aujourd’hui en tant qu’homme et en tant que femme, se répercute donc directement au plateau puisque c’est l’acteur qui sera au centre de la représentation. Lui qui dessine l’espace et incarne les personnages.

3.Un jeu d’acteur engagé 11

D’où l’importance de l’engagement des comédiens à plusieurs étapes du projet : au cours de séances à table, d’abord un travail sur la langue de Alice Birch. Des allers-retours entre texte anglais original et traduction de Sarah Vermande pour apprécier l’efficacité de l’écriture et la faire travailler au mieux au plateau. Lui rendre tous ses effets de sens. Puis une réaction aux situations que propose le texte, qui interrogent le rapport qu’a chacun et chacune au féminisme, au politique, aux évolutions sociales, aux régressions idéologiques. Autant de scènes ou personnages qui font nécessairement écho à l’actualité, à l’histoire individuelle et au collectif. La direction d’acteur commence à cet endroit des répétitions, pour Arnaud Anckaert, car il met en place, avec ses comédiens, les conditions d’un échange où chacun réagit au texte, aux personnages, au propos dans une liberté de parole totale pour que résonne la pièce à différents niveaux pour l’ensemble de l’équipe artistique. Faire entendre le texte commence à ce stade des répétitions. Enfin un engagement au plateau où l’expérience de telles traversées de la pensée est à traduire avec le plus de justesse sur scène. Le jeu peut alors s’engager et la parole s’articuler au corps pour produire du sens. L’essentiel étant pour le metteur en scène que chaque comédien parvienne à jouer le questionnement plus qu’une quelconque « vérité » d’un personnage. Et c’est avec une direction d’acteurs réglée au cordeau que la pièce touchera chaque spectateur.

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5.

Traduire pour le théâtre

Dans le cadre de son Midsummer Mischief Festival (un « festival d'espiègleries estivales » pourrait-on dire), la Royal Shakespeare Company a demandé à Alice Birch, lauréate du Prix George Devine, de réagir à la proposition suivante : « Les femmes bien élevées (ou bien sages) entrent rarement dans l'Histoire » (ou la « font » rarement). Ce qui a donné sa dixième pièce : REVOLT. SHE SAID. REVOLT AGAIN, une réponse radicale à la proposition/provocation de la RSC en forme de texte mal élevé (ou pas sage). Une injonction à faire la révolution. Une pièce difficile à résumer, de l'aveu de l'autrice. Avant de s'y essayer, traduisons une partie des didascalies liminaires, ça donnera le ton : « Il ne devrait pas y avoir de décor. La pièce doit être jouable sans accessoires. Idéalement, il faudrait la jouer avec six comédien.ne.s. Il devrait y avoir au moins un personnage féminin (à faire jouer, sans doute, par une comédienne) dans chaque scène. S'il s'avère qu'une femme doit se dénuder un peu à un moment ou à un autre, alors les hommes devront se mettre nus aussi pour équilibrer les choses. » Cette pièce courte, en quatre actes de longueur décroissante, déconstruit la façon dont le langage, les mœurs et les comportements asservissent encore les femmes – et les hommes, mais autrement – au XXIè siècle.

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6.

. La pièce dans le parcours de la Compagnie : une troisième pièce britannique après Nick Payne avec Constellations et Dennis Kelly avec Orphelins

Dans Constellations, de Nick Payne, c’est l’histoire d’un gars et d’une fille qui se rencontrent à un barbecue. Lui est apiculteur et elle enseigne la physique quantique. A partir de cette situation simple, deux univers a priori opposés se rencontrent. Comme dit Hitchcock, «mieux vaut partir du cliché que d’y arriver». C’est donc une histoire d’amour. Marianne est physicienne. Roland est apiculteur. Constellations est l’histoire de cet homme et de cette femme, de leur rencontre, de leur relation, de leur séparation, de leurs choix face à l’adversité.

Orphelins, de Dennis Kelly, fait partie de ces pièces anglo-saxonnes qui nous racontent le monde d'aujourd'hui à travers le prisme d'histoires et de situations fortes ancrées dans le réel. Prenant racine dans un contexte urbain où la relation à l'étranger se pose comme une menace, c'est un texte concret, vif et plein de vitalité qui nous est offert. Orphelins est un huis clos familial qui traite d'une question morale forte : les liens familiaux ont-ils la priorité sur la responsabilité civique ?

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Révolte (Revolt. She said. Revolt again), par une maîtrise de l’agencement dramatique tout anglo-saxonne, nous invite à nous poser la question des rapports homme / femme aujourd’hui sans pour autant culpabiliser ni condamner mais suggère de réinventer quelque chose.

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7.

Activités pédagogiques en amont de la Représentation : Entrée par le tableau 2

La demande en mariage Une séance (2 heures) pour entrer dans l’univers de la pièce avec les élèves. La demande en mariage (tableau 2 p 8, 9, 10, 11)

REVOLUTIONNEZ LE MONDE. (NE VOUS MARIEZ PAS.) – Je ne comprends pas pourquoi tu es si – vraiment je. Je. Je ne m'y attendais pas. . Ce n'est pas le. Mon coeur. Ce n'est pas le heu. Genre de chose. Auquel on s'attend. Ou qu'on attend. Ou. Ou. Auquel on pense. Jamais. On n'en a jamais parlé. désolée Jamais Sauf à heu l'enterrement de ma mère, et vu que ce n'était pas Vu que ce n'était pas Romantique – je n'ai pas – pas Romantique comme contexte, je n'ai peut-être pas vraiment réalisé que c'était un un un un une Chose que tu – je veux dire, j'étais prête à parler de N'importe Quoi plutôt que de penser à son Corps son Cadavre Putain de l'autre côté du du du rideau qui le séparait de nous et de notre conversation et de ces Chaussures Marron que tu portais, ces abominables chaussures Marron que tu avais Trouvées et mises pour l'enterrement de ma Mère comme si ton seul objectif ce jour-là c'était me faire Pleurer Plus Pas Moins je suis désolée, je ne voulais pas dire ça tu es tout pour moi et patati et patata mais ce que je veux dire c'est, bon, on aurait pu être en train de parler de N'importe Quoi ou ou ou ou de N'importe – alors, alors si tu étais Sérieux, si c'est le moment que tu avais choisi pour introduire ce concept Dans notre relation, eh bien je l'ai pas pris au sérieux et je suis désolée. Sauf que non putain je ne suis Pas désolée parce que tu avais quand même lamentablement choisi ton moment. . Désolée. Désolée d'être grossière – désolée [ça] . C'était. 16

C'était – j'essaie de trouver un Les mots pour. . Ce qui vient de se passer c'est comme C'est comme. C'est comme – c'était comme, comme OK. Bon. Mon Ressenti c'est. C'était Comme si – Imagine que, bon – Imagine Que, comme ça, Un Jour Ça n'est que – et ce n'est que l'Expression de mon ressenti Imagine qu'un jour – et c'est exactement ça – qu'un jour moi Je me pointe comme une fleur et je te dise. Disons. Poussin. Mon coeur. Sel de ma vie et joie de mon âme. Je t'aime. Je t'aime grand comme d'ici jusqu'au bout du monde aller-retour, je t'aime corps et coeur et âme, je t'aime et je pense que pour exprimer cet amour, on devrait aller faire sauter le supermarché du coin. . Et qu'alors je t'Offre une Énorme Bombe. Posée sur un Gilet de combat. . Un Genou à Terre. . Et qu'Avant ça, tu vois, Avant ce moment, ce moment du Genou à Terre, imaginons que la seule conversation qu'on ait eue jusque là sur le Terrorisme ou ou ou sur les Attentats-Suicides au sens large soit, en fait, une vague discussion au cours de laquelle l'un de nous aurait peut-être exprimé une forme hésitante encore que pas tout à fait imprévisible – compte tenu de notre indécrottable libéralisme politique – d'empathie envers ceux qui auraient commis les attentats-suicides sus-nommés après avoir tout perdu dans une guerre à laquelle toi et moi de notre point de vue de privilégiés ne comprenons pas grand chose en tout cas pas vraiment – et je suis fière de cette empathie, cette empathie est une Bonne Chose – Imagine cependant, imagine que cette expérience plutôt vague ait été, de facto, la seule conversation que nous ayons Jamais eu sur le terrorisme et voilà que je me ramène avec un gilet bourré d'explosifs et que je propose que nous allions faire sauter le supermarché du coin sur un ton qui suggère que je mijotais ça depuis toujours – quand même, imagine ta surprise. Imagine ta surprise 17

. – Je n'ai pas Proposé qu'on aille faire sauter un supermarché / ensemble – / Bien sûr que non – c'était une – putain, c'était une Métaphore, c'était J'aurais préféré. . – On a été à des mariages ensemble – On a regardé des journaux télévisés qui parlaient d'attentats-suicides ensemble mais ça – Je t'ai simplement dit que je t'aimais – Ce n'est pas ce que tu as dit – Je t'ai simplement dit que je t'aimais – Nan – Et que je voulais passer le reste de ma vie avec toi – M'offrir un énorme diamant. Ou une bombe. Ne veut pas dire ça. – Tu Adores les diamants. – Je m'Interroge Sur la provenance des diamants. . – Je veux simplement que tu sois ma femme, ce n'est pas un. Ce n'était pas un. Je n'ai pas Trouvé ces chaussures – j'ai Acheté ces chaussures spécialement pour – . On peut choisir une Autre bague. Je veux faire ma vie avec toi – j'ai simplement dit que je voulais faire ma vie avec toi – Non ce n'est pas ce que tu as dit – Tout ce que j'ai dit c'est que je voulais passer ma vie à tes Côtés – Non ce n'est pas ce que tu as dit – Que je voulais t'aimer pour toujours – Ce n'est pas ce que tu as dit – J'ai simplement dit que je voulais m'engager avec toi – Nnnnon – J'ai dit que tu es La personne au monde qui compte le plus pour moi – Non – Que tu es vraiment quelqu'un d'important dans ma vie – Tu n'as pas dit ça – Que tu es quelqu'un dans ma vie – Nan – Que tu me fais sourire chaque fois que je te vois – Non – Que tu tu me fais rire plus que n'importe qui 18

– Non – Que que je veux acheter des Chiens et puis enterrer ces chiens dans le jardin qu'on partage – Non – J'ai dit que je voulais faire mes courses sur internet avec toi et passer toutes mes grandes vacances avec toi et et – Je ne t'ai pas entendu dire un seul de ces mots-là – Que je veux élever des petits humains qu'on pourrait disons peut-être faire ensemble – Non – Que je veux partager des valeurs et des repas et des bains avec toi – Non – Que je veux je veux Ce que j'ai dit c'est. Que je voulais. De la stabilité. Avec toi. – Ces mots-là ne sont pas sortis de ta bouche . – J'ai simplement dit – Non – Tout ce que j'ai Dit – Nan – C'est. – Tu n'as pas dit ça – Je suis. Je veux. C'est. Je. . – En Substance tu as dit que tu voulais réduire tes impôts sur le revenu. –. Quoi ? – Et hériter de ma retraite. – Je n'ai pas dit ça – Décider quoi faire de mon corps si d'aventure je mourrais à l'étranger – Ces mots ne sont pas – à l'étran / attends – Tu as dit que tu voulais que je renonce à mon nom – Tu peux tu peux / Garder ton – / Que tu voulais faire de moi un Bien – Si – j'ai simplement – Une chose à vendre ou échanger – Est-ce qu'on peut - Ta possession, ta propriété, une chose qui t'appartient – donnée à toi par un homme à qui je n'adresse plus vraiment la parole, un bouquet de muguet bleu à la main putain, engoncée dans une robe meringue, lors d'une sorte d'événement infamant et surdimensionné où je serai censée être l'Incarnation Muette de la virginité tout en 19

restant Totalement Détendue quant à notre très active vie sexuelle tandis que tu passeras de table en table en Assurant Toute La Conversation dans ton costume trois pièces - Ça ne ne veux plus du tout dire Ça - Ça veut dire quoi alors ? . - Je veux t'épouser. Je veux que tu sois ma femme. Ma compagne. . - Je ne suis pas bien sûre de croire à tout ce bazar. - Est-ce que ça. Est-ce que tu. Je veux me marier Je veux me Je veux Je. Est-ce. Est-ce que. est-ce que ça t'es venu Là d'un coup? - Non. Si. Peut-être. Je ne sais pas.

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Objectifs : Découverte de la thématique, de l’écriture, de l’univers et mise en jeu du dialogue A. Lecture à voix haute de la scène. B. Analyse de l’extrait en groupes 1. Une singularité formelle

Au cours de la lecture identifiez les singularités du texte : typographie, repérage des personnages, emploi du registre oral. Ponctuation. Absence de didascalies. Présence inhabituelle de majuscules. 2. Un dialogue insolite

Quand et où la demande en mariage a-t-elle été faite d’après le texte ? A quoi est comparée cette proposition ? Commentez le caractère provocateur de cette comparaison. Comment est introduite l’idée qu’une déclaration d’amour n’a pas pour conséquence logique une demande en mariage ? Montrez que des éléments romantiques et poétiques sont toutefois inscrits dans le texte. 3. Une scène subversive

Montrez comment le dialogue construit et propose une dénonciation du mariage comme étant la confiscation d’un bien plus que l’union de deux êtres qui s’aiment. 4. Le comique de la scène

Identifiez des éléments comiques dans l’écriture (la superposition du mariage et de la mort de la mère, le parallélisme bombe / diamant) et dans le rythme de l’échange (réaction des protagonistes, vivacité de l’échange, stichomythies). 5. Une écriture théâtrale

Montrez en quoi s’opposent les deux protagonistes et commentez la fin de la scène. Peuton parler d’un conflit entre les deux et d’une résolution du conflit ? 6.

L’intime comme lieu d’une dénonciation politique Commentez le titre et sa formulation injonctive et montrez en quoi la scène, en dénonçant le mariage, propose une réflexion plus vaste sur la société.

C. Le texte en jeu : pour exercer sa créativité Travail d’imagination : En groupes, vous proposerez une mise en espace de ce dialogue et un code de jeu pour l’interpréter. Où sont les personnages ? Que viennent-ils de faire ? Caractérisez le personnage féminin (autoritaire, drôle, douce, militante, amoureuse, déterminée, péremptoire…), le personnage masculin (naïf, colérique, déstabilisé, romantique, agacé)

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Travail d’improvisation : 1. A partir des éléments que le texte nous donne, vous reconstituez la scène de l’enterrement de la mère en mettant en scène la demande en mariage du personnage masculin. 2. Le personnage féminin s’adresse à l’homme qu’elle aime et lui énonce une série d’arguments pour justifier qu’elle ne lui demandera jamais de l’épouser D.

Correspondance : chanson de Brassens

Ma mie, de grâce, ne mettons Pas sous la gorge à Cupidon Sa propre flèche Tant d'amoureux l'ont essayé Qui, de leur bonheur, ont payé Ce sacrilège... J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin Laissons le champs libre à l'oiseau Nous seront tous les deux prisoniers sur parole Au diable les maîtresses queux Qui attachent les cœurs aux queues Des casseroles! J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin Vénus se fait vielle souvent Elle perd son latin devant La lèchefrite A aucun prix, moi je ne veux Effeuiller dans le pot-au-feu La marguerite J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin On leur ôte bien des attraits En dévoilant trop les secrets De Mélusine L'encre des billets doux pâlit Vite entre les feuillets des livres de cuisine. J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main 22

Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin Il peut sembler de tout repos De mettre à l'ombre, au fond d'un pot De confiture La jolie pomme défendue Mais elle est cuite, elle a perdu Son goût "nature" J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin De servante n'ai pas besoin Et du ménage et de ses soins Je te dispense Qu'en éternelle fiancée A la dame de mes pensées Toujours je pense J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main Ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin Paroles de La non demande en mariage - Georges Brassens

E. En prolongement, avec une classe de Secondes ou Premières :

Quelques suggestions de séquences. - Groupement de textes 1 : La demande en mariage - Groupement de textes 2 : Ecritures dramaturgiques féminines - Lectures d’images : Des œuvres contemporaines de femmes - Questionnaire pour une lecture du spectacle

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Groupement de textes 1 : La demande en mariage 1. Le Mariage Forcé, Molière 2. L’étranger de Camus 3. Madame Bovary, Flaubert 4. Grisélidis, Perraut Texte1 Scène II.Sganarelle, Géronimo. Géronimo Combien y a−t−il que vous êtes revenu ici ? Sganarelle Je revins en cinquante−six. Géronimo De cinquante−six à soixante−huit, il y a douze ans, ce me semble. Cinq en Hollande font dix−sept, sept ans en Angleterre font vingt−quatre, huit dans notre séjour à Rome font trente−deux, et vingt que vous aviez lorsque nous nous connûmes, cela fait justement cinquante−deux. Si bien, seigneur Sganarelle, que, sur votre propre confession, vous êtes environ à votre cinquante−deuxième ou cinquante−troisième année. Sganarelle Qui, moi ? cela ne se peut pas. Géronimo Mon Dieu! le calcul est juste ; et là−dessus je vous dirai franchement, et en ami, comme vous m'avez fait promettre de vous parler, que le mariage n'est guère votre fait. C'est une chose à laquelle il faut que les jeunes gens pensent bien mûrement avant que de la faire ; mais les gens de votre âge n'y doivent point penser du tout; et si l'on dit que la plus grande de toutes les folies est celle de se marier, je ne vois rien de plus mal à propos que de la faire, cette folie, dans la saison où nous devons être plus sages. Enfin, je vous dis nettement ma pensée. Je ne vous conseille point de songer au mariage ; et je vous trouverais le plus ridicule du monde, si, ayant été libre jusqu'à cette heure, vous alliez vous charger maintenant de la plus pesante des chaînes. Sganarelle Et moi, je vous dis que je suis résolu de me marier, et que je ne serai point ridicule en épousant la fille que je recherche. Géronimo Ah! c'est une autre chose. Vous ne m'aviez pas dit cela. Sganarelle C'est une fille qui me plaît, et que j'aime de tout mon coeur. Géronimo Vous l'aimez de tout votre coeur ? Sganarelle Sans doute ; et je l'ai demandée à son père. Géronimo Sganarelle Oui. C'est un mariage qui doit se conclure ce soir ; et j'ai donné ma parole. Géronimo Oh! mariez−vous donc. Je ne dis plus un mot. Sganarelle

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Je quitterais le dessein que j'ai fait! Vous semble−t−il, seigneur Géronimo, que je ne sois plus propre à songer à une femme ? Ne parlons point de l'âge que je puis avoir ; mais regardons seulement les choses. Y a−t−il homme de trente ans qui paraisse plus frais et plus vigoureux que vous me voyez ? N'ai−je pas tous les mouvements de mon corps aussi bons que jamais ; et voit−on que j'ai besoin de carosse ou de chaise pourcheminer ? N'ai−je pas encore toutes mes dents les meilleures du monde ? (Il montre ses dents.) Ne fais−je pas vigoureusement mes quatre repas par jour, et peut−on voir un estomac qui ait plus de force que le mien ? (Il tousse.) Hem, hem, hem. Eh! qu'en dites−vous ? Géronimo Vous avez raison, je m'étais trompé. Vous ferez bien de vous marier. Sganarelle J'y ai répugné autrefois ; mais j'ai maintenant de puissantes raisons pour cela. Outre la joie que j'aurai de posséder une belle femme, qui me fera mille caresses, qui me dorlotera, et me viendra frotter lorsque je serai las ; outre cette joie, dis−je, je considère qu'en demeurant comme je suis, je laisse périr dans le monde la race des Sganarelles ; et qu'en me mariant, je pourrai me voir revivre en d'autres moi−même ; que j'aurai le plaisir de voir des créatures qui seront sorties de moi, de petites figures qui me ressembleront comme deux gouttes d'eau, qui se joueront continuellement dans la maison, qui m'appelleront leur papa quand je reviendrai de laville, et me diront de petites folies les plus agréables du monde. Tenez, il me semble déjà que j'y suis, et que j'en vois une demi−douzaine autour de moi. Géronimo Il n'y a rien de plus agréable que cela ; et je vous conseille de vous marier le plus vite que vous pourrez. Sganarelle Tout de bon, vous me le conseillez ? Géronimo Assurément. Vous ne sauriez mieux faire. ___________________________________________________________________________ TTexte 2 Modeste employé de bureau, Meursault, le narrateur, mène à Alger une vie indifférente : ni la mort de sa mère, ni sa liaison avec une jeune femme, Marie, ne semblent l'émouvoir. "Le soir, Marie est venue me chercher et m'a demandé si je voulais me marier avec elle. J'ai dit que cela m'était égal et que nous pourrions le faire si elle voulait. Elle a voulu savoir alors si je l'aimais. J'ai répondu comme je l'avais déjà fait une fois, que cela ne signifiait rien mais que sans doute je ne l'aimais pas. "Pourquoi m'épouser, alors ?" a-t-elle dit. Je lui ai expliqué que cela n'avait aucune importance et que si elle le désirait, nous pouvions nous marier. D'ailleurs, c'était elle qui me le demandait et moi je me contentais de dire oui. Elle a observé que le mariage était une chose grave. J'ai répondu : "Non". Elle s'est tue un moment et elle m'a regardé en silence. Puis elle a parlé. Elle voulait simplement savoir si j'aurais accepté la même proposition venant d'une autre femme, à qui je serais attaché de la même façon. J'ai dir : "Naturellement." Elle s'es demandée alors si elle m'aimait et moi je ne pouvais rine savoir sur ce point. Après un autre moment de silence, elle a murmuré que j'étais bizarre, qu'elle m'aimait sans doute à cause de cela mais que peut-être un jour je la dégoûterais pour les mêmes raisons. Comme je me taisais, n'ayant rien à ajouter, elle m'a pris le bras en souriant et 25

elle a déclaré qu'elle voulait se marier avec moi. J'ai répondu que nous le ferions dès qu'elle le voudrait." ______________________________________________________ Texte 3 Le Chevalier Des Grieux a suivi Manon en Amérique, où elle a été déportée. Alors qu'il croit avoir atteint le terme de leurs mésaventures, Des Grieux propose pour la deuxième fois la mariage à la jeune fille [le narrateur est "l'homme de qualité" qui rapporte les propos du Chevalier]. "Je connaissais les principes de mon coeur. Elle était droite et naturelle dans tous ses sentiments, qualité qui dispose toujours à la vertu. Je lui fis comprendre qu'il manquait quelque chose à notre bonheur. C'est, lui dis-je, de le faire approuver du Ciel. Nous avons l'âme trop belle, et le coeur trop bien fait, l'un et l'autre, pour vivre volontairement dans l'oubli du devoir. Passe d'y avoir vécu en France, où il nous était également impossible de cesser de nous aimer et de nous satisfaire par une voie légitime ; mais en Amérique, où nous ne dépendons que de nous-mêmes, où nous n'avons plus à ménager les lois arbitraires du rang et de la bienséance, où l'on nous croit même mariés, qui empêche que nous ne le soyons bientôt effectivement et que n'anoblissions notre amour par des serments que la religion autorise ? Pour moi, ajoutai-je, je ne vous ofrre rien de nouveau en vous offrant mon coeur et ma main, mais je suis prêt à vous renouveler le don au pied d'un autel. Il me parut que ce discours la pénétrait de joie." ______________________________________________________ Texte 4 C'est le début du roman. Charles, jeune médecin, est tombé amoureux d'Emma Rouault lors d'une visite. Il vient demander sa main au père Rouault. "A l'époque de la Saint-Michel, Charles était venu passer trois jours aux Bertaux. La dernière journée s'était écoulée comme les précédentes à reculer de quart d'heure en quart d'heure. Le Père Rouault lui fit la conduite ; ils marchaient dans un chemin creux, ils s'allaient quitter ; c'était le moment. Charles se donna jusqu'au coin de la haie, et enfin, quand on l'eut dépassée : - Maître Rouault, murmura-t-il, je voudrais bien vous dire quelque chose. Ils s'arrêtèrent. Charles se taisait. - Mais contez-moi votre histoire ! Est-ce que je ne sais pas tout ? dit le Père Rouault en riant doucement. - Père Rouault...Père Rouault, balbutia Charles. - Moi, je ne demande pas mieux, continua le fermier. Quoique sans doute la petite soit de mon idée, il faut pourtant lui demander son avis. Allez-vous en donc ; je m'en vais retourner chez nous. Si c'est oui, entendez-moi bien, vous n'aurez pas besoin de revenir, à cause du monde et d'ailleurs, ça la saisirait trop. Mais pour que vous ne vous mangiez pas le sang, je pousserai tout grand l'auvent de la fenêtre contre le mur : vous pourrez le voir par derrière, en vous penchant sur la haie. Et il s'éloigna. Charles attacha son cheval à un arbre. Il courut se mettre dans le sentier ; il attendit. Une demi-heure se passa, puis il compta dix-neuf minutes à sa montre. Tout à coup un bruit se fit contre le mur ; l'auvent s'était rabattu, la cliquette tremblait encore." ________________________________________________________________

Texte 5

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Plus il la voit, plus il s'enflamme Des vives beautés de son âme Il connaît en voyant tant de dons précieux, Que si la bergère est si belle, C'est qu'une légère étincelle De l'esprit qui l'anime a passé dans ses yeux. Il ressent une joie extrême D'avoir si bien placé ses premières amours ; Ainsi sans plus tarder, il fit dès le jour même Assembler son conseil et lui tint ce discours : "Enfin aux lois de l'hyménée Suivant vos voeus je me vais engager ; Je ne prends point ma femme en pays étranger, Je le prends parmi vous, belle, sage, bien née, Ainsi que mes aïeux ont fait plus d'une fois? Mais j'attendrai cette grande journée A vous informer de mon choix." Dès que la nouvelle fut sue, Partout elle fut répandue. Grisélidis, Perraut

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Groupement de textes 2 : Femmes et théâtre contemporain

1. Sarah Kane , 4,48 Psychose

« mener à bien objectifs et ambitions surmonter des obstacles et accéder à l'excellence accroître l'estime de soi par l'exercice heureux du talent surmonter l'opposition avoir maîtrise et influence sur les autres me défendre défendre mon espace psychologique justifier l'ego recevoir l'attention être vue et entendue exciter, stupéfier, fasciner, choquer, intriguer, amuser, divertir ou enjôler les autres être libre des restrictions sociales résister à la coercition et la constriction être indépendante et agir conformément au désir défier la convention éviter la douleur éviter la honte oblitérer l'humiliation passée en repassant à l’acte entretenir le respect de soi réprimer la peur surmonter la faiblesse être à sa place être acceptée s'approcher et instaurer une plaisante réciprocité avec autrui converser de façon amicale, raconter des histoires, échanger sentiments, idées, secrets communiquer, converser rire et raconter des blagues gagner l'affection de l'Autre désiré adhérer et demeurer fidèle à l'Autre jouir d'expériences sensuelles avec l'Autre investi nourrir, aider, protéger, réconforter, consoler, soutenir, soigner ou guérir être nourrie, aidée, protégée, réconfortée, consolée, soutenue, soignée ou guérie former une relation mutuelle de plaisir, de durée, de coopération et de réciprocité avec l’Autre, avec un égal être pardonnée être aimée être libre »

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2. Angelica Liddell, La maison de la force

Il me fait affreusement mal, le temps qui passe. Il me fait peur. Je suis terrifiée. J'ai parfois l'impression que c'est le seul sentiment qu'il me reste. La terreur. Le reste, ce sont des biceps, des triceps, des deltoïdes, des abdominaux. Le reste, ce sont des bites enflées sur Internet. Ici, l'intelligence ne compte pas. Ici, les prix ne comptent pas. Et j'ai remporté tous les prix ! Que j'écrive bien ou mal, ou qu'on m'ait publiée avec Diderot, ici ça ne compte pas. Que je sois heureuse ou pas, ici ça ne compte pas. Ici, tout ce qui compte, c'est l'évidence. Comme la faim en Afrique. Comme la mort en Palestine. L'évidence. Génocide par omission. Omission d'assistance. Omission d'amour. Ils me demandent de faire des choses, je les fais, ils jouissent, je jouis, et point. Quand tu as pris des raclées, mieux vaut pratiquer le non-sentiment, la nonintelligence, une gymnastique psychopathique. Si je ne peux pas être aimée... Pute ou mourir. Je suis une bolchevique de la chatte. Je suis assez grande pour faire ma propre révolution sexuelle

3. Linda Mac Lean, Fractures

ROY Franchement Disons je me retrouve dans un hôtel trois étoiles à Disons MAY Où ça ? ROY Disons Prague MAY Prague ROY Ce qui me coûte Bon 29

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Pratiquement rien une fois sur place Une fois payé l’avion et les taxes L’hôtel et tout ça Ben je me dis Ce soleil On en a du soleil Enfin des fois Et cette Cette langue étrangère Ce n’est pas que je ne sois pas capable d’apprendre une langue étrangère Mais Quand je parle Ça ne rend jamais comme sur le CD Et je n’obtiens jamais ce que je veux Jamais Alors j’atterris toujours dans des endroits où ça parle Anglais Avec plein D’Anglais Et je me dis Je pourrais être dans mon jardin Pourquoi je ne suis pas dans le jardin ? Avec une bière bien fraîche Dans une chaise longue Vous avez un jardin ? Oui Oui Vous passez beaucoup de temps dans votre jardin ? La pelouse à tondre Désherber Tailler Peindre Bricoler Poncer les meubles Je n’arrête pas Oui Moi je n’ai pas de jardin Bon C’est du travail Hein ? Sans doute pour ça que je pars en vacances Maintenant que j’y pense 30

MAY ROY

MAY ROY MAY ROY MAY ROY MAY

J’ai dit à J’ai dit On devrait peut-être prendre un appart Un de ces jours Prochains Moins de travail. Mais vous aimez bien votre jardin. J’aime bien Oui C’est Oui J’imagine Mais ce n’est pas une passion Houla non Vous en avez une de passion ? Je ne sais pas J’oublie Je ne sais pas Non Je ne sais pas si j’ai jamais eu une passion Pour quoi que ce soit

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F. Lecture d’images : les tableaux

«Mon côté féministe s'exprime par l'intérêt que je porte à ce que font professionnellement certaines femmes. Mais je fais cavalier seul. Cela ne m'est d'aucune aide de m'associer aux gens. Ce qui m'aide, c'est de comprendre mes propres maladresses et de les exposer. Les féministes m'ont prises comme modèle exemplaire de la mère. Être une mère à nouveau ne m'intéresse pas. J'ai été une mère adoptive puis mère et re-mère! Je demeure une fille qui cherche à se comprendre.» Louise Bourgeois 1984

«Je suis comme Peau d'âne ou Cendrillon condamnée à garder la cendre du foyer, n'espérant pas de voir arriver la Fée ou le Prince charmant qui doit changer mon vêtement de poil ou de

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cendre en des robes couleur de temps. Comment pouvez-vous dormir sur vos deux oreilles pendant que des quantités de femmes sculpteurs s'écrient: à l'aide, au secours, je me noie!» Camille Claudel à Eugène Blot, 1904

Berlinde Debruickere

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Kiki Smith, Femme au bûcher, exposition Les Papesses Avignon

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G. Questionnaire aux élèves pour une lecture du spectacle

1. Que vous évoque l’enseigne lumineuse? A quoi sert ce type d’enseigne en général ? Dans le spectacle ? Comment cet élément scénographique sert-il le propos ? 2. Comment interprétez-vous l’absence de coulisses et les changements de costumes à vue des comédiens ? Citez d’autres éléments qui brisent l’illusion de la représentation dans le spectacle. Recherchez la signification de la distanciation au théâtre. Comment ce procédé inscrit-il la pièce dans une démarche politique ? 3. Quelle fonction a la musique dans ce spectacle ? 4. Les comédiens incarnent plusieurs personnages : caractérisez leur code de jeu pour chacun d’eux. Le verbe « incarner » est-il le plus juste pour caractériser le jeu des acteurs ici ? Analysez la façon dont les comédiens proposent une lecture de leurs personnages en les jouant. 5. Le metteur en scène évoque le plateau comme laboratoire pour cette pièce, voulant ainsi mettre en avant les questions que le texte pose aux spectateurs : montrez comment la mise en scène traduit cette dynamique.

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8.

Pour approfondir

Luce Irigaray, Ce sexe qui n’en est pas un, Luce Irigaray, Parler n’est jamais neutre, Hélène Cixous, Le rire de la Méduse Julia Kristeva, L’avenir d’une révolte Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe Valérie Solanas, Scum manifesto Virginie Despentes, King KongThéorie Nancy Huston, Reflets dans un œil d’homme, Nina Power : La femme unidimensionnelle

Et Olympe de Gouges

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