le verbe dans les modalites d`enonce

January 8, 2018 | Author: Anonymous | Category: Arts et Lettres, Écriture, Grammaire
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LE VERBE DANS LES MODALITES D'ENONCE

AMIDOU SANOGO, Université

Félix

Houphouët-

Boigny de Cocody-Abidjan, Côte d’Ivoire [email protected]

Résumé :

S'il est vrai que l’expression de la pensée ne se conçoit pas sans le verbe, force est de constater qu’en français, certaines réalisations de discours se passent de cette catégorie grammaticale. Et pourtant, l'importance du verbe dans la prédicationdépend de l'organisation des autres éléments de la phrase autour de lui.Dès lors, quelles sont les propriétés morphosyntaxiques qui font du verbe un constituant indispensable à la phrase? Comment se manifestent les relations du verbe avec les autres constituants dans les différents types de phrase? Notre objectif est de démontrer la prépondérance du verbe dans l'énoncé et sa réalisation concrète selon les modalités d'énonciation.L'étude part de l'hypothèse que les propriétés verbales traitées en termes de « valence » et de « dépendance » dominent les relations syntagmatiques dans la phrase. A partir des données de la grammaire générative et transformationnelle et de la théorie dépendentielle, l’étude aborde la description du syntagme verbaldans les types énonciatifs de phrase. Mots-clés : Verbe, paradigmatique, valence, dépendentielle, contraintes.

Summary:

While it is true that the expression of thought is inconceivable without the verb, it is clear that in French, some speech achievements do without this grammatical category. Yet the importance of language in preaching depends on the organization of other elements of the sentence around. Then, what are the morphosyntactic properties that make the verb an essential component to the sentence? how the verb manifestsits relationship with the other components in various types of sentence? Our goal is to demonstrate the importance of the verb in the language and its concrete realization with the terms of enunciation. The study assumes that verbal properties discussed in terms of "valency" and "dependency" dominate the syntagmatic relationships in the sentence. From the data of transformational grammar and dependency grammar, the study discusses the description of the verb phrase in the sentence enunciation types.

Keywords: Word, paradigmatic valence, dépendentielle, constraints.

Introduction 1

Le système verbal revêt une importance déjà signalée par Port-Royal (1669). En effet, Arnaud et Lancelot qualifient le verbe comme l’expression privilégiée de la pensée. Lalaire L. (1989 :14) revient sur la prépondérance qu’accorde cette institution à la catégorie du verbe : « Mais le verbe apparaît déjà l’élément essentiel de la phrase : c’est lui qui permet l’expression d’un jugement. » On en déduit que toute phrase, par le truchement verbe, reflète une pensée et constitue, par ricochet, une proposition, terme emprunté à la logique. A la suite de la linguistique cartésienne, la grammaire générative et transformationnelle a pu formaliser ainsi les opérations de l’esprit par la formulation de la phrase noyau (P

SN + SV) où la structure de la proposition se ramène

au sujet (ou thème), et au verbe (ou prédicat). Mais il ne s’agit que de la structure sousjacente qui fonde toute interprétation sémantique dans le discours. En structure de surface, l’expression de la pensée se conçoit difficilement sans le verbe. Or, en français, certaines réalisations de discours1 se passent du verbe au point d’en faire une catégorie facultative dans l’acte de communication. Ceci suppose que l’organisation abstraite, en structure profonde, ne transparaît pas toujours à l’énoncé effectif en structure superficielle. Les transformations linguistiques appliquées aux modalités d’énonciation y sont pour une large part. Dès lors, quelles sont les propriétés morphosyntaxiques qui font du verbe un constituant indispensable à la phrase? Comment se manifestent les relations du verbe avec les autres constituants dans les différents types de phrase? Sémantiquement, le verbe se traduit comme un prédicat qui affecte le sujet qui peut être un pronom ou un GN en position de thème. Comment expliquer la relation de dépendance du sujet /GN et d’autres arguments dans l’énoncé verbal ? Notre objectif est, non seulement, de décrire les propriétés linguistiques qui font du verbe l’unique constituant obligatoire de la phrase de base (P) qui se réalise selon différentes modalités d’énonciation. Notre hypothèse est que les propriétés verbales traitées en termes de « valence » et de « dépendance » dominent les relations syntagmatiques dans la phrase. Sous l’inspiration de la grammaire générative et transformationnelle et de la théorie dépendentielle, l’étude s’organise en description du SV dans les types énonciatifs de phrase et en analyse paradigmatique et syntagmatique.

1. La structuration du syntagme verbal 11

Il s’agit des énoncés averbaux

2

La dénomination « syntagme verbal » fait prévaloir l’idée de construction, d’agencement ou d’arrangement autour de l'élément qu'est le verbe. Il désigne, ainsi, l’unité des mots autour de la catégorie du verbe et leurs diverses fonctions en dépendent (compléments d’objet, compléments circonstanciels ou SP de verbe, etc.). Au-delà de l’interdépendance et de la hiérarchisation des constituants, le syntagme verbal se caractérise davantage par les mécanismes et les règles de combinaison des unités linguistiques. Toutes choses qui sont gages de cohésion entre les constituants. Mais l’activité linguistique ne saurait se résumer à des règles ni à des schémas qui ne tiennent pas toujours compte des manifestations du langage liées aux modalités d’énonciation. Ces dernières fondent la distinction entre les types de phrase liés aux notions d’acte de langage (Austin J.L.). La description concerne les types énonciatifs qui regroupent les trois types obligatoires de base dans la grammaire structurale : le déclaratif, l’interrogatif et l’impératif2. 2. La réécriture syntagmatique du verbe selon les modalités d’énonciation Le syntagme verbal désigne, dans la chaîne phrastique, une sous-structure positionnelledont la réécriture obéit à un principe d’analyse selon des propriétés.Ainsi, selon le principe qu’à la position d'un syntagme donné, n'importe quel signifiant de la même classe, ou paradigme,convient,RiegelM., Pellat J-C. et Rioul R. ( 2005 : 215) soutiennent ceci : « On peut substituer un seul élément à la suite [verbe + complément (s)] mais pas à la suite [sujet + verbe] : Jean écrit une lettre à ses parents divague, mais Jean écrit une lettre à ses parents

Jean

??? une lettre à ses parents. »

L’opération de substitution vise à mesurer l’applicabilité de la notion verbale aux actants dans le sens valenciel du terme (Tesnière). Comme le dit Schmidely J. (1983), le verbe est une notion « conçue pour être attribuée aux notions-entités : nous avons dans ce cas affaire à une application». Le verbe est ainsi une notion non autonome par opposition au substantif, entité indépendante à laquelle on applique la notion verbale. La mesure de l’application de la notion verbale s’opère, suivant le modèle distributionnel, par segmentation de la phrase en unités définissables en syntagmes.

2

ChezRiegelM., Pellat J-C. et RioulR. (2005 : 387) et J. Le Galliot (1975: 14) la phrase exclamative ne figure pasdans les types obligatoires.

3

Nous soumettons, ci-devant, ce principe à l’épreuve des modalités de phrase en rapport avec l’énonciation. 3. Description du SV dans l’énoncé déclaratif L’énoncé déclaratif est la parole directe. L’intonation qui l’accompagne n’est pas particulièrement perceptible. On peut la reconnaître dans la réponse à une interrogation partielle du genre : Question : Qu’est-ce que les élèves chantent ? Réponse attendue :

Les élèves chantent l’Abidjanaise. SN + SV

La substitution du SV composé du verbe et de SNCOD par un seul (autre) verbe donne le résultat suivant : [substitution de V]

Les élèves chantent / jouent/ bavardent… (A)

Cette propriété est valable à toutes les personnes du verbe :je chante / tu chantes/ il chante/nous chantons/vous chantez. La commutation dans l’énoncé déclaratif est rendu possible dans (A) par les affinités catégorielles et fonctionnelles entre les unités verbales d’une part, et par la primauté réelle du verbe dans le SV, d’autre part. Laquelle primauté apparaît dans l’analyse des relations paradigmatiques et syntagmatiques. 4. Description du SV dans l’énoncé interrogatif La précédente description a pris prétexte sur la réponse à une interrogation virtuelle. L’énoncé déclaratif conséquent pourrait avoir des affinités avec la modalité interrogative. Dans le type interrogatif, ce sont les énoncés relevant d’une interrogation directe qui intéressent l’étude. Celle-ci comprend, d’abord, l’interrogation totale nécessitant une réponse par oui ou par non, ou tout autre énoncé susceptible de répondre à l’énoncé interrogatif ; ensuite, elle intègre l’interrogation partielle portant sur un segment de l’énoncé.

L’opération de

substitution dans l’interrogation totale, ci-dessous, a pour résultat3 : -

Les élèves chantent–ils l’Abidjanaise ? SN + SV

3

Les autres cas de transformation (changement de schéma intonatif ; opérateur interrogatif) aboutissent au même résultat de commutation.

4

[Substitution de SV]

Les élèves chantent-ils ?4 SN +

SV

Dans ces exemples, le SV comporte un pronom de rappel (ils) intimement lié au verbe par un signe de ponctuation, le trait d’union, qui est signe de liaison entre le prédicat verbal et l’indice personnel. Le pronom ne reprend pas seulement le SN sujet dans le verbe ; il est d’ordre prosodique puisqu’il accentue l’intonation montante qui caractérise l’interrogation. En structure profonde, il est la marque de l’inversion interrogative (invers. Inter.) dans la réécriture proposée par Jean Le Galliot (1975 : 22) : Inton.inter.+invers.inter.+

SN1 + V les élèves chantent-ils + inton.inter.

les élèves chantent Les autres personnes verbales5 aboutissent à la même observation avec une simple inversion : [Inton. Inter.] + invers.inter + SN1 + V + chantons-nous + inton.inter. nous chantons

Par ailleurs, l’interrogation offre la possibilité de remplacer, par anticipation, leGV par le verbe vicaire « faire» : [Inton. Inter.] Les élèves chantent l’Abidjanaise. [Inton. Inter. + Q+ faire + invers.inter. ]

Que font les élèves ?

Réponse attendue : Les élèves chantent (l’hymne national). Dans la modalité interrogative, le verbe seul peut commuter avec le SV. Les deux types de phrase revisités ont en commun la présence d’un indice de sujet qui ne peut être entraîné dans la substitution. A première vue, le principe de la substitution de V à la suite V+ SN est tout à fait satisfaisant puisque les deux segments appartiennent à la même catégorie syntagmatique. Les propriétés observées dans le modèle assertif se retrouvent dans l’interrogatif et, peut-être, dans l’impératif. Mais le verbe impératif ne présente pas théoriquement la même configuration que ceux des modalités précédentes.

Nous passons volontairement sous silence la réponse attendue qui ne présente pas d’intérêt pour l’étude, contrairement au cas précédent. 5 Nous illustrons cet aspect avec l’indice personnel pluriel « nous ». 4

5

5. Description du SV dans l’énoncé impératif L’exception afférente au principe de Riegel exclut, en théorie, ce type de discours qui, de par ses propres contraintes, crée un contexte propre à différentes modalités d’ordre. L’étude aborde ces contraintes, en liaison avec la situation de communication, sous les angles de la personne et de la non personne. 5.1 .

Contraintes de la non personne : QUE + Passif + SN

A priori, le mode impératif ne peut s’appliquer à la non personne (les élèves / ils) qui ne participe pas à la communication : la catégorie de la non personne en est seulement l’objet du discours. Cependant, certaines opérations langagières permettent de réaliser des énoncés impératifs à la non personne. En effet, en structure de surface, elles interviennent avec l’opérateur exclamatif QUE et la transformation passive. Celle-ci se construit à partir de la formule : Être + pp. + par SN. Ainsi, à partir de la structure de base, on aboutit aux réalisations suivantes : [Structure abstraite de base ]

Chanter + l’Abidjanaise

[ Transf. déclarative]

Les élèves chantent l’Abidjanaise

L’application de la modalité passive fait du complément d’objet direct l’Abidjanaise le sujet de la forme verbale est chantée6 : [ Transf. Passive ]

L’Abidjanaise est chantée par les élèves

Puis, intervient l’opérateur exclamatif QUE [ Transf. impérative]

Que l’Abidjanaise soit chantée par les élèves !

[ Substitution ]

Que l’Abidjanaise soit chantée !

Aussi la transformation s’effectue-t-elle avec le subjonctif dans l’expression du souhait (intonation impérative marquée par le point d’exclamation). La commutation qui s’opère est incidente au verbe passif et au complément d’agent. Ceux-ci forment, à la voix active, la suite SN + V frappée de forclusion à l’impératif (Cf. Supra 3 ; 4). En dehors de ce cas exceptionnel, la transformation impérative sur l’énoncé n’est recevable qu’aux personnes de locution.

6

Le passif est défini comme un type de phrase facultatif certes, mais qui correspond plus nettement à un réarrangement communicatif. A l’instar de l’emphase et de l’impersonnel, il est un réagencement de la structure syntaxique à des fins communicatives. In M. Riegel, J-C. Pellat et R. Rioul (2005 : 388).

6

5.2.

Contraintes des personnes de locution

La première personne du pluriel (nous) et les deuxièmes personnes du singulier (tu) et du pluriel (vous) opèrent dans le contexte où l’impératif est considéré comme une tension vers l’interlocuteur ou un acte de langage réfléchi. Cette conformité aux personnes du discours reçoit la dénomination de Contraintes de compatibilité par Jean Le Galliot (1975 : 25). On peut y redécouvrir une relation de substitution de la suite V+SN à la structure SNs + V + SN. En effet, à partir de la structure abstraite de base, l’opération de substitution se réalise comme suit : [Structure abstraite de base] Chanter + l’Abidjanaise [ Transf. déclarative]

Tu chantes l’Abidjanaise

Application de la modalité impérative notée : Imp

Vimp. + Inton. Imp.

[ Transf. impérative]

Ø Chante l’Abidjanaise

[ Transf. déclarative]

Nous chantons l’Abidjanaise

Application de la modalité impérative notée : Imp

Vimp. + Inton. Imp.

[ Transf. impérative]

Ø chantons l’abidjanaise

[ Transf. déclarative]

vous chantez l’abidjanaise

Application de la modalité impérative notée : Imp

Vimp. + Inton. Imp.

Ø chantez l’abidjanaise

[ Transf. impérative]

La transformation impérative s’opère du plan de l’énoncé déclaratif à celui de l’énoncé impératif où le verbe impératif supplée le verbe déclaratif. Celui-ci à un indice du sujet qui est explicité tandis que celui-là n’a pas de sujet marqué phonétiquement. La réécriture proposée par Le GalliotJ. (1975) aboutit à l’effacement du pronom personnel sujet : P

Inton. Imp. + Vimp. + tu chant + esØ + chante + Inton. Imp.

Le sujet, existant dans la langue, se réalise dans le discours par un morphème zéro (Ø) qui prend sens dans la situation extralinguistique. En effet, les phénomènes d’adresse, de désignation et d’indexation suffisent à repérer l’interlocuteur en tant que personne physique ou morale.

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Le principe de la substitution du verbe dans les modalités assertives et interrogatives est mis en cause par la commutation qui s’effectue à l’impératif. Du déclaratif7 à l’impératif, celle-ci met à jour un nouveau modèle de commutation qui opère à gauche et lève, par ricochet, la clause d’exception de Riegel M.et alii. On aboutit, ainsi, à une généralisation du principe sur tous les types énonciatifs de phrase. En conséquence, la substitution de V à V+SN s’opère dans les types interrogatif et déclaratif à tous les rangs personnels. A l’impératif, la commutation s’effectue surtout aux personnes de locution. Elle est incompatible à la troisième personne. Le principe de la substitution n’est donc pas fonctionnel avec le type impératif. Cependant, la validation de la non personne requiert un réarrangement syntaxique qui change le mode verbal. Par ailleurs, les données de l’impératif adaptent l’application du principe de substitution à la suite SNs+V avec le morphème sujet vide. Dès lors,la généralisation de la commutation transcende le seul type de phrase déclaratif ou interrogatif. Les principes de substitution de V à V+SN et de V à SNs+V

sont d’ordre discursif. Ils sous-entendent que le lien entre le SNs et le

noyau verbal (V) n’est jamais rompu dans la langue. Il obéit, au contraire, à une relation discrète de cohésion entre les catégories linguistiques. Au sein de chaque catégorie, ces rapports sous-jacents obéissent à des contraintes. 6. Analyse paradigmatique du SV Les relations entre les unités d’une même catégorie impliquent des possibilités de substitution qu’il convient d’examiner. Cette opération est sous-tendue par des rapports d’analogie entre les unités en un même point de la chaîne phrastique.Toutes les unités d’une même sélection ne pouvant figurer concomitamment dans la même position structurelle (distribution), on dit que le rapport se fait in absentia.Comme le dit Saussure F. (1916, rééd. 1995 : 174 ): « En dehors du discours, les mots offrant quelque chose de commun s’associent dans la mémoire, et il se forme ainsi des groupes au sein desquels règnent des rapports très divers. […] Le rapport associatif unit des termes in absentia dans une série mnémonique virtuelle. »Les rapports in absentia, appelés « rapports associatifs » par Saussure, ont par la suite reçu le nom de « rapports 7

La grammaire structurale considère que la phrase déclarative active transitive comme phrase noyau.

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paradigmatiques ».C’est un rapportqui, parce que virtuel, se déroule hors de la chaîne parlée. Ce qui veut dire que les unités d’une même sélection ne peuvent se réaliser en même temps. La relation paradigmatique permet d’évaluer la validité du test de substitution. La relation s’effectue entre deux structures syntaxiques (B) et (C) où les unités d’une même catégorie syntagmatique sont substituables dans la même distribution. A partir de la réécriture de la phrase noyau, les catégories suivantes sont isolables : P SN + SV. La relation paradigmatique se réalise entre les unités virtuelles au sein de chaque unité syntagmatique.On peut observer une relation paradigmatique entre les structures, cidessous : Phrase Syntagme Nominal

Syntagme Verbal GroupeVerbal

Syntagme Nominal

nom

verbe

déterminant

les

élèves

chantent

l’

Abidjanaise

les

élèves

chantent

Ø

Ø

les

élèves

réfléchissent

Ø

Ø

déterminant

Nom

Les trois phrases donnent à observer que toutes choses étant égales par ailleurs, les variations du SV vont de V + SN à V + Ø + Ø. Ce qui traduit la substitution du constituant V à la suite V + SN. Autrement dit, un verbe seul remplace un SV composé d’un verbe et d’un SN objet direct. Les catégories vides sont désignées par des morphèmes zéro (Ø). Le test de commutation s’en retrouve valide avec toute la garantie des contraintes sémantiques des énoncés assertifs. Dans l’hypothèse contraire de la relation entre éléments de syntagmes différents, le constituant V doit commuter avec la suite SN +V; ce qui est contraire au principe de départ (Cf. section 3). Dans le tableau ci-après, la commutation se résulte par la séquence : [substitution de V à SN +V]

chantent l’Abidjanaise.* (D).

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Phrase Syntagme Nominal

Syntagme Verbal GroupeVerbal

déterminant les

nom

verbe

déterminant

élèves

chantent

l’

Abidjanaise

Ø

chantent

l’

Abidjanaise

Ø les

Syntagme Nominal

élèves

nom

réfléchissent

Les deux unités (nominale et verbale) appartiennent à des classes grammaticales différentes. On peut déduire que la suite linéaire « Chantent l’Abidjanaise » est agrammaticale et que les têtes N et V n’appartiennent pas au même axe de sélection ou paradigme. Cette agrammaticalité s’explique par l’absence d’indice de sujet en tant que support du verbe, dans le sens de la grammaire latine (Desbordes F., 1991)8. Le manque de support remet en cause une partie fondamentale du système de l’énoncé assertif en ce que la structure correspondante en surface se résume à : P

V + SN COD .

Cette structure n’est pas conforme aux procès linguistiques et mentaux virtuels que sous-tend la formule : P

SN + SV.

Le test de substitution sur l’axe paradigmatique s’opère à l’intérieur de la même catégorie linguistique. Le recours au paradigme, comme lieu de substitution possible des unités, fait intervenir, dans l’énoncé déclaratif, des entités verbales qui ont presque les mêmes propriétés combinatoires. Le principe énoncé par Riegel et Alii (2005:215) s’en retrouve confirmé. Dans l’interrogation, le rapport paradigmatique entre les unités de la même position structurelle suit la même procédure que dans le cas du déclaratif : -

Les élèves chantent-ils l’Abidjanaise ?(E)

-

Les élèves chantent-ils ? (F)

8

Selon l’expression supponere personam uerbo (placer une personnecomme support du verbe) in Libera et Rosier (1992 :170)8 .

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Les faits nouveaux sont l’intonation interrogative marquée par la ponctuation (?) et le pronom de rappel (ils). A l’impératif, seule la contrainte de personne est valable avec, pour corollaire, la présence du morphème sujet non réalisé phonétiquement (Ø). Le test de substitution de V à V + SN

n’est réalisable à la troisième personne qu’à la condition de réorganiser la

structure avec toutes les implications modales (Cf. 2). En somme, le verbe, à l’interrogatif et au déclaratif, présente les mêmes propriétés de commutation sur l’axe des sélections. Mais à l’impératif, le verbe est spécifiquement de trois ordres interlocutifs avec leurs contraintes personnelles (Cf. supra 5.2.) dans la suite mémorielle qu’est le paradigme. La relation paradigmatique dans les énoncés déclaratifs et interrogatifs n’autorise pas la substitution de V à SNs + V ; celle-ci est plutôt réalisable à l’impératif. L’analyse paradigmatique oppose donc les types énonciatifs assertifs/interrogatifs et injonctifs.

Les règles de sélection au sein des catégories

opèrent dans le choix des unités compatibles avec les traits linguistiques de l’unité verbale pour former la chaîne phrastique.

A cet égard, ce sont d’autres règles qui

régissent les différentes catégories de la phrase. 7. Analyse syntagmatique du SV Le rapport syntagmatique désigne les relations entre les unités successives de la phrase. Ce rapport est dit in praesentia, c’est-à-dire entre les unités présentes dans le discours. Saussure parle de rapport syntagmatique pour signifier que les unités successives se combinent entre elles pour former des syntagmes. Dans les exemples ci-dessous, la question des rapports syntagmatiques entre (B) et (C) pose un problème théorique si l’on tient compte du parallélisme des structures formelles: Les élèves chantent l’Abidjanaise (B) et Les élèves chantent Ø.

(C)

En effet, la comparaison des deux structures, selon l’approche dépendantielle9 (Tesnière), permet de convoquer la question du morphème zéro (Ø) afin de qualifier les rapports entre elles (les structures). On part de l’hypothèse que les syntagmes verbaux des deux énoncés présentent les mêmes propriétés dépendantielles selon lesquelles 9

La théorie grammaticale de Tesnière (1959) dit que chaque mot d'une phrase dépend d'un seul autre mot à l’exception de la tête du syntagme qui est indépendante.

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l’objet doit dépendre du verbe. On a, en (B), un verbe dont dépend l’objet direct. Mais dans l’exemple (C), il n’y a pas d’objet qui dépende du verbe. Dans ce cas, si l’on veut sauvegarder l’uniformité des structures syntagmatiques, on est obligé d’introduire un SN objet zéro. On en déduit que les deux énoncés entretiennent un rapport syntagmatique dû aux mêmes règles de combinaison des unités ou concaténation. En revanche, si l’on renonce à l’uniformité des structures syntagmatiques, le verbe n’a pas d’objet (emploi intransitif). Dans le type déclaratif, le verbe ne peut exister seul sans déranger la structure de la phrase. On émet donc une deuxième hypothèse selon laquelle le SN sujet dépend du verbe. On part du principe de départ (Cf. Supra p. Error! Bookmark not defined.) que l’énoncé déclaratif est une réponse à une interrogation virtuelle ou réelle. Ainsi, cette seconde hypothèse va être soumise au test des énoncés déclaratifs consécutifs aux questions ci-après : a. question sur SN sujet : Qui chante ? Réponse attendue :

Les élèves.

(G)

L’énoncé déclaratif issu de la réponse à la question 1. est un syntagme nominal interprétable comme un énoncé nominal faisant l’ellipse du verbe chante. On déduit que l’énoncé déclaratif averbal Les élèvesestcompréhensible et interprétable dans un contexte d’énonciation particulier. En revanche, dans une interrogation totale impliquant le procès : b. Question sur le SV : Que font les élèves ? Réponse attendue :

Chantent…* (H)

le seul verbe ne suffit pas à la saisie de la réponse sans le support indispensable à la référence extralinguistique (délocuté). Avec la modalité déclarative, « chantent »ne peut être un énoncé grammatical. La présence obligatoire du SN sujet obéit à une contrainte logico-sémantique déjà perçue par Nietzsche [(1884-1886) (1995 : 64)] dans une tradition philosophique : « […]dire que s'il y a de la pensée, il doit y avoir quelque chose « qui pense », ce n'est encore qu'une façon de formuler, propre à nos habitudes grammaticales qui suppose à tout acte un sujet agissant. » Le sujet agissant se ramène au sujet énonçant de la réalité extra- linguistique, le référent personnel. Chez Benveniste (1970 : 82), cette idée se rattache au cadre général de l’énonciation :« Enfin dans l’énonciation, la langue se trouve employée à l’expression d’un certain rapport au monde (...). La référence est partie intégrante de l’énonciation.»

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Le verbe, dans l’énoncé assertif, ne peut demeurer sans aucun référent contextuel désigné par un nominal ou représenté dans le nœud verbal par un indice de sujet (ils). L’inégalité des structures des deux énoncés n’assure pas de relation syntagmatique. Celle-ci n’est réalisable que dans le cas de l’uniformité des structures où le procès exprimé par le verbe est adossé à un référent. Le lien entre l’indice de référence et le nœud verbal présente des propriétés analogues dans la modalité interrogative : -

Les élèves chantent-ils l’Abidjanaise ?(E)

-

Les élèves chantent-ils Ø ? (F).

L’hypothèse de la présence d’un morphème vide établit une uniformité des deux structures interrogatives où la question porte sur le SN objet (l’Abidjanaise). Dans le cas contraire, l’interrogation implique le procès de chanter uniquement avec l’emploi intransitif du verbe : -

Les élèves chantent-ils? (F’).

Dans le cas de l’impératif, l’hypothèse se ramène au SN introduit par « par» dans le tour passif avec la non personne : -Que soit chantée l’Abidjanaise par les élèves ! -Que soit chantée l’Abidjanaise Ø ! Ici, la présence du complément d’agent n’est pas une contrainte. L’énoncé impliquant le morphème zéro a une commodité euphonique qui fait de lui la norme. De plus, l’agent du procès alourdit la structure. L’intérêt syntagmatique est que l’éloignement du complément d’agent du noyau verbal le rend facultatif. La relation au verbe est lâche. Dans ces conditions, le lien syntagmatique s’établit dans l’uniformité des deux syntagmes prédicatifs. Cette relation est fondée sur la structure nucléaire : QUE + Verbe passif + SN sujet + (par SN). On retient que la relation paradigmatique dans les types énonciatifs lie des mots d’une même catégorie avec des affinités sémantiques ou traits lexicaux. Entre les unités ainsi définies, interviennent les règles de concaténation dans la phrase. La relation syntagmatique entre les différentes catégories est fonction du degré d’uniformité des structures en comparaison. Elle met en relief la prépondérance du nœud verbal. Ces deux types de rapport définissent le système de la langue à travers le verbe, l’élément indispensable du syntagme prédicatif.

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Conclusion Les contraintes verbales liées à la catégorie de la personne influencent l’analyse paradigmatique du principe de substitution de V à V+SN. Cette contrainte fait apparaître l’opposition assertif/interrogatif ≠ impératif calquée sur la dichotomie personne ≠ non personne dans les structures de phrases liées aux actes de langages. Les propriétés verbales, à l’interrogatif et au déclaratif, sont de l’ordre de la personne et de la non personne à la fois. Mais le verbe impératif n’intègre que les vertus de la personne. Au demeurant, il est possible de le traduire à la non personne selon des aménagements syntaxiques qui modifient l’organisation sémantique de la phrase. Il ressort de l’analyse des données que les propriétés de substitution du verbe s’appliquent aux contextes droite et gauche. Le verbe prévaut sur toutes les unités entretenant une relation de combinaison avec lui selon ses propriétés valencielles. Tous les actants sujets, objets et circonstants se ramènent significativement au procès exprimé par le verbe. L’on a pu relever qu’ils sont tous soumis à la force ligative du verbe qui gouverne les sélections et les combinaisons des unités linguistiques de la chaîne phrastique. Le verbe a une place prépondérante dans la structure hiérarchique de la phrase que Tesnière(1965)a dénommé « Stemma»dans l’arbre de dépendance. Cet élément central du syntagme prédicatif se construit selon des contraintes personnelles, syntaxiques, lexico-sémantiques et énonciatives. De sa valeur sémantique liée au contexte d’emploi, dépendent les rapports associatifs et successifs avec les unités virtuelles de la langue et les séquences réelles du discours. Ces contraintes se répartissent en contraintes de sélection (personnelles, lexico-sémantiques) et en contraintes de combinaison (morphosyntaxiques, énonciatives).

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Références bibliographiques:

-

BARATIN, M. et DESBORDES F.(1991). L'analyse linguistique dansl'Antiquité classique, tome 1,Les théories.Paris : Klincksieck. - BENVENISTE, E. (1966). Problèmes de linguistique générale, tomes 1. Paris:EditionsGallimard - CHOMSKY, N. (1965). Aspects de la théorie syntaxique, traduction française. Paris : Edition du Seuil - GALLIOT, J. (1975). Description Générative et Transformationnelle de laLangue - Française, Paris:Nathan. - GROSS, M. (1968). Grammaire transformationnelle du français, syntaxe duverbe. Paris : Langue et Langage. - KERBRAT- ORECCHIONI, C. (2002).L’ENONCIATION. Paris:Armand Colin. - MARTINET, A. (1979), Grammaire Fonctionnelle du Français, Paris : CREDIF. - NIETZSCHE, F.(1884-1886) (1995), La volonté de puissance, § 147,trad. G. Bianquis. - Paris: ÉditionGallimard, coll. « Tel ». - PELLAT J.-C., RIEGEL M. et RIOUL R. (2009), Grammaireméthodique du Français.Paris: PUF. - SAUSSURE, F. (1916).Cours de Linguistique Générale. Paris:Payot. - SCHMIDELY, J. (1983), La personne grammaticale et la langue espagnole.Université de Rouen,Paris : P.U.F. - TESNIERE, L. (1965). Éléments de syntaxe structurale,2è édition.Paris: Klincksieck.

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