Le destin des Aztèques - Risc-CNRS

January 9, 2018 | Author: Anonymous | Category: Histoire, Histoire globale, Aztec
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Reconstitution du grand temple Tenochtitlan, xve siècle.

Soleil et sang 

Le destin des Aztèques Des siècles après sa disparition, l’empire aztèque fascine toujours. Sa riche mythologie, sa violence, sa fin brutale alimentent bien des fantasmes. Les historiens aujourd’hui encore s’emploient à démêler mythes et réalité.

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elon la légende, c’est le dieu Huitzilopocht li qui g uida les A ztèques durant la longue migration qui les mena des zones désertiques du nord du Mexique jusqu’à la vallée de Mexico. C’est également lui qui leur indiqua le terme de cet exil, le cœur de leur puissance future : là où ils verraient un aigle se poser sur un cactus. À cet endroit, ils construisirent un premier et fruste sanctuaire, centre précurseur de l’immense cité Tenochtitlan, nom qui signifie : « près du figuier de Barbarie ». Mais la métaphore va plus loin puisque l’aigle est une des représentations

Références

H

du soleil et de Huitzilopochtli et que le fruit du cactus (ici un nopal) a la forme d’un cœur humain, l’offrande même faite au dieu par les Aztèques (encadré p. 52). Tenochtitlan, cette « Venise des Amériques », s’étendra sur 31 km² (cinq fois plus que Londres à la même époque) comptera jusqu’à 300 000 habitants à l’arrivée de Hernán Cortés (encadré ci-dessus) et résulte d’un colossal travail de drainage et de terrassement opéré en quelques dizaines d’années seulement.

Parmi eux, une petite tribu : les Aztèques Le récit aztèque des origines est cependant une combinaison perpétuelle de mythe et de réalité. Tout le travail historiographique depuis la fin du xix e siècle a consisté à démêler l’un de l’autre. Tout d’abord, Tenochtitlan n’a certainement pas été créée ex nihilo. La date retenue pour sa création, 1325, coïncide, selon l’archéologue Eduardo Matos Moctezuma, avec une éclipse solaire, le 13 avril 1325. Voir dans la

ernán Cortés (14851547) est issu d’une famille noble et pauvre d’Estrémadure. Après de brèves études, il travaille sans conviction chez un notaire. Mais dès 1504, il part chercher fortune et embarque pour les Indes. Il combat les Indiens à Haïti puis à Cuba où il obtient la protection du gouverneur Diego Velázquez. Celui-ci confie à H. Cortés le commandement d’une

fondée sur la diplomatie et le refus du combat sauf à y être contraint. Percevant rapidement, au cours de discussions avec les Totomaques, que l’empire aztèque suscite des rancœurs, il décide de partir à sa conquête. Afin de décider les plus sceptiques parmi ses hommes, il fait saborder ses navires, les contraignant ainsi à aller de l’avant avec lui. Après

expédition au Mexique dont le but est seulement de commercer par troc et de se procurer de l’or. L’ambition de H. Cortés lui fait voir plus loin et, engageant ses deniers personnels, il part le 18 février 1519 de Cuba à la tête de 11 navires, 500 soldats, 16 chevaux et une quinzaine de canons. Sa stratégie est, au départ,

s’être allié avec Tlaxcala, il entre pacifiquement à Tenochtitlan le 8 novembre 1519 où Moctezuma le reçoit fastueusement. La ville le laisse pantois d’admiration. Mais H. Cortés s’empare de l’empereur et se sert de son otage pour imposer ses volontés. Diego Velázquez ayant dépêché une expédition

fondation de la ville une victoire du soleil sur les ténèbres, comme c’était le cas pour les Aztèques, trouvait là une illustration frappante. Mais la région avait déjà connu une première période de stabilité et d’épanouissement du ive au xe siècle. Des centres urbains étaient nés (notamment Teotihuacan), abritant des sociétés développées qui possédaient des clergés très hiérarchisés et une activité artistique raffinée. Pour des raisons qui restent encore mal connues, ces cités connaissent un déclin brutal vers 900. S’ensuivent des déplacements et brassages de populations, en particuliers avec des nouveaux venus, des nomades du nord parlant la langue nahuatl. Notamment les Toltèques. Ceux-ci fondent leur ville, la « légendaire Tula », vers 856, et leur civilisation brillante rayonnera sur toute la région jusqu’au début du xiie siècle. Sous les pressions migratoires, affaiblie par des luttes intestines, Tula s’effondre. Elle restera néanmoins un modèle mythique pour ses successeurs (et surtout les Aztèques) qui

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Hernán Cortés

contre lui, H. Cortés revient sur la côte et réussit à convaincre son chef de se joindre à lui. Lorsqu’il revient à Tenochtitlan, la brutalité de ses troupes conduit au soulèvement des Aztèques et il subit une défaite (la Noche triste du 30 juin 1520). Mais le recrutement d’auxiliaires lui permet d’entamer un siège de Mexico qui résiste durant trois mois à tous les assauts. À la fin, il ne resta que des ruines de la splendeur de Tenochtitlan. n  t.j.

conserveront ses coutumes, son langage et son organisation sociale militarisée jusqu’à l’arrivée des Espagnols. Les nouvelles vagues de peuples barbares venus du nord se mêlent alors aux populations sédentaires dispersées, ce sont les Otomis, les Tépanèques et surtout les Chichimèques. Peuples du désert à l’organisation sociale rudimentaire, ils ont tout à apprendre et soif de conquêtes. Parmi eux, une petite tribu : les Aztèques. Depuis un demi-siècle, nos connaissances sur la Mésoamérique des Aztèques ont été considérablement enrichies. Comme le rappellent Danièle Dehouve et Anne-Marie Vié-Wohrer dans le maître ouvrage qu’elles ont fait paraître récemment (1), c’est d’abord l’archéologie qui a permis de réviser un certain nombre de théories jusque-là admises sur la civilisation aztèque. Ceci permet de relativiser les récits indiens et aide à faire la part du mythe. Héritiers d’un passé déjà riche, les Aztèques donnaient d’eux-mêmes une image issue d’une réécriture permanente, d’un ajustement



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Références

Nourrir les dieux : les sacrifices humains es sacrifices humains sont attestés en Mésoamérique aussi loin qu’on puisse remonter. Alibi tout trouvé pour les esclavagistes, voire argument supplémentaire pour justifier la « mission civilisatrice » de l’Occident, le sacrifice chez les Aztèques est avant tout un « fait social total ». Le roi notamment pratiquait

sang, tout comme les prêtres à certaines périodes. Scarifications, mortifications et automutilations étaient courantes. Des animaux étaient également immolés en toute occasion. Tout repose sur la vision tragique qu’ont les Aztèques de l’existence, sur leur vision d’un monde « instable et menacé ».

Mais ils ont également créé le soleil, grâce au sacrifice de l’un d’eux qui, se jetant dans un brasier en ressortit transformé en astre. Cependant il fallait du sang pour que ce soleil se mette en mouvement. Les autres dieux se sacrifièrent alors pour lui permettre de débuter sa course. Pour que ce soleil continue à apporter la vie,

rapport de réciprocité, ont la responsabilité de le nourrir de « l’eau précieuse » (chalchiuatl). Il existait de multiples formes de sacrifice mais toutes étaient extrêmement ritualisées. Celui des guerriers était organisé ainsi : maintenue sur la pierre sacrificielle au sommet du temple pyramidal, la victime avait le cœur arraché par le

l’autosacrifice et offrait son

Les dieux ont créé le monde.

les hommes, engagés dans un

prêtre avant que son corps soit jeté au bas de l’escalier. On récupérait la peau par écorchement puis celui qui avait apporté le prisonnier ramenait son corps afin de le manger avec sa famille. Il faut noter que les futurs sacrifiés pouvaient rester vivre plusieurs années dans cette famille et en devenir comme un membre, entouré de tout le respect dû à sa condition. Le sacrifice humain chez les Aztèques n’était donc pas une pure barbarie sur laquelle il suffirait de porter un jugement moral. C’était une pratique complexe, et comme l’écrivent Danièle Dehouve et Anne-Marie Vié-Wohrer « une activité sacrée et dangereuse dont dépendaient leur vie et leur mort ». n t. j.

Aisa/Leemage

L

Sacrifice humain au dieu Huitzilopochtli, miniature tirée d’une page du Codex Magliabecchi, xvie siècle, Archives nationales, Florence.

constant à leur mythologie d’une part, à leurs conquêtes d’autre part : il fallait bien une origine merveilleuse à ce destin singulier. Ainsi les avis des historiens divergent au sujet de ce modèle de sédentarisation de nomades guerriers. Au cours des années 1990, un vif débat eut lieu entre, d’une part, les tenants de l’origine chichimèque des Aztèques et, d’autre part, ceux pour lesquels les Aztèques sont originaires de Mésoamérique, cultivateurs parmi d’autres, dont l’ascendance nomade serait pure légende.

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C’est sans doute l’anthropologie qui permet d’en savoir plus sur la question. Dans Les Îles dans l’histoire (2), Marshall Sahlins expose l’existence d’un « même schème fondamental du pouvoir, depuis les îles Fidji et les Amériques jusqu’à l’Inde et l’Antiquité classique », celui de la « royauté sacrée ». Le roi est le représentant des forces cosmiques et, par sa fonction rituelle, assure la survie du groupe social. Et l’un des traits marquants de cette royauté sacrée, c’est son extériorité, sa différence d’essence, provenant de son rapport direct avec le divin. Dans l’Antiquité occi-

dentale par exemple, les demi-dieux fondent des cités (l’exemple le plus fameux étant celui de Rome, fondée par Romulus et Remus, fils de Mars et d’une mortelle). Ensuite ils convolent plus ou moins pacifiquement avec les femmes autochtones (les Sabines pour poursuivre sur le même exemple), s’imposant comme le nouveau pouvoir après avoir détrôné l’ancien. D’où cette dualité que l’on retrouve chez les Aztèques entre le Chichimèque, guerrier nomade venu du nord, et l’agriculteur sédentaire héritier de la civilisation de Tula.

Références

Vaisselle rituelle : masque de Tlaloc, Tenochtitlan, 1400-1521.

Thierry Jobard

ayor, M

exico

(1) Danièle Dehouve et Anne-Marie Vié-Wohrer, Le Monde des Aztèques, Riveneuve, 2008. (2) Marshall Sahlins, Des Îles dans l’histoire (1985), trad. Jacques Revel, Gallimard, 1989.

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Le retout du serpent à plumes H. Cortés arrive au Mexique l’année « 1roseau » du calendrier aztèque. Or, pour les Aztèques, cette année correspond au retour éventuel du dieu Quetzalcoatl (« serpent à plumes de quetzal ») annoncé dans les prophéties mythologiques. Quetzalcoatl, justement décrit comme portant une barbe noire, devait venir un jour réclamer son royaume. Il y eut là comme une soumission au destin, tout à fait propre à la culture aztèque, mais aux conséquences fatales. La rencontre de H. Cortés avec Malintzin (La Malinche), esclave noble et fort intelligente, allait également lui permettre d’acquérir un précieux avantage. Celle qui devint sa maîtresse parlait maya et nahuatl, elle favorisa les contacts avec les autochtones et resta l’a lliée la plus f idèle de H. Cortés. Celui-ci sut également jouer des dissensions entre la Triple Alliance et ses vassaux. L e s T l a x c a lt è q ue s notamment qui, après des combats meu rtriers et vains contre les Espagnols, la issèrent parler leur hostilité vis-àvis des Aztèques et se rangèrent aux côtés des Européens. Tout com me les Otomis, les Totonaques ou les tribus d’Uexotzinco et du sud de la vallée de Mexico. Vinrent ensuite les épidémies : grippe, variole, rougeole, typhus, face auxquel-

les les organismes indiens étaient sans défense. On estime ainsi que la population du Mexique est passée de 25 millions d’habitants en 1519 à 1 million au début du xviie siècle. Selon l’archéologue Dominique Michelet, quand bien même H. Cortés eût été vaincu, la conquête aurait été poursuivie par d’autres et en définitive, c’est de leur propre système de pensée que les Aztèques ont été victimes. Trop hégémoniques, ils ont finalement repoussé les alliés potentiels. Il demeure que cette civilisation, frappée en plein essor, n’avait pas exaucé toutes ses promesses. Elle reste l’objet de la même fascination que celle que ressentirent les conquistadores entrant dans Tenochtitlan. n

del Te

Une ligue de cités autonomes Quant au tribut, il était adapté aux particularités de chaque province. TenochtitlanMexico étant située à plus de 2000 mètres d’altitude, beaucoup de produits lui faisaient défaut. Céréales, tissus, vêtements, peaux, plumes d’oiseaux (dont les Aztèques étaient friands pour leurs parures), pierres précieuses mais aussi main-d’œuvre affluaient sur le plateau central en énormes quantités. L’empire aztèque, bien que dominateur, est en fait (sauf exceptions) une « ligue de cités autonomes », selon l’expression de Jacques Soustelle. Son territoire n’est d’ailleurs pas continu à son apogée, des enclaves indépendantes subsistent. Dans les régions frontalières ou stratégiquement essentielles, des « gouverneurs » aztèques étaient nommés et des contingents installés. Mais du fait même de cette ritualisation de la guerre, où il importait davantage de faire des prisonniers que de tuer ses ennemis, les Aztèques seront totalement déstabilisés par la façon de combattre des Espagnols et

ne sauront, malgré leur vaillance et leur entraînement, leur opposer une résistance adéquate.

Museo

Il n’en demeure pas moins que peu de civilisations ont à ce point tendu vers la guerre. C’est que la guerre (yaoyotl) représente un devoir sacré pour les Aztèques. Intégrée dans une cosmogonie complexe (encadré p. 54), expression de la volonté des dieux, elle est très ritualisée. Et si des motifs platement économiques pouvaient la déclencher, la guerre devait respecter tout un ensemble de conventions. L’entrée en campagne supposait un casus belli précis, certes plus ou moins sincère, suivi de la notification officielle au récalcitrant de l’affrontement imminent. Affrontement sur le lieu et la date duquel tout le monde se mettait d’accord avant de prier les dieux de leur accorder la victoire. Celle-ci se manifestait par la prise du temple de la cité adverse, dont l’incendie marquait la domination de Huitzilopochtli (dieu tribal des Mexicas et divinité guerrière par excellence) : les dieux avaient parlé. Le versement d’un tribut par le vaincu était désormais l’expression de sa soumission. Pour autant, celui-ci, à condition qu’il reconnaisse la suprématie de Huitzilopochtli, conservait ses rites, ses coutumes et ses institutions.

Références

Une société pyramidale mais ouverte

Une noblesse fondée sur le mérite La noblesse aztèque ne constitue pas un état au sens où on pouvait l’entendre en Europe à la même époque. Ce sont les mérites qui fondent les honneurs et non l’inverse. Ainsi tout « homme du commun » (macehualli), s’il se conduisait avec bravoure sur le champ de bataille, faisant un ou plusieurs prisonniers, était honoré par son peuple et pouvait connaître une ascension sociale, voire devenir noble et entrer dans des ordres militaires d’élite, avec le droit de s’habiller différemment, de porter

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des bijoux et de participer à certaines danses rituelles. Les avis divergent sur l’évolution supposée de la noblesse aztèque. Selon certains historiens, elle était sur le point de se constituer en caste héréditaire. Il est vrai qu’on avait commencé de distinguer à leur naissance les fils de ceux qui s’étaient illustrés au combat en les appelant pilli (« prince »). Jacques Soustelle parle de véritable « réaction aristocratique » au

moment du règne du dernier empereur Montezuma II (1502-1520). Michel Graulich y voit un effet d’optique dû au modèle révolutionnaire français. Selon lui, l’exemple le plus proche serait « louis-quatorzien ». Montezuma aurait souhaité consolider l’empire grâce à une noblesse unifiée, gagnée à la puissance de l’État, plutôt que d’agrandir encore les territoires, plus lointains, plus difficiles à contrôler.

Des dieux nombreux et protéiformes

L

e panthéon aztèque est varié (144 dieux selon certains) et complexe. Il résulte à la fois de l’évolution millénaire de divinités de Mésoamérique et de l’intégration progressive des dieux des peuples vaincus. Un couple primordial incréé est à la source de tous les êtres : Ometecuhtli (« le seigneur de la dualité ») et Omeciuatl (« la dame de la dualité »). « Né » de ce couple (mais immortel et pouvant mourir et renaître à l’infini), Tezcatlipoca (« Miroir fumant noir »). Il est omniprésent, invisible et peut tout voir grâce au miroir qu’il porte. Il est donc redouté. Dieu ancien des Mexicas, il symbolise également le ciel nocturne et apporte souvent le trouble, le désordre et la peur chez les hommes. Quetzalcoatl (« serpent à plume de quetzal ») est son frère. Dieu bienfaisant, déjà honoré à Tula, il a participé à la séparation du ciel et de la terre et à la création de l’humanité. Inventeur du calendrier et de l’écriture, il représente l’ordre et la mesure et apparaît comme le modèle du prêtre. Mais il

Bibliothèque de l’Assemblée nationale

C’

est autour de l’empereur (tlatoani, « celui qui a la parole ») que tout s’organise. Celui-ci concentre en lui, à la fois la perfection due à ses fonctions (guerrier, juge, prêtre et protecteur de son peuple) et la garantie de la bonne marche de l’univers. Il est un exemple et un gardien. Mais, s’il était l’incarnation du soleil (et des différentes divinités qui s’y associaient), le tlatoani devait également représenter la partie obscure, froide et lunaire du monde. D’où cette particularité, le cihuacoatl (le « serpent-femme »), qui consacre une forme de dualité au sommet de l’État. Le cihuacoatl, sorte de vice-roi, assurait l’intérim du pouvoir, exerçait les fonctions de juge suprême, dirigeait la gestion du tribut et organisait les opérations militaires. Il assurait également la régence en période d’interrègne. Car le roi, chez les Aztèques, n’est pas un souverain héréditaire, il est élu. Du moins est-il désigné, au sein d’une famille princière, par un conseil permanent et après l’accord (de plus en plus formel) des deux autres rois de la Triple Alliance. Après lui et le cihuacoatl viennent les quatre plus hauts dignitaires : le tlacochcalcatl (« chef de la maison des javelines »), chargé de l’arsenal, le tlacateccatl (« celui qui commande les guerriers »), autre chef militaire, l’ezuauacatl (« celui qui répand le sang ») et le tlillancalqui (« seigneur de la maison de la noirceur »), aux fonctions moins clairement définies.

Tlaloc, dieu de l’eau et de la pluie. possède de nombreuses guerriers. autres facettes qui font de Quant à Huitzilopochtli, lui une divinité de premier guide des Aztèques durant plan dans toute l’aire leur longue errance, c’est le mexicaine. dieu du Soleil à son zénith. Tlaloc est le dieu de l’eau et Dieu guerrier par de la pluie. L’un des deux excellence, son culte sanctuaires du Templo nécessite de grandes Mayor lui était consacré, quantités de sang humain. l’autre à Huitzilopochtli, Certains chroniqueurs dieu tutélaire des Aztèques. avancent le chiffre, sans Se trouvaient ainsi réunis le doute exagéré de 80 000 culte ancien des victimes pour sédentaires/agriculteurs et l’inauguration de son celui, récent, des nomades/ temple en 1487. n t.j.

Références

B i bl i o g ra p h i e Le Monde des Aztèques

La prêtrise pouvait également ouvrir la voie à une promotion sociale. Elle était également organisée selon une hiérarchie complexe. À la dualité politique répondait celle, religieuse, entre le prêtre de Huitzilopochtli (dieu solaire et guerrier) et celui de Tlaloc (dieu de la Terre et de l’agriculture), déjà honoré dans la région avant l’arrivée des Mexicas. Venaient ensuite les nombreux desservants de chaque temple, leurs administrateurs, leurs novices, mais aussi les prêtresses. En somme tout un clergé dont les principales fonctions étaient d’assurer les nombreux rituels, de veiller à la construction et à l’entretien des temples et de diriger les calmecac (écoles plutôt réservées aux enfants des classes aisées). Particulièrement intéressant, le groupe des pochteca (les marchands) présente des caractéristiques propres au Mexique ancien. Grands voyageurs, ils pratiquaient l’import-export entre les différentes provinces mais ajoutaient à leur rôle purement commercial celui, stratégiquement essentiel, d’espion. Organisant de longues caravanes, se déguisant pour cacher leur origine, ils recueillaient des informations sur les contrées auxquelles l’empereur pouvait s’intéresser. Il leur fallait d’ailleurs être en mesure de se défendre en cas d’attaque et leur capture ou mise à mort constituait un casus belli classique pour les Aztèques. Une colonne fut ainsi attaquée loin de Tenochtitlan à la fin du xv e siècle. Durant quatre ans, elle repoussa les assauts des tribus qui l’assiégeaient. Quand l’empereur arriva enfin avec les renforts, les ma rcha nds revena ient avec les dépouilles de leurs agresseurs. Cet exploit contribua fortement à faire évoluer le regard sur les pochteca qui commencèrent à prendre une importance croissante dans la société aztèque. En bas de l’échelle sociale, les macehualli (dont le nom viendrait du verbe macehualo : « travailler pour acquérir des mérites ») constituaient la masse du peuple. Citoyens membres d’un calpulli (l’unité territoriale de base à l’échelle d’un quar-

tier) dont ils recevaient un lot de terre à cultiver, ils avaient des droits et des devoirs. Le premier d’entre eux était le service militaire, davantage vécu comme une tâche sacrée. Soumis à l’impôt, les macehualli ne pouvaient se soustraire aux travaux collectifs (construction, entretien…). En revanche, denrées et vêtements leur étaient distribués régulièrement et leurs enfants accédaient gratuitement à l’enseignement des écoles de quartier. Avec l’extension de l’empire, de nombreux postes administratifs étaient ouverts à l’homme du peuple, sans compter l’artisanat ou alors, pour les plus ambitieux, la carrière des armes ou la prêtrise.

Comment satisfaire les besoins en sang humain ? La société aztèque, encore influencée par la pauvreté égalitaire de ses débuts, n’avait donc pas encore établi de frontières étanches entre ses différentes composantes. Certaines tendances sont cependant discernables qui resteront à l’état de questions quant à leur évolution. l Quid de la tentation, pour la noblesse, d’asseoir ses privilèges de façon durable et de ne plus courir le risque, d’une génération à l’autre, de perdre la dignité acquise faute de mérites guerriers ? l Les rapports avec la classe des marchands, de plus en plus puissants mais sans pouvoir reconnu, allaient-ils déboucher sur un conflit ? l Comment financer le développement d’une bureaucratie concomitant à celui de l’empire, nouveau groupe social totalement à la charge de l’État ? l Comment satisfaire les besoins en sang humain, qui allaient grandissant et s’ajoutaient à un tribut dont beaucoup pensaient qu’il relevait du simple racket ? Inutile d’échafauder des théories sur ce qui aurait pu ou dû se passer. Il demeure que peu de cultures auront fait preuve d’autant de volonté pour s’imposer en aussi peu de temps, contre une nature difficile et des peuples hostiles. Avant de comprendre que

Danièle Dehouve, Anne-Marie Vié-Wohrer, Riveneuve, 2008.

Belle synthèse à la riche iconographie qui fait le point sur les avancées les plus récentes et offre un panorama complet de l’histoire de la société aztèque. Les Aztèques

Jacqueline de Durand-Forest, Belles Lettres, 2008.

Guide de civilisation thématique, synthétique et pédagogique qui permet notamment de donner un aperçu assez avancé de la complexité de la cosmogonie aztèque. Les Mayas et les Aztèques

Antonio Aimi, Hazan, 2009.

Dans une collection essentiellement visuelle, ce petit volume fait découvrir la richesse artistique et l’iconographie si particulière des Mexicas. La conquête Récits aztèques

Textes choisis et présentés par Georges Baudot et Tzvetan Todorov, Seuil, 1983, rééd. 2009.

Un ensemble de textes qui fait découvrir la vision indienne de la rencontre avec les Espagnols. Les Aztèques à la veille de la conquête espagnole Jacques Soustelle, Hachette, 1955, rééd. coll. « Pluriel », 2008.

La réédition en poche d’un grand classique sur le sujet par l’un de ceux qui introduisirent durablement l’intérêt pour les Aztèques en France.

ceux qu’ils avaient pris au départ pour les émissaires des dieux n’étaient que les agents d’une barbarie qu’ils ne pouvaient pas connaître, les éclaireurs d’un autre monde censé être soumis aux lois d’un dieu d’amour. n t.j.



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