Le th??tre en France au XVIIIe si?cle

January 8, 2018 | Author: Anonymous | Category: Arts et Lettres, Spectacle vivant, Théâtre
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Le théâtre en France au XVIIIe siècle , Pierre Larthomas 1

Les rapports du théâtre et de la société sont complexes au XVIIIe siècle comme à toutes les époques. D'abord parce qu'il y a des théâtres et que chaque théâtre dans une certaine mesure a son public; quant aux spectateurs, les plus nombreux, qui fréquentent plusieurs salles, leurs dispositions d'esprit sont bien différentes d'un théâtre à l'autre: tel qui rit chez les forains de calembours misérables est puriste à la ComédieFrançaise. On ne s'intéresse pas toujours aux mêmes sujets à Paris et en province. Les Deux Amis qui sont tombés à Paris plaisent à Lyon et à Marseille et le public provincial est jugé ordinairement plus sérieux et .plus soucieux de moralité que celui de la capitale. Ces réserves"! exprimées,ces distinctions établies, on peut cependant porter un jugement d'ensemble sur le public du XVIIIe siècle et les œuvres qu'il aime et qu'il désire voir. Socialement, ce public est avant tout un public bourgeois. Le peuple, au sens restreint du terme, est exclu des salles de spectacles par le prix des places, même à la foire; la noblesse est numériquement minoritaire. Domine donc dans -chaque salle cette classe sociale montante qui va'faire la Révolution. Dans ces conditions", le théâtre du XVIIIe siècle est très souvent un théâtre de classe, ce qui doit s'entendre de plusieurs manières. Et tout d'abord il faut noter une évolution très nette du début du siècle à la veille de la Révolution: on passe peu à peu d'une comédie de caractères et de moeurs à une comédie des conditions:.Lesage peint dans Turcaret les moeurs des affairistes, Diderot a pour ambition de montrer une classe sociale et les difficultés qu'elle affronte. Le drame devient bourgeois: qu'est-ce â dire sinon qu'il s'adresse à une classé sociale déterminée et la présente à elle-même: peinture de la bourgeoisie pour la bourgeoisie qui souvent se reconnaît et s'admire ? La tragédie est encore jouée avec succès, comme divertissement des lettrés et évocation d'un monde plus grandiose et plus terrible que l'on aborde sans danger grâce au théâtre mais ce n'est pas" un hasard si, d'une part, au mépris des anachronismes, foisonnent dans les oeuvres les sentences politiques ou religieuses (plutôt antireligieuses)

qui

révèlent

des

préoccupations

très

actuelles

et

témoignent de l'évolution des esprits, si, d''autre part, les principes mêmes de la tragédie sont mis en cause: "Que me font à moi, sujet paisible d'un Etat monarchique du XVIIIe siècle les révolutions d'Athènes et de Rome ?", écrit Beaumarchais. C'est un progrès déjà d'emprunter des thèmes plus récents à l'histoire de France ; c'est mieux encore de représenter un drame touchant, puisé dans nos moeurs. Drame où les conditions vont jouer un grand rôle,'peintes pour la bourgeoisie par des auteurs issus la plupart de cette même bourgeoisie. De ce théâtre-, en dehors des parodies comme Le Vidangeur sensible qui tirent précisément leur comique de ce que l'on

peut appeler le décalage social, les artisans, les ouvriers sont quasiment absents. Les rapports entre la bourgeoisie et la noblesse, tels qu'ils sont représentés sur la_ scène, ne sont pas moins complexes. Ils expriment, de la part des auteurs et de leur public, à la fois l'envie, la jalousie- et le mépris. L'envie parce que l'ambition des grands bourgeois est d'être anoblis; la jalousie parce que l'argent ne donne pas tout et que la considération va encore à ceux qui se sont donné la peine de naître, comme dit Figaro et non ceux qui, par leur travail, accroissent les richesses et font la prospérité de la nation. Le mépris parce qu'en face d'une bourgeoisie travailleuse et- décente, trop de nobles se conduisent en parasites dépravés. La satire, lorsqu'elle est violente, s'exerce aussi bien à l'égard des bourgeois qui ne se contentent pas d'être ce qu'ils sont que de nobles-qui ne méritent pas de l'être. De là chez Beaumarchais, dans les deux chefsd'oeuvre espagnols, ces répliques cinglantes dont on a peut-être exagéré la force et, 1'originalité. Tel mot se, retrouve dans Montaigne ou, si l'on -en croit La Harpe, dans l'Art de se désopiler la rate, recueil où se pourvoient volontiers les gens à bons mots, et La Bruyère est souvent plus féroce que Beaumarchais. Mais Figaro dit tout haut ce que son public pense tout bas, exprime l'opinion commune, souligne des disconvenances sociales qui sont de plus en plus sensibles. Pierre LARTHOMAS, Le théâtre en France au XVIIIe siècle. NOTE - : Les mots soulignés correspondent aux mots en italique dans le texte.

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