Le syndrome de Lemierre : à propos d`un cas

June 12, 2018 | Author: Anonymous | Category: Science, Médecine
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Rev Mar Mal Enf 2013; 31 : 50-59

Le syndrome de Lemierre : à propos d’un cas G. Draïss, L. El Idrissi-Raja, N. Rada, M. Bourrous, M. Bouskraoui Service de Pédiatrie A, CHU Mohammed VI, Université Cadi-Ayyad, Marrakech

Le syndrome de Lemierre a été décrit pour la première fois en 1900 par Courmont et Cade, mais a été mieux étudié par Lemierre en 1936 [1]. Il s’agit d’une pathologie rare associant une thrombose de la veine jugulaire interne et des localisations septiques secondaires essentiellement pulmonaires, suite à une infection oropharyngée, le plus souvent à germes anaérobies. Ce tableau clinique est rarement complet, rendant le diagnostic difficile et retardant le traitement. L’objectif de notre travail est de rappeler la pathogénie, la clinique et le traitement du syndrome de Lemierre. Nous rapportons l’observation de l’enfant A.A., âgé de 12 ans, en bonne santé jusqu’à présent, issu d’un mariage non consanguin, ayant comme antécédents une otite moyenne aiguë et un abcès dentaire mal traités quinze jours avant son hospitalisation. L’enfant s’était présenté aux urgences pour des douleurs cervicales intenses associées à des céphalées, une otorrhée purulente et une otalgie apparues depuis deux jours, le tout évoluant dans un contexte de fièvre et d’amaigrissement non chiffrés. L’examen clinique au moment de la consultation avait mis en évidence une fièvre à 38°, une altération de l’état général ainsi qu’une tuméfaction cervicale spontanément douloureuse. L’enfant ne présentait pas de syndrome méningé. L’examen ORL réalisé sous microscope a montré une otite moyenne chronique avec atteinte cholestéatomateuse. Le bilan biologique a objectivé un syndrome inflammatoire avec une protéine C-réactive (CRP) à 265,8 mg/l et des globules blancs à 9.000/mm3, à prédominance de polynucléaires neutrophiles. Les hémocultures étaient stériles et le bilan d’hémostase n’a pas montré d’anomalie. Une radiographie thoracique a objectivé de multiples opacités nodulaires au niveau de l’hémichamp pulmonaire gauche (Fig.1). L’échographie cervicale avec doppler a révélé une thrombose de la veine jugulaire interne (VJI) gauche d’origine infectieuse, avec une VJI non compressible, à contenu échogène épais, siège de bulles d’air et ne s’allumant pas au doppler couleur (Fig.2). Une TDM cérébro-cervicale et thoracique a alors été demandée (Fig.3,4,5), et a objectivé une thrombose de la veine jugulaire interne gauche

Fig.1. Multiples opacités alvéolaires au niveau de l’hémi-champ pulmonaire gauche.

Fig.2. Thrombose de la veine jugulaire interne gauche, avec VJI à contenu échogène épais, et ne s’allumant pas au doppler couleur.

étendue au sinus sigmoïde, un abcès rétro-pharyngien, une oto-mastoïdite et de multiples formations kystiques intéressant les deux champs pulmonaires, réalisant un aspect de bronchectasie kystique. Devant le tableau clinique de cet enfant (fièvre avec infection de la sphère ORL) et la présence d’une thrombose de la VJI associée à des emboles pulmonaires, le diagnostic de syndrome de Lemierre a été posé. Un bilan d’extension a donc été demandé : l’échographie abdominale a objectivé une splénomégalie multinodulaire avec lithiase vésiculaire, l’échocardiographie a montré une limitation de la fonction du VG avec une fraction d’éjection à 49%, sans péricardite ni endocardite ni thrombus. L’examen ophtalmologique n’a pas révélé d’anomalie. L’enfant a

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Fig.3. Thrombose de la veine jugulaire interne gauche et abcès rétropharyngien.

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Fig.4. Thrombose de la VJI étendue au sinus sigmoïde.

reçu une antibiothérapie à large spectre, par voie intraveineuse, à base de ceftriaxone 100 mg/kg/j et de metronidazole 40 mg/kg/j pendant 3 semaines. Le relais per os s’est fait par de l’amoxicilline-acide clavulanique 80 mg/ kg/j et du metronidazole 40 mg/kg/j pendant 3 semaines supplémentaires. Des gouttes auriculaires d’ofloxacine ont également été prescrites pendant 10 jours. Une héparinothérapie de bas poids moléculaire à raison de 1 mg/ kg/12h en sous-cutané pendant 6 semaines a été préconisée (avec contrôle du taux de plaquettes une fois par semaine). L’enfant a été mis sous traitement antalgique, en respectant les trois paliers : le paracétamol, puis la codéine et enfin la morphine en dernier recours vu la persistance des douleurs cervicales. Une prise en charge chirurgicale de l’otite chronique est prévue prochainement. L’hospitalisation a duré 22 jours. L’évolution a été marquée par une nette amélioration clinique et l’apyrexie a été obtenue dès le troisième jour d’hospitalisation. Le contrôle échographique de la thrombose a objectivé une veine jugulaire interne gauche ratatinée, avec disparition de la thrombose. L’incidence du syndrome de Lemierre a très nettement régressé depuis l’avènement de l’antibiothérapie. Il s’agit d’une complication sévère des infections ORL non ou mal traitées atteignant typiquement le sujet jeune immunocompétent, comme c’était le cas dans notre observation. Il est néanmoins conseillé de systématiquement rechercher un déficit congénital de la coagulation. Le syndrome de Lemierre a été décrit chez des enfants, des adolescents ou des jeunes adultes en bonne santé, avec une prédominance masculine [2]. Le plus jeune patient rapporté dans la littérature est un nourrisson de 2 mois en bonne santé [3]. Des conditions prédisposantes,

Fig.3. Multiples formations kystiques intéressant les 2 champs pulmonaires, réalisant un aspect de bronchectasie kystique.

comme une infection récente à Ebstein-Barr virus (EBV) ou au cytomégalovirus, ont été décrites [4]. Le tableau clinique associe une fièvre, des cervicalgies et des signes respiratoires (toux, dyspnée), avec une notion d’infection de la sphère ORL dans les jours précédents (angine ou otite) [5,6]. Celle-ci précède typiquement de six à huit jours la thrombose des veines jugulaires et la septicémie, et peut avoir disparu lors de la survenue des complications. Le bilan biologique montre habituellement un syndrome inflammatoire non spécifique avec une élévation des globules blancs, de la CRP et de la fibrine [7]. La principale bactérie impliquée est un Gram-négatif anaérobie appartenant à la famille des Bacteroidaceae [4]. Il doit sa virulence à la sécrétion de liposaccharides, d’hémolysines, de lipases et de leucotoxines, favorisant ainsi la création d’un site infectieux anaérobie, empêchant la migration des leucocytes et stimulant une agrégation plaquettaire. Nous n’avons pas mis en évidence de septicémie à germe anaérobie et plus particulièrement à Fusobacterium necrophorum (FN), comme rapporté initialement par Lemierre. Ceci peut être lié aux difficultés d’isolement de ce germe. D’autres microorganismes ont été identifiés dans le syndrome de Lemierre, comme le F. nucleatum, le F. Mortiferum, le Streptococcus constelletus, l’Haemophilus influenzae et le Streptocoque du groupe A [8]. Le diagnostic repose sur l’échographie-Doppler qui montre une veine distendue, non compressible et à contenu échogène. Cependant, la confirmation diagnostique est réalisée grâce à la TDM cérébro-cervicale qui évalue également l’étendue de la thrombose. Un bilan d’extension demeure nécessaire, notamment une imagerie cérébrale, pulmonaire, cardiaque, abdominale et ostéo-articulaire. Le traitement repose sur une antibiothérapie dirigée contre les anaé-

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robies pour une durée de 6 semaines (2 à 3 semaines en intraveineux puis relais per os). Le FN est sensible à la pénicilline, la clindamycine, le metronidazole et les céphalosporines. On trouve une résistance naturelle aux aminosides et glycopeptides [9]. L’utilisation d’antibiotiques résistants à la bêtalactamase est recommandée à cause de la production de cette enzyme par le FN. L’anticoagulation est débattue, mais recommandée par de nombreux auteurs, plus particulièrement en pédiatrie car elle pourrait réduire la durée d’évolution de la thrombose [10]. Le traitement chirurgical (ligature de la veine jugulaire, drainage des abcès) doit être réservé aux situations d’échec du traitement médical [11]. L’évolution de ces patients est en général favorable, mais une étude a observé la persistance d’une thrombose de la VJI pendant 3 à 6 mois dans 44 % des cas [12]. Références 1.

Lemierre A . On certain septicemias due to anaerobic organisms. Lancet. 1936; 40: 701-3. 2. Ramirez S, Hild TG, Rudolph CN et al. Increased diagnosis of Lemierre syndrome and other Fusobacterium necrophorum infections at a children’s hospital. Pediatrics. 2003, 112: e380. 3. Litterio MR, Soto AE, Aguirre CB et al. Lemierre’s syndrome: case report in a paediatric patient. Anaerobe. 2004, 10: 151-4. 4. Nadkarni MD, Verchick J, O’Neill JC. Lemierre syndrome. J Emerg Med. 2005, 28: 297-9. 5. Godio M, Ceschi A. Une angine particulière : à propos d’un cas de syndrome de Lemierre. Schweiz Med Forum. 2003, 31: 731-4. 6. Golpe R, Marin B, Alonso M. Lemierre’s syndrome (necrobacillosis). Postgrad Med J. 1999, 75: 141-4. 7. Passalidou P, Berlioz M, Bailly C et al. Syndrome de Lemierre : une infection oro-pharyngée compliquée. Arch Pediatr. 2008, 15 : 1775-8. 8. Blumberg D, Bianchetti MG. Lemierre syndrome caused by group A streptococci. Pediatr Infect Dis J. 2007, 26: 1075. 9. Lechtenberg KF, Nagarja TG, Chengappa MM. Antimicrobial susceptibility of Fusobacterium necrophorum isolated from bovine hepatic abcesses. Am J Vet Res. 1998, 59: 44-7. 10. Riordan T. Human infection with Fusobacterium necrophorum (Necrobacillosis), with a focus on Lemierre’s Syndrome. Clin Microbiol Rev. 2007, 20: 622-59. 11 Even Tov E, Leiberman A, Shelef I, Kaplan DM. Conservative nonsurgical treatment of a child with otogenic lateral sinus thrombosis. Am J Otolaryngol. 2008, 29: 138-41. 12. Goldenberg NA, Knapp-Clevenger R, Hays T et al. Lemierre’s and Lemierre’s-like syndromes in children: survival and thromboembolic outcomes. Pediatrics. 2005, 116: 543-8.

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Pseudo-hypoaldostéronisme type I a : une nouvelle observation N. Elhattab, M. Lehlimi, M. Chemsi, A. Habzi, S. Benomar Service de Néonatologie et de Réanimation Néonatale, Hôpital d’Enfants A. Harouchi, Casablanca

Le pseudo-hypoaldostéronisme (PHA) type I a été décrit pour la première fois par Cheek et Perry en 1958. C’est une affection congénitale rare, génétiquement hétérogène, de résistance aux minéralo-corticorticoides [1]. L’expression clinique est variable avec l’existence de formes totalement asymptomatiques à l’origine d’une prévalence sous-estimée. Nous rapportons l’observation d’un nouveau-né de sexe féminin, née de parents consanguins de premier degré, sans antécédents particuliers, admis initialement à H41 de vie pour détresse respiratoire transitoire. Elle est le troisième enfant d’une fratrie de trois, tous bien portants. La grossesse était mal suivie, avec présence d’un hydramnios. L’accouchement a eu lieu par voie basse. L’examen clinique était normal en dehors d’un retard de croissance harmonieux avec un poids de naissance de 1600 g, une taille de 41 cm et un périmètre crânien de 31 cm, sur un terrain de prématurité estimée a 34 SA selon le score de Farr. L’évolution a été marquée par l’apparition à J10 de vie d’un tableau clinique associant déshydratation, vomissements, hypotonie axiale et stagnation pondérale, sans anomalie clinique de différenciation sexuelle. Le bilan biologique a mis en évidence une hyponatrémie à 129 meq/l, une hyperkaliémie à 7,04 meq/l, avec une hypernatriurèse à 42 mmol/l. Devant le syndrome de perte de sels biologique, une hyperplasie congénitale des surrénales a été suspectée, justifiant le dosage de la 17-hydroxy-progestérone qui s’est révélé normal. Le dosage de l’aldostérone à 6478 pg/l et l’activité rénine plasmatique à 722 pg/l étaient élevés. L’échographie rénale étant normale, le bilan biologique a conforté le diagnostic de pseudohypoaldostéronisme. La supplémentation sodée à raison de 5 mEq/kg/j a permis une normalisation rapide du bilan ionique. Au cours de l’hospitalisation, la tentative d’arrêt de la supplémentation sodique a perturbé le bilan hydro-électrolytique. Ainsi, la supplémentation sodée des biberons a été maintenue jusqu’à l’âge de 6 mois. Actuellement, la patiente est âgée de 12 mois. Son état général est bon, la croissance staturo-pondérale ainsi que le développement psychomoteur sont normaux, et le

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