L Trachéopathie ossifiante mISE AU pOINT Tracheobronchopathia osteochondroplastica

March 17, 2018 | Author: Anonymous | Category: Science, Médecine
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Trachéopathie ossifiante Tracheobronchopathia osteochondroplastica H. Dutau*

L

* Unité d’endoscopie thoracique, pôle cardiovasculaire et thoracique, hôpital Sainte-Marguerite, CHU de Marseille.

a trachéobronchopathie ostéochondroplastique (TBOP) est une maladie rare caractérisée par la présence de phosphate de calcium dans la sous-muqueuse de la paroi des voies aériennes centrales avec une prolifération bénigne d’os et de cartilage aboutissant à la formation de nodules (1). En général, les deux tiers inférieurs de la trachée et l’origine des deux bronches principales sont touchés. Dans les cas les plus sévères, on assiste au regroupement de plusieurs nodules aboutissant à une réduction significative et symptomatique des voies aériennes centrales (2). Ce tableau peut engendrer une insuffisance respiratoire obstructive avec épisodes de décompensation aiguë lors d’infections (3). Cette maladie se manifeste le plus souvent vers l’âge de 55 ans environ, et concerne majoritairement les hommes (sex-ratio : 3/1). L’incidence de la TBOP retrouvée au cours d’endoscopies systématiques pour des symptômes respiratoires est de l’ordre de 0,02 % (4) à 0,7 % (5), ce qui est sûrement sous-estimé par méconnaissance de cette pathologie. Les symptômes, aspécifiques, comprennent : toux, dyspnée d’effort, infections récidivantes, wheezing et hémoptysie (6, 7). Les patients sont en général asymptomatiques, et la maladie est découverte de façon fortuite, après une intubation difficile (8) ou au cours d’examens radiologiques ou scanographiques effectués pour une autre raison (9). Histologiquement, les nodules sont constitués d’îlots sous-muqueux de cartilage hyalin, avec des zones d’os lamellaires et parfois médullaires. La surface muqueuse est le plus souvent intacte, et on note fréquemment une communication vers le périchondre d’un anneau cartilagineux de la trachée (10). L’étiologie demeure incertaine et de nombreuses théories existent. Certaines plaident en faveur d’un processus congénital ou d’un facteur prédisposant héréditaire, comme en témoigne l’incidence élevée de la maladie en Finlande ou en Suède (9). Un cas

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clinique publié semble contredire cette théorie puisqu’il a décrit le cas d’une femme ayant bénéficié d’une bronchoscopie normale à l’âge de 55 ans puis d’une autre anormale à l’âge de 70 ans, avec un aspect de TBOP sévère. Des facteurs métaboliques ou inflammatoires locaux ainsi que des infections ou une irritation chroniques ont été suggérés comme autant de facteurs étiologiques (9). Certains auteurs pensent que Klebsiella ozaenæ, bactérie responsable d’une infection chronique de la trachée, est associée à la maladie (9, 11). D’autres auteurs enfin suggèrent que la TBOP serait le stade ultime de l’amylose trachéobronchique au vu de plusieurs cas associant ces deux pathologies (12). Ce lien entre les deux maladies n’a pas été retrouvé dans l’analyse de 245 cas de TBOP (13). L’aspect endoscopique classique est celui de nodules multiples, lisses, surélevés, blanchâtres, d’aspect osseux, faisant saillie dans la lumière des voies aériennes. Les nodules disséminés épargnent la face postérieure membraneuse, ce qui différencie la TBOP d’autres maladies (12). La biopsie de ces nodules est quasi impossible avec des instruments souples, mais réalisable en bronchoscopie rigide. Toutefois, la biopsie n’est pas indispensable pour le diagnostic, qui repose sur un aspect endoscopique caractéristique. Lorsque la maladie est peu sévère, la radiographie standard est généralement normale. Dans les formes modérées à sévères, la radiographie montre une irrégularité des bords trachéaux avec des nodules calcifiés (figure 1), des sténoses peuvent être visibles (14). En tomodensitométrie, la description classique est celle d’un cartilage trachéal et/ou bronchique épaissi, avec une calcification irrégulière (figure 2). De nombreux nodules, avec ou sans calcification, se projettent dans la lumière des voies aériennes à partir des parois latérales et antérieures (10). Une étude épidémiologique multicentrique, réalisée en France en 2001, a rapporté 41 cas de TBOP (15).

Points forts »» La trachéopathie ossifiante, de son nom complet trachéobronchopathie ostéochondroplastique, est une maladie rare des voies aériennes centrales (trachée et grosses bronches) d’étiologie inconnue. Très rarement, elle affecte le larynx et l’espace sous-glottique. »» Elle se caractérise par la présence de nodules osseux et/ou cartilagineux dans la sous-muqueuse des voies aériennes centrales. »» La plupart des patients sont asymptomatiques, la maladie est donc de découverte fortuite (intubation difficile, radiographie ou scanner thoraciques). »» Si symptômes il y a, les nodules recouvrent alors l’ensemble des voies aériennes, à l’exception de la paroi membraneuse postérieure, et leur regroupement peut entraîner une obstruction significative des voies aériennes. »» Les symptômes cliniques sont aspécifiques : toux, dyspnée, hémoptysies, détresse respiratoire aiguë et infections récidivantes. »» Le diagnostic repose sur l’aspect endoscopique caractéristique, mais la découverte de lésions typiques en radiographie conventionnelle ou en tomodensitométrie est pathognomonique. »» Il n’existe aucun traitement spécifique ou étiologique. »» La bronchoscopie interventionnelle est efficace dans la désobstruction des formes sévères dyspnéisantes.

Mots-clés Trachéobronchopathie ostéochondroplastique Bronchoscopie Bronchoscopie interventionnelle

Highlights Figure 3. Aspect de TBOP modérée avec nodules disséminés sans réduction significative du calibre trachéal.

Figure 1. Radiographie montrant une irrégularité des bords trachéaux avec des nodules calcifiés.

Figure 2. Tomodensitométrie montrant un cartilage trachéal épaissi, avec calcification irrégulière.

Les principaux enseignements étaient les suivants : – l’étiologie reste inconnue et n’est pas reliée à d’autres pathologies telles que l’amyloïdose trachéobronchique, la polychondrite atrophiante, la trachéomalacie, la papillomatose trachéobronchique, la sarcoïdose endobronchique, l’ozène trachéal, ou le cylindrome ; – la maladie n’affecte que les voies aériennes cartilagineuses ; – la TBOP peut demeurer silencieuse ou entraîner des symptômes tels que de la toux (54 % des cas) et une hémoptysie (20 %) ; – aucun traitement spécifique n’existe ; – la radiothérapie apporte une amélioration négligeable des symptômes (16) ; – l’aspect endoscopique seul est suffisant pour porter le diagnostic ; – la présence de parois latérales calcifiées de la

trachée sur une radiographie thoracique standard est pathognomonique. Les auteurs de cette étude ont proposé une classification qui divise la TBOP en trois stades en fonction de l’extension nodulaire : – atteinte localisée : quelques nodules présents au sein de larges zones de muqueuse normale ; – atteinte diffuse : nodules en grand nombre recouvrant la quasi-totalité de la muqueuse (figure 3) ; – atteinte confluente : par fusion de tous les nodules sans muqueuse saine (figure 4). Il n’existe aucun traitement permettant de réséquer en profondeur le tissu anormal ou d’empêcher le développement de nouveaux nodules. La plupart des patients étant asymptomatiques, ils ne nécessitent pas de traitement. Le traitement des formes confluentes est très limité. La résection trachéale chirurgicale n’est en général pas envisageable dans les atteintes extensives, mais peut se révéler efficace dans les formes plus localisées (2). Les autres options incluent la radiothérapie et la bronchoscopie interventionnelle (4, 17). La radiothérapie est d’une efficacité très limitée (16). La bronchoscopie interventionnelle permet une approche moins invasive que la chirurgie, avec des résultats très significatifs. La résection mécanique de nodules osseux assistée par une coagulation au laser permet d’obtenir une rémission durable de l’obstruction (18, 19) [figure 5]. Le laser ou d’autres techniques telles que la cryothérapie, la thermocoagulation ou l’argon-plasma seules sont inefficaces sur les nodules osseux, leurs effets étant trop superficiels (5, 10). Ces techniques ne font que détruire la muqueuse en surface et font apparaître les nodules osseux sous leur aspect caractéristique blanc perlé.

»» Tracheobronchopathia osteochondroplastica (TBOP) is a rare disorder of unknown etiology which affects the central airways (trachea and main bronchi). Very occasionally it can affect the larynx and the sub-glottic space. »» It is characterized by bony or cartilaginous nodules in the submucosa of the central airways. »» The majority of the patients are asymptomatic and the presence of this condition is often an incidental finding (difficult intubation, abnormality on chest X-ray or CT scan). »» If symptoms occur, the nodules are present on all surfaces of the airways with the exception of the posterior membrane. This can lead to significant airway obstruction. »» Clinical symptoms are non specific: cough, dyspnea, hemoptysis, acute respiratory distress and recurrent infections. »» Diagnostic depends on the finding of characteristic endoscopic features but the discovery of typical lesions on radiography or CT is pathognomonic. »» There is no specific treatment. Interventional bronchoscopy is efficacious in severe forms of the disease which have resulted in airway obstruction.

Keywords Tracheobronchopathia osteochondroplastica Bronchoscopy Interventional bronchoscopy

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Trachéopathie ossifiante

Figure 4. TBOP sévère avec nodules osseux confluents occasionnant des sténoses trachéales multiples.

Figure 5. Patient de la figure 4 après plusieurs traitements en bronchoscopie interventionnelle.

Toutefois, ces effets peuvent se révéler suffisants pour fragmenter ou indenter les nodules, permettant alors l’accrochage du bec du bronchoscope ou de pinces rigides autorisant ainsi le décrochage de morceaux d’os de la sous-muqueuse. L’intérêt indiscutable de la bronchoscopie rigide est multiple : ventilation du patient, emploi de pinces à larges mors pour le retrait de fragments volumineux, aspiration indépendante et large, meilleure visibilité. Cette approche est associée à une morbidité et à un coût plus faibles que l’attitude chirurgicale.

Les complications de la bronchoscopie thérapeutique sont essentiellement de type hémorragique, mais leur contrôle par laser ou thermocoagulation est en général aisé. Un pneumomédiastin peut également survenir, mais il est en général limité et spontanément résolutif. La résection endoscopique requiert une maîtrise et une technicité importantes de la part de l’opérateur. La mise en place d’une prothèse n’est a priori pas indiquée, car aucune ne possède une force radiale suffisante pour pallier la compression des nodules osseux. ■

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