Dossier pédagogique – Ubu Roi

January 9, 2018 | Author: Anonymous | Category: Arts et Lettres, Spectacle vivant, Théâtre
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Le 10 février 2013 DOSSIER PEDAGOGIQUE

Philippe Cuomo Professeur missionné par la Délégation Académique aux Arts et à la Culture

La Comédie de Béthune C.D.N. Nord – Pas-de-Calais Dossier pédagogique – Ubu Roi

UBU ROI / Alfred Jarry – Declan Donnellan

Préambule Ce spectacle est une création dont on ne sait à peu près rien aujourd’hui. Il s’agit bien d’un dossier d’avant-spectacle. Dans la programmation, ce spectacle sera un moment fort puisque le public béthunois découvrira, pour la première fois, ce metteur en scène dont le travail rayonne en Europe et dans le monde.

I/ Declan Donnellan Cet artiste anglais, né en 1953, a une renommée et une stature européennes voire internationales. Il commence par travailler en Angleterre, à Londres où il a grandi. Metteur en scène de renom, il deviendra artiste associé au prestigieux Royal National Theatre. Avec Nick Ormerod, son partenaire, il fonde la compagnie Cheek By Jowl en 1981. Il travaille entre Londres, Paris et Moscou. Il s’intéresse au répertoire de ces trois pays et montera un certain nombre de textes en langue originale à chaque fois. En France, par exemple, il a déjà présenté, Andromaque ou Le Cid, en français donc, avec un travail précis sur l’alexandrin ! En Angleterre, il monte un très grand nombre de pièces de Shakespeare essentiellement et ses choix se portent sur Tchekhov notamment, pour le théâtre russe. C’est un artiste complet puisqu’il s’intéresse au théâtre, à l’opéra, au ballet, au cinéma (il réalise Bel Ami d’après le roman de Maupassant en 2012) et à de nombreuses cultures et langues européennes. Grand directeur d’acteurs, il a publié un texte sur le travail du comédien (L’Acteur et la cible, Editions l’Entretemps, 2004). D’après les deux textes suivants, qui est ce metteur en scène ? Comment travaille-t-il avec les comédiens ? TEXTE 1 MAÎTRE À JOUER Declan Donnellan ou le théâtre à haute énergie
 Philip Tirard Mis en ligne le 06/04/2004 Dans L'Acteur et la cible, le metteur en scène irlando-londonien transmet comme un cadeau aux acteurs sa vision du théâtre et de l'Homme Les manuels de technique artistique renferment toujours leur lot de science de l'humain. L'étudiant en art qui travaille sur la représentation du corps en sort plus riche de connaissances sur l'anatomie. De même, les livres pratiques sur le jeu de l'acteur recèlent de précieux trésors sur le comportement et la psychologie - il suffit de lire La Formation de l'acteur de Constantin Stanislavski ou le Petit organon du théâtre de Bertolt Brecht pour s'en convaincre. Le premier ouvrage à paraître en français du formidable directeur d'acteurs qu'est le metteur en scène britannique Declan Donnellan ne fait pas exception à la règle. Dans L'Acteur et la cible, il nous livre, en même temps que certains de ses «secrets de fabrication» et un autoportrait de l'artiste au travail, une certaine vision de l'Homme. À savoir, essentiellement, que dans son âme s'unissent les contraires: pas de jour sans nuit, pas de bonté sans cruauté, pas de lumière sans ombre. De Shakespeare à Jung, Donnellan suit la trace d'un animal humain complexe, contradictoire, problématique... Né en 1953 à Manchester (Angleterre) de parents irlandais - «Je suis irlando-londonien», aimet-il à se présenter -, Declan Donnellan a fondé sa troupe Cheek By Jowl en 1981, avec son

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partenaire Nick Ormerod. Très remarquées - parfois controversées -, les réalisations shakespeariennes dépouillées et percutantes de cette jeune compagnie issue de l'Université de Cambridge l'ont rapidement fait connaître dans une quarantaine de pays. La France a découvert le détonant élixir de jouvence Donnellan lors d'un mémorable Cid de Corneille au Festival d'Avignon en 1998. Aujourd'hui metteur en scène acclamé à l'opéra et au théâtre, en France, en Russie, en Autriche, aux États-Unis et en Angleterre, il n'en poursuit pas moins le travail avec sa compagnie (lire l'évocation leur «Othello» ci-dessous). Mais qu'est- ce qui fait courir cet artiste de Londres à Moscou, de New York à Paris, de Salzbourg à Bruxelles? Le premier trait qui frappe dans sa personne est la formidable énergie qu'il dégage. Sa solide stature plutôt carrée est surmontée d'un visage rond et ouvert, d'où jaillit un regard à la fois attentif et espiègle, en perpétuel éveil, d'une vivacité que renforce le débit rapide d'une parole incisive, dialectique, ironique et modeste. Tout en lui exprime le mouvement: les traits animés du visage, le corps en proie à une irrépressible «bougeotte», l'élocution et la pensée perpétuellement sur le qui-vive. Sa personnalité rayonne un très attachant mélange de bonté, de joie et d'inquiétude. Metteur en scène vigoureux au regard aigu, main de fer dans un gant de velours, Declan Donnellan trace une voie royale entre modernité scénique, théâtre populaire et écoute scrupuleuse du texte. A chacun de ses spectacles, on éprouve presque physiquement sa présence qui unit à tout instant les spectateurs, l'auteur et les interprètes dans une tension d'où naît le sens et l'émotion. Il faut avoir vu une rangée entière de spectatrices russes pleurer et rire à son Boris Godounov ou les festivaliers d'abord sceptiques puis assis au bord de leur fauteuil, le cœur aux lèvres, devant ce Rodrigue mulâtre à l'accent britannique, magnifique et pathétique, sublime et vulnérable, proche de nous en un mot... Il connaît Bruxelles pour y avoir séjourné dans sa jeunesse («J'avoue que je me suis assez fort ennuyé à l'époque...») et pour avoir dirigé, en 1999, un stage pour les acteurs au Centre international de formation en arts de la scène (Cifas). Son Cid a été accueilli au Théâtre national où il devrait à nouveau être présent la saison prochaine. Il vient d'accepter aussi de prendre sous son aile le lauréat 2004 du Prix Jacques Huisman, bourse créée l'année dernière afin de permettre à un(e) jeune artiste belge de la scène de se perfectionner auprès d'un maître de renommée internationale. C'est que Donnellan a de surcroît la fibre pédagogique. Après avoir été directeur associé du Royal National Theatre de Londres de 1989 à 1997, il lançait en 2002 la Royal Shakespeare Company Academy, une émanation de la célèbre troupe de Stratford, destinée à débusquer les grands acteurs et metteurs en scène shakespeariens de demain. Son livre témoigne de sa rigueur et de sa fantaisie (sous-titre: «Règles et outils pour le jeu - en 19 chapitres, avec 6 principes fondamentaux, 7 choix difficiles et 4 digressions incontournables»...), mais surtout de son profond désir de transmettre. Un simple exemple de son sens de la métaphore, dans le chapitre où il évoque la Peur, ennemie du comédien: «Elle (la peur) doit inventer un temps artificiel qu'elle puisse habiter et diriger; elle s'empare alors du temps réel, le présent, et le divise en deux jumeaux pratiquement identiques. Elle appelle une moitié de ce temps artificiel le passé et l'autre moitié le futur. (...) La Peur gouverne le futur sous le masque de l'Anxiété, et le passé sous celui de la Culpabilité.» Bien qu'il préfère le concret aux généralisations théoriques ou aux explications fermées - «tout ce qu'on peut expliquer est mort», proclame-t-il en un saisissant raccourci -, son livre contient aussi quelques belles propositions sur les arts de la scène. Comme celle-ci, éloquente quant à la haute énergie qu'il investit dans l'acte théâtral: «Au théâtre nous voyons d'autres personnes ressentir ce que nous n'admettons pas ressentir nous-mêmes. Nous aimons que nos maisons soient sûres, alors nous avons besoin que nos théâtres soient dangereux. (...) Ne rentrez pas chez vous.» © La Libre Belgique 2004 TEXTE 2 LIBÉRER L’ACTEUR DE SES BLOCAGES Pour Declan Donnellan, « l’art du théâtre est d’abord l’art du comédien ».
 Qu’il dirige des acteurs anglais, russes ou français, le metteur en scène
 britannique fait jaillir sur scène la sève brûlante de la vie? Il explique ici
 sa vision de la formation. Vous commencez votre ouvrage L’acteur et la cible, Règles et outils
 pour le jeu en décrivant l’instinct du jeu, observé

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chez les bébés. Le
 jeu peut-il s’apprendre ? Jouer est en effet un réflexe humain, tout comme respirer. Dès sa naissance,
 un individu ne cesse de jouer, parce qu’il cherche en vain sa vérité. Il ne peut
 découvrir son « vrai » moi que dans ses actions, il ne peut l’éprouver que dans
 le jeu. Peut-on apprendre à quelqu’un à respirer ? Non. Le rôle du pédagogue
 consiste moins à instruire l’acteur qu’à l’aider à se libérer de ce qui
 l’empêche d’exister. Ces blocages sont souvent vissés par la peur. Notre époque
 vit aussi dans un état de contrôle des corps et des cerveaux effrayant. Les
 artistes, encore plus que d’autres, tendent à se forger une forteresse pour se
 protéger de la réalité. Cette muraille devient prison. La formation vise à nous
 libérer de nos forteresses imaginaires. « Sur le plateau, l’énergie surgit des rythmes et des impulsions générés par
 l’écriture et qui s’expriment par le mouvement du corps tout entier. » Comment dénouer ces blocages ? Les exercices corporels, quotidiens, sont essentiels. Il ne s’agit pas de
 devenir un athlète mais simplement d’« être » dans son corps, d’aiguiser la
 réceptivité aux stimuli externes, de développer les sens. La formation doit
 aussi ouvrir et muscler l’imagination, qui, parce qu’elle interprète les
 sensations, permet de percevoir et de dégager une signification. C’est la
 possibilité de produire des images à partir de ce nous ressentons qui nous relie
 au réel. La disponibilité, l’écoute, la capacité à être totalement dans
 l’instant, constituent des qualités essentielles à mes yeux. Je commence
 toujours les répétitions par de la danse et des exercices physiques. Le
 processus de travail sur une pièce passe par la dé-cérébralisation du texte pour
 en découvrir la musicalité et la sensualité. L’intellectualisation finit souvent
 par étouffer une œuvre. Sur le plateau, l’énergie surgit des rythmes et des
 impulsions générés par l’écriture et qui s’expriment par le mouvement du corps
 tout entier. J’essaie de libérer et de canaliser les potentialités, de les
 inscrire dans un jeu collectif. A la fin du processus, le texte ne constitue
 plus qu’un symptôme de tout ce qui se passe en dessous des mots. Vous parlez beaucoup de la « cible », au cœur de votre méthode. Que
 désignez-vous ainsi ? Une chose très simple, réelle ou imaginaire, concrète ou abstraite, mais
 située hors de moi. Si je vous demande ce que vous avez fait la semaine
 dernière, votre regard va errer quelques instants puis se fixer sur un objet ou
 un point précis, qui, à ce moment, sera votre cible, et vous aidera à concentrer
 votre énergie et à raviver votre souvenir. L’acteur ne fait rien sans objectif.
 Son jeu devient faux lorsqu’il est perdu dans son intériorité, dans un
 narcissisme mécanique. La cible l’aide à transférer vers l’extérieur ses
 fonctionnements internes, ses instincts, ses sentiments, ses pensées et ses
 désirs. La peur coupe l’acteur de la cible et le paralyse. Le pédagogue doit
 donc guider les jeunes et les aider à se défaire du jugement pesant sur leurs
 épaules, de la honte, de l’envie de plaire? Tout cela les empêche d’être
 euxmêmes et bloque leur talent. Quelle importance accordez-vous à la technique ? La technique apporte une base indispensable, mais elle ne remplacera jamais
 l’élan de vie. Elle doit avoir le bon goût de ne pas se laisser voir et de ne
 s’attribuer aucun mérite. Le perfectionnisme n’est que vanité. L’acteur ne peut
 pas s’appuyer sur des certitudes, il doit avoir foi en lui. Voyez-vous des différences nationales dans la formation des acteurs ? La différence majeure relève d’un choix politique, même si persistent des
 distinctions, liées aux contextes culturels et à la langue, aux codes de jeu,
 aux références esthétiques, au statut du vrai et du faux ou encore à
 l’engagement physique. En Russie, les comédiens entrent dans une troupe à l’âge
 de 22 ans et, pour la plupart, y restent toute leur vie. Ils ne vivent pas dans
 la crainte de ne plus travailler, d’être rejetés. Or tout être redoute d’être
 cueilli, aimé puis abandonné. La stabilité d’emploi n’écarte certes pas
 totalement la peur, mais elle atténue le sentiment de fragilité. La permanence
 change radicalement les relations au sein de la troupe et avec le metteur en
 scène. Elle permet d’atteindre presque immédiatement une tonalité commune. Entretien réalisé par Gwénola David pour La Terrasse, publié le 10 mars 2011

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II/ Ubu Roi 1°) Le texte Le texte d’Ubu Roi a été publié par Alfred Jarry1 dans l’Echo de Paris, le 23 avril 1893. Il sera même couronné au concours littéraire organisé par le journal. Le texte se présente comme une œuvre de potache, une caricature du Père Hébert, professeur de lycée d’Alfred Jarry. Le jeune homme écrit Les Polonais qui est une sorte de première version d’Ubu Roi. Le titre de la pièce définitive fait référence à Sophocle (Œdipe Roi) mais c’est bien une parodie de Macbeth qu’il s’agit. Derrière le Père et la Mère Ubu, c’est toute l’ambition et les meurtres de Macbeth et Lady Macbeth qu’il faut distinguer. La représentation n’aura lieu qu’au cours de la saison 1896-1897, au théâtre de l’œuvre fondé par Lugné-Poe depuis 1893. Jarry est en contact avec lui depuis 1896 et la fameuse lettre qu’il lui envoie le 8 janvier 1896 est une sorte de manifeste. (cf. rubrique « problématiques de la représentation » ciaprès). Jarry en assure lui-même la mise en scène au cours de laquelle il cherchera à surprendre voire à provoquer. Le personnage d’Ubu est joué par Firmin Gémier. Le décor est de Paul Sérusier assisté de Pierre Bonnard et Henri de Toulouse-Lautrec. La musique est de Claude Terrasse, jeune compositeur, beau-frère de Bonnard. La première fait scandale dès le premier mot et la représentation fait penser à la bataille d’Hernani. Alfred Jarry est l’inventeur de la pataphysique 2 , science imaginaire qui cherche à déplacer le réel vers l’absurde. Il sera un grand inspirateur des surréalistes et du théâtre contemporain. Fable de la pièce : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ubu_roi Présentation de la pièce et de ses références : http://michel.balmont.free.fr/pedago/uburoi/references.html Le texte entre au répertoire de La Comédie française en 2009 avec une mise en scène de Jean-Pierre Vincent.

2°) Ubu Roi par Declan Donnellan Document 1 Entretien avec Declan Donnellan Pourquoi choisir de mettre en scène Ubu Roi ? Declan Donnellan : Ubu roi est notre deuxième création avec notre troupe française : de même qu’Andromaque, c’est une œuvre qui correspond parfaitement aux talents de ces comédiens. Voilà un aspect du choix. D’autre part, comme Andromaque (et toute grande pièce, d’ailleurs) Ubu roi nous offre un champ d’exploration très ouvert, qui nous permet d’apporter des modifications à notre travail au fur et à mesure de nos découvertes. Nous vivons avec les pièces que nous montons pour de longues périodes dans le cadre d’une tournée, d’où notre souhait de travailler avec une œuvre qui représente un challenge, qui garde en elle cette vitalité que nous désirons récréer ; c’est un travail continu. D’autant plus qu’il existe davantage de

biographie complète sur le site suivant : http://www.alfredjarry.fr/biographie/index.php site du collège de pataphysique fondé par Jarry : http://www.college-depataphysique.org/college/accueil.html 1 2

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similarités qu’on ne croirait entre Racine, bastion de la tragédie du Grand siècle, et Ubu, gamin précoce de l’avant-garde. Les deux pièces traitent, en quelque sorte, de ce qui se passe quand nous nous obstinons à poursuivre des choses que nous voulons, mais qui nous sont refusées. Les deux pièces s’intéressent à ce problème de la civilisation, à notre conception de ce qui constitue le comportement « civilisé », et à notre façon d’agir par rapport à cette structure. Nous voulons tous être civilisés – nous voulons que nos leaders le soient. Mais qu’en est-il des sentiments qui ne rentrent pas dans cette case ? La civilisation exige souvent que ces sentiments soient ignorés, voire niés. Or, il y a un prix à payer pour la civilisation, et ce prix, parfois, c’est la folie. Jarry situe sa pièce « en Pologne, c’est-à-dire nulle part ». Où allez- vous situer votre Ubu ? Y aura-t-il des références à des situations politiques particulières, historiques ou actuelles ? D. D. : Toute grande pièce peut avoir des références politiques, contemporaines, d’une manière ou d’une autre ! Ou, du moins, est-il possible de les lire dans cette optique. Mais avant toute chose, ce qui est primordial pour nous, lorsque nous entamons une nouvelle pièce, c’est de nous assurer que le travail soit bien vivant. Voilà ce que nous recherchons dans un premier temps, que ce soit avec Jarry, Racine, Shakespeare ou Tchekhov. Tout notre travail se crée dans la salle de répétition, avec les comédiens, et notre tâche est simplement de retrouver les expériences fondamentales qui existent au cœur d’une pièce, de leur donner vie. Pour l’instant notre intention n’est pas de satiriser ou d’évoquer une époque ou une situation politique ou historique précise. Nous ne pouvons savoir à quoi ce « nulle part » ressemblera ; nous le saurons uniquement quand nous l’aurons atteint. Vous dites d’Ubu qu’il fait preuve d’un « infantilisme menaçant », vicieux et puéril. Vous parlez aussi du potentiel de violence que révèle ce personnage. Qui est Ubu ? D. D. : Effectivement à travers leurs actions, Ma et Père Ubu évoquent un potentiel de violence qui existe au fond de nous tous : une violence qui provient de cette partie de nous-mêmes qui nous pousse, en tant qu’êtres humains, (et cela constamment) à la poursuite du pouvoir, parfois le pouvoir absolu. Nous avons tendance à traiter l’égoïsme de Ma et Père Ubu, le plaisir que leur donne la brutalité (la violence et le meurtre ne sont qu’un jeu pour eux) comme des choses puériles, qui n’ont aucun lien avec la vie adulte, c’est à dire civilisée. Mais que nous y faisions face ou non, ces désirs existent en nous et continuent d’exister en nous. C’est un des points forts de la pièce de nous remettre en contact avec notre propre bassesse, et ainsi d’éclaircir ce que nous pensons pouvoir contrôler, nier ou refouler. Energie et dynamisme ; scatologie, blagues potaches... Envisagez-vous Ubu roi comme une comédie ou comme une tragédie ? D. D. : Comme beaucoup de grandes pièces, Ubu roi contient un peu des deux ! Et on risque par moments d’imposer trop de limites en se reposant sur les genres ; Shakespeare, notamment, mélangeait souvent les deux. Je pense que Ma et Père Ubu nous effraient, dans l’ensemble, mais nous rions pour nous sentir en sécurité. Pouvez-vous nous parler des comédiens avec lesquels vous allez monter la pièce ? D. D. : Nous sommes ravis de travailler à nouveau avec cette même troupe française, et reconnaissants de leur affection, de leur fidélité, ainsi que de leur immense talent. Propos recueillis par Catherine Robert (La Terrasse, octobre 2012)

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A partir de l’interview et des images faites une synthèse présentant le personnage d’Ubu selon Declan Donnellan, la représentation du personnage, les choix scénographiques et esthétiques. 3°) Exercices de pratique Par groupes de deux, face à face, regardez-vous et lancez-vous des insultes. Le but est de libérer la parole, d’être très inventif. Les insultes ne donnent pas forcément lieu à de l’agressivité. Choisissez une scène de théâtre contemporain et truffez le texte de « merdre » avant de faire une proposition. Faites une proposition de mise en scène pour la première scène entre Père et Mère Ubu.

III/ Prolongements 1°) Thématiques  Le pouvoir Exemples de séances autour de la figure du Roi sur ce site : http://www.lettres.ac-versailles.fr/spip.php?article644#sommaire_3 

Codes de la représentation La lettre du 8 janvier 1896 adressée à Lugné-Poe apparaît comme un manifeste pour la représentation. Les techniques évoquées sont proches du théâtre élisabéthain. Comparez cette lettre d’Alfred Jarry (texte 1) au prologue d’Henry V de Shakespeare (texte 2) et reformulez les codes de la représentation. Texte 1 8 janvier 1896 Cher Monsieur, L’acte dont nous avions parlé vous sera porté à la date dite, soit vers le 20. Mais je vous écris d’avance pour vous demander de réfléchir à un projet que je vous soumets et qui serait peut-être intéressant. Puisque Ubu Roi vous a plu et forme un tout si cela vous convenait, je pourrais le simplifier un peu, et nous aurions une chose qui serait d'un effet, comique sûr, puisque, à une lecture non prévenue, elle vous avait telle. Il serait curieux, je crois, de pouvoir monter cette chose (sans aucun frais du reste,) dans le goût suivant : 1° Masque pour le personnage principal, Ubu, lequel masque je pourrais vous procurer au besoin. Et puis je crois que vous. Vous êtes occupé vous-même de là question masques.
 2° Une tête de cheval en carton qu'il se pendrait au cou, comme dans l'ancien théâtre anglais. Pour les deux .seules scènes équestres, tous détails qui étaient dans l'esprit de la pièce, puisque j’ai voulu faire un « guignol ».
 3° Adoption d'un seul décor, ou mieux, d'un fond uni, supprimant les levers et baissers de rideau pendant l'acte unique. Un personnage correctement vêtu viendrait, comme dans les guignols, accrocher une pancarte, signifiant le lieu de la scène. (Notez que je suis certain de la supériorité « suggestive » de la pancarte écrite sur le décor. Un décor, ni une figuration, ne rendraient « l'armée polonaise en marche dans l'Ukraine. »)

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4° Suppression des foules, lesquelles sont souvent mauvaises à la scène et gênent l'intelligence. Ainsi, un seul soldat dans la scène de la revue, un seul dans la bousculade où Ubu dit : « Quel tas de gens, quelle fuite, etc. ». 5° Adoption d'un « accent » ou mieux d'une « voix » spéciale pour le personnage principal. 6° Costumes aussi peu couleur locale ou chronologiques que possible (ce qui rend mieux l'idée d’une chose éternelle), moderne de préférence, puisque la satire est moderne; et sordide, parce que le drame en paraît plus misérable et horrifique. (…)

Texte 2 PROLOGUE Enter Chorus O for a Muse of fire, that would ascend The brightest heaven of invention, A kingdom for a stage, princes to act And monarchs to behold the swelling scene! Then should the warlike Harry, like himself, Assume the port of Mars; and at his heels, Leash'd in like hounds, should famine, sword and fire Crouch for employment. But pardon, and gentles all, The flat unraised spirits that have dared On this unworthy scaffold to bring forth So great an object: can this cockpit hold The vasty fields of France? or may we cram Within this wooden O the very casques That did affright the air at Agincourt? O, pardon! since a crooked figure may Attest in little place a million; And let us, ciphers to this great accompt, On your imaginary forces work. Suppose within the girdle of these walls Are now confined two mighty monarchies, Whose high upreared and abutting fronts The perilous narrow ocean parts asunder: Piece out our imperfections with your thoughts; Into a thousand parts divide on man, And make imaginary puissance; Think when we talk of horses, that you see them Printing their proud hoofs i' the receiving earth; For 'tis your thoughts that now must deck our kings, Carry them here and there; jumping o'er times, Turning the accomplishment of many years Into an hour-glass: for the which supply, Admit me Chorus to this history; Who prologue-like your humble patience pray, Gently to hear, kindly to judge, our play.

Exit

_______________________________________________________________________ PROLOGUE Fanfare. Entre Chœur Oh avoir une muse de feu, qui escaladerait Le ciel le plus éclatant de l’invention, Un royaume pour scène, des princes comme acteurs, Et des monarques pour contempler la scène qui s’enfle ! Lors le martial Harry, tel qu’en lui-même, Assumerait l’allure de Mars, et à ses talons, En laisse par trois tels chiens de chasse, famine, glaive et feu

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Mendieraient un emploi. Mais pardonnez, vous tous braves gens, Au pied plat d’esprit peu inspiré qui a osé Sur cet échafaudage indigne faire advenir Si glorieux objet. Cette fosse peut-elle contenir Les spacieux champs de France ? Ou pouvons-nous entasser En ce O de bois les casques mêmes Qui effrayèrent l’air à Azincourt ? Oh, pardonnez ! puisqu’une figure recourbée peut Attester en peu de place d’un million, Et laissez-nous, chiffres sans valeur pour ce grand récit, Œuvrer sur les forces de vos imaginations. Supposez dans l’enceinte de ces murs Que se trouvent à présent confinées deux puissantes monarchies, Dont les hauts remparts fortifiés face à face L’étroit et périlleux océan sépare. Compensez nos imperfections par vos pensées : En mille parties divisez un seul homme Et créez des armées imaginaires. Pensez, quand nous parlons de chevaux, que vous les voyez Imprimant leurs fiers sabots dans la terre qui les reçoit ; Car ce sont vos pensées qui maintenant doivent parer nos rois, Les transporter ici et là, bondissant par-dessus les époques, Transformant les exploits de maintes années En un sablier : et ceci pourvu, Admettez-moi comme Chœur à cette histoire, Qui tel un Prologue invoque votre humble patience De gentiment ouïr notre pièce, la juger avec indulgence.

(Sort)

 Le soldat fanfaron L’expression est le titre d’une comédie de Plaute. Le soldat fanfaron est l’héritier direct du miles (soldat) de la comédie romaine. Cette figure fait aussi référence à un héritage épique avec Rodomont (roi d’Alger, fanfaron couard) dans le Roland furieux de l’Arioste. Dans la commedia dell’arte, le Capitan parle castillan (envahisseur étranger dans l’Italie du XVI° siècle) et porte un costume espagnol. Cette figure littéraire fait référence à l’image d’un soldat vantard, qui vit dans l’illusion de ses exploits et de ses victoires alors qu’il est un pleutre patenté. Le récit de ses exploits est l’occasion de la satire de l’héroïsme militaire. On pense évidemment au Matamore de Corneille qui lui donne ses titres de noblesse. C’est un véritable type littéraire. Le Père Ubu dans sa veine grotesque en est un véritable avatar.  Séquence possible à partir d’extraits de Plaute –Le soldat fanfaron-, Corneille –L’Illusion comique-, Cervantès -Don Quichotte- et Jarry –Ubu Roi. Trouvez, dans ce corpus un extrait présentant ou mettant en situation ce type de personnage. Quels sont les très proposées ci-dessous ?

communs

des

différentes

représentations

Comment imaginez-vous le père Ubu ?

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1- Jacques Callot, Capitan Mala Gamba et Capitan Bellavita, vers 1622

2- Abraham Bosse (1604-1676), Le Capitan

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3- Gilles Rousselet (1610 – 1686), d'après Grégoire Huret

4- Dionisi Minaggio, Il Bestiario barocco, 1618. Comédien de l'Hôtel de Bourgogne

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5- Lithographie de Wolf au XIXème siècle



6- Maurice Sand, dessin de 1860

Autres thèmes possibles : La guerre, le mélange des genres.

2°) Les mises en scène  Übü király (Ubu roi) (2012) d'Alfred Jarry / mise en scène : Alain Timar  Übü Király (Ubu Roi) (1990) d'Alfred Jarry / mise en scène : Gabor Zsambéki  Ubu roi (2013) d'Alfred Jarry / mise en scène : Declan Donnellan  Ubu roi (2012) d'Alfred Jarry / mise en scène : Jean-Louis Crinon  Ubu roi (2012) d'Alfred Jarry / mise en scène : Alain Besset  Ubu roi (2011) d'Alfred Jarry / mise en scène : Pierre Pradinas  Ubu roi (2010) d'Alfred Jarry / mise en scène : Franck Berthier  Ubu roi (2009) d'Alfred Jarry / mise en scène : Jean-Pierre Vincent  Ubu roi (2009) d'Alfred Jarry / mise en scène : Jean-Jacques Faure  Ubu roi (2009) d'après Alfred Jarry / mise en scène : Valery Forestier  Ubu roi (2007) d'Alfred Jarry / mise en scène : Christophe Barbet...  Ubu roi (2007) d'Alfred Jarry / mise en scène : Alain Timar  Ubu roi (2006) d'Alfred Jarry / mise en scène : Pierre Guillois  Ubu roi (2005) d'après Alfred Jarry / mise en scène : Ezéquiel GarciaRomeu  Ubu roi (2001) d'Alfred Jarry / mise en scène : Bernard Sobel  Ubu roi (1993) d'après Alfred Jarry / mise en scène : Omar Porras  Ubu roi (1992) d'Alfred Jarry / mise en scène : Hervé Lelardoux...  Ubu roi (1992) d'Alfred Jarry / mise en scène : Roland Topor  Ubu roi (1987) d'Alfred Jarry / mise en scène : Jean-Louis Hourdin  Ubu roi (1985) d'Alfred Jarry / mise en scène : Antoine Vitez  Ubu roi (1969) d'Alfred Jarry / mise en scène : Georges Goubert  Ubu roi (1965) d'Alfred Jarry / mise en scène : Victor Garcia 15

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Ubu roi (1896) d'Alfred Jarry Ubu roi avec des scènes de Macbeth (1995) d'après Alfred Jarry... / mise en scène : Silviu Purcarete Ubu-Roi (1968) d'Alfred Jarry / mise en scène : André Benedetto Ubu-Roi (1955) d'Alfred Jarry / mise en scène : Gabriel Monnet

Source : Les archives du spectacle (http://www.lesarchivesduspectacle.net/?Parametre=ubu+roi&pbRechercher=&lbRecherche=3)

3°) Sitographie- Ressources pour Ubu Roi d'Alfred Jarry (d’après le site educnet théâtre) A D'Alfred Jarry et de quelques autres *Alfred jarry http://www.alfredjarry2007.fr/amisjarry/accueil/accueil.htm http://worldserver2.oleane.com/fatrazie/alfred_jarry.htm *Dessins de Jarry http://www.spencerart.ku.edu/exhibitions/almanac/index.shtml B Les textes *Le cycle Ubu http://fr.wikisource.org/wiki/Cycle_d%27Ubu C Les mises en scène a) En France *toutes (?) http://www.lesarchivesduspectacle.net/index.php?lbRecherche=3&Parametre=u bu+roi&pbRechercher=Rechercher *Voir la mise en scène de Jean-Christophe Averty en ligne : http://www.youtube.com/watch?v=FznOszLTsfg Documentaire sur les trucages de Jean-Christophe Averty : http://www.ina.fr/media/television/video/I04282934/jean-christophe-averty-etles-trucages-dans-ubu-roi.fr.html *mise en scène de Bernard Sobel http://www.passion-theatre.org/cgibin/pti_lol/spectacle/affiche/fiche.pl?id_planning=4512 *mise en scène et scénographie Ezéquiel Garcia-Romeu http://www.ezequiel-garcia-romeu.com/ubuphoto.html *Dramaturgie et Mise en scène Marco Martinelli http://www.t-n-b.fr/fr/saison/fiche.php?id=584 *Mise en scène par Peter Brook http://www.atpaix.com/spectacle.php?numSpectacle=185&PHPSESSID=fd2145 1b19d610b64b24e82715494f95 *Emmanuel Genvrin http://www.vollard.com/spip.php?article46 *mise en scène d'Alain Timar http://www.ruedutheatre.info/article-6767123.html http://www.theatredeshalles.com/spectacle.php?idspectacle=23 *mise en scène de Serge Goubert http://t-n-b.fr/fr/saison/fiche.php?id=387 *mise en scène de la compagnie Favier Théâtre 16

http://www.faviertheatre.fr/PIECES/ubu/ubu-dico.html b) Ailleurs Ubu canadien *ubu sur la table Theatre de la Pire Espèce http://www.pire-espece.com/ubutable.html Ubu belge Mise en scène par Christophe Cotteret http://www.plaisirdoffrir.be/Vu/Critique.php?recordID=4340 Ubu italien Susanna Baccari et Claudio Orlandini http://www.teatrodinessuno.it/jarry.htm Ubu suisse *mise en scène et scénographie Denise Carla Haas http://www.theatrel.ch/index.php?option=com_content&task=view&id=71&Itemid=11 *mise en scène d'Omar Porras http://www.malandro.ch/index.php?option=com_content&task=view&id=28&Ite mid=20 Ubu américain http://ubuforpresident.blogspot.com/ D Articles Le contexte shakespearien dans trois pièces avant-gardistes françaises http://revel.unice.fr/cycnos/document.html?id=1493 Shakespeare Jarry Ubu Macbeth (en anglais) http://www.canadianshakespeares.ca/a_david_copelin.cfm *Du mufle et de l'algolisme chez Alfred Jarry http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_00488593_1977_num_7_17_5135 La symbolique du gros http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_05888018_1987_num_46_1_1698 E Séquences séances *Des séquences complètes pour une classe de première avec notamment de nombreux documents complémentaires (biographie, dessin, contexte etc.) ou des plans de lectures analytiques : http://michel.balmont.free.fr/pedago/uburoi/ http://francaismmebissuel.unblog.fr/2010/09/09/premiere-s1-sequence-1-uburoi-dalfred-jarry-theatre-et-parodie-le-plaisir-de-la-caricature/ http://www.infx.info/quidnovi/spip.php?article440 Figures de roi http://www.lettres.ac-versailles.fr/spip.php?article644#sommaire_3

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4°) Exemple : une question de synthèse pour le bac Objet d’étude : le théâtre TEXTE 1 : Albert Camus, Caligula, I, 8
 TEXTE 2 : Alfred Jarry, Ubu roi, III, 2, de « apportez la caisse à Nobles » à « faire des lois maintenant ».
 TEXTE 3 : Jean Anouilh, Antigone – Tirade Créon Question Après avoir lu tous les textes du corpus, vous répondrez à la question suivante : Quelle représentation du pouvoir donne chacun des extraits du corpus ?

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