La Résistance : Mythes et Réalité L`idée d`un mythe

January 8, 2018 | Author: Anonymous | Category: Histoire, Histoire de l'Europe, World War II (1939-1945)
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La Résistance : Mythes et Réalité L’idée d’un mythe D’abord je voudrais expliquer le titre de mon discours. Quand je parle d’un mythe, je n’entends pas une fiction, quelque chose d’irréelle, mais plutôt une histoire qui essaie d’expliquer ce qui se passe, de donner un sens au monde, mais qui peut servir aussi à justifier ceux qui tiennent le pouvoir ou à donner un sens d’identité à un peuple. Et je vais parler surtout du mythe Gaulliste de la Résistance, un mythe qui a toujours été contesté, et de plus en plus depuis la mort du Général, mais qui était pour longtemps le mythe central.

Le contexte historique

Ce mythe il faut le mettre dans son contexte historique. Depuis la Révolution il y a en France deux traditions politiques très opposées. A droite une tradition conservatrice, catholique, autoritaire et, assez souvent, antisémitique. A gauche une tradition républicaine, laique et démocratique : une tradition moins homogène à cause des rivalités entre les radicaux, les socialistes et les communistes. Le résultat, une France très divisée. Cette France divisée les Allemands l’ont envahie le 10 mai, 1940 et l’ont complètement vaincue au cours de six semaines. Le 17 juin le gouvernement de Paul Reynaud, le dernier de la Troisième République, était remplacé par celui du vieux Maréchal Pétain, vénéré comme le héros de la bataille di Verdun. Trois jours après, Pétain signe un armistice avec les allemands qui divise la France en trois zones (je simplifie), le Nord et l’Ouest occupé par les allemands, une petite zone dans le sud-est occupée par les italiens, et un soidisant zone libre dans le centre ou Pétain va s’installer sa capitale à Vichy.

Un gouvernement dictatoriale qui a remplacé les mots clefs de la Révolution - Liberté, Egalité, Fraternité - par Travail, Famille,Patrie. Un triomphe pour la tradition de Droite qui, il faut le constater, était bien vu par pas mal des français.

Quittons un moment cette France vaincue et humiliée et faisons maintenant un saut dans le temps jusqu’en juin 1944 au moment de la libération de Paris. Et je vous prie d’envisager De Gaulle marchant en triomphe le long des Champs d’Elysées jusqu’à L’Hôtel de Ville ou il a prononcé ce discours célèbre : ‘Paris. Paris outragé. Paris brisé. Paris martyrisé. Mais Paris libéré. Libéré par lui-même. Libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l’appui et le concours de la France entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle.”

Les éléments du mythe gaulliste Maintenant un autre saut dans le temps. L’année suivante, le 18 juin, pour célébrer l’anniversaire de l’appel de De Gaulle de Londres, un appel qui, selon le mythe Gaulliste, a marqué le début de la Résistance, il y avait une grande défilée à Paris. Mais c’était surtout un défilée militaire qui a donné peu de place à la résistance intérieure. Ajoutons que de Gaulle a crée un Ordre, les Compagnons de la Libération pour honorer ceux qui avaient lutté contre les allemands. Dont les 1,038 membres de cet Ordre, 81 pour cent étaient des officiers et 0,6 pour cent étaient des femmes. Si vus mettez ensemble ces trois choses, vous y verrez l’essentiel du mythe gaulliste. Que le coeur de la résistance se trouvait dans l’armée; que, selon De Gaulle, “l’immense majorité des français, sauf une poignée de misérables et d’indignes “ avait appuyé l’armée mais que cette résistance intérieure était beaucoup moins importante; et que les femmes n’y étaient pour rien. Une résistance, donc, militaire et masculine.

En créant ce mythe, De Gaulle a visé deux buts. Le premier, de relever la morale d’une France vaincue et humiliée; de faire croire aux français et au monde que la France était toujours une grande puissance mondiale. L’autre, de minimiser le rôle de la résistance intérieure parce que les communistes y avaient été si importants.

La Résistance : la contribution des forces françaises Maintenant, examinons les trois éléments de ce mythe, en commençant avec la contribution de l’armée à la libération de la France. Selon le mythe gaulliste, la résistance armée commence avec le discours du 18 juin, 1940 émis par le BBC dans lequel De Gaulle a lancé cet appel aux français de se rallier autour de lui. . “Il est nécessaire de grouper partout où çelà se peut une force française aussi grande que possible. …..Moi, Général de Gaulle, j’entreprends içi en Angleterre cette tâche nationale. J’invite tous les militaires des armées françaises, j’invite les ingénieurs et les ouvriers français spécialistes de l’armement qui se trouvent dans les territoires britanniques …..å se réunir à moi. J’invite les chefs, les soldats , les marins , les aviateurs où bien ils se trouvent actuellement à se mettre en rapport avec moi. J’invite tous les français qui veulent être libres å m’écouter et à me suivre. Vive la France libre dans l’honneur et l’indépendance” Après le coup, ce discours a pris une importance symbolique mais en juin 1940 il n’avait presque pas de résultat. Parce que très peu de gens l’ont écouté. La France était en chaos. Des millions fuyaient devant les troupes allemandes - un exode si bien décrit par Irene Nemirovsky dans la première partie de son beau roman Suite Française Souvent, même ceux qui l’ont écouté ne se sont pas ralliés à De Gaulle. Après l’armistice, les soldats en Grande Bretagne pouvaient choisir de rentrer en France. Dans un unité des Chasseurs Alpins 670 sur 706 ont opté pour être rapatriés. Donc pendant deux ans De Gaulle est resté isolé - un général sans armée.

Mais il y avaient des armées françaises importantes dans le colonies, surtout en Afrique du Nord sous le commande du Général Giraud, des forces toujours fidèles au gouvernement de Vichy. De Gaulle était si peu considéré que, quand les américains ont envahi l’Afrique du Nord en novembre,1942 il n’en était pas même prévenu. Réagissant contre cette invasion, les allemands ont décidé d’occuper la zone libre, révélant ainsi l’impuissance du Maréchal Pétain et affaiblissant la loyauté au gouvernement de Vichy. Donc De Gaulle a saisi l’opportunité et s’est rendu en Algérie en mars 1943. Peu à peu - et je vais passer sur toutes les machinations politiques - il a réussi à écarter Giraud et se faire reconnaitre comme le chef incontesté des forces françaises libres. Qu’est-ce-qu’ils avaient fait ces forces ? Elles avaient participé certainement dans deux invasions en 1944: les débarquements en Normandie et ceux dans le sud de la France. Pour ceux en Normandie, De Gaulle avait demandé que les troupes françaises fussent parmi les premières à débarquer mais Eisenhower lui l’a refusé. Donc c’était presque deux mois plus tard quand la Deuxième Division Blindée sous le Général LeClerc est arrivée en France. Plus tard cette division est entrée la première dans Paris, mais seulement parce que les américains qui auraient pu la devancer ont décidé pour des raisons politiques d’accorder à De Gaulle son moment symbolique de triomphe. Il y a aussi une certaine ironie, étant donné que De Gaulle voulait propager l’idée d’une France libérée par les français, dans le fait que le premier regiment ‘français’ d’entrer dans Paris était largement composé de républicains espagnols qui s’ étaient engagés dans l’armée française pour continuer leur lutte contre le fascisme international.

Par contre, les forces françaises les plus importantes étaient celles qui sont débarquées dans le sud de la France le 15 août et qui ont libéré Marseilles et Toulon. Mais ce que le mythe gaulliste ne voulait pas

reconnaître c’est que toutes ces forces étaient équipées par les américains et sous les ordres des généraux américains. Il est evident donc que le mythe a beaucoup exagéré l’importance de la résistance armée. Les forces françaises ont certainement contribué à la libération. Mais il est evident que la France était libérée surtout par les armées des Alliés. Et cela non par amour pour la France mais parce que les Alliés voulaient à tout prix empêcher que l’Europe passât de la domination allemande à une domination soviétique.

La France résistante ? Les formes de la résistance Considérons maintenant le deuxième élément du mythe - l’idée d’une France résistante. Là l’histoire devient beaucoup plus compliquée. Qu’est-ce que ça voulait dire - résister. L’image populaire de la Résistance c’est les maquisards. Mais la Résistance prenait d’autres formes. Elle pourrait être simplement faire des gestes symboliques comme l’étudiant à Nantes, le onze novembre 1940, qui a grimpé la tour de la cathédrale pour y attacher le tricolore. Ou elle pourrait être de faire la grève comme les ouvriers dans les usines qui fabriquer les choses utiles pour les allemands. Ou d’imprimer et distribuer la presse clandestine. Un travail très important parce que ces journaux clandestins montraient aux français qu’il y avait toujours des gens qui n’acceptaient pas l’occupation et parce qu’ils donnaient des renseignements pour combattre la propagande allemande. Un travail dangereux. Dans son livre, Les Parisiennes, Ann Sebba décrit comment les femmes à Paris utilisaient le Metro pour distribuer ces journaux. Mais elles savaient que quelquefois les soldats allemands les attendaient à la sortie des gares. Si elles entendaient le son de leurs bottes clouées, elles ne sortaient pas mais marchaient le long des tunnels pour trouver une sortie non gardée. Aussi il y avait toute une industrie pour la fabrication des faux papiers, essentiels pour les gens qui vivaient dans la clandestinité et pour les

gens comme les aviateurs alliés abattus. Pour eux il fallait organiser des filières de refuges et quelquefois les accompagner soit à la frontière espagnole soit à la côte bretonne ou des bateaux les attendaient. Une forme autrement plus importante c’était de fournir des renseignements et soit les britanniques soit De Gaulle ont réussi à créer un réseau d’agents en France. Un exemple : Jeannie Rousseau était une jeune femme évacuée en1940 à Dinard. Parce qu’elle parlait allemand elle a trouvé un emploi en aidant les allemands à faire des liaisons avec les autorités françaises. Les allemands ne soupçonnaient pas une jeune femme qui paraissait innocente et ils parlaient trop librement entre eux. Donc Jeannie a pu donner des renseignements sur les dispositions des allemands et les projets de fortifications. Plus tard, rentrée à Paris elle travaillait dans un bureau d’entrepreneurs français qui cherchaient des contrats avec les allemands. Pour eux elle visitait régulièrement le quartier général allemand ou elle a pu entendre parler des plans pour les fusées, ce qui lui a permis de fournir des renseignements qui ont mené au bombardement des installations à Peenemunde, bombardements qui ont sérieusement retardé le développement des fusées. Plus tard elle était arrêtée par le Gestapo et a fini la guerre dans le camp de concentration à Ravensbruck.

Donc beaucoup de formes de résistance à côté des formes plus spectaculaires - les actes de sabotage, le déraillement des trains, la destruction des ponts, etc. L’évolution de la résistance Cette résistance intérieure a aussi évoluée. On peut dire que, pour la première année de l’occupation, elle n’existait presque pas. Simplement parce que les français la jugeaient inutile. Avec raison. Les allemands dominaient l’Europe. Leur seule adversaire la Grande Bretagne. Une Grande Bretagne impuissante. Tout à fait incapable par elle-même de libérer la

France. Une période étrange, décrit dans la deuxième partie de Suite Française, quand les allemands essayaient de se faire agréables et les français se réconciliaient à l’occupation. Mais dans le cours de 1941 la situation était changée par l’invasion allemande de la Russie et par l’entrée en guerre des américains. Ces évènements avaient deux résultats importants. D’abord ils donnaient l’espoir, l’espoir que, à la longue, les allemands seraient vaincus. Plus immédiatement, ils avaient l’effet de faire entrer les communistes dans la résistance. Depuis le pacte nazi-soviétique de 1939, les communistes avaient été ordonné par Moscou de ne pas attaquer les allemands. Maintenant ils étaient contents de reprendre leur lutte historique contre le fascisme.

A partir de ce moment les communistes jouaient un rôle, on pourrait dire central, dans la résistance intérieure. Ils étaient nombreux, très disciplinés et, en plus, la persécution qu’ils avaient subie leur avait donné l’expérience de travailler dans la clandestinité, ce qui leur permettait d’organiser des syndicats clandestins dans les usines et, en conséquence d’organiser les grèves et les actes de sabotage. Mais l’engagement des communistes dans la résistance a apporté aussi des problèmes. Car eux, et leurs alliés de gauche, avaient une vision révolutionnaire d’une France libérée très opposée à la vision conservatrice de De Gaulle. Aussi il y avaient parmi les communistes ceux qui voulait reprendre tout de suite la lutte armée contre le fascisme contrairement à la plupart des résistants qui ne voulaient pas faire des attentats par peur de représailles. Avec raison. Un exemple, en octobre 1941 deux communistes ont assassiné un officier allemand à Nantes. La réaction des allemands - 48 otages fusillés. Donc des idées différentes qui ont crée une tension entre la résistance intérieure et extérieure qui a duré jusqu’a la libération et après.

Une fois rompu l’armistice initiale entre les français et les allemands, les évènements ont stimulé de plus en plus à résister. En juillet 1942, le gouvernement de Vichy a organisé un rafle de 13,000 juifs étrangers y compris femmes et enfant tous envoyés aux chambres de gaz - le terrible rafle du Vélodrome d’Hiver - C’était seulement le premier de ces convois meurtriers. Heureusement il y avaient des gens qui étaient horrifiés et qui, comme on va voir, ont décidé d’agir courageusement pour sauver des vies. Puis en février 1943 on a introduit Le Service de Travail Obligatoire qui obligeait les jeunes hommes de travailler dans les usines en Allemagne. A peu près 600.000 milles ont été déportés, mais d’autres se sont évadés - les réfractaires - et ont essayé de se cacher dans le maquis. C’est à partir de cette période que le maquis devient important surtout dans les régions montagneuses : les Alpes, les Pyrénées , et les Cévennes. L’armée Secrète Donc peu à peu la Résistance a grandi mais elle manquait de cohérence. Il y avait trop de réseaux séparés ; parmi les plus importants Combat, Libération, Francs-Tireurs, Front National qui n’avait rien à voir avec le Front National de Marine Le Pen mais qui était d’origine un réseau communiste qui avait attiré d’autres adhérents. Aussi Les Francs-Tireurs et Partisans qui était nettement communiste et qui prônait une résistance violente. Tous ces réseaux avaient des chefs ambitieux avec des idées différentes sur les politiques à suivre. Pour remédier à cette situation , De Gaulle voulait unir ces groupes séparés et d’en faire ce qu’on a appelé L’Armée Secrète. Il l’a envisagé comme des réseaux d’hommes fournis avec des armes et préparés pour aider les armées alliés au moment des débarquements - une armée secrète sous ses ordres.

Problèmes. Tous les chefs des réseaux ne voulaient pas céder leur indépendance d’action en se soumettant aux ordres de De Gaulle. Aussi les

Alliés se méfiaient des communistes et ne voulaient pas leur fournir des armes. Néanmoins De Gaulle a négocié avec ces chefs et a envoyé en France, comme émissaire, Jean Moulin. Moulin a réussi à créer en avril 1943 un Conseil National de la Résistance formé des représentants de tous les réseaux importants y compris les communistes et ce Conseil a reconnu De Gaulle comme chef de la Résistance. Quand à la suite Général Delestraint a été nommé chef de l’Armée Secrète il semblait que la problème de cohérence avait été résolue.

Hélas non ! En juin Delestraint est arrêté à Paris et deux semaines plus tard Moulin est trahi (on n’a jamais su par qui), torturé et meurt dans le mains du Gestapo. Même si le Conseil National et L’Armée Secrète n’étaient pas détruit, ces deux tragedies avaient l’effet d’affaiblir les liens entre de Gaulle et la résistance intérieure. Donc la tension entre leurs idées différentes sur les modes de résister et sur l’avenir d’une France libérée n’étaient pas résolues Passons à 1944, l’année des débarquements, qui ont inauguré ce qu’on pourrait appeler la période héroique de la Résistance - la période quand les actes de sabotage proliféraient. Les cheminots y étaient particulièrement actifs. Ils déraillaient les trains, quelques fois dans les tunnels pour augmenter les difficultés, ils coupaient les lignes (37 coupés autour de Dijon au moment du débarquement); ils faisaient tout qu’ils pouvaient pour retarder les trains qui portaient les soldats allemands. Activités pour lesquelles ils ont payé cher : 300 cents fusillés et 3,000 déportés. Aussi les résistants dans le PTT ont coupé les cables souterrains ce qui a obligé les allemands de communiquer par radio - communications plus faciles à déchiffrer. Il est incontestable que des exploits pareils ont aidé les armées alliées et ont accéléré leur advance.

Période héroique mais aussi tragique parce que les maquisards dans le sud-est, mal équipés, mal entrainés et considéré terroristes par les allemands, ont quelques fois surestimé leur force et sous-estimé celle des allemands. Ils ont donc attaqué trop tôt et ont déclenché des représailles féroces. Par exemple à Tulle dans La Corrèze les allemands ont rassemblé tous les hommes sur la place et, après les avoir divisé en groupes, ils en ont pendu 99 et déporté 149 en Allemagne. En Auvergne plusieurs villages ont souffert de la même manière : Ruynes en Margeride (400 habitants, 35 fusillés dans la rue), Murat (2000 habitants, 200 déportés, 40 fusillés). Ce n’est qu’un raccourci d’une longue liste de représailles qui touchaient des innocents. Il est évident que l’histoire de la résistance intérieure est une histoire pleine d’actions courageuses.. Mais tous les historiens sont d’accord maintenant que elle n’était pas le mouvement national du mythe gaulliste. A dire vrai, pendant l’occupation il y avait une minorité de collaborateurs, une minorité plus grande de résistants, mais entre les deux une majorité qui visait simplement à survivre.. La résistance une affaire d’hommes ? Troisième élément du mythe gaulliste - la résistance une affaire d’hommes. Absolument pas ! Pourquoi ? Pour deux raisons. D’abord, La France était dépourvue d’hommes. Plus d’un million et demi prisonniers de guerre en Allemagne. Puis plus d’un demi-million déportés en 43. Mais aussi parce que les femmes faisaient des choses qu’elles pouvaient faire mieux que les hommes. Par exemple, pour produire la presse clandestine, en générale, les hommes écrivaient mais c’était les femmes qui savaient taper à la machine. C’était souvent elles qui cachaient les gens qui fuyaient les allemands, qui conduisaient les aviateurs et autres le long de filières d’evasion. Rappelons aussi que les résistants agissaient dans la clandestinité. Donc essentiel de communiquer entre les membre d’un réseau

et entre les réseaux séparés. Mais comment? Ecrire des lettres ? Téléphoner ? Impossible. Il fallait des coursiers - un travail essentiel mais dangereux qui était le plus souvent entrepris par des femmes parce qu’elles pouvaient passer sans attirer trop d’attention en donnant l’impression de faire les choses ordinaires - chercher des provisions ou se promener avec des enfants.

Madeleine Barot

Les femmes étaient aussi au coeur des efforts de sauver la vie des juifs, surtout les enfants. Je pourrais vous en citer plusieurs exemples mais j’ai choisi celui de Madeleine Barot mais si je vais parler d’elle en singulier, il faut comprendre qu’elle n’agissait pas seule, mais faisait partie des réseaux dans lesquelles il y avait d’autres personnes importantes. Madeleine Barot était une protestante dévote , Secrétaire générale d’une organisation charitable qui s’occupait des gens évacués. En 1941 elle se trouvait dans le sud de la France où il y avaient des camps, notamment à Gurs et Rivesaltes, dans lesquelles des milliers de réfugiés vivaient dans des conditions atroces : baraques temporaires mal construis, manque d’alimentation, pas de lits, pas de chauffage. Madeleine s’est rendue conte de ces conditions et a réussi a pénétrer dans Gurs et a y établir un centre pour la distribution de la nourriture et des vêtements fournis pas des organisations charitables avec lesquelles elle avait des contacts. Au début son but était simplement d’améliorer les conditions dans les camps et elle a pu travailler ouvertement. En 1942 tout ça a changé quand le gouvernement de Vichy a accepté d’envoyer au moins 10,000 juifs aux camps de concentration, c’est-à- dire à la mort. Ces juifs étaient rassemblés

donc dans un camp près de Lyon avant d’être mis sur les trains. Un jour Madeleine a appris par ses contacts que les trains partiraient le lendemain. Mais pour le moment ce n’était pas sûr si on avait l’intention d’envoyer aussi les enfants avec leurs parents. . Madeleine et ses collaborateurs ont profité de ce moment d’incertitude pour passer dans le camp pendant la nuit en essayant de persuader les adultes de signer des documents qui leur confieraient leurs enfants . Juste à temps. Avant le partir des trains le gouvernement avait changé d’avis et a décidé d’envoyer aussi les enfants. Trop tard. Déjà les enfants, séparés de leurs parents, avaient été vite dispersés dans des couvents , des pensionnats et des maisons autour de Lyons. Refuges dangereux et temporaires. Aussi vite que possible ils étaient dispersés dans les villages isolés de la Haute-Loire où Madeleine avait des contacts avec les pasteurs protestants. Après ces événements dramatiques elle a dû travailler dans la clandestinité en s’occupant de trouver des refuges dans les villages ou en créant pour ceux qui étaient les plus en danger des filières pour q’ils puissent passer en Suisse. Souvent elle risquait sa vie en les accompagnant à la frontière. Le mythe gaulliste ne reconnaît pas ces contributions des femmes. Pourquoi? En part parce que c’est l’histoire d’une résistance militaire et les femmes, sauf quelques rares exceptions, ne portaient pas d’armes. Mais la raison plus importante c’est que les femmes n’en parlaient pas. Après la libération les hommes avaient intérêt à se présenter comme résistants. Les femmes non. Aussi les femmes françaises, qui ne pouvaient même pas voter avant 1945 n’avaient pas l’habitude de se mêler de la politique. Je ne sais pas si c’était la culture française de l’époque ou quelque chose dans la psychologie de certaines femmes, mais après la libération elles restaient muettes. Mireille Philip, par exemple, a risqué sa vie dans la même manière que Madeleine Barot. Mais après la Libération elle est rentrée dans la vie domestique tandis que son mari poursuivait sa carrière politique. Et quand le gouvernement d’Israel a voulu lui accorder une médaille

pour honorer ce travail humanitaire, elle l’a refusée en disant qu’elle n’a pas fait ça pour avoir une médaille

Résumé Pour résumer. J’ai essayé de vous expliquer ce que c’était le mythe gaulliste si puissant au moins jusqu’aux années soixante-dix. Le mythe d’une résistance militaire soutenue par la majorité des français. Un mythe qui ne laisse pas assez de place à d’autres histoires. Pour des raisons politiques pas assez de place à l’histoire de la résistance intérieure trop endettée aux communistes. Encore moins de place à l’histoire de la résistance humanitaire ou les femmes figuraient si largement: une résistance si importante car c’est grâce à elle que des milliers d’enfants juifs n’ont pas terminé leurs vies dans les chambres de gaz. Mais, peut-être, cette histoire humanitaire est aujourd’hui en train de devenir le mythe central de la Résistance. Un exemple. En 2004 Jacques Chirac s’est rendu à Chambonsur-Lignon, village célébré comme centre d’un réseau dans lequel on a caché beaucoup d’enfants juifs et d’autres réfugiés et il a fait l’éloge des gens de la région en les décrivant : “la conscience de notre pays.”

Le mythe gaulliste rassurait les français que la France était toujours une grande puissance mondiale. Le mythe de la résistance humanitaire les rassure que, même si pendant l’occupation des événements épouvantables et honteux se passaient, la France restait toujours un pays civilisé, fidèle au fond à sa meilleure tradition : Liberté, Egalité et Fraternité.

Willis Marker 17.11.16

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