Médecine traditionnelle au Mexique

January 13, 2018 | Author: Anonymous | Category: Histoire, Histoire globale, Aztec
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Médecine traditionnelle au Mexique des Aztèques à nos jours

Passionnée dès l’adolescence par les populations indiennes d’Amérique, Martine Pédron voit ses études supérieures couronnées par un doctorat de 3e cycle d’ethnologie, sa thèse portant sur « La vie cérémonielle des Indiens Tarahumaras ». À partir de 1975, pendant vingt ans, elle passe de trois à six mois par an dans la sierra tarahumara mexicaine, à plus de 2 000 m d’altitude, dans une communauté isolée située à deux jours de marche du premier village, authentique retour aux sources d’une vie proche de la nature. Elle s’initie alors aux rites curatifs des chamans et acquiert une parfaite connaissance des plantes médicinales et des plantes alimentaires sacrées dont les vertus se sont transmises traditionnellement depuis la civilisation aztèque. À partir de 1995, ayant développé son intérêt pour le chamanisme, elle étudie les traditions des curanderos, guérisseurs de la selva de Los Tuxtlas, dans la province de Veracruz. Dans une démarche écologiste exemplaire, elle contribue à la défense des rares parcelles de forêt primaire mexicaine subsistant. Partageant l’intimité de ces guérisseurs, elle s’initie à leurs techniques de guérison et à leurs rituels magiques honorant les divinités protectrices de leur communauté. Ethnologue unanimement reconnue pour ses connaissances approfondies des médecines traditionnelles mexicaines, elle a publié nombre d’articles faisant référence sur ce sujet, elle a animé de multiples conférences sur le Mexique, et sur ses traditions, elle a aussi organisé des rencontres avec des chamans et des danseurs aztèques. ISBN : 978-2-7033-0783-9 © 2009 Editions Dangles, une marque du groupe éditorial Piktos, Z.I. de Bogues, rue Gutenberg - 31750 Escalquens Bureau parisien : 6, rue Régis - 75006 Paris Droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés pour tous pays.

Martine PÉDRON

Médecine traditionnelle au Mexique des Aztèques à nos jours

Un ouvrage publié sous la direction de Jean-Luc Darrigol

Remerciements Je désire exprimer toute ma reconnaissance : - à mes amis Tarahumaras et Huichols qui m’ont ouvert les portes du savoir ancestral et des étoiles, - à mes amis de l’État de Veracruz qui m’ont initiée aux secrets de la forêt, - à ceux qui m’ont encouragée et motivée pour réaliser ce livre.

« Réintégrer le temps sacré des origines, c’est devenir le contemporain de Dieu. » Mircea Eliade « Les fleurs sont les yeux des plantes, comme tes yeux sont les fleurs dans le jardin de ton visage. Les plantes nous réjouissent et soignent l’âme des hommes. » Jorge Miguel Cocom Pech

Table des Matières La médecine chez les Aztèques Tenochtitlán, la grande capitale des Aztèques Le troc et les pochtecas Un destin brisé : la conquête espagnole L’écriture aztèque. Les codex : une source importante d’informations Le bien-être chez les Aztèques : équilibre et harmonie Le temazcal : le bain de vapeur pour le bien-être du corps et de l’esprit Naître dans le bain de vapeur Un régime alimentaire très équilibré Des plantes alimentaires sacrées Le maïs : la graine de la vie  Le xoco-atl, la boisson divine  Le maguey : le roi du monde végétal  Le concept de la maladie chez les Aztèques et les différents spécialistes Une pharmacopée puissante et variée  Des plantes magiques et sacrées ! 



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La médecine traditionnelle des Indiens Tarahumaras En marge du temps et de la « civilisation »  Une parfaite adaptation à leur environnement : des migrations saisonnières  Une grande connaissance des plantes médicinales  Les plantes sauvages comestibles  Les chamans tarahumaras  « Danser pour ne pas mourir »  Les rites curatifs  Le rite du Dutuburi et Yumari  La tesguïnada  Le rite du peyote 

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La médecine traditionnelle des Indiens Huichols Le maraakame huichol  Wirikuta : le pèlerinage à la terre sacrée  Les différents rituels  La récolte du Hikuri  Le chemin du retour 

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La médecine traditionnelle dans la selva de Los Tuxtlas Veracruz Une région d’une immense biodiversité  Le berceau des Olmèques 

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La tradition du curanderismo  Les différents thérapeutes traditionnels  Le concept de la maladie dans la région de Los Tuxtlas  Les maladies dites « surnaturelles » et leur traitement  Le mal de ojo : le mauvais œil  Le mal aire ou mal viento : mauvais vent ou mauvaise énergie  Le susto et l’espanto  Les éléments du pouvoir magique  Les objets du pouvoir magique  Le symbolisme des couleurs  La classification chaud/froid dans le sud est du Mexique  Rencontres avec des curanderos de l’État de Veracruz  Rencontre avec Nicolas Chagala Ixba, un des nombreux curanderos de Catemaco  Rencontre avec Gilberto Perez  Rencontre avec Juan Ixtepan  Rencontre avec José Maria Salazar, culebrero  Rencontre avec Mario Gutierrez Hernandez 

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La persistance des traditions médicales ancestrales Le temazcal : une tradition encore bien vivante  Le copal : nourriture des dieux 

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La connaissance des plantes médicinales mexicaines. Les sources écrites du xvie siècle  Des jardins d’Éden 

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La recherche scientifique sur les plantes médicinales mexicaines Quelques plantes de santé et leurs usages  Le nopal (opuntia ficus indica) : un cactus contre le diabète  Barbasco ou yam : une liane contenant des stéroïdes  Le tepezcohuite : pour soigner les brûlures  La spiruline : une algue bleue riche en vitamines  Le zapote : un fruit qui induit le sommeil  La papaye : un fruit qui soigne l’asthme et la bronchite 

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Quelques exemples de centres de médecine traditionnelle

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Des passerelles entre les savoirs indigènes et la médecine moderne

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Annexes Les principales plantes en usage dans le sud-est du Mexique Les principales plantes médicinales en usage dans le nord du Mexique La santé par les pierres au Mexique Les principales langues indigènes parlées au Mexique aujourd’hui Lexique des principaux mots indigènes

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Bibliographie

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La médecine chez les Aztèques Tenochtitlán, la grande capitale des Aztèques

« Tant que le monde durera, jamais ne prendra fin, jamais ne s’éteindra, la renommée et la gloire de Mexico Tenochtitlán. » Chimalpahin Quauhtlehuanitzin (historien indien)

S

ur le plateau de l’Anahuac, les Aztèques ou « Mexi-

cas  » aperçurent enfin le signe qu’ils attendaient  : un aigle juché sur un nopal, dévorant un serpent. La prophétie de leur dieu tribal Huizilopochtli s’accomplissait. Dans ce lieu précis, au milieu d’un lac et de marécages, c’est

là qu’ils allaient établir leur capitale, cela après une longue errance depuis la mythique terre d’Aztlan.

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Nous sommes en 1325. Au beau milieu du lac de Texcoco, les Aztèques vont édifier Tenochtitlàn, une des plus belles villes du monde – avec ses nombreux palais, temples, demeures de Prince. Au xive siècle, elle possédait 150 000 habitants. Au centre se trouvait le très beau palais de l’empereur Moctezuma, le temple principal teocalli avec ses deux sanctuaires : celui de gauche dédié à Tlaloc, le dieu de la pluie et de la fertilité, et celui de droite, dédié à Huizilopochtli, dieu du soleil et de la guerre ; le temple circulaire de Quetzalcoatl et le collège (calmecac) reservé aux nobles, ainsi qu’un jeu de balle rituel (voir cahier couleur 1). Au sud-ouest du temple principal s’étendait le grand marché de Tlatelolco où arrivaient toutes sortes de produits. Le commerce se faisait au moyen du troc, mais aussi avec des graines de cacao et des tuyaux de plumes remplis de poudre d’or en guise de monnaie.

Le troc et les pochtecas

Cette abondance et surtout cette variété de nourriture étaient dues au troc avec des régions très éloignées. Les routes les plus fréquentées étaient les terres basses de Veracruz et Tabasco, la vallée centrale de Mexico, les terres basses du Yucatán et le Chiapas. Le Yucatán fournissait le sel, le miel et les coquillages ; du Tabasco venaient le cacao et l’achiote ; de l’État de Oaxaca, la cochenille, pour teindre les vêtements en carmin, et les poteries vernissées ; l’ambre de la Sierra Norte de Puebla

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et les plumes et le jade du Chiapas... Ces transactions commerciales avaient lieu aux frontières des différentes aires culturelles. Ainsi, Xicalango, sur les côtes de l’État de Campeche, servait de pont entre les pochtecas aztèques et les Mayas-Putunes. Parmi les autres lieux importants pour le troc, il y avait Tuxtepec (Oaxaca), et Tehuantepec sur l’isthme. Être pochteca (commerçant spécialisé dans le commerce lointain) était un honneur, mais cela signifiait aussi souvent risquer sa vie  : en traversant des territoires où les Indiens étaient hostiles aux Aztèques, les commerçants ambulants souffraient également de fatigue (ils portaient toutes leurs marchandises sur le dos retenues par un bandeau frontal). Ils dormaient la plupart du temps dehors, en pleine campagne et étaient ainsi à la merci des animaux sauvages (jaguars, coyotes affamés...). Avant de commencer une expédition de troc vers ces terres lointaines, ils consultaient les devins afin de savoir quels étaient les jours favorables (en général c’était des jours serpent, crocodile ou singe). Avant le départ, ils allaient prier les dieux et leur faire des offrandes. Le marché était immense et très bien organisé. D’un côté, les vendeurs d’animaux vivants : chiens sans poils, lapins, tortues, tatous… et aussi de superbes oiseaux venus des terres chaudes de Veracruz ou du Chiapas : aras rouges, toucans, perroquets jaune et vert ; à côté, il y avait les plumassiers qui fabriquaient

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les coiffes de plumes ; un peu plus loin, les marchandises – des produits de la mer, venant du Yucatán, des poissons présentés sur des feuilles de bananiers, des crustacés et des coquillages, et aussi du miel et du sel venant de la côte du golfe du Mexique, tous les fruits et légumes tropicaux : mangues, goyaves, avocats, toutes sortes de piments et du Tabasco, le fameux cacao. Dans un autre coin du marché, de la nourriture toute préparée : des tortillas de maïs, des frijoles, des tamales et de l’atole à la vanille et au chocolat. Dans un autre secteur, on vendait de très belles céramiques, des tissus, des pierres précieuses comme l’or, du jade et l’obsidienne, des pigments et colorants naturels. Il y avait, enfin, toutes les herbes médicinales, onguents et résine comme le copal.

Un destin brisé : la conquête espagnole

Au moment de la rencontre des deux mondes, la puissance aztèque était à son apogée, et l’empereur Moctezuma régnait sur un vaste empire constitué de près de 500 villes (incluant les nombreux peuples conquis et soumis) ; ce territoire s’étendait du Pacifique à l’Atlantique. Le 8 novembre 1519, le conquistador espagnol Hernan Cortés rencontre Moctezuma, à l’entrée de la ville de Tenochtitlán. Invité avec ses soldats, dans le palais de l’empereur. Cortés ne cessera de s’émerveiller devant la beauté et la parfaite organisation de cette ville du « NouveauMonde » qu’il nommera « la Venise aztèque ». Néanmoins, assoiffé par les richesses entrevues dans le palais de Moctezuma

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et ne rêvant que de pouvoir et de reconnaissance, Cortés décide de conquérir ce vaste empire. Il profitera malicieusement des faiblesses des Aztèques en s’alliant avec leurs principaux ennemis (les Tlaxcatèques). Malgré une forte résistance de la part des Aztèques, vaillants et courageux, la ville de Tenochtitlán, assiégée pendant trois longs mois, finira par tomber le 13 août 1521. Un an plus tard, Cortés devient gouverneur général de la Nouvelle-Espagne. Quelques temps après la conquête, des missionnaires sont envoyés pour évangéliser les Indiens. Les Aztèques n’ont plus le droit de pratiquer leur religion. Les statues des dieux sont détruites, nombre de manuscrits indigènes brûlés. Cependant, la culture aztèque n’a pas disparu. Elle a survécu, secrètement, en grande partie grâce à la tradition orale. Il existait des prêtres-chamans « gardiens de la parole » dont la seule et unique tâche était de mémoriser les textes sacrés avant qu’ils ne soient détruits. Parmi ces textes, se trouvait l’almanach sacré qui contenait toutes les informations nécessaire à la prévision du futur, aux rituels qu’il fallait effectuer à une date précise. La transmission se faisait d’un homme à son petit-fils qui aurait lui aussi, à son tour, la tâche de transmettre ce savoir ancestral.

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L’écriture aztèque. Les codex : une source importante d’informations

En plus des récits des différents chroniqueurs de la conquête espagnole (Bernal Diaz del Castillo, Diego Duran et Bernardino de Sahagun), les codex (manuscrits indigènes) sont une des meilleures sources d’informations sur la vie quotidienne des aztèques, leur religion, leur cosmogonie et leurs pratiques médicales. Il y aurait eu quelques 500 codex rédigés par les Aztèques, mais beaucoup furent détruits au moment de la conquête. Comprenant l’intérêt de ces manuscrits, le jeune moine Bernardino de Sahagun, débarqué au Mexique en 1529, ira apprendre le nahuatl (langue des Aztèques). Dans le collège de Santa Cruz de Tlatelolco, il va recueillir patiemment, avec les érudits aztèques ayant survécu, des témoignages directs sur leur connaissance des sciences, de l’astrologie, de la médecine, et sur le pouvoir curatif des plantes. Il rédigera ainsi, entre 1558 et 1577, 12 volumes. Conservé à Florence, ce codex prit le nom de « codex Florentinus ». Les codex étaient fabriqués à partir de l’écorce d’un arbre appelé amate, sorte de grand figuier. La fabrication du papier était une tâche difficile : il fallait d’abord tremper l’écorce dans de l’eau de chaux pour l’assouplir, puis la marteler pour séparer les fibres ; la pulpe était ensuite mélangée avec de la gomme et battue pour former de fines feuilles. Celles-ci étaient collées ensemble pour constituer un livre en forme d’accordéon.

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L’écriture des Aztèques était pictographique  : ils employaient des glyphes (la simple représentation d’un objet) et des idéogrammes. La parole était représentée, par exemple, par de petits rouleaux sortant de la bouche de l’orateur. C’était le travail des scribes ou Tlacuilos de dessiner, puis de peindre en couleur les différents dessins. Les chiffres, eux, étaient représentés par des symboles : des doigts pour les chiffres de 1 à 19 ; le chiffre 20 était symbolisé par un drapeau ; 400 par une plume. Certains codex sont historiques ou mythologiques d’autres sont des almanachs religieux contenant les prophéties des devins qui désignaient quels étaient les jours favorables pour les naissances, les travaux agricoles ou encore les opérations guerrières. D’autres codex étaient entièrement dédiés à des thèmes médicaux : méthodes pour diagnostiquer une maladie, bains de vapeur, méthodes chirurgicales et de nombreuses planches de botanique indiquant l’usage thérapeutique pour chacune des plantes citées (codex Badianus de la Cruz, codex Nuttall, etc.) On considère, aujourd’hui, qu’une quarantaine des plus fameux codex se trouvent hors du Mexique : quinze à Paris, quatre à Madrid, quatre au Vatican, six à Oxford... Comment sont-ils arrivés là ? Il semblerait que Cortés les ait envoyés en cadeau à l’empereur Charles Quint qui, à son tour, les aurait offerts à d’autres princes ou dignitaires européens, aussi ignorants les uns que les autres de la réelle signification et importance de ces manuscrits aztèques.

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Le bien-être chez les Aztèques : équilibre et harmonie

La recherche du bien-être, était une préoccupation constante chez les Aztèques ; ils faisaient tout pour garder un corps et un esprit sain. Il n’existait pas, dans la langue nahuatl, de mot pour désigner la santé, mais plusieurs expressions se référant au bien-être : cuali ni etoc (je vais bien) ou encore ni paqui pahtoc (je suis contente, je suis saine). Le temazcal : le bain de vapeur pour le bien-être du corps et de l’esprit Les Aztèques l’appelaient temazcal ou encore temazcalli, littéralement «  la maison des bains  ». Les médecins le recommandaient en période de convalescence, mais aussi pour soigner différentes maladies comme les rhumatismes, les maladies nerveuses, les problèmes de peau  ; ils prescrivaient à leurs patients la prise quotidienne d’un bain de vapeur. Alors que les gens du peuple se baignaient dans les lacs et rivières en se servant de certaines racines – comme l’amole – en guise de savon, les familles un peu plus aisées possédaient un petit bain de vapeur hémisphérique en pierres ou en adobe, construit en annexe de l’habitation. Un foyer était édifié à l’extérieur et le feu y était maintenu constamment. Jacques Soustelle, dans son ouvrage La vie quotidienne au temps des Aztèques, décrivait ainsi le déroulement de ce bain : « L’Indien

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se glissait dans le temazcal par une petite porte basse et jetait de l’eau sur la paroi surchauffée. Il se trouvait alors entouré de vapeur et s’étrillait énergétiquement avec des herbes et brindilles. Lorsqu’il s’agissait d’une personne malade, un curandero l’accompagnait (voir cahier couleur 2). On le frictionnait, puis on lui donnait un breuvage à base de plantes médicinales. Après quoi, l’usager s’étendait sur une natte pour laisser le bain de vapeur faire son effet. » Naître dans le bain de vapeur Certaines femmes aztèques y mettaient au monde leurs enfants (voir cahier couleur 3). Le travail de l’accouchement était facilité, d’une part, par la chaleur du bain de vapeur, mais aussi par l’absorption d’une décoction de la racine cihuapactli ou encore par le jus de nopal (Opuntia Ficus Indica), ou une tisane de Chia (salvia hispanica). L’accouchement se faisait en présence d’une sage-femme. Dès sa naissance, l’enfant était ainsi présenté à la déesse des eaux Chalchiutlicue. On faisait une sorte de baptême rituel avec l’eau qui liait le nouveau-né au bain de vapeur. Plus tard, le devin consultait l’almanach sacré afin de déterminer le jour où l’enfant recevrait son nom ; certains jours étant considérés comme défavorables, on changeait la date de naissance. L’important, pour les Aztèques, étant que l’enfant soit fort et résistant.

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Le temazcal était aussi le lieu de pratiques religieuses. À l’entrée, se trouvait une représentation de Temazcaltoci, la grand-mère des bains ou de Yotalticitl, la déesse de la nuit. Il était de coutume de lui faire des offrandes de fleurs ou de copal, afin que celle-ci veille au bon déroulement du bain de vapeur. Un régime alimentaire très équilibré Les Aztèques avaient une alimentation riche et variée ; ils accordaient beaucoup d’importance à la préparation des repas, aux différentes saveurs, mais encore aux couleurs des sauces pimentées : sauces rouges, vertes ou marron. Les Aztèques se nourrissaient d’une grande variété de légumes qui poussaient sur les chinampas (jardins flottants). L’aliment de base était le maïs, consommé sous forme de tortillas (galettes) d’atoles (bouillies), de tamales (petits pains de maïs cuits à la vapeur). Le maïs fournissait les carbohydrates et les acides aminés. Les frijoles ou haricots rouges apportaient les protéines. Il y avait aussi les courges, l’avocat (très riche en vitamines A et B) ; d’autre part, il existait un très grand nombre de plantes sauvages comestibles, communément appelées quelites, sortes d’épinards ou de pissenlits. On récoltait les feuilles ou « raquettes » de nopal (cactus Opuntia) qui étaient préparées

en salade avec des piments. De plus, les Aztèques pouvaient compter avec la récolte des fruits sauvages comme ceux des

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cactus nopales et pitayas. Ils étaient aussi fervents d’aromates tels l’épazote (Chenopodium ambrosoides), la coriandre et les feuilles d’acuyo (Piper auritum), particulièrement recommandées pour les personnes manquant d’appétit. Quant au piment, c’était l’aromate par excellence. Les Aztèques le nommaient chilli ; ils l’appréciaient énormément aussi bien pour ses qualités nutritives (très riche en vitamine  C) que pour ses vertus médicinales : bon stimulant de l’appétit, digestif, diurétique, fébrifuge (grâce à la transpiration qu’il provoque lorsqu’on l’ingère). Les guérisseurs s’en servaient comme analgésique et le recommandaient pour combattre les infections, les inflammations et la toux. Il servait aussi à la purification d’un lieu et pour chasser les mauvaises énergies. Les Aztèques consommaient les piments de différentes façons  : frais, séchés et réduits en poudre, en sauce (molli), en soupe. Il en existe quelque soixante-dix variétés. Certains sont doux, comme le chile verde, très parfumés, comme le chile chipotle, très forts, comme le chile piquin ou chiltecpin, petit et rond comme un petit pois  ! Comme l’indique le codex Mendoza, le piment faisait partie des tributs que les différentes régions soumises à l’Empire aztèque devaient envoyer régulièrement à Tenochtitlán. La vallée de Mexico possédant un vaste réseau de lacs et lagunes, on trouvait, dans ses eaux douces, quantité de pois-

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sons et crustacés, tels que crevettes, petites langoustes, crabes, huîtres, et des batraciens – têtards et grenouilles – ainsi que des tortues. Les mets les plus raffinés, comme 1’axolotl, animal aquatique nu, délicieux batracien péché dans le lac de Xochimilco, étaient réservés à l’élite. Les Aztèques chassaient les cerfs à queue blanche, les pécaris, faisans, canards, tourterelles et l’armadillo. Dans les cours des habitations, ils élevaient des poules tottolin et des dindons huaxolotl qu’ils appréciaient particulièrement. À cela s’ajoutaient les insectes comestibles, riches en protéines : sauterelles ou chapulines consommées grillées et servies avec du citron vert et du sel, jumiles, sortes de punaises des bois utilisées pour élaborer de délicieuses sauces à base de tomates et piments. Ils se régalaient d’œufs de fourmis appelés escamoles préparés avec une sauce pimentée. Il y avait aussi les vers du maguey qui, une fois grillés, accompagnaient la fameuse sauce à l’avocat ahuacamolli que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de « guacamole ». Les Aztèques les plus fortunés se nourrissaient particulièrement bien et participaient à de véritables festins ! On raconte que l’empereur Moctezuma avait, tous les jours, le choix entre une centaine de mets différents.

1 - Maquette de la capitale aztèque Tenochtitlán avec ses palais, temple de Tlaloc et Huizilopochtli, son calmecac (collège) et jeu de balle

2 - Le temazcal illustré dans le codex Magliabecchi

À la porte d’entrée du temazcal, on peut voir le visage de Tlazolteotl, la déesse des naissances. Sur ce dessin, il y a quatre personnages. À gauche, une femme se charge de mettre le bois pour allumer le feu. En bas, un indigène malade, représenté avec une larme sur le visage ; à sa gauche une curandera lui offre une boisson de plantes médicinales avant qu’il n’entre dans le temazcal. En haut, à droite, un curandero ou chaman prie pour la guérison du malade.

3 - Représentation de l’accouchement dans le temazcal (codex Nuttall)

4 - La déesse Mayahuel

La dame « Trois Silex » donne naissance à un enfant divin Yei Tecpatl. Le nouveau-né est encore relié à la mère par le cordon ombilical. La délivrance a lieu en position accroupie. La mère entre dans le temazcalli. Dans l’étuve, elle est placée sous un grand coquillage symbole de la matrice et de la génération. Les femmes en couche étaient considérées comme des guerriers livrant un combat. Elles étaient bien assistées et entourées de soins particuliers.

5 - Une opération chirurgicale chez les Aztèques

6 - Le pericon « yauhtli » dans un jardin botanique, de nos jours

7 - Las barrancas ou canyons. Ici, le canyon de Batopilas.

8 - Patricio et sa famille à Yerbabuena (région de Batopilas)

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