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February 24, 2018 | Author: Anonymous | Category: Science, Médecine, Oncology
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N°14

TRIMESTRIEL – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009

BELGIQUE/BELGIË PP/PB B-714 Bureau de dépôt Bruxelles X Brussel

Éditeur responsable: Harry Bleiberg, 1 rue Héger-Bordet, 1000 Bruxelles – N° d’agréation: P501016 – Autorisation de fermeture B-714 – Ne paraît pas en juillet-août

LE JOURNAL DU RÉSEAU CANCER DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES

En quoi une réforme du système de santé p. 2 peut-elle nous affecter? DOSSIER NEUROCHIRURGIE: Éditeur invité: Cristo Chaskis pp. 6-13 Le rôle de la chimiothérapie et des nouvelles drogues ciblées dans le traitement p. 9 des gliomes Recherche fondamentale: les fondements p. 14 de la cancérisation L’accès précoce aux p. 22 nouveaux médicaments

Nouvelle démarche

Nplate® 250 µg € 645,76* Nplate® 500 µg € 1284,41*

dans le traitement chez l’adulte de la thrombocytopénie immune chronique (PTI)

RÉDACTEURS EN CHEF

Harry BLEIBERG Ahmad AWADA RÉDACTEUR EN CHEF ASSOCIÉ

ÉDITORIAL 2 En quoi une réforme du système de santé des USA peut-elle nous affecter ? Harry Bleiberg

Marianne PAESMANS RECHERCHE CLINIQUE

Ahmad AWADA RECHERCHE TRANSLATIONNELLE

DOSSIER NEURO-ONCOLOGIE 3 La Neuro-Oncologie Jerzy Hildebrand

Fatima CARDOSO Christos SOTIRIOU Pierre HEIMANN

4 Diagnostic des tumeurs cérébrales : rôle de la neuroradiologie en 2009 Philippe David, Niloufar Sadeghi et Danielle Balériaux

HÉMATO-ONCOLOGIE Willy FERREMANS Philippe MARTIAT

6 La chirurgie des tumeurs cérébrales Cristo Chaskis, Éditeur invité

RECHERCHE FONDAMENTALE

PSYCHO-ONCOLOGIE

Nicole DELVAUX Darius RAZAVI SPÉCIALISTES EN ONCOLOGIE

Vincent NINANE Jean-Luc VAN LAETHEM BORDET-IRIS Jean-Pierre KAINS Martine PICCART WALLONIE

Vincent RICHARD

Issu de la recherche Amgen, premier stimulateur de plaquettes approuvé par l’EMEA

COMITÉ DE RÉDACTION

Ahmad AWADA Harry BLEIBERG Arsène BURNY Vincent NINANE Jean-Claude PECTOR Martine PICCART Jean-Luc VAN LAETHEM

N Plus de 4 patients sur 5 répondent et Nplate® maintient la réponse à long terme 1,3

CONSEILLERS SCIENTIFIQUES

non contrôlés, l’incidence globale des effets indésirables chez les patients traités par romiplostim était de 91,5 % (248/271). La durée moyenne de traitement de cette population de patients était de 50 semaines. Les effets indésirables listés dans le tableau ci-dessous sont ceux qui ont été considérés comme reliés au traitement par les investigateurs et survenant avec une incidence > 1 % (n = 271). Les fréquences sont définies comme suit : Très fréquent (≥ 1/10) et Fréquent (≥ 1/100 et < 1/10). Dans chaque classe de systèmes d’organes MedDRA et chaque groupe de fréquence, les effets indésirables sont présentés par ordre d’incidence décroissant.. Classification MedDRA par classe de systèmes d’organes

Très fréquent

Affections hématologiques et du système lymphatique

Fréquent Anomalies de la moelle osseuse* / Thrombopénie*

Affections psychiatriques Posologie initiale ou posologie hebdomadaire suivante:

Insomnie

Poids* en kg x Dose en µg/kg = Posologie individuelle en µg Affections du système nerveux

Volume à administrer:

Posologie en µg x 1 ml/500 µg Posologie en µg x

Exemple:

6O QBUJFOU EF  LH Ë MB QPTPMPHJF JOJUJBMF EF  tHLH EF SPNJQMPTUJN. La posologie individuelle =75 kg x 1 µg/kg = 75 µg. Le volume correspondant de solution de Nplate à injecter = 75 µg x 1 ml/500 µg = 0.15 ml

*Le poids corporel au moment de l’initiation du traitement doit toujours être utilisé pour le calcul de la posologie de romiplostim. Les ajustements de posologie sont basés uniquement sur l’évolution des taux de plaquettes et sont effectués par palier de 1 µg/kg (voir tableau ci-après). Ajustement de posologie : Le poids corporel du patient mesuré à l’initiation du traitement doit toujours être utilisé pour le calcul de la dose. La dose hebdomadaire de romiplostim doit être augmentée par palier de 1 µg/kg jusqu’à ce que le patient atteigne un taux de plaquettes ≥ 50 x 109/l. Le taux de plaquettes doit être évalué toutes les semaines jusqu’à atteindre un taux stable (≥ 50 x 109/l pendant au moins 4 semaines à la même posologie). Ensuite le taux de plaquettes doit être évalué mensuellement. Ne pas dépasser la posologie maximale hebdomadaire de 10 µg/kg. L’ajustement de posologie se fait de la façon suivante :

10 Neuro-Oncologie : développements récents en neuropathologie et biologie moléculaire Alex Michotte 12 Le rôle de la radiothérapie dans le traitement des tumeurs intracrâniennes Daniel Devriendt

ERASME

Marie MARCHAND

N Nplate® démontre son efficacité en pré- et post-splénectomie, sans immunosuppression 1,2

Dénomination du médicament : Nplate 250 microgrammes poudre pour solution injectable, Nplate 500 microgrammes poudre pour solution injectable. Composition qualitative et quantitative : Chaque flacon contient 250 µg de romiplostim. Après reconstitution, un volume injectable de 0,5 ml de solution contient 250 µg de romiplostim (500 µg/ml). Chaque flacon contient un sur-remplissage permettant la délivrance de 250 µg de romiplostim. Chaque flacon contient 500 µg de romiplostim. Après reconstitution, un volume injectable de 1 ml de solution contient 500 µg de romiplostim (500 µg/ml). Chaque flacon contient un sur-remplissage permettant la délivrance de 500 µg de romiplostim. Le romiplostim est produit par la technique de l’ADN recombinant dans des cellules d’Escherichia coli (E. coli). Indications thérapeutiques : Nplate est indiqué chez l’adulte splénectomisé présentant un purpura thrombopénique auto-immun (PTI) (idiopathique) chronique, réfractaire aux autres traitements (par exemple corticoïdes, immunoglobulines). Nplate peut être envisagé comme traitement de seconde intention chez l’adulte non splénectomisé quand la chirurgie est contre-indiquée. Posologie et mode d’administration : Le traitement doit être surveillé par un médecin spécialisé dans le traitement des maladies hématologiques. Nplate doit être administré une fois par semaine en injection sous-cutanée. Posologie initiale : La posologie initiale de romiplostim est de 1 µg/kg de poids corporel. Calcul de la posologie :

9 Le rôle de la chimiothérapie et des nouvelles drogues ciblées dans le traitement des gliomes Bart Neyns

Céphalées

Vertiges / Paresthésies / Migraine

Affections vasculaires

Bouffées vasomotrices

Affections respiratoires, thoraciques et médiastinales

Embolie pulmonaire*

Affections gastro-intestinales

Nausées / Diarrhée / Douleur abdominale / Dyspepsie / Constipation

Affections de la peau et du tissu sous-cutané

Prurit / Ecchymoses / Rash

Affections musculo-squelettiques et du tissu conjonctif

Arthralgies / Myalgies / Douleurs des extrémités / Spasmes musculaires Douleur du dos / Douleurs osseuses

Troubles généraux et anomalies au site d’administration

Fatigue / Contusion au site d’injection / Douleur au site d’injection / Œdème périphérique / Syndrome pseudo-grippal / Douleur / Asthénie / Pyrexie / Frissons / Hématome au site d’injection / Gonflement au site d’injection

Lésions, intoxications et complications liées aux procédures

Contusion

Marc ABRAMOWICZ Guy ANDRY Michel AOUN Jean-Jacques BODY Dominique BRON Dominique DE VALERIOLA Olivier DE WITTE André EFIRA Patrick FLAMEN Thierry GIL Michel GOLDMAN André GRIVEGNEE Alain HENDLISZ Jean KLASTERSKY Denis LARSIMONT Marc LEMORT Dominique LOSSIGNOL Thi Hien NGUYEN Thierry ROUMEGUERE Eric SARIBAN Jean-Paul SCULIER Philippe SIMON

RECHERCHE FONDAMENTALE 14 Les fondements de la cancérisation : quelques implications pour les traitements Bassam Badran, Arsène Burny et Céline Mascaux

SÉMINAIRE DU PROGRAMME DE SOINS EN ONCOLOGIE MULTISITE IRIS-BORDET-ERASME (PSOM) 16 Introduction Jean Klastersky et Marie Marchand 17 Les cancers tyrosines kinases dépendants Pierre Heimann 20 Cancers héréditaires Marc Abramowicz

ACCÈS AUX NOUVEAUX MÉDICAMENTS 22 L’accès précoce aux nouveaux médicaments: usage compassionnel ou programme médical d’urgence Geneviève Decoster

L’ONCOLOGIE DANS LA SOCIÉTÉ 24 La Fondation contre le Cancer : partenaire des chercheurs, des malades et du grand public Didier Vander Steichel

ASSISTANTE DE RÉDACTION

Taux de plaquettes (x 109/l)

Action

< 50

Augmenter la dose hebdomadaire de 1 μg/kg

> 200 pendant 2 semaines consécutives

Diminuer la dose hebdomadaire de 1 μg/kg.

> 400

Interrompre le traitement, continuer à évaluer le taux de plaquettes de façon hebdomadaire. Quand le taux de plaquettes redevient < 200 x 10 9/l, reprendre le traitement hebdomadaire avec la dernière posologie en la diminuant de 1 μg/kg.

Une perte de réponse ou l’échec de maintien d’une réponse plaquettaire avec le romiplostim aux posologies recommandées doit en faire rechercher rapidement l’origine (voir rubrique 4.4, perte de réponse au romiplostim). Mode d’administration : Après reconstitution, Nplate solution injectable s’administre par voie sous-cutanée. Le volume à injecter peut être très faible. Une seringue avec des graduations de 0,01 ml doit être utilisée. Arrêt du traitement : Le traitement par romiplostim doit être interrompu si, après 4 semaines de traitement à la posologie hebdomadaire maximale de 10µg/kg, le taux de plaquettes n’augmente pas jusqu’à un niveau suffisant permettant d’éviter des hémorragies cliniquement importantes. Les patients doivent être suivis régulièrement et la poursuite du traitement doit être envisagée par le médecin pour chaque patient. La réapparition d’une thrombopénie est possible à l’interruption du traitement. Patients âgés (≥ 65 ans): Aucune différence de tolérance ou d’efficacité n’a été observée entre les patients < 65 ans et les patients ≥ 65 ans. Ainsi, aucun ajustement de posologie n’est nécessaire chez le patient âgé. Il est toutefois recommandé une surveillance particulière de ces patients en raison du faible nombre d’inclusions dans les essais cliniques effectués jusqu’à présent. Enfants et adolescents (< 18 ans): En l’absence de données suffisantes sur l’efficacité et la tolérance, l’utilisation de Nplate n’est pas recommandée chez les enfants de moins de 18 ans. Aucune recommandation de posologie dans cette population ne peut être fournie. Insuffisance hépatique et rénale : Aucune étude clinique spécifique n’a été réalisée dans ces populations. Nplate doit être utilisé avec précaution chez ces patients. Contre-indications: Hypersensibilité connue à la substance active, à l’un des excipients ou aux protéines dérivées d’E. coli. Effets indésirables: Après analyse des données de tous les patients adultes traités pour PTI et ayant reçu du romiplostim dans 4 essais contrôlés et 5 essais

Les évènements listés ci-dessous ont été considérés comme reliés au traitement par romiplostim. Thrombocytose : Après analyse des données de tous les patients adultes traités pour PTI par romiplostim dans 4 essais contrôlés et 5 essais non contrôlés, 3 cas de thrombocytose ont été rapportés, n = 271. Aucune conséquence clinique associée à cette élévation du taux de plaquettes n’a été rapportée chez aucun des 3 patients. Thrombopénie après arrêt du traitement : Après analyse des données de tous les patients adultes traités pour PTI par romiplostim dans 4 essais contrôlés et 5 essais non contrôlés, 4 cas de thrombopénie après arrêt du traitement ont été rapportés, n = 271. Augmentation de la réticuline dans la moelle osseuse : Dans les études cliniques, le romiplostim a été interrompu chez 4 patients sur 271 en raison de dépôts de réticuline dans la moelle osseuse. La réticuline a été observée sur biopsie de moelle osseuse chez six autres patients. Immunogénicité : Dans les études cliniques, les anticorps anti-romiplostim ont été étudiés. Parmi les 271 patients adultes traités pour PTI par romiplostim dans le programme de développement dans le PTI, un patient a développé des anticorps neutralisants l’activité du romiplostim mais ces anticorps n’ont pas eu de réaction croisée avec la TPO endogène. Environ quatre mois plus tard, la recherche des anticorps neutralisants romiplostim était négative chez ce patient. Comme avec toutes les protéines thérapeutiques, il existe un risque potentiel d’immunogénicité. Si vous soupçonnez la formation d’anticorps neutralisants, contactez Amgen pour que les tests immunologiques puissent être réalisés. Titulaire de l’autorisation de mise sur le marché: Amgen Europe B.V. Minervum 7061NL-4817 ZK. Numéro d’autorisation de mise sur le marché : EU/1/08/497/001-02. Date de première autorisation: 4/02/09. Date de mise à jour du texte: 6 mars 2009. Classification du médicament en matière de délivrance: Médicament soumis à prescription médicale restreinte. Information complète disponible chez: Amgen s.a., avenue Ariane 5, 1200 Bruxelles, tél : +32(2)775.27.11.

1. Kuter et al. Lancet 2008;371:395-403 2. Résumé des caractéristiques du produit Nplate® 3. Bussel et al. Blood 2009;113:2161-2171

Martine HAZARD – Tél. 02/541 32 01 [email protected] COMITÉ DE LECTURE

Marianne PAESMANS Jean-Claude PECTOR Marielle SAUTOIS

AU-DELÀ DE LA MÉDECINE 27 Sorj Chalandon : «La légende des pères» Emmanuel Hollander 28 James Ensor ou le Hareng Saur Pierre Sterckx

MISE EN PAGE

Lay-in & Lay-out, Bruxelles Le contenu des articles publiés dans ce journal n’engage que la responsabilité de leur(s) auteur(s)

www.jcancerulb.be

Photo de couverture : Exérèse d’un gliome pré-rolandique droit sous neuronavigation. 1

Editeur responsable : A. Hubert/AMGEN/2009/2417

N°14 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009

ÉDITORIAL

DOSSIER NEURO-ONCOLOGIE

En quoi une réforme du système de santé des USA peut-elle nous affecter ?

La Neuro-Oncologie

e tous les événements qui affectent les États-Unis d’Amérique, la réforme des soins de santé est probablement celle qui touche le moins le citoyen européen. Nous considérons à juste titre que notre système de couverture sociale en Belgique est parmi les plus performants. Pourtant il souffre d’un coût élevé et d’une qualité qui pourraient à certains niveaux être suboptimals. En Belgique, la lutte traditionnelle contre la hausse des coûts utilise surtout des mesures de restrictions budgétaires : tentatives de limiter l’accès aux médicaments, retarder leur mise à disposition, réduire le nombre de médecins. N’y a-t-il pas d’autres voies ? La qualité de notre médecine nous paraît excellente. Est-ce fondé? Pas selon les résultats de l’Euro Health Consumer Index 2009 (EHCI 2009)1, un classement qui tient compte de divers critères: information au patient, dossier électronique, facilité d’accès aux soins, accès aux nouveaux médicaments, résultats des traitements et interventions (entre autres la mortalité infantile ou, pour le cancer, le rapport mortalité/incidence). La Belgique se classe 11e sur 33. Plus inquiétant c’est qu’elle se classe 21e sur 33 pour les résultats des traitements et interventions (devenir des patients). En quoi le plan de réforme de la santé aux USA nous concerne-t-il ? Ce plan propose une couverture assurance santé aux 47 millions d’Américains qui n’en disposent pas et une stratégie de contrôle des coûts de santé. C’est l’approche innovante sur la réduction des coûts qui est attractive car elle est liée à un changement de concept fondé sur la prévention et le contrôle de qualité.

L

Jerzy Hildebrand, Consultant à l’Institut Jules Bordet et à l’Hôpital Salpêtrière, Paris [email protected]

D

Quels sont les point essentiels de ce plan ? 1. Les fournisseurs de soins devront utiliser des programmes de soins prouvés. Ceci donnera aux médecins une meilleure information, améliorera la qualité des soins et en réduira le coût. 2. L’implémentation de programmes destinés à améliorer la coordination et l’intégration des soins des patients porteurs de maladies chroniques sera soutenue. 3. Une transparence totale concernant la qualité et les coûts sera exigée. Il faudra aussi que les hôpitaux et les fournisseurs de soins collectent et rapportent publiquement les mesures prises en matière de coût de santé et de qualité, y compris des données sur la prévention des erreurs médicales, la proportion malades/membres du personnel infirmier, les infections nosocomiales, le degré de disparité observé entre les hôpitaux, le pourcentage de la couverture assurance qui va vers les coûts administratifs. 4. Un institut indépendant en charge des analyses de coût/efficacité sera mis en place. 5. Des dossiers médicaux électroniques seront utilisés. Ils permettront une meilleure coordination des soins, une mesure de la qualité et la réduction des erreurs médicales. Pouvons-nous appliquer ces exigences à notre système de santé? La médecine d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec le modèle qui, en 1945, a conduit à son organisation. La couverture sociale reste remarquable. Le concept de liberté diagnostique et thérapeutique tel qu’il existait a vécu. Aujourd’hui, les traitements sont fondés sur les résultats des études cliniques et chaque médecin devrait administrer le traitement reconnu actif en appliquant les principes de la médecine basée sur les faits. C’est particulièrement vrai en cancérologie. On sait que l’on peut réduire l’incidence de certains cancers par des actions appropriées. Aux USA, déjà, l’interdiction du tabac et le dépistage systématique du cancer du côlon ont permis de réduire d’une manière significative l’incidence de ces maladies et ont entraîné une réduction de leur mortalité 2. Des résultats similaires pourraient être obtenus chez nous. L’application de normes de qualité entraînerait une réduction significative des coûts à moyen mais aussi à court terme, dès la première année qui suivrait la mise en place de mesures adéquates. Un exemple concret de chez nous, une chirurgie optimale dans le cancer du rectum permet de réduire le taux de récidive (et la mortalité) de 35% à moins de 5%. Néanmoins, ce type de chirurgie n’est toujours pas obligatoire en Belgique. Tous ces efforts de dépistage et de qualité des soins des stades opérables conduiraient par ailleurs à une réduction du nombre de patients métastatiques et réduirait le coût exorbitant des soins lourds et des médicaments. Evident pour les experts, professionnels de la santé ! Mais en général ils sont peu consultés. Les Pays-Bas sont considérés par l’EHCI 2009 comme possédant le meilleur système de santé d’Europe, même pour ‘l’outcome’. Voici leur hypothèse pour expliquer ce résultat: «un des effets immédiat important du système de soins aux Pays-Bas viendrait de ce que les décisions opérationnelles en matière de soins de santé sont prises, à un niveau inhabituellement élevé par des professionnels du monde médical avec la coparticipation des patients. Les organismes de financement et les amateurs des soins de santé que sont les politiques et les bureaucrates ont été tenus à l’écart, plus que dans tout autre pays d’Europe. Ceci, en soi, pourrait être une raison majeure expliquant l’écrasante victoire des Pays-Bas dans l’EHCI 2009»1. Une hypothèse mais probablement pas la seule. Qu’espérer ? Que nos politiques vont prendre conscience de cette façon alternative de contrôler les coûts ? En Belgique, la dispersion de la politique de santé entre les diverses autorités ministérielles ne permet pas de le rêver 3. On peut espérer que le plan Obama–Biden sera mis en place et que les résultats, par leur ampleur, sauteront aux yeux de nos décideurs. Harry Bleiberg Rédacteur en chef

Références 1. © Health Consumer Powerhouse AB, 2009.ISBN 978-91-977879-1-8. 2. Ahmedin Jemal, DVM et al., Cancer Statistics, 2009. CA Cancer J Clin 2009; 59:225-249. 3. D’hoore W et al., Le système de santé belge: du mouvement mutualiste aux institutions de la sécurité sociale dans un État pluraliste. Ruptures, revue transdisciplinaire en santé, 2004 ; 10 : 71-85. N°14 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009

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et le contrôle du cancer systémique. Par exemple, pour près de la moitié des malades porteurs de métastases cérébrales, le décès est dû aux lésions systémiques et, dans ces cas, même un traitement très efficace des lésions cérébrales aura peu d’impact sur la survie. En tout cas le traitement des métastases affectant le SNC doit être administré rapidement, car son succès est inversément proportionnel à la gravité du déficit neurologique.

a neuro-oncologie est une discipline qui traite du diagnostic et du traitement des complications neurologiques de cancers systémiques et des tumeurs cérébrales primitives. Les tumeurs cérébrales primitives forment un groupe d’affections très hétérogène allant de lésions bénignes de grade 1 aux cancers de très haute malignité de grade 4. Leur incidence dans la population générale est d’environ 10/100 00. Elles représentent environ 2% de l’ensemble des cancers, mais elles sont, après la leucémie, la tumeur la plus fréquente de l’enfant.

Les complications des traitements anticancéreux se voient aujourd’hui chez 10 à 15% des malades atteints de cancer généralisé.

Les tumeurs cérébrales sont entrées depuis longtemps dans la pratique des neurochirurgiens et neurologues. Par contre, l’intérêt des neurologues pour les complications des cancers systémiques est plus récent. Il fut stimulé par la publication en 1948 par Denny-Brown de deux cas de neuronopathie sensitive associée au cancer bronchique. Dans les années qui ont suivi, les neurologues britanniques ont développé le concept des neuropathies paranéoplasiques (NPN) mais ce fut l’école, principalement, Posner qui identifia les anticorps spécifiques dirigés contre des antigènes onco-neuraux exprimés par le système nerveux et certaines tumeurs. Dans le syndrome de Lambert-Eaton (syndrome auto-immune acquis, provoqué par des anticorps dirigés contre les canaux calciques voltage-dépendants de la terminaison nerveuse), et probablement aussi dans la variante paranéoplasique du syndrome de la personne raide (rigidité musculaire axiale associée à des spasmes douloureux) ainsi que dans la rétinopathie associée au cancer (diminution progressive des photorécepteurs, bâtonnets et cônes, le plus souvent associés au cancer bronchique à petites cellules), ces antigènes causent la maladie. Dans d’autres NPN comme l’encéphalite limbique, la dégénérescence cérébelleuse ou la neuronopathie sensitive, leur rôle pathogénique demeure incertain, mais leur valeur diagnostique est évidente car il existe un rapport étroit entre la présentation clinique de NPN, la nature de l’anticorps et la pathologie du cancer associé.

Les complications de la radiothérapie sont classées en fonction du délai entre leur apparition et la fin du traitement. Elles surviennent principalement au décours du traitement des tumeurs siégeant au niveau ou dans le voisinage du SNC. Les complications aiguës sont attribuées à l’oedème et répondent aux corticostéroïdes. Les complications dites «early delayed» apparaissent dans les 4 mois et sont attribuées à la démyélinisation. Les principales complications tardives: nécrose focale (cérébrale ou médullaire), leucoencéphalopathie diffuse ou fibrose comprimant les plexus ou les nerfs crâniens ou périphériques sont irréversibles et sans traitement efficace. Pratiquement tous les agents cytotoxiques sont neurotoxiques, mais l’encéphalopathie, avec ou sans crises épileptiques, est rare quand ces médicaments sont administrés par voie systémique et à dose conventionnelle. Par contre, les extrémités des nerfs périphériques ne sont protégées par aucune barrière et la chimiothérapie est la principale cause de polynévrite chez les malades atteints de cancer. D’autres chapitres de la neuro-oncologie incluent : – Les accidents vasculaires cérébraux, dont les causes peuvent être spécifiques. – Les infections du SNC, qui diffèrent de celles de la population générale. – Les états confusionnels particulièrement fréquents en fin de vie. – Les traitements dits «supportifs» destinés à combattre les complications particulièrement fréquentes chez les cancéreux : corticostéroïdes, antiépileptiques, analgésiques, antidépressifs ou anticoagulants.

Cependant, les NPN constituent moins d’un pour cent des complications neurologiques des cancers. Par contre, les lésions métastatiques dont les principales localisations sont le parenchyme cérébral, l’espace spinal épidural, les leptoméninges, les nerfs crâniens et périphériques, y contribuent pour plus de 60%. Malgré la grande diversité de leur présentation clinique, les lésions métastatiques partagent plusieurs caractéristiques communes.

Le lecteur trouvera les détails des divers chapitres qui forment la neuro-oncologie dans les ouvrages, dont une liste non exhaustive, suit :

1° Elles sont très fréquentes, présentes dans environ 20% de malades porteurs d’un cancer généralisé. 2° Leur incidence augmente en raison de la survie plus longue de malades atteints de certains cancers et du fait que le système nerveux central soit protégé (SNC) par la barrière hémato-cérébrale. 3° Elles affectent souvent gravement la durée et la qualité de vie. 4° Le diagnostic différentiel peut être difficile avec, notamment, les complications des traitements anticancéreux, les lésions vasculaires ou les infections. 5° Le traitement, chirurgical ou radiothérapique, est souvent efficace mais il doit prendre en compte le degré de généralisation

– L-M De Angelis, JB Posner. Neurologic Complication of Cancer. Second Edition. Oxford University Press, 2009. – J. Hildebrand, M. Brada. Differential Diagnosis in Neuro-oncology, Oxford University Press, 2001. – J. Bougosslavsky, J-M Léger et J-L Mas (edit). Neuro-Oncologie, Traité de Neurologie. (Coordinateur J Hildebrand) Doin 2001. – J. Baehring, J. Piepmeier (edit) Principles of Neuro-Oncology. Taylor & Francis Group, 2007. – P. McL Black, J-S Loeffler. Cancer of the Nervous System. Blackwell Science 1996 ■

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N°14 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009

DOSSIER NEURO-ONCOLOGIE Diagnostic des tumeurs cérébrales : rôle de la neuroradiologie en 2009 Philippe David, Niloufar Sadeghi et Danielle Balériaux, Clinique de Neuroradiologie, Hôpital Erasme, [email protected] imagerie est utilisée à des fins diagnostiques dès que des symptômes et signes cliniques font suspecter le diagnostic de tumeur cérébrale. Le CT scanner et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont les outils utilisés en première intention, permettant une visualisation directe du parenchyme cérébral. L’imagerie apporte des informations morphologiques précieuses permettant d’identifier la (ou les) lésion(s) tumorale(s) et de déterminer ses rapports avec les structures cérébrales et les complications éventuelles (engagements cérébraux, hydrocéphalie…). Le CT scanner permet d’identifier avec une grande sensibilité les calcifications et les lésions hémorragiques aigües et s’avère précieux en cas d’intervention chirurgicale urgente. L’IRM offre des images d’une plus haute résolution tissulaire et sera pratiquée dans tous les cas si l’état clinique du patient le permet. L’imagerie pondérée T1 (bi et tridimensionnelle) et T2 suivies d’une injection de produit de contraste (chélates de gadolinium) permettent d’obtenir une information morphologique précise. Des critères sémiologiques permettent d’orienter le diagnostic et d’aider le neurochirurgien à planifier le traitement ou la biopsie. Toutefois, ces éléments sémiologiques, s’ils sont précieux pour établir des hypothèses quant à la nature histologique de la tumeur, souffrent de limitations par manque de spécificité dans de nombreux cas. De nouveaux progrès technologiques ont permis d’obtenir par IRM des informations supplémentaires de nature métabolique (spectroscopie protonique, imagerie de diffusion) et hémodynamiques (imagerie de perfusion), permettant d’améliorer l’hypothèse diagnostique et de mieux prédire le grade tumoral et donc le degré de malignité 1. Le suivi et l’étude de la réponse thérapeutique bénéficient également de ces progrès. De nouvelles avancées technologiques permettent de localiser des zones fonctionnelles (motrices, sensitives, visuelles, …) et de déterminer leurs rapports avec la lésion tumorale (IRM fonctionnelle). Une visualisation de faisceaux d’axones importants (faisceaux pyramidaux par exemple) est devenue possible avec l’imagerie par tenseur de diffusion. Ces progrès permettent ainsi aux neurochirurgiens d’être plus audacieux tout en diminuant la morbidité post-opératoire. La spectroscopie apporte des informations complémentaires et non invasives sur le grade de malignité tumorale (Fig 1). Des rapports de choline sur N-acétyl-aspartate élevés sont ainsi trouvés dans les gliomes de haut grade 2. Les techniques de spectroscopie multi-voxels rendent compte de l’hétérogénéité tumorale et permettent d’identifier des zones de haute malignité tant avant le traitement que dans le cadre de la réponse au traitement 3. La possibilité d’étudier par ce biais l’efficacité de nouveaux agents tumoraux est utilisée dans certains protocoles expérimentaux. Enfin, le diagnostic différentiel entre récidive tumorale (élévation de la choline) et radionécrose (pic de lactates) est obtenu par cette technique. L’imagerie de diffusion permet aisément certains diagnostics de lésions extra-axiales comme celui de kystes épidermoïdes qui présentent le même signal en pondération T1 et T2 que les kystes arachnoïdiens, mais qui se différencient de ces derniers par le fait que les coefficients de diffusion apparents sont abaissés 4.

Philippe David

L’

N°14 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009

Figure1 : L’IRM met en évidence la présence de lésions plurifocales frontales et temporo-occipitales gauches, partiellement intraventriculaires, hyposignal en pondération T1 avant injection de Gadolinium, en coupes axiales (A) et coronales (D), discrètement hypersignal en pondération T2 (B) et FLAIR (C). Un discret réhaussement est observé après injection IV de Gadolinium en coupes axiales pondérées T1 (E) et coronales (F). Figures 1 et 2 : Patient de 43 ans présentant des céphalées et une hémianopsie droite.

Les tumeurs intra-axiales ont des coefficients de diffusion plus élevés que le parenchyme cérébral sain et des coefficients de diffusion extrêmement élevés au sein de leurs composantes nécrotico-kystiques 5. Toutefois, certaines tumeurs à cellularité extrêmement élevée comme les lymphomes (Fig. 2) ont des coefficients de diffusion diminués. L’imagerie par tenseur de diffusion permet d’identifier des faisceaux axonaux dans la substance blanche et d’en déterminer les rapports à la tumeur. Cette technique permet de mieux orienter la trajectoire d’une biopsie et d’adapter la stratégie neurochirurgicale 6. L’imagerie de perfusion permet de différencier les gliomes de haut grade (en démontrant un volume sanguin cérébral élevé au sein de la tumeur) et peut précéder d’un an la prise de contraste en cas d’évolution vers un haut grade de malignité 7-9. L’imagerie fonctionnelle permet d’identifier des zones fonctionnelles éloquentes qui apparaissent souvent déplacées par l’effet de masse tumoral ou voire même déplacées dans d’autres zones, en raison de la plasticité cérébrale 10. En conclusion, les développements modernes de l’IRM ont permis d’évoluer d’une imagerie strictement morphologique vers une imagerie plus physiologique et fonctionnelle, permettant une approche thérapeutique chirurgicale plus audacieuse et ■ un suivi thérapeutique plus sensible et spécifique.

temps T2), pondération dite «anatomique»: en pondération T1 sur le cerveau, la substance blanche apparaît plus claire que la substance grise. Le liquide céphalo-rachidien, situé entre la substance grise et l’os apparaît, lui, nettement plus «foncé» (hyposignal). Pondération T2 : On obtient un contraste d’image dite pondérée en T2, dite aussi pondération «tissulaire» en utilisant un temps de répétition long et un temps d’écho long. La pondération «T2» est fonction du temps d’enregistrement d’un signal différent entre deux tissus, dû à la différence d’aimantation transversale. L’eau et l’œdème apparaissent «claires» (hypersignal). Produit de contraste : Chélates de gadolinium : aux doses cliniques habituellement utilisées, les chélates paramagnétiques de gadolinium donnent principalement un effet T1 : la prise de contraste se traduit par un hypersignal en pondération T1. Spectroscopie (SRM): La spectroscopie utilise les propriétés de résonance des atomes placés dans un champ magnétique : elle repose sur l’étude des signaux de résonance de molécules situées dans les tissus ou les cellules. En spectroscopie protonique (HSRM) le noyau étudié est l’hydrogène (1H) présent dans les molécules biologiques. Une accumulation successive de spectres individuels est obtenue; ceux-ci sont en suite moyennés afin d’améliorer le rapport signal/bruit. Cette méthode permet d'obtenir des spectres valables avec de faibles quantités d'échantillons. Le spectre contient un certain nombre de signaux correspondant aux différents protons de la molécule et il convient alors de l'interpréter. Dans un champ magnétique élevé les protons résonnent à une fréquence spécifique à chaque molécule. Selon leur environnement, les protons diffèrent et ils résonneront à cette fréquence spécifique. On exprimera cette différence (très faible) en ppm du champ Bo. La HSRM permet ainsi l'étude de la présence et concentration de certains métabolites (par exemple, choline, créatine,N-acétyl aspartate, lactates, lipides). Son application demande des IRM de haut-champ (1,5 Tesla minimum et 3 Tesla pour obtenir des pics bien différenciés). Il existe des techniques différentes : la single voxel spectroscopy, qui n’étudie qu’un seul voxel d’à peu près 1 cm3, la technique multivoxel ou CSI (chemical shift imaging) qui peut alors être bidimensionnelle si elle utilise plusieurs voxels (une trentaine) sur une seule coupe ou tridimensionnelle pour couvrir pratiquement toute la tumeur (plus de 100 voxels) sur plusieures coupes. Imagerie de perfusion : L’imagerie de perfusion permet d’accéder à des informations hémodynamiques concernant le Volume Sanguin Cérébral Régional, grâce à l'utilisation de produit de contraste présentant une forte susceptibilité magnétique, tels que les chélates de Gadolinium. Cette méthode permet de calculer des volumes sanguins cérébraux, des débits sanguins régionaux et le temps moyen de transit sanguin cérébral régional. Ses principales indications sont la pathologie tumorale et la détermination des territoires ischémiés et leur réversibilité. Le rCBV (Cerebral Blood Volume) désigne la quantité de sang (en ml) qui passe par unité de temps pour 100 g de tissu cérébral. IRM fonctionnelle: L’IRMf permet la localisation des zones cérébrales activées basée sur l'effet BOLD (Blood Oxygen Level Dependant), lié à l’aimantation de l’hémoglobine contenue dans les globules rouges du sang. Une seconde environ après le début de l’activité neuronale, une réponse hémodynamique apparaît avec une augmentation très importante du débit sanguin cérébral régional.

L’augmentation importante des apports en oxygène entraîne une hyperoxygénation du sang veineux reflétée par une augmentation de la concentration en oxyhémoglobine et une diminution de la concentration en déoxyhémoglobine. Or la déoxyhémoglobine est paramagnétique. En altérant l’homogénéité du champ magnétique intra et périvasculaire, la déoxyhémoglobine diminue l’intensité du signal de précession émis (T2*) et constitue un véritable agent de contraste endogène. Ainsi, en réponse à une activité neuronale, la diminution de la concentration en déoxyhémoglobine s’accompagne d’une augmentation de signal qui peut atteindre jusqu’à quelques pourcents. Pour que ces faibles variations de signal soient mesurables, il faut répéter de nombreuses fois les tâches d’activation et de repos. Pour obtenir cette information, on demande au patient d’alterner des périodes d’activité (par exemple bouger les doigts de la main droite) avec des périodes de repos, tout en acquérant des images de l'intégralité du cerveau toutes les 1,5 à 6 secondes (correspondant à la résolution temporelle moyenne classiquement utilisée en recherche). On obtient ainsi une cartographie des zones cérébrales fonctionnelles du patient. Imagerie de diffusion : L’IRM de diffusion explore les micro-mouvements des molécules d’eau. La diffusion de ces molécules peut être libre (comme dans le LCR) ou restreinte (par les membranes cellulaires, les macromolécules, les fibres…). Elle peut s’effectuer dans toutes les directions de l’espace (diffusion isotrope) ou de façon préférentielle dans une direction donnée (diffusion anisotrope) comme dans les fibres nerveuses. L’acquisition doit être répétée avec des gradients orientés dans chacune des 3 directions de l’espace. La technique d'imagerie du tenseur de diffusion est une extension de l'IRM de diffusion, qui permet de quantifier ces mouvements à l’échelle microscopique. Cette technique permet de visualiser la position, l’orientation et l’anisotropie des faisceaux de matière blanche du cerveau. En associant une couleur à chacune des 3 directions de l’espace (rouge: gauche-droite; bleu : cranio-caudale; vert : antéro-postérieure), on peut créer une cartographie des faisceaux indiquant leurs positions, directions et anisotropies. Des algorithmes de «fiber tracking» permettent de suivre le faisceau sur toute sa longueur, par exemple du cortex moteur à la moelle épinière pour le faisceau cortico-spinal (qui transmet l’information motrice). La localisation de tumeurs par rapport aux faisceaux de matière blanche environnants (infiltration, déflection) est ainsi rendue possible.

Références 1. Al-Okaili et al., Radiology, 2007; 243 (2):539-550. 2. Burtscher IM et al., Am J Neuroradiol, 2000; 21(1):84-93.. 3. Dowling C. et al., Am J Neuroradiol, 2001; 22:604-612 4. Tsuruda et al., Am J Neuroradiol, 1990; 11:925-931. 5. Tien R. et al., Am J Roentenol, 1994; 162:671-67. 6. Arfanakis et al., Oncol Rep, 2006; 15:1061-1064. 7. Law M. et al., Am J Neuroradiol 2003, 24 :1989-1998. 8. Spampinato et al., Am J Roentgenol, 2007; 188:204-212. 9. Danchaivijitr N. et al., Radiology, 2008; 247:170-178. 10.Sunaert et al., Clin N Am, 2001;11:221-236.

Glossaire Pondération T1 : Le signal RMN d'un tissu varie donc selon ses caractéristiques T1, T2 et sa densité protonique (Rho) (l’air n'a pas de signal RMN car la densité protonique y est trop faible). Le T1 correspond au temps nécessaire pour que l’aimantation longitudinale ait retrouvé 63% de son amplitude initiale, après avoir été basculée de 90°. On obtient un contraste d’image pondérée en T1 si on utilise un temps de répétition court et un temps d’écho court (neutralise les différences de

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Figure 2 : L’imagerie de diffusion Trace (A) montre le caractère hypersignal de ces lésions correspondant à une diminution des coefficients de diffusion, comme le confirme la cartographie des coefficients de diffusion apparents (B). La cartographie du volume sanguin cérébral (rCBV) ne met pas en évidence d’augmentation de rCBV des lésions tumorales par rapport à la substance blanche normale contralatérale (C,D). La courbe de signal d’imagerie de perfusion T2* en fonction du temps démontre une surélévation de la ligne de base (courbe bleue) au sein du tissu tumoral, par rapport à la courbe obtenue au sein de la substance blanche normale du côté contralatéral (courbe jaune), signant une importante rupture de la barrière hémato-encéphalique (E). Cette sémiologie plaide en faveur du diagnostic de lymphome, confirmé par biopsie.

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DOSSIER NEURO-ONCOLOGIE >>> La

chirurgie des tumeurs cérébrales

Cristo Chaskis, Service de Neurochirurgie, CHU de Charleroi [email protected]

La neuronavigation permet la planification virtuelle du geste chirurgical et le guidage opératoire, en intégrant les paramètres neuroanatomiques de l’IRM morphologique et les données de l’IRM fonctionnelle et/ou du PET scan. L’exérèse chirurgicale influence de manière significative le pronostic des patients lorsqu’elle permet d’enlever plus de 95% de la tumeur (figure 5).

a Neurochirurgie constitue la pierre angulaire du traitement des tumeurs cérébrales. Sur le plan chirurgical, on distingue les tumeurs sur base de leur localisation anatomique, intra- ou extra cérébrale, communément désignée comme intra- ou extraaxiale, et de leurs caractéristiques anatomopathologiques.

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La radicalité de l’exérèse peut être améliorée par l’administration d’acide amino-lévulinique (5-ALA) qui induit au niveau des cellules gliales malignes la synthèse et l’accumulation de porphyrines, présentant de la fluorescence lors de l’utilisation d’une source lumineuse ultraviolette. Figure 1: Tumeur cérébrale primitive intra-axiale : Globlastome (OMS grade IV)

Figure 2: Tumeur intra-axiale: métastases multiples de mélanome.

Les tumeurs intra-axiales sont représentées principalement par les gliomes (astrocytomes et oligodendrogliomes) qui sont les tumeurs cérébrales primitives les plus fréquentes; les métastases, les épendymomes, les papillomes des plexus choroïdes, les PNET et les neurocytomes centraux sont nettement plus rares. Dans les gliomes, la chirurgie joue un rôle fondamental dans l’établissement d’un diagnostic anatomopathologique et biomoléculaire précis par la biopsie des zones les plus suspectes en imagerie par résonance et/ou PET scan, et d’autre part dans l’exérèse la plus complète possible sans induire toutefois de morbidité neurologique supplémentaire. En réduisant le volume tumoral, la chirurgie vise à réduire ou supprimer les signes neurologiques associés à l’effet de masse.

L’imagerie peropératoire par résonance magnétique nucléFigure 3: Tumeur extra-axiale: aire peut également améliorer Méningiome le geste chirurgical mais ne peut réduire les risques de morbidité neurologique dans les zones fonctionnelles. Dans les lésions situées au sein ou à proximité de zones éloquentes, seul le recours à la chirurgie éveillée avec mapping cortical peropératoire permet de réaliser l’exérèse chirurgicale tout en contrôlant l’état neurologique du patient.

Figure 6: Mapping cortical peropératoire lors d’une chirurgie éveillée: dans le cadre d’un astrocytome OMS grade II frontal gauche, en avant de l’aire de Broca.

En cas de lésion profonde, on se limite à la biopsie stéréotactique guidée par IRM, éventuellement couplée au PET scan.

Figure 4 : Principe de la biopsie stéréotactique : IRM en conditions stéréotactiques et fusion de l’imagerie par IRM et PET scan pour déterminer la zone de biopsie et les coordonnées de celle-ci; intervention sous anesthésie locale.

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Figure 5: Principe du guidage peropératoire par neuronavigation: dans le cadre d’un astrocytome anaplasique (OMS III) pariétal gauche attenant à l’aire de Wernicke.

Dans la majorité des cas, l’infiltration tumorale microscopique persiste sur une profondeur d’environ 2 cm du parenchyme cérébral péri-tumoral. Pour contrôler cette source de récidive tumorale, diverses techniques sont actuellement en cours d’investigation. La mise en place d’implants libérant progressivement un agent chimiothérapeutique, la lomustine, n’a pas démontré d’amélioration significative de la survie des patients. Un traitement par thérapie génique a démontré des résultats prometteurs en phase II et fait actuellement l’objet d’une étude en phase III avec utilisation d’un vecteur adénoviral administré par injection des parois de la cavité opératoire en fin d’intervention et visant à infecter les cellules tumorales résiduelles, de manière à leur transmettre un gène (transfection) afin de les rendre sensibles à des substances médicamenteuses comme les antiviraux. Les résultats sont actuellement en attente. Un traitement de la récidive locale également évalué de manière prospective dans une étude de phase II est la vaccination par cellules dendritiques produites au départ de globules blancs du patient et mises en contact avec les cellules de sa tumeur cérébrale afin de les sensibiliser.

visant l’exérèse complète dans la majorité des cas, à l’exception de certaines lésions infiltrant les parois des sinus veineux ou de la base du crâne.

La place de la chirurgie dans les gliomes récidivants est limitée par le caractère infiltrant et parfois multifocal de la récidive tumorale, rendant l’exérèse souvent impossible. De plus, la chirurgie seule s’avère toujours insuffisante vu la haute malignité des lésions, avec une survie moyenne de 2 mois après la ré-intervention. L’intervention chirurgicale n’est donc envisageable que dans le cadre de protocoles associant également des traitements adjuvants de 2e ou 3e ligne.

Figure 7: Image de récidive tumorale dans un glioblastome avec infiltration cérébrale diffuse.

Figure 8: Images de méningiomes respectivement localisés à la base avec hyperostose sévère (a), de la convexité pariétale (b), sphéno-temporal avec invasion du sinus caverneux gauche (c) et de la faulx avec infiltration du sinus sagittal supérieur (d).

Les tumeurs extra-cérébrales ou extra-axiales sont constituées principalement par les méningiomes, les schwannomes, les adénomes hypophysaires et les métastases. La majorité des méningiomes est localisée au niveau de la convexité crânienne mais ceux-ci affectent également la base du crâne, où ils peuvent présenter un caractère infiltrant également dénommé «en plaque». Le traitement de ces tumeurs est chirurgical,

Dans les lésions évolutives, le geste chirurgical doit être accompagné d’un traitement par radiochirurgie (irradiation focale stéréotactique en dose unique) ou par radiothérapie focale fractionnée, selon le volume à traiter (figure 9). Les schwannomes, tumeurs développées au départ des cellules assurant l’isolation des nerfs crâniens, concernent principalement la branche vestibulaire du nerf acoustique, et plus rarement le nerf trijumeau et les nerfs mixtes. Actuellement, les lésions de taille inférieure à 3 cm et n’occasionnant pas d’effet de masse sur le tronc cérébral sont traitées préférentiellement par radiochirurgie, seules les lésions présentant un volume tumoral plus important étant abordées chirurgicalement. 7

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Depuis quelques années, la chirurgie hypophysaire a été améliorée par la généralisation de l’abord endoscopique et l’utilisation de l’IRM peropératoire.

Le rôle de la chimiothérapie et des nouvelles drogues ciblées dans le traitement des gliomes Bart Neyns, Oncologie médicale, Hôpital Erasme ULB et Oncologisch Centrum UZ Brussel [email protected]

pie seule, la survie médiane passant de 12.1 à 14.6 mois, et le taux de survie à 2 ans de 10.4 à 26.5%) 9.

es gliomes cérébraux de grade OMS 2, 3 et 4 sont des tumeurs primitives du système nerveux central responsables de lésions dévastatrices et associées à une mortalité très importante. Ils sont résistants à la plupart des agents chimiothérapeutiques conventionnels utilisés pour traiter d'autres types de cancers. Jusque dans les années '90, aucun agent chimiothérapeutique ne figurait dans le traitement standard des gliomes. Pendant plus de 30 ans, le seul traitement consistait en l’exérèse chirurgicale la plus étendue possible sans induire de morbidité supplémentaire, suivie de radiothérapie. L’arrivée du Temozolomide, un agent alkylant, a modifié les stratégies thérapeutiques. Son activité a d’abord été démontrée dans le traitement des astrocytomes et des oligoastrocytomes anaplasiques (AA/AOA) récidivants, et dans une moindre mesure dans les glioblastomes (GBM) récidivants.

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Figure 9 : Principe de la Radiochirurgie.

Dans les métastases cérébrales, une intervention chirurgicale peut être proposée en cas de lésion solitaire, particulièrement en cas d’effet de masse et d’œdème associés, selon le pronostic du patient et le degré d’extension du cancer primitif. La radiochirurgie permet de traiter de manière peu invasive les lésions multiples jusqu’au nombre de 3.

Figure 11 : Unités d’IRM intra-opératoires.

À l’image de l’évolution médicale des dernières décennies, la neurochirurgie oncologique a été améliorée par l’intégration de techniques d’imagerie de plus en plus performantes tant sur le plan morphologique que fonctionnel, augmentant la précision du diagnostic et du geste chirurgical. Dans le cas de certaines tumeurs extra-cérébrales, l’exérèse chirurgicale est supplantée par la radiochirurgie. ■

Les adénomes hypophysaires représentent 8 à 10% des tumeurs intracrâniennes. Elles présentent un caractère histologique essentiellement bénin et sont le plus souvent responsables de troubles endocriniens et de troubles visuels. Les tumeurs pituitaires à ACTH, produisant la maladie de Cushing, ou à GH, provoquant de l’acromégalie, présentent toutefois un caractère récidivant nécessitant dans certains cas le recours à la radiochirurgie ou à la radiothérapie fractionnée du fait des troubles hormonaux rebelles associés.

Quelques références de lecture : – J. Pujol et al., Journal of Neuroimaging, 2008, Vol 18 N°1. – Picht T. et al., Acta Neurochir (Wien). 2006, 148(2):127-38. – L. Bello et al., Neurosurgery, 2006, 58(7): 115-125. – Nimsky C. et al., Acta Neurochir Suppl. 2006; 98: 87-95. – Duffau H et al., J Neurosurg. 2003, Apr; 98(4):764-78. – Black PMNeurosurgery 32 (4): 643-57, 1993. – Muacevic A. et al., Cancer, 2004, 100 (8): 1705-11. – M. Aghi et al., Neurosurg Focus 20 (4):E18, 2006. – A M Sonabend et al., Neurosurg Focus, 2006, 20 (4):E19. – Shinoda J. et al., 2001 Apr; 52(2):161-71.

Figure 10: Principe de l’abord endoscopique dans la chirurgie hypophysaire.

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© Piet Paulissen

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Une étude rétrospective a mis en évidence le rôle prédictif important de l’hyper-méthylation du gène promoteur de la O6-methyl’'ADN dans la survie des patients traités dans cette étude de la phase III 9. Une étude rétrospective a également démontré cette corrélation dans les récidives 10, 11. Le traitement par TMZ peut être intensifié de manière à augmenter l’exposition de la tumeur à cet agent, en utilisant des schémas thérapeutiques prolongés, passant d’une durée de 5 jours de TMZ tous les 28 jours, à 21 jours sur 28, et permettant d’administrer une quantité double de TMZ sans augmentation significative de la toxicité. Des résultats prometteurs ont déjà été rapportés dans des études non randomisées de phase II 11, 12.

Dans ces premières études, le taux de réponse objective pour les patients traités au moment d’une première récidive était respectivement de 35% dans les gliomes anaplasiques (AA/AOA) et de 5-8% dans les glioblastomes (GBM) 1, 2. Le taux de survie à six mois sans progression tumorale (PFS) de 64% et de 2118%, et la survie à six mois de 75% 3 et 60-46% respectivement pour les AA/AOA et les GBM 3, 4. En dépit de son activité modérée dans les GBM récidivants, un avantage a pu être démontré en termes de qualité de vie 5.

Une étude randomisée de phase III RTOG 0525, initiée en 2008, évalue l’effet du traitement par TMZ administré pendant 21 jours sur 28 chez les patients porteurs de GBM nouvellement diagnostiqué. Les résultats sont attendus dans un délai de 2 à 3 ans. Cette étude investigue également le rôle prédictif de l’état de méthylation du promoteur de la MGMT dans la réponse au TMZ 13. Dans un futur proche, des agents à action plus ciblée que les agents chimiothérapeutiques pourraient s’'avérer plus utiles dans le traitement des gliomes. Les gliomes malins sont en effet caractérisés par une néo-angiogenèse, qui peut constituer la cible pour des agents anti-angiogéniques. Dans plusieurs études de phase II, le Bevacizumab, un anticorps monoclonal antiVEGF, a démontré un effet marqué sur l’œdème tumoral et la reconstitution de la rupture de la barrière hémato-méningée. Le Bevacizumab pourrait également augmenter l’activité des drogues cytotoxiques administrées simultanément 14. Certaines nouvelles petites molécules visant les VEGFs et VEGFRs sont en cours de développement clinique, tel le Cediranib, un inhibiteur de la tyrosine kinase agissant sur plusieurs cibles, qui a démontré une activité chez des patients présentant une récidive tumorale et est actuellement évalué dans une étude de phase III (étude REGAL)15.

Au cours des années ‘90, la haute sensibilité à la chimiothérapie d’un type particulier de gliome, l’oligodendrogliome ou gliome mixte, a été mise en évidence, pour les nitrosourées (BCNU, CCNU), le Temozolomide et la combinaison de ProcarbazineCCNU-Vincristine (PCV). La sensibilité à la chimiothérapie a été identifiée comme correspondant à la co-délétion chromosomique touchant les chromosomes 1p et 19q des cellules tumorales. Aujourd’hui, ce marqueur permet d’identifier le sous-groupe des gliomes anaplasiques sensibles à la radiothérapie et à la chimiothérapie 6-8. Deux grandes études randomisées n’ont toutefois pu démontrer de bénéfice significatif associé à la chimiothérapie par PCV, que ce soit en proto-adjuvant ou en association à la radiothérapie dans les astrocytomes anaplasiques 7, 8. Le rôle du TMZ dans le traitement des astrocytomes anaplasiques non-porteurs de co-délétion 1p/19q est actuellement évalué dans le cadre du protocole CATNON, une étude EORTC de phase III. Une étude coopérative internationale portant sur les gliomes anaplasiques porteurs de la co-délétion 1p/19q sera bientôt lancée.

Le Cilengitide est un pentapeptide antagoniste du récepteur de l’intégrine alpha-v-beta-3 (αvβintegrin 3) /alpha-v-beta-5 (αvβ5) dont l’activité a été démontrée dans la récidive tumorale et qui est évalué dans une étude de la phase III dans les GBM nouvellement diagnostiqués (étude CENTRIC)16. Le récepteur à EGFR occupe un rôle important dans la biologie des gliomes. Des mutations et des amplifications ont été observées dans environ 30-40% des GBM et AA. La réponse aux inhibiteurs spécifiques de l’EGFR, telles les petites molécules comme l’Erlotinib et le Gefitinib, a cependant été décevante, n’offrant de réponse durable que dans une minorité de cas (gliomes présentant une mutation de l’EGFR mais avec le gène

La combinaison du TMZ et de la radiothérapie postopératoire standard a constitué un progrès majeur dans le traitement des GBM nouvellement diagnostiqués. Une étude phase III (EORTC 26981-22981/NCIC CE3) a démontré une survie globale supérieure pour le traitement concomitant par radiothérapie et TMZ suivi de 6 cycles de TMZ par rapport à la radiothéra-

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17. De nouveaux inhibiteurs de l’EGFR, plus efficaces, utilisés en combinaison avec des agents ciblés, agissant au niveau d'autres molécules importantes dans la biologie des gliomes (tels que le PI3K, mTOR, oncogène MET) seront étudiés dans un futur proche.

Les stratégies de vaccination, par cellules dendritiques autologues ou par vaccin par peptide anti-EGFRvIII, restent encore au stade expérimental, tout comme la thérapie génique mais sont toutes deux porteuses d’espoir pour le traitement des patients souffrant de gliomes. ■

Références 1. Brada M. et al., Ann Oncol, 2001. 12(2): p. 259-66. 2. Yung W.K. et al., Br J Cancer, 2000. 83(5): p. 588-93. 3. Yung W.K. et al., J Clin Oncol, 1999. 17(9): p. 2762-71. 4. Brandes A.A. et al., Ann Oncol, 2001. 12(2): p. 255-7. 5. Osoba D. et al., J Clin Oncol, 2000. 18(7): p. 1481-91. 6. Jenkins R.B et al., Cancer Res, 2006. 66(20): p. 9852-61. 7. Cairncross G. et al., J Clin Oncol, 2006. 24(18): p. 2707-14. 8. van den Bent M.J. et al., J Clin Oncol, 2006. 24(18): p. 2715-22. 9. Stupp et al., The Lancet Oncology, 2009: 459-66. 10.Sadones J. et al., Eur J Cancer, 2008. 11.Neyns B. et al., Cancer Invest, 2008. 26(3): p. 26. 12.Brandes A.A. et al., Br J Cancer, 2006. 95(9): p. 1155-60. 13.Hegi M.E. et al., J Clin Oncol, 2008. 26(25): p. 4189-99. 14.Vredenburgh J.J. et al., Clin Cancer Res, 2007. 13(4): p. 1253-9. 15.Batchelor, T.T. et al., Cancer Cell, 2007. 11(1): p. 83-95. 16.Reardon D.A. et al., Expert Opin Investig Drugs, 2008. 17(8): p. 1225-35, 17.Mellinghoff I.K. et al., N Engl J Med, 2005. 353(19): p. 2012-24.

Alex Michotte, Services de Neurologie et d’Anatomie pathologique (Neuropathologie), UZ Brussel [email protected] a classification des tumeurs du système nerveux central (SNC) selon les critères de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a comme principal mérite d’être acceptée et utilisée universellement. Cette classification distingue les tumeurs selon leur(s) cellule(s) d’origine supposée(s). Le diagnostic histologique précis d’une tumeur du SNC constitue en effet l’élément essentiel permettant de formuler un pronostic et de choisir l’option thérapeutique la plus appropriée. Des critères histopathologiques clairs sont nécessaires pour réaliser des études épidémiologiques et des essais thérapeutiques multicentriques. Les gliomes représentent le groupe le plus important, comprenant les astrocytomes, les oligodendrogliomes, les oligo-astrocytomes, les épendymomes, les tumeurs du plexus choroïde, les tumeurs neuronales et embryonnaires (entre autre le médulloblastome). Elle comprend également les tumeurs issues des méninges (méningiomes), des nerfs crâniens et racines nerveuses (neurinomes, neurofibromes), les tumeurs de la région sellaire, les tumeurs germinatives, les lymphomes primitifs du SNC et les tumeurs secondaires (métastases).

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Cette classification attribue aux tumeurs un grade de malignité (grading) permettant de se prononcer sur le comportement biologique de la tumeur. Quatre grades sont définis selon des critères histopathologiques simples. Les tumeurs de grades 1 et 2, dites de bas grade sont des tumeurs bien différenciées à croissance lente. Celles de grade 1 sont généralement bien circonscrites et leur traitement chirurgical peut dans certains cas être curatif. Les lésions de grade 2 sont diffuses, rendant souvent une exérèse totale impossible, avec risque de récidive. Une autre de leurs caractéristiques est leur transformation en lésion de haut grade (3 ou 4). Les lésions de grade 3-4 se caractérisent histologiquement par des foyers d’anaplasie présentant une activité mitotique plus élevée et donc une croissance plus rapide, avec présence au sein N°14 – OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009

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des lésions de grade 4 de foyers de nécrose et d’une prolifération endothéliale. Ces deux derniers critères histologiques ne constituent cependant pas des marqueurs absolus de malignité et peuvent se rencontrer occasionnellement au sein de tumeurs de bas grade tels les astrocytomes pilocytiques ou les méningiomes. Le prototype de la tumeur gliale de grade 4 est le glioblastome, constituant environ 20% des tumeurs cérébrales primaires, avec une survie moyenne d’un an. Les tumeurs de grade 3 peuvent présenter un caractère anaplasique d’emblée ou être issues de la transformation anaplasique d’une tumeur de bas grade. Certains critères cliniques et thérapeutiques peuvent également influencer la survie tels l’âge du patient, l’état clinique au moment du diagnostic, certaines caractéristiques radiologiques, l’étendue de la résection chirurgicale et l’effet des traitements complémentaires (radiothérapie, chimiothérapie).

altérations génétiques, telles des amplifications et des délétions, ont été identifiées, dans la genèse de certaines tumeurs et dans la transformation maligne de certaines d’entre elles. Certains marqueurs génétiques se sont révélés utiles tant sur le plan diagnostique que pronostique. L’amplification du gène EGFR est observée dans 40 à 50% des glioblastomes et dans 10% des astrocytomes anaplasiques. Des mutations de l’EGFR sont rencontrées dans environ 40% des glioblastomes, la variante III étant la plus fréquente retrouvée dans 20 à 50% des glioblastomes associés à une amplification du gène EGFR. Ces mutations ne possèdent toutefois pas de valeur pronostique dans les glioblastomes mais laissent présager un mauvais pronostic dans les astrocytomes anaplasiques, comparable à celui des glioblastomes. La recherche d’une amplification EGFR peut donc aider à différencier les astrocytomes anaplasiques des glioblastomes.

saire n’est pas clairement défini. Un autre exemple est celui d’une tumeur oligodendrogliale présentant de nombreuses mitoses, des foyers de nécrose et des signes de prolifération endothéliale marquée qui sera considéré par certains pathologistes comme un oligodendrogliome anaplasique (grade 3) et par d’autres comme un glioblastome avec différentiation oligodendrogliale (grade 4) (Figures 1, 2, 3). On a identifié au cours de ces dernières années l’impact de certaines altérations génétiques sur le pronostic. La biologie moléculaire s’avère d’une importance croissante pouvant aider au meilleur classement de certains cas. De nombreuses

Dans les oligodendrogliomes, une codélétion des chromosomes 1p et 19q causée par une translocation 19p-1q est l’altération génétique la plus fréquente, contrairement aux astrocytomes qui sont fréquemment le siège de mutations du gène p53. Il a été clairement démontré que tous les patients atteints d’un oligodendrogliome de grade 2 ou 3 présentant une codélétion 1p/19q répondent favorablement tant à la chimiothérapie par PCV (procarbazine, lomustine et vincristine) et temozolomide qu’à la radiothérapie. En revanche, la réponse à la chimiothérapie ne dépasse pas les 25% chez les patients sans cette altération génétique. La recherche d’une codélétion 1p/19q peut donc aider à identifier les patients sensibles à la chimiothérapie. Un autre marqueur prometteur est le MGMT (O6-methyl-guanidine-DNA-methyltransferase), une enzyme réparatrice assurant le maintien de l’intégrité de l’ADN. Elle protège les cellules tumorales contre l’effet d’agents alkylants (BCNU) et méthylants (TMZ, procarbazine). Selon une étude de l’EORTC, cette protection découle de la présence de la forme non méthylée de l’enzyme. Les patients porteurs d’un gène promoteur de la MGMT méthylé, semblent mieux bénéficier de l’effet combiné de la radiothérapie et de la chimiothérapie. En cas de confirmation par d’autres études, l’introduction du test dans la routine clinique permettrait de sélectionner parmi les patients atteints d’un glioblastome ceux qui pourraient bénéficier d’une radiothérapie avec chimiothérapie combinée. Un autre exemple d’application pratique de la biologie moléculaire est l’examen immuno histochimique démontrant l’inactivation du gène suppresseur de tumeursINI-1 (locus hSNF5/SMARCB1 sur le chromosome 22q11.2) permettant d’appuyer le diagnostic d’une tumeur rhabdoïde/tératoïde atypique, tumeur maligne rare de l’enfant.

Figure 1: Astrocytome fibrillaire de grade 2. Trichrome de Masson x 100 : densité cellulaire faible, atypies nucléaires, pas de mitoses, petite calcification (flêche).

Figure 2: Astrocytome anaplasique (grade 3). HE x 200. Foyer anaplasique : densité cellulaire et index mitotique élevé.

Au fil du temps et des éditions successives, la classification de l’OMS a incorporé de nouvelles entités histologiques et de nouvelles variantes, comme le gliome angiocentrique, la tumeur glioneuronale papillaire, la tumeur glioneuronale du 4e ventricule formant des rosettes, le pituicytome et le «spindle cell» oncocytome de l’adénohypophyse (grade 1), le neurocytome extraventriculaire et la forme atypique du papillome du plexus choroïde (grade 2), la tumeur papillaire de la région pinéale (grade 2-3). Malgré le fait que la classification histologique et le grading reposent sur des critères définis, l’établissement d’un diagnostic précis peut s’avérer difficile, même pour des neuropathologistes expérimentés, du fait du caractère qualitatif et non quantitatif des critères proposés. Le diagnostic présente un caractère subjectif et donc variable d’un pathologiste à l’autre, classiquement illustré par les problèmes de distinction entre une tumeur gliale diffuse de grade 2 et la transition vers une forme anaplasique (grade 3). La présence de mitoses reste déterminante pour départager les grades 2 et 3, mais le nombre minimal néces-

Il est clair que les progrès récents en biologie moléculaire et les avancées à prévoir dans un avenir proche joueront un rôle de plus en plus important dans la classification des tumeurs cérébrales et dans leur traitement. ■

Références Louis DN et al., Acta Neuropathol 2007, 114 : 97-109. Van den Bent MJ et al., J Neuropathol Exp Neurol 2007, 66 (12): 1074-1081. Scheithauer BW et al., Brain Pathology 2008, 18 : 307-316.

Figure 3: Glioblastome (grade 4). HE x 200. Tumeur hypercellulaire, polymorphisme cellulaire et nucléaire, activité mitotique élevée, nécrose (N) avec pseudopallissade périnécrotique (PP), prolifération endothéliale (PE).

The WHO classification of tumours of the central nervous system 4th Edition, edited by Louis DN, Ohgaki H, Wiestler OD, Cavenee WK. IARC, Lyon, 2007.

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DOSSIER NEURO-ONCOLOGIE Le rôle de la radiothérapie dans le traitement des tumeurs intracrâniennes Daniel Devriendt, Service de Radiothérapie, Institut Jules Bordet; Centre Gamma Knife de l’ULB, Hopital Erasme [email protected] es tumeurs intracrâniennes (TI) se composent 1° des tumeurs primitives du cerveau qui forment un ensemble hétérogène décrit par ailleurs dans ce numéro de JCancer et 2° des métastases cérébrales.

L

Les tumeurs primitives Vu leurs grandes hétérogénéités, un même algorithme thérapeutique ne peut être appliqué à l’ensemble des TI. Les traitements devront tenir compte du rapport bénéfices/effets secondaires à court et à moyen terme. Classiquement, les traitements reposent sur la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie. La chirurgie et la chimiothérapie ont été exposées par Christo Chaskis et Bart Neyns pages 6 et 9 respectivement de ce dossier Neuro-oncologie. La radiothérapie (RT) est le troisième pilier thérapeutique. Elle s’adresse à la plupart des tumeurs malignes ainsi qu’aux tumeurs bénignes évolutives après une chirurgie optimale ou résistantes aux anti-épileptiques. Lorsque la décision d’une radiothérapie est prise, sa mise en application comprend plusieurs étapes. La prise en charge au simulateur, destinée à confectionner un masque de contention, a pour but de mettre les repères correspondant aux volumes à irradier et de permettre la reproductibilité des divers champs d’irradiation; elle est suivie de la délimitation, sur le scanner de dosimétrie, des volumes à irradier ainsi que des volumes à protéger (les voies optiques, le tronc cérébral, les glandes parotides, les yeux…).

Les volumes irradiés prennent en compte le volume macroscopique (Gross Tumor Volume-GTV) pour couvrir le bourgeon tumoral ainsi qu’une couronne de 2 à 3 cm pour couvrir les cellules tumorales isolées, invasives (Clinical Tumor Volume-CTV) et enfin 5 à 7 mm pour l’imprécision des placements. On parle alors d’une radiothérapie «focalisée» sur le processus tumoral et donc d’une radiothérapie «partielle» du cerveau. Ce volume peut s’étendre à l’encéphale dans sa totalité pour les métastases cérébrales ainsi qu’à «l’axe crânio-spinal» qui englobe l’encéphale in toto et tout l’axe médullaire (couvrant ainsi tout le liquide céphalo-rachidien) pour les tumeurs à haut potentiel métastatique comme les médulloblastomes et les épendymomes anaplasiques (surtout du cervelet). La dose varie selon les pathologies traitées. Par exemple, dans les gliomes de haut grade de malignité, la dose totale est de 60 Gy avec des fractions de 1,8 à 2 Gy quotidiennes étalées sur une période totale de 6 à 6,5 semaines (30 x 2 ou 33 x 1,8 Gy). Pour les métastases cérébrales, le schéma le plus répandu est de 30 Gy avec des fractions quotidiennes de 3 Gy étalées sur 2 semaines (10 x 3 Gy). La RT a pour but de traiter de manière optimale le volume tumoral mais aussi de limiter au mieux les doses aux divers tissus sains de voisinage: les isodoses de rayons vont prendre la forme de la tumeur qui est définie comme une RT conformationnelle (dosimétrie en 3 dimensions). Grâce aux progrès de l’imagerie (IRM, Pet scan…), aux possibilités de les fusionner, aux algorithmes de calcul des plannings de dosimétrie, il est possible d’éviter au mieux le tissu sain. La radiothérapie en modulation d’intensité permet également d’atteindre cet objectif. Ces techniques de traitement peuvent être réalisées par des accélérateurs linéaires classiques munis de multilames qui permettent de s’adapter à la forme de la cible (GTV) en incluant un volume de sécurité pour la maladie microscopique (CTV). D’autres appareils permettent de réaliser ce type de radiothérapie: le «Novalis» qui est accélérateur linéaire modifié; la Tomothérapie hélicoïdale et le Cyberknife. Dans les gliomes malins, la RT suit généralement la chirurgie et est généralement focalisée. Le schéma le plus classique délivre une dose quotidienne à raison de 5 séances par semaine durant 5 à 6 semaines. La dose totale nécessaire varie généralement de 45 à 54 Gy pour les tumeurs bénignes (bas grade) et de 60 Gy pour les tumeurs malignes (haut grade). À ces doses, le risque de radionécrose est très faible. Plusieurs études cliniques ont démontré que la chirurgie suivie d’une RT peut être considérée comme le traitement standard des gliomes malins. Les résultats obtenus après RT seule sont modestes et l’association RT et chimiothérapie a été testée dans plusieurs études. Une seule a démontré que, dans les glioblastomes (et probablement dans les astrocytomes anaplasiques), le traitement concomitant associant la RT et le témozolomide est

Figure 1: Exemple d’une radiothérapie cérébrale in toto (RTC). Le volume rouge correspond au cerveau du patient qui est traité. Le contour jaune en escalier correspond aux lames qui ont pour but de bloquer les rayons et de protéger des structures comme les yeux (volume vert).

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supérieur à la RT seule en termes de survie médiane et de survie à 1 et 2 ans. Un sous-groupe de patients, dont le gène MGMT est méthylé,est plus sensible au témozolomide.

Les données cliniques de cet article sont, en partie, fondées sur les références bibliographiques suivantes: Walker MD. et al., J Neurosurg,1978; 49:333-43. Keine-Guibert F et al., N Engl J Med, 2007; 356:1527-35. Roa W et al., J Clin Oncol, 2004; 22:1583-8. Stupp R et al., N Engl J Med, 2005; 352:987-96. Mirimanoff RO et al., J Clin Oncol, 2006; 24:2563-9. Andrews DW et al., The Lancet, 2004; 363:1665-72. Aoyama H et al., JAMA, 2006; 295:2483-91.

Pour les tumeurs au potentiel métastatique connu comme les médulloblastomes, les épendymomes anaplasiques (surtout de la fosse postérieure) et pour certaines tumeurs germinales, la RT est parfois étendue à tout l’axe crânio-spinal. La prise en charge des tumeurs bénignes est moins codifiée et la RT n’est indiquée que si les signes neurologiques et les symptômes ne sont pas améliorés après chirurgie et/ou traitement médicamenteux. Une chimiothérapie est indiquée pour les oligodendrogliomes surtout si une délétion des chromosomes 1p/19q est mise en évidence sur la pièce opératoire. La radiochirurgie (RC) est une technique d’irradiation où la convergence de multiples faisceaux concentre la dose dans de petits volumes (idéalement < 3 cm) bien circonscrits. La RC est délivrée en une seule séance, en condition stéréotaxique, permettant de définir la position d'une structure grâce à un système de coordonnées dans l'espace. Son objectif est la protection maximale du tissu de voisinage. La plupart des lésions traitées sont bénignes et, parmi les tumeurs malignes, la métastase cérébrale constitue la cible idéale.

Figure 2: Illustration d’un traitement par Gamma Knife de MC multiples (6 flèches blanches visibles en vue sagittale) durant la même séance de RC.

Les métastases cérébrales La fréquence des métastases céré’'un cancer généralisé. Il s’agit le plus souvent de cancers pulmonaires (40-50%), de cancers mammaires (~15 %) et de mélanomes (~10%), Le traitement des MC repose sur la chirurgie, la RT, la radiochirurgie et la chimiothérapie. En l’absence de traitement, la survie médiane est de 1 mois ; elle double avec un traitement aux corticoïdes. La RT conventionnelle, quel que soit le fractionnement utilisé, permet des survies médianes de 4 à 6 mois et l’association chirurgie et RT double cette survie avec une médiane de l’ordre de 10 à 12 mois. La RT seule s’adresse généralement aux patients avec de multiples MC surtout si la maladie systémique est évolutive. Le fractionnement le plus utilisé est de 30 Gy répartis sur 10 séances et 2 semaines de traitement

Figure 3: Illustration d’une MC (encadré rouge) d’un cancer pulmonaire présentant une radionécrose asymptomatique à 6 mois du Gamma Knife, d’évolution spontanément favorable à 16 mois du traitement.

La radiochirurgie est particulièrement indiquée dans les métastases cérébrales, on peut l’administrer en cas de récidive postradiothérapie conventionnelle, l’associer d’emblée à la RT (boost), ou encore la donner directement en première ligne. Elle peut même être proposée à des patients qui ont été préalablement irradiés et répétée plusieurs fois. Cette technique offre les avantages d’une courte durée d’hospitalisation, de pouvoir traiter plusieurs MC le même jour, d’avoir un taux de complication très faible et une efficacité équivalente à une chirurgie suivi de RT. Le Basic Score of Brain Metastases, dérivé de la présence de trois facteurs pronostiques favorables, a montré, sur 263 patients avec plus de 700 MC traitées par Gamma Knife, que les survies médianes varient selon la valeur du score de 20 mois (3 facteurs présents) vs 11 mois (2 facteurs) vs 6 mois (1 facteur) et enfin 3 mois dans le plus mauvais groupe sans facteur de bon pronostic. Les patients présentant une tumeur cérébrale ont un pronostic sombre. Leur seule chance de meilleure survie est une approche structurée en terme de diagnostic et des traitement les plus appropriés à leur pathologie et délivrés selon les meilleurs standards. ■

Figure 4: Exemple d’une métastase cérébrale (flèche rouge) d’un mélanome traité par Gamma Knife. Par la suite, il y a une disparition de la prise contraste qui persiste sur le dernier contrôle réalisé à 100 mois (> 9 ans) du traitement radiochirurgical illustrant un excellent contrôle local à très long terme.

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RECHERCHE FONDAMENTALE Les fondements de la cancérisation : quelques implications pour les traitements

Bassam Badran

Arsène Burny

Bassam Badran, Arsène Burny, Laboratoire d’Hématologie expérimentale et Céline Mascaux, Service d’Oncologie thoracique, Institut Jules Bordet [email protected] es différentes cellules de nos organes se développent à partir de cellules mères peu différenciées (cellules souches) qui subissent des modifications successives pour acquérir les caractéristiques spécifiques de leur fonction de cellules différenciées : constituer des vaisseaux, produire des molécules d’anticorps, phagocyter des bactéries, … Après une période d’activité de longueur variable d’après le type cellulaire, des heures, des jours, des années, … la cellule du bout de lignage, celle qui travaille, cesse son activité et entre en sénescence. La sénescence, période de transition, précède la mort cellulaire, elle peut durer plusieurs mois et se caractérise par l’absence de nouvelles divisions cellulaires.

L

Les cellules cancéreuses n’entrent pas en sénescence, elles bifurquent vers l’immortalité et peuvent être cancéreuses dès le stade de cellules souches. Les cellules cancéreuses sont immortelles. De nombreuses altérations du matériel génétique ou de sa régulation d’expression peuvent conduire à l’état cancéreux. L’immortalisation est la première étape vers la cancérisation.

Les cellules sénescentes expriment les marqueurs β-galactosidase à pH6. D’autres marqueurs de la sénescence incluent les inhibiteurs de kinases p16 et p21 (kinases importantes dans la progression du cycle cellulaire; dans le cadre de cet article, les kinases sont des enzymes qui phosphorylent certains acides aminés sur la protéine substrat), l’inhibiteur de l’activateur du plasminogène (PAI-1), l’histone H2A phosphorylée, et les kinases CHK1 (pour checkpoint 1 kinase, agissant sur une protéine de la phase G2) et CHK2 (pour checkpoint 2 kinase, agissant sur une protéine de la phase G1) activées, bloquant le cycle

cellulaire en deux points de contrôle. Les cellules immortelles croissent en culture, ce qui n’est évidemment pas le cas des cellules sénescentes. De nombreuses kinases et phosphatases régulent le déroulement du cycle cellulaire. Les cellules malignes qui ont presque toujours perdu un ou plusieurs systèmes de réparation de l’ADN et qui, en plus, subissent un traitement qui altère efficacement la régulation du cycle cellulaire, perdent un ou plusieurs verrous du cycle cellulaire, se mettent à répliquer un génome très anormal et vont tout droit à la mort. Au moins 4 inhibiteurs dirigés contre des régulateurs du cycle cellulaire sont en essais de phase 1. Ils ont donné des résultats prometteurs en études précliniques. Ce genre d’approche pourrait être fort utile lorsqu’un cancer est devenu résistant à la chimio- ou la radiothérapie. Éviter la sénescence et acquérir l’immortalité est un prérequis dans le processus de transformation maligne. Il importe donc de mener une vaste étude des profils d’expression de gènes des divers types cellulaires normaux, sénescents et cancéreux de manière à identifier les voies métaboliques impliquées et les cibles que devraient viser les traitements. Six voies métaboliques principales mais interconnectées, jouant un rôle dans le choix de la cellule entre la sénescence et la cancérisation, sont connues. Ces voies concernent :

de mutations ponctuelles, de répressions épigénétiques… Il est clair que les voies de signalisation, impliquées dans le choix du chemin que prend une cellule à la bifurcation sénescence/ immortalisation, sont des voies fortement interpénétrées. Des analyses rigoureuses des gènes exprimés et de leur régulation éventuelle par des modifications de l’ADN, des protéines chromatiniennes et autres, des microARNs, permettront d’identifier les acteurs-clés de l’immortalisation, première étape vers la malignité.

• des gènes de la voie IGF (Insulin-like Growth Factor). Les IGFs, leurs récepteurs et les IGFBPs (IGF binding proteins, qui interagissent avec les IGFs et les empêchent d’interagir avec les récepteurs, ce qui bloque leurs effets). IGFBP5 induit une sénescence prématurée quand elle est surexprimée dans les cellules endothéliales de cordon ombilical; cette induction dépendrait de p53. En outre, cette même IGFBP5 semble inhibitrice de PAI 1 (Plasminogen Activator Inhibitor 1), ce qui pousserait vers l’immortalisation. Une même molécule a donc des effets différents d’après sa concentration, sa localisation cellulaire, ses modifications post-traductionnelles, …

Un exemple du rôle de l’environnement cellulaire est fourni par le myélome. Normalement, les cellules B stimulées par un antigène se différencient en plasmocytes, sécréteurs d’anticorps, un processus dépendant partiellement de IRF4 (Interferon Regulatory Factor 4), molécule sécrétée par ces mêmes lymphocytes B. Les cellules de myélome secrètent aussi IRF4 et ce dernier est un facteur de transcription, stimulant dans ces cellules la production de la protéine oncogène MYC. À son tour, celle-ci stimule la production d’IRF4, le tout formant une boucle d’autorégulation. Outre cet effet d’IRF4, l’instabilité génomique et les mutations d’oncogènes qui initient le processus de cancérisation (mutations primaires) ainsi que les mutations secondaires participent à la genèse du myélome. De manière intéressante, la déplétion d’IRF4 diminue l’expression de nombreux gènes y compris de l’oncogène MYC, allant jusqu’à la mort cellulaire. Ces résultats suggèrent qu’IRF4 pourrait s’avérer une cible de choix dans les traitements anti-myélomes. On pense évidemment aux microARNs anti IRF4, vu que les cellules B normales sont insensibles à IRF4. ■

• des gènes de la voie des MAP kinases (Mitogen Activated Protein kinases). Chose étonnante ici, des signaux envoyés par la protéine oncogène ras induisent, chez des fibroblastes, un arrêt de croissance qui ressemble à la sénescence. Cet effet est associé à une augmentation des concentrations des protéines p53 et p16 ou p21. • des gènes de la voie du stress oxydatif. On sait depuis longtemps que les dommages à l’ADN contribuent à induire la sénescence de fibroblastes en culture. Il semble bien que la protéine p53 puisse accroître le niveau des formes réactives de l’oxygène (ROS : Reactive Oxygen Species). Inhiber ces ROS via des antioxydants ne suffit pas pour empêcher la sénescence: p53, gardien du génome, est nécessaire pour permettre la réparation des lésions. Si les deux copies du gène p53 sont mutées, la cellule évolue spontanément vers l’immortalisation. Il est curieux de constater que l’évolution ait mis tellement de poids sur la seule p53 (surtout que celle-ci module aussi la production des microARNs, petits ARNs qui bloquent la traduction de certains ARN messagers ou en induisent la dégradation).

Bibliographie

En conclusion, tous les systèmes de sénescence/immortalisation étudiés jusqu’ici montrent que des gènes repris dans les voies énumérées ci-dessus sont impliqués. Les altérations conduisant à l’immortalisation sont le résultat d’un allongement (ou non raccourcissement) des télomères, de l’instabilité du génome,

Ashwell S. et al., Nature, 2009, 460, 529-533. Fridman AL et al., Oncogene, 2008, 27, 5975-87. Kuilman T. et al., Cell, 2008,133, 1019-1031. Acosta JC et al., Cell, 2008, 133, 1006-1018. Shaffer AL et al., Nature, 2008, 454, 226-31.

• des éléments régulateurs du cycle cellulaire comme les protéines p16, p21, pRB et p53. Les protéines p16 et p21 sont inhibitrices de kinases. P16 inhibe la phase G1, donc l’entrée dans le cycle de réplication de la cellule. P21 inhibe la progression du cycle au-delà de la phase G1. La protéine RB est le verrou majeur au déroulement du cycle ; elle est largement phosphorylée et cesse d’être active une fois le point de contrôle de la phase G1 franchi. P53 est le gardien du génome et met en route la machinerie de suicide cellulaire si le génome n’est pas intact ou correctement répliqué. • des gènes intervenant dans la formation et les remaniements du cytosquelette comme les gènes de la vimentine, de la fibronectine et de l’inhibiteur du plasminogène (ce dernier inhibe le clivage des adhérences focales). L’implication de cette famille de gènes et de leurs produits protéiques n’est pas étonnante étant donné les remaniements morphologiques qui accompagnent soit la sénescence, soit la transformation maligne.

• des gènes dépendant de l’interféron γ. C’est une découverte inattendue. Dans une lignée cellulaire immortalisée où 85 gènes sont rendus silencieux par la méthylation de l’ADN, 39 d’entre eux appartiennent à la cascade de l’interféron γ.

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SÉMINAIRE DU PROGRAMME DE SOINS EN ONCOLOGIE MULTISITE IRIS-BORDET-ERASME (PSOM) Les cancers tyrosines kinases dépendants Introduction Dans le cadre du Programme de Soins en Oncologie Multisite Iris-Bordet-Erasme (PSOM), le Bureau Commun a proposé, en 2008, d’organiser un cycle de 3 à 4 séminaires par année académique, sur le site des différents hôpitaux membres. L’objectif poursuivi est de stimuler les échanges scientifiques et de développer les collaborations de recherche clinique au sein du Réseau Cancer de l’ULB. Ces séminaires, annoncés dans ce journal, s’adressent tant au médecin spécialiste qu’au médecin généraliste, et devraient permettre à chacun de répondre à une question importante pour le développement de soins de qualité en oncologie : «que puis-je retirer des progrès actuels de la recherche scientifique et comment les intégrer à ma pratique quotidienne en oncologie?» Les questions d’ordre éthique, clinique, ou psychologique ont également leur place dans ce cycle. Les séminaires sont tous accrédités, notamment, en rubrique «économie et éthique». Les sujets choisis sont d’intérêt général et les exposés se veulent didactiques et accessibles aux non spécialistes du domaine. Après un sondage auprès des médecins, ces séminaires sont organisés le jeudi soir. Une collation, servie avant le séminaire, permet des échanges informels entre participants, dans une atmosphère détendue et conviviale.

Année académique 2008-2009 Un 1er symposium, organisé par A. Awada en novembre 2008, «Integration of moleculary biology advances into oncology clinical practice» a été intégré à ce cycle de séminaires et a rencontré un vif succès. Le deuxième a eu lieu à l’Hôpital Erasme en février 2009 (organisatrice : M. Marchand). Nous remercions les orateurs, qui ont bien voulu résumer ici leur présentation : Pierre Heimann, «Cancers tyrosine-kinase dépendants» et Marc Abramowicz, «Cancers héréditaires», dans le présent numéro de JCancer (n°14) et Isabelle Demeestere, «Fertilité et cancer» et Joëlle Nortier, «Néphrotoxicité des agents anti tumoraux», dans le numéro suivant (n°15). Un troisième séminaire a été organisé à l'Hôpital Brugmann en mai 2009, sur le thème «Aspects supportifs et traitements oncologiques» (organisateur : A. Efira).

Année académique 2009-2010 : Devant le succès rencontré par ces séminaires, le Bureau Commun du PSOM propose de poursuivre ce cycle en 2009-2010, et présentera d’ici peu le programme, qui débutera par un séminaire au CHU Tivoli (organisatrice : A. Leleux). Nous souhaitons que ces séminaires permettent de renforcer les collaborations déjà existantes et deviennent le creuset de nouveaux projets de recherche, originaux et fédérateurs. Professeur Jean KLASTERSKY Coordinateur du Programme de Soins Oncologiques Iris-Bordet-Erasme Docteur Marie MARCHAND Coordinateur du Programme de Soins Oncologiques Erasme

Pierre Heimann, Clinique de Génétique Oncologique, Service de Génétique médicale, CUB-Erasme et Laboratoire de Cytogénétique Hémato-Oncologique, Institut Jules Bordet [email protected] des pathologies tumorales associées à ces altérations génétiques s’accroît d’année en année, et concerne aussi bien les syndromes myéloprolifératifs (SMP) que les carcinomes de l’adulte ou certains cancers pédiatriques et tumeurs sarcomateuses (Table I).

n tant que médiateurs-clé dans la voie de signalisation cellulaire, les protéines tyrosines kinases (TK) jouent un rôle déterminant dans le contrôle de la prolifération cellulaire en participant à la transmission des signaux mitogènes ainsi que dans la survie (blocage de l’apoptose), l’intégrité et la migration cellulaire. Ces TK sont en position transmembranaire, constituant des récepteurs à des facteurs de croissance tels que le récepteur au facteur de croissance épidermique (EGFR) ou au facteur de croissance plaquettaire (PDGFR), ou bien en position intracytoplasmique comme les protéines ABL ou JAK2 par exemple. Leur activation est associée au transfert d’un groupement phosphate d’une molécule d’ATP vers des résidus tyrosine situés dans leur domaine catalytique (appelé «domaine kinase»). Cette phosphorylation déclenche un programme complexe de signaux dits de «transduction intracellulaire», se déplaçant du cytoplasme vers le noyau et entraînant la synthèse d’ADN et la croissance cellulaire par la voie des MAP-kinases ainsi que l’activation de la survie cellulaire et l’inhibition de l’apoptose par les voies d’activation d’AKT.

E

À l’heure actuelle, les SMP font l’objet d’une véritable classification moléculaire, complémentaire à la morphologie et basée sur les altérations génétiques affectant certaines protéines TK (voir Table I et sa légende). En dehors de leur intérêt diagnostique, les altérations des TK dans les pathologies néoplasiques constituent tout naturellement des cibles thérapeutiques privilégiées1, leur pouvoir oncogénique ayant été démontré in vitro en culture cellulaire et in vivo chez l’animal. Parmi les molécules capables de bloquer sélectivement cette activation oncogénique, on distingue les anticorps monoclonaux (mAc) (Trastuzumab, Cetuximab, Panitumumab, etc.) des petites molécules inhibitrices des tyrosines kinases (ITK) (Imatinib, Erlotinib, gefinitib, etc). Les premiers viennent bloquer le domaine extracellulaire des récepteurs tyrosine kinase, prévenant leur liaison aux facteurs de croissance tandis que les seconds ciblent le domaine kinase des TK en empêchant leur phosporylation par compétition avec l’ATP. L’action de ces deux types de molécules a pour conséquence potentielle de

Bien que l’activité des TK soit étroitement contrôlée dans la cellule normale, elles peuvent être la cible d’altérations génétiques – surexpression d’étiologie encore indéterminée, amplification génique ou mutation activatrice – conduisant à leur stimulation persistante et à la promotion de maladies prolifératives. La liste

Syndromes myéloprolifératifs

Cancers avec altérations génétiques de l’EGFR

Sarcomes

Leucémie myéloïde chronique

Carcinome bronchique non à petites cellules

Tumeurs Stromales Gastro-intestinales

BCR-ABL Polyglobulie vraie Thrombocythémie essentielle Myélofibrose primitive JAK2V617F

Carcinome colorectal Carcinome tête et cou

CKIT ou PDGFRα Dermatofibrosarcome protuberant COL1- PDGFRα

Carcinome pancréatique Gliome malin

Leucémie chronique à éosinophiles FIPIL1-PDGFR Leucémie myélomonocytaire chronique TEL-PDGFRß Mastocytose systémique CKITD816V

Plan de la nouvelle construction de l’Institut Jules Bordet, prévue pour 2015 sur le Campus universitaire d'Anderlecht.

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Table 1 : liste des principales pathologies tumorales associées à des altérations génétiques affectant des protéines tyrosines kinases. La colonne de droite reprend les SMP dont le classement se base actuellement sur les altérations génétiques affectant différentes TK. L’identification de ces marqueurs moléculaires constitue un outil diagnostique indispensable avec, comme exemple illustratif, la leucémie myéloïde chronique dont le diagnostic formel ne peut être établi qu’avec l’identification de l’oncogène chimérique BCR-ABL. La colonne centrale reprend les carcinomes associés le plus fréquemment à des altérations génétiques d’EGFR, que ce soit sous la forme d’une surexpression protéique, d’une amplification génique ou d’une mutation activatrice. Les gliomes malins sont cités comme tumeurs cérébrales démontrant une mutation d’EGFR et pouvant bénéficier d’une thérapie ciblant ce récepteur. La colonne de gauche reprend quelques tumeurs sarcomateuses sensibles à l’Imatinib Mésylate grâce à l’existence de mutations ponctuelles affectant CKIT ou PDGFRα ou bien à la formation d’un gène chimérique activant PDGFRα.

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consécutif du cycle cellulaire en phase G1, inhibition des propriétés angiogéniques et invasives des cellules cancéreuses, et déclenchement des mécanismes apoptotiques. Ces molécules potentialisent par ailleurs l’action des agents chimio et radiothérapeutiques lors de traitements combinés. Certains mAc comme le Cetuximab peuvent également accentuer leur effet thérapeutique en induisant une réponse immunitaire antitumorale ainsi qu’une internalisation et une dégradation des récepteurs tyrosine kinases ciblés.

L’Imatinib Mésylate (Glivec®), ITK dirigée contre l’oncoprotéine BCR-ABL, a révolutionné la prise en charge des patients atteints de LMC2. La réponse thérapeutique est d’emblée excellente pour plus de 80% des patients et si l’Imatinib ne guérit pas la maladie, il permet néanmoins de la contrôler et de la maintenir à de très faibles taux résiduels chez plus de 50% d’entre eux et ce pendant plus de 5 ans.

Un tel succès n’a pas été obtenu avec les traitements ciblant l’EGFR dans les carcinomes de l’adulte, et ce sont des paramètres génétiques qui rendent partiellement compte de cette différence d’efficacité. En effet, l’émergence d’une LMC en phase chronique dépend essentiellement de l’oncogène chimérique BCR-ABL dont la forte activité tyrosine kinase peut être efficacement annihilée par le Gleevec. À l’opposé, le développement d’une tumeur carcinomateuse fait appel à un ensemble complexe d’altérations génétiques pouvant, pour un même type morphologique, varier d’un patient à l’autre. En raison de cette hétérogénéité génétique, l’efficacité d’une thérapie ciblant une voie métabolique régulée par des protéines tyrosines kinases sera variable parmi les patients traités, voire absente. La recherche d’un profil d’altération génétique individuel et prédictif d’une réponse tumorale aux agents anti-TK serait donc utile à réaliser chez tout patient susceptible de bénéficier de ces traitements compte tenu de leurs coût et effets secondaires non négligeables. Cette nécessité est particulièrement bien illustrée par le carcinome bronchique non à petites cellules (NSCLC) et le carcinome colorectal (CCR).

La surexpression de l’EGFR dans 50% des NSCLC fait de ce récepteur une cible thérapeutique idéale chez les patients présentant une tumeur au stade avancé et réfractaire à la chimiothérapie. Des réponses objectives aux ITK ciblant l’EGFR (le gefinitib et l’erlotinib) ne surviennent cependant que chez 10% des patients, mais ces réponses s’observent essentiellement chez des patients non fumeurs, de sexe féminin, d’origine asiatique et atteints d’un adénocarcinome de sous-type bronchioalvéolaire 3. L’étude moléculaire de ces tumeurs bronchiques a ensuite révélé que la grande majorité des répondeurs exhibent des mutations activatrices du site catalytique de l’EGFR au niveau des exons 18 à 21 (mutation ponctuelle, délétion ou insertion nucléotidiques observées chez environ 80% des patients répondeurs), faisant de ce profil mutationnel un facteur prédictif de la réponse aux ITK. Cette bonne réponse peut s’expliquer par une meilleure sensibilité de l’EGFR muté aux ITK ; l'inhibition étant atteinte avec des doses thérapeutiques 10 à 100 fois inférieures à celles nécessaires pour le récepteur normal. Elle est également liée à la «dépendance oncogénique», phénomène par lequel la prolifération, mais surtout la survie d’une cellule tumorale vont entièrement dépendre de la seule voie activée par la mutation oncogénique, et le simple blocage de cette voie déclenchera une apoptose tumorale marquée.

nécessaires à la propagation des signaux de prolifération du cytoplasme vers le noyau. Une mutation activatrice de K-RAS (mutation ponctuelle au niveau des codons 12, 13 ou plus rarement 61 de l’exon 2) induira une stimulation permanente des MAP-kinases, court-circuitant la fonction de l’EGFR et rendant inefficace toute thérapie ciblant ce récepteur. Son incidence élevée dans le CCR métastatique (environ 50% des cas) contribue au faible succès des mAC comme le Cetuximab ou le Panitumumab dans le traitement d’un cancer connu pour surexprimer l’EGFR. La mutation K-RAS constitue donc un puissant paramètre moléculaire prédictif d’une résistance de novo à la thérapie anti-EGFR, et son identification au sein de la tumeur est devenue une pratique obligatoire chez tout patient pouvant potentiellement bénéficier de cette thérapie 5. En conclusion, les altérations génétiques des TK dans les cancers constituent des marqueurs diagnostiques mais également des cibles thérapeutiques privilégiées. Compte tenu de leurs coût et effets secondaires non négligeables, l’optimalisation des traitements ciblant les TK passe néanmoins par l’étude du profil d’altération génétique individuel et prédictif de la réponse tumorale chez tout patient susceptible d’en bénéficier. ■

À l’opposé, l’absence de réponse tumorale aux ITK est associée à la présence d’une mutation du gène K-RAS observée chez à peu près 20% des patients fumeurs 4. K-RAS constitue une protéine intermédiaire dans la voie de signalisation initiée en amont par l’EGFR et agit comme «commutateur moléculaire» dans le recrutement et l’activation des protéines MAP kinases

Références 1. 2. 3. 4. 5.

Ciardello F, Tortora G., N Engl J Med 2008;358 (11):1160-74. Druker BJ et al., N Engl J Med. 2006; Dec 7;355 (23):2408-17. Sharma SV et al., Nat Rev Cancer 2007;7 (3):169-81. Linardou H et al., Lancet Oncol. 2008; Oct 9 (10):962-72. van Krieken JH et al., Virchows Arch. 2009; Feb;454(2):233-5.

La liaison d’un ligand (facteur de croissance) à son récepteur transmembranaire (EGFR dans l’illustration) induit une activation de ce récepteur par homo- ou hétéro-dimérisation. Cette activation est associée au transfert d’un groupement phosphate d’une molécule d’ATP vers des résidus tyrosine ( pY) situés dans le domaine catalytique intracytoplasmique (appelé «domaine kinase») de ce récepteur (EGFR-TK). Cette phosphorylation déclenche un programme complexe de signaux dits de «transduction intracellulaire» incluant les voies des MAPkinases (voie RAS/RAF-MEK-MAPK), d’AKT (PI3K-AKT) et de STAT. L’activation de ces voies conduit in fine à la survie cellulaire par inhibition de l’apoptose, à la prolifération cellulaire et à d’autres effets associés à la carcinogenèse (néo-angiogenèse, invasion et processus métastatique, etc). Les ITK dirigées contre l’EGFR ciblent son domaine kinase (indiqué par un rectangle blanc). Figure tirée de Herbst et al.: «Gefitinib – a novel targeted approach to treating cancer» in Nature review cancer 2004 Dec;4(2): 956-965.

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SÉMINAIRE DU PROGRAMME DE SOINS EN ONCOLOGIE MULTISITE IRIS-BORDET-ERASME (PSOM) Cancers héréditaires Marc Abramowicz, Génétique médicale, Hôpital Erasme et Institut Bordet [email protected]

es analyses d’ADN permettent de déterminer, chez certains sujets asymptomatiques, le risque (cumulé sur la vie entière) de développer un cancer particulier, par exemple un cancer du côlon. De tels tests génétiques pré-symptomatiques, c’est-à-dire pratiqués avant l’apparition des symptômes, ne se réalisent pas (encore) d’emblée dans le cadre d’un dépistage général. Il faut au préalable évaluer, sur base clinique, la probabilité d’une forme héréditaire de cancer dans la famille du sujet consultant, en se basant sur l’histoire familiale étendue et la nature des tumeurs chez les malades de la famille du consultant, et surtout identifier la mutation responsable chez un apparenté malade.

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Voici quelques données générales relatives aux prédispositions génétiques des cancers. Il faut distinguer le sous-groupe de cancers véritablement héréditaires parmi l’ensemble des cancers familiaux. Les premiers ne représentent qu’une minorité des cas familiaux. On estime que 5-10% des cancers du sein, comme 5-10% des cancers colorectaux, et probablement une fraction similaire d’autres types de cancer (plus pour certains, moins pour d’autres), sont héréditaires, c’est-à-dire qu'ils résultent d’une prédisposition génétique monofactorielle, autrement dit monogénique, c’est-à-dire causée par la mutation d’un seul gène. L’hérédité d’une telle prédisposition sera donc simple, typiquement dominante autosomique. Les exemples classiques du rétinoblastome ou de la polypose adénomateuse colique illustrent bien ce concept. Un sujet porteur d’une mutation héréditaire du gène APC (Adenomatous Polyposis Coli), responsable de la polypose adénomateuse, présentera un risque de cancer colorectal >99%, avec un âge médian au début des symptômes d’environ 40 ans. Les enfants d’un tel patient auront chacun 50% de risque de porter la même mutation. Le test génétique pré-symptomatique peut être pratiqué chez chacun d’eux à condition que la mutation familiale soit préalablement identifiée chez le sujet malade. La moitié des sujets apparentés, non porteurs de la mutation, pourront ainsi éviter des colonoscopies de surveillance itératives. L’autre moitié pourra bénéficier d’une chirurgie prophylactique. Il semble que des sujets dont le risque est a priori de 50% pourraient être réticents à se soumettre à une surveillance colonoscopique annuelle ou bisannuelle, alors qu’ils l’accepteraient pleinement s’ils se savaient à risque >99% de cancer colorectal précoce, même si cette question n’a pas fait l’objet d’une étude ciblée. La polypose colique héréditaire (présence de plus de 100 polypes adénomateux synchrones) est assez facile à reconnaître, et l’immense majorité des cas résulte de la mutation du même gène APC. Chaque famille cependant portera une mutation différente de ce gène, et la mise en évidence de cette mutation demandera une étude systématique du gène, qui est longue et coûteuse. Une fraction encore importante des mutations (20-30%) échappe aux techniques d’analyse de l’ADN: ceci explique pourquoi la mutation familiale doit d’abord être recher-

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chée et identifiée chez le malade avant de pouvoir proposer un conseil génétique avec test génétique pré-symptomatique à ses enfants et neveux, sous peine de résultats faussement négatifs. Des faux positifs existent également : l’analyse génétique peut mettre en évidence un polymorphisme génétique sans conséquence clinique, parfois impossible à distinguer d’une véritable mutation prédisposant au cancer. Toujours dans l’exemple du cancer colorectal, la polypose n’en représente qu’1% des cas. La forme dite non polyposique de cancer colorectal héréditaire, HNPCC (Hereditary Non-Polyposis Colorectal Cancer), ou syndrome de Lynch, en représente 5-10%. La difficulté sera de reconnaître de tels cas. En effet, l’aspect du côlon et l’histologie des tumeurs sont banals. Contrairement à la polypose, qui est presque toujours causée par le même gène APC, trois gènes différents peuvent causer l’HNPCC. De très nombreuses mutations familiales différentes ont été rapportées dans ces grands gènes, et il y a presque autant de mutations différentes que de familles présentant une prédisposition héréditaire HNPCC. De plus, la pénétrance de l'HNPCC est incomplète, c’est-à-dire qu’une fraction des sujets porteurs de la mutation ne développera pas le cancer, ce qui peut masquer l’hérédité familiale de la mutation. Certains porteurs de la mutation familiale développeront au contraire des cancers d’autres sites (endomètre, ovaire, bassinet rénal, cerveau)… Vu le coût et la durée des analyse génétiques, qui sont encore alourdies ici par le fait que n’importe lequel des 3 gènes peut causer cette prédisposition (donc trois analyses génétiques indépendantes à pratiquer), il est impossible de proposer l’analyse d’emblée à tout nouveau cas de cancer colorectal. En pratique, deux types de critères peuvent guider l’indication de l’analyse génétique. Les critères cliniques, dits d’Amsterdam, évaluent la probabilité d’une forme héréditaire dans la famille : au moins trois apparentés atteints, sur au moins deux générations, dont au moins 1 âgé de moins de 50 ans au moment du diagnostic de cancer invasif. D’autres critères cliniques ont étés proposés. Une fois ces critères présents, il sera justifié de pratiquer une prise de sang pour recherche d’une mutation héréditaire chez un sujet atteint de la famille considérée. Les critères de Bethesda impliquent une anomalie biochimique qui se recherche dans la tumeur elle-même. Cette anomalie se caractérise par un type particulier d’instabilité globale du génome, qui reflète la voie de tumorigenèse typique des tumeurs résultant de la prédisposition HNPCC: l’instabilité des microsatellites. L’analyse consiste à extraire l’ADN de la tumeur (prélèvement frais de type ‘extemporané’) et à le comparer à l’ADN constitutif (leucocytaire) du patient. Une approche immunohistochimique de la tumeur est également possible mais est moins sensible et moins spécifique que l’analyse génétique de l'instabilité des microsatellites.

4. Revoir le patient en consultation de génétique pour lui annoncer le résultat. Si la mutation est présente, le référer aux consultations adéquates pour établir une stratégie de surveillance du cancer à risque. Assurer le suivi psychologique.

De nombreux autres types de prédispositions héréditaires monogéniques du cancer sont reconnaissables : cancer héréditaire du sein et de l’ovaire (gènes BRCA1 ou BRCA2), syndrome de néoplasies héréditaires multiples (Multiple Endocrine Neoplasia; MEN), syndromes de Li-Fraumeni, de Cowden, de Peutz-Jeghers, …

Ceci est un exemple d’une famille atteinte de polypose adénomateuse .

En pratique, la consultation d’oncogénétique permettra de poser ou de confirmer le diagnostic de tels syndromes héréditaires et de lancer l’analyse d’ADN adéquate chez les malades. Dans un second temps, la même unité d’oncogénétique pratiquera le conseil génétique chez les apparentés asymptomatiques à risque, préalablement au test génétique pré-symptomatique. Tout ceci se fera souvent, comme expliqué plus haut, au départ de la demande d’un sujet en bonne santé mais qui se sait à risque en raison de ses antécédents familiaux. Les autres cas, nombreux, de cancers familiaux mais non héréditaires résultent d’une prédisposition génétique réelle mais plus modeste, et complexe car multigénique. Dans de tels cas, les risques pour la descendance des malades sont nettement moindres que dans les formes véritablement héréditaires, et seront abordés de façon empirique car les causes multigéniques ne sont pas encore accessibles aux analyses génétiques de routine. La consultation de génétique (hérédo-oncologie) devra bien entendu aider à distinguer ces formes familiales des formes héréditaires. Patient asymptomatique avec antécédents familiaux de cancers : étapes de l’approche génétique :

Les symboles barrés représentent les sujets décédés. La flèche indique le cas index (proband), un homme admis pour cancer colique invasif à 48 ans, sur fond d'innombrables adénomes coliques. La consultante (c) est sa fille (25 ans), qui a 50% de risque de porter la mutation prédisposante du gène APC. Ses frère et sœur ont également 50% de risque. L’analyse de l’ADN leucocytaire du proband montre la mutation Glu893stop du gène APC. Cette mutation tronquante est clairement la cause de la polypose. Un test génétique présymptomatique est donc à présent possible chez la consultante et les autres apparentés à risque, afin de préciser si leur risque de polypose est >99.9% ou
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