Équation neuromusculaire : neuropathie + leucoencéphalopathie = ? IMAGE COMMENTÉE

March 15, 2018 | Author: Anonymous | Category: Science, Médecine, Psychiatrie
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Équation neuromusculaire : neuropathie + leucoencéphalopathie = ? T. Maisonobe*, F. Sedel** * Département de neurophysiologie clinique et laboratoire de neuropathologie, hôpital de la PitiéSalpêtrière, Paris. ** Département de neurologie, centre de référence pour les maladies lysosomales, unité fonctionnelle neurométabolique bioclinique et génétique, Inserm UMRS 975, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.

Observation Un patient, d’origine polonaise, consulte en neurologie pour la première fois à l’âge de 60 ans. Il n’a pas de maladie connue. On note cependant une sœur décédée à 63 ans après un tableau étiqueté “atrophie multisystématisée”, et une épilepsie généralisée chez sa fille et sa petite-fille. Ses premiers symptômes

Tableau I. ENMG en 2005.

Conduction motrice Nerfs

Segment

LD (ms)

SPE droit

Pédieux

NO

SPE droit

Jambier antérieur

3,6

Amplitude distale (mV)

VCM (m/s)

4,8

36

4,2

35

Ondes F (ms)

NO

SPI droit SPE gauche

Pédieux

NO

SPE gauche

Jambier antérieur

4,3

SPI gauche

NO

Médian gauche

4,8

8,5

43

32,8

Cubital gauche

3,6

4

61

31,8

Médian droit

4,9

5,9

47

31,7

Cubital droit

2,6

4,9

56

27,9

Conduction sensitive Nerfs

Amplitude (μv)

Musculo-cutané inférieur droit

NO

Sural droit

NO

Sural gauche

NO

Musculo-cutané inférieur gauche

NO

Médian droit index Cubital droit

5e

doigt

Vitesse (m/s)

5

31

3

40

Radial droit

16

36

Radial gauche

4

40

Cubital gauche 5e doigt

4

40

Médian gauche index

3

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Abréviations. LD : latence distale ; VCM : vitesse de conduction motrice ; SPE : sciatique poplité externe ; SPI : sciatique poplité interne ; NO : non obtenu.

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débutent seulement à l’âge de 46 ans avec des troubles vésico-sphinctériens qui vont être explorés mais sans diagnostic précis. On parle de dysautonomie vésicale. En 2004, à 54 ans, apparaissent des troubles de la marche avec une ataxie cérébelleuse lentement progressive. Le premier bilan neurologique est réalisé en 2005. On observe à l’examen clinique un patient jovial, anosognosique, avec une marche instable, un syndrome cérébelleux statique, une hypoesthésie en chaussettes au tact et à la piqûre sans douleur, l’absence de déficit moteur, des réflexes diminués ou abolis mais un signe de Babinski bilatéral. Un électroneuromyogramme (ENMG) est réalisé. Il confirme une polyneuropathie axonale sensitivo-motrice sévère prédominante aux membres inférieurs (tableau I). L’IRM cérébrale met en évidence une leucoencéphalopathie touchant la substance blanche périventriculaire postérieure, les fibres en U, les pôles temporaux et la substance blanche sous-corticale. Il est également noté une atrophie importante de la fosse postérieure et des hypersignaux des faisceaux cortico-spinaux au niveau du tronc cérébral (figure 1). Le reste du bilan est négatif ou normal, en particulier la ponction lombaire ainsi que de nombreux dosages métaboliques. L’état du patient va s’aggraver progressivement avec une marche avec 2 cannes, 4 à 5 autosondages par jour. Les troubles cognitifs – et en particulier les troubles mnésiques – s’aggravent également, conduisant son entourage à de nouvelles consultations. Le patient reste relativement anosognosique. Un nouveau bilan est réalisé en 2009 avec une nouvelle IRM qui met en évidence – en plus des lésions précédemment décrites –, un doute sur des infarctus sylviens centimétriques bilatéraux, mais le bilan vasculaire réalisé est normal. Un nouvel ENMG est réalisé : la neuropathie s’est également nettement aggravée, avec certaines valeurs limites démyélinisantes sur la conduction motrice aux membres supérieurs (tableau II). Un nouveau bilan métabolique est réalisé et s’avère négatif. Cependant, sur les aspects IRM et la clinique, il est évoqué une maladie à dépôts polyglucosans de l’adulte. Une biopsie cutanée au niveau du creux axillaire est réalisée. Elle met en évidence au niveau des glandes sudoripares des corps PAS+ arrondis très

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I M A G E S Figure 1. IRM cérébrale : leucoencéphalopathie touchant la substance blanche périventriculaire postérieure, les fibres en U, les pôles temporaux et la substance blanche sous-corticale. Il est également noté une atrophie importante de la fosse postérieure et des hypersignaux des faisceaux cortico-spinaux au niveau du tronc cérébral.

Tableau II. ENMG en 2009.

Conduction sensitive

Conduction motrice Nerfs

Segment

LD (ms)

SPE droit

Pédieux

NO

SPE droit

Jambier antérieur

6,6

Amplitude distale (mV)

2,4

VCM (m/s)

Ondes F (ms)

23

NO

SPI droit SPE gauche

Pédieux

NO

SPE gauche

Jambier antérieur

5,2

4,8

Nerfs

Amplitude (μv)

Sural droit

NO

Sural gauche

NO

Médian droit index

NO

Médian droit paume

NO 4

Radial droit

23

Cubital droit

SPI gauche

NO

Médian droit

9,7

5,7

34

35,9

Cubital droit

6,1

2,2

44

38,3

5e

doigt

Vitesse (m/s)

36

NO

La Lettre du Neurologue Nerf & Muscle • Vol. XV - n° 1 - janvier 2011 |

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I M A G E S Figure 2. Biopsie cutanée profonde au niveau du creux axillaire. Inclusion en paraffine ; coloration PAS. Nombreuses glandes excrétoires avec des corps ronds anormaux PAS+ évocateurs de corps polyglucosans (× 270).

Figure 3. Biopsie cutanée profonde au niveau du creux axillaire. Prélèvement congelé ; coloration PAS. Même image, à plus fort grandissement (× 540).

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évocateurs de corps polyglucosans (figures 2 et 3). Un déficit sévère en enzyme branchante du glycogène (GBE) est confirmé ainsi que la mutation du gène GBE1. On conclut donc à une glycogénose de type IV, dans une forme adulte, de révélation tardive à corps polyglucosans avec atteinte du système nerveux à la fois central et périphérique.

Maladies à rechercher devant une leucoencéphalopathie associée à une neuropathie périphérique 1. Xanthomatose cérébro-tendineuse : avec ou sans xanthomes cliniques mis en évidence, neuropathie axonale ou démyélinisante, dosage du cholestanol plasmatique. 2. Déficit en cobalamine C : dosage de l’homocystéinémie, acide méthylmalonique.

Références bibliographiques 1. Sedel F, Barnerias C, Dubourg O et al. Peripheral neuropathy and inborn errors of metabolism in adults. J Inherit Metab Dis 2007;30:642-53. 2. Sedel F, Tourbah A, Fontaine B et al. Leucoencephalopathies associated with and inborn errors of metabolism in adults. J Inherit Metab Dis 2008;31:295-307. 3. Cafferty MS, Lovelace RE, Hays AP et al. Polyglucosan body disease. Muscle Nerve 1991;14:102-7. 4. Nolte KW, Janecke AR, Vorgerd M et al. Congenital type IV glycogenosis: the spectrum of pleomorphic polyglucosan bodies in muscle, nerve and spinal cord with two novel mutations in the GBE1 gene. Acta Neuropathol 2008; 116:491-506. 5. Massa R, Bruno C, Martorana A et al. Adult polyglucosan body disease: proton magnetic resonance spectroscopy of the brain and novel mutation in the GBE1 gene. Muscle Nerve 2008;37:530-6.

3. Déficit en MTHFR : dosage de l’homocystéinémie, acide méthylmalonique. 4. Leucodystrophie métachromatique : dosage de l’arylsulfatase A leucocytaire. 5. Maladie de Krabbe : dosage de la galacto-cérébrosidase leucocytaire. 6. Maladie de Refsum, troubles de la biogenèse peroxysomale et trouble du métabolisme de l’acide pristanique : dosage de l’acide phytanique, de l’acide pristanique et dosage des acides gras à très longues chaînes. 7. Maladies mitochondriales : MNGIE (neuropathie démyélinisante, dosage de la thymidine phosphorylase), déficit en complexe 1 et syndrome de KearnsSayre (neuropathie axonale). 8. Maladie de Fabry : dosage alpha-galactosidase leucocytaire. 9. Adrénomyéloneuropathie : dosage des acides gras à très longues chaînes. 10. Maladie de l’adulte à corps polyglucosans : biopsie cutanée creux axillaire, dosage de la GBE.

Discussion L’association d’une neuropathie périphérique et d’une leucoencéphalopathie doit faire rechercher en priorité un trouble inné du métabolisme (1, 2), même lorsque les premiers symptômes sont tardifs, à l’âge adulte, comme c’est le cas dans notre observation. Les aspects IRM de la leucoencéphalopathie sont évocateurs de certaines pathologies (2). Le type de la neuropathie peut aussi orienter les recherches. Mais on sait que des neuropathies démyélinisantes ou axonales ont été décrites dans des xanthomatoses cérébro-tendineuses ou des maladies de Refsum (1). La recherche doit donc être systématique. Notre observation illustre bien cet aspect, car les atteintes périphériques dans les maladies à corps polyglucosans ont d’abord été présentées comme des atteintes du motoneurone périphérique (type corne antérieure) [3], avant que l’on s’aperçoive de la présence de polyneuropathies axonales sentivo-motrices plus classiques (4). Cette observation permet de noter, avec l’évolution, des valeurs limites démyélinisantes. La notion d’aggravation et d’évolutivité de la neuropathie est importante à noter dans ce cas. Cet aspect différencie les neuropathies métaboliques des autres neuropathies héréditaires, souvent plus stables, en particulier sur le plan ENMG. Le spectre clinique des glycogénoses de type IV est très large, allant de la forme néonatale très grave avec défaillance hépatique à des formes myopathiques ou cardiomyopathiques plus tardives jusqu’à des formes adultes de maladies à corps polyglucosans ou, comme ici, multisystémiques. Les éléments d’orientation sont, pour cette dernière forme : l’origine juive ashkénase – mais qui n’est pas systématique (chez les patients non juifs ashkénases, le dosage de la GBE peut d’ailleurs s’avérer normale), l’âge de début (vers 40-60 ans), l’importance des sphinctériens vésicaux (qui avaient ici inauguré la maladie), et l’association d’une neuropathie périphérique et d’une leucoencéphalopathie. Cette dernière peut présenter des aspects évocateurs avec une atteinte cortico-spinale sus et sous-tentorielle avec hypersignal dans le tronc et atrophie (5). Une atteinte cognitive avec démence et une paraparésie spastique sont également souvent observées. Il s’agit d’un diagnostic important à faire car, comme dans d’autres maladies métaboliques, un traitement pourra peut-être être proposé prochainement et permettra d’empêcher l’évolutivité importante décrite dans cette observation. ■

La Lettre du Neurologue Nerf & Muscle • Vol. XV - n° 1 - janvier 2011 |

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