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META-HUTONG Le Rôle du Seuil dans la Régénération Urbaine Charles Sarasin
META-HUTONG Le Rôle du Seuil dans la Régénération Urbaine Charles Sarasin
Enoncé théorique de Master 2013-2014 CHARLES SARASIN Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne ENAC - Section d’architecture Directeur pédagogique Prof. Jeffrey Huang Professeur Monique Ruzicka-Rossier
Maître EPFL Frederick Peter Ortner
“Cultural heritage sites and relics are classic
humanistic creations, of which imperial and
religious structures are the most outstanding
representatives. The local culture, however, is
represented mostly by residential structures. Un quartier de hutongs détruit
In residential structures we find a trove of historical and cultural ‘gems,’ the ‘flesh and blood’ of history, things that embody the kind of spirit that makes the city different or even
unique. Take for example Beijing. The ‘soul’
of the city is not to be found in the Temple of Heaven or the Forbidden City. It is epitomized by the hutongs and siheyuan courtyards […].”1
Feng Jicai, mars 2000
Les restes d’une maison à cours
08
1 WANG Jun, 2011, Beijing Record: A Physical and Political History of Planning Modern Beijing, Singapore, World Scientific Publishing Co. Pte. Ltd, p.17 Note : Feng Jicai est un écrivain, peintre et professeur de Tianjin spécialisé dans l’histoire et la préservation architecturale.
09
Préface
La ville de Pékin s’est transformée plus pendant les
quinze dernières années que pendant les sept derniers siècles. La nomination de la capitale chinoise en 2001 pour accueillir les Jeux
olympiques de 2008 a eu un effet catalyseur dans l’accélération de sa métamorphose. Une telle vitesse de transformation n’a
jamais été expérimentée dans le passé. D’une part, le tissu urbain traditionnel des hutongs est progressivement substitué
par une architecture verticale de l’objet. D’autre part, les ruelles
disparaissent et sont élargies en avenues. Ces changements soulèvent de nombreuses questions et amènent des problèmes nouveaux dans la métropole. Polarisation, ségrégation, congestion sont devenues des sujets inévitables. Si le gouvernement central argumente que le monde ne pouvait pas venir voir Pékin pour trouver des quartiers de taudis, il est fortement à douter qu’un
idéal de consommation puisse sur le long terme remplacer une culture et un ensemble de traditions.
La planification urbaine de la capitale est aujourd’hui
dirigée vers des besoins immédiats de croissance économique et non vers une réflexion constructive sur le conflit entre
préservation et nouveau développement. La modernité signifieelle vraiment construire des tours en verre qui ne sont finalement
ni occidentales, ni chinoises? N’est-il pas possible de moderniser la ville de Pékin en conservant son caractère culturel? De s’inspirer de l’ancien pour construire le nouveau?
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE III : Les études de cas
1.1 1.2 1.3 1.4
4.1 4.2 4.3 4.4 4.5
Ju’er Hutong..........................................................p. 104 Xiaohoucang ........................................................p. 116 Dongnanyuan.......................................................p. 126 Nanchizi..................................................................p. 134 Bilan des projets.................................................p. 142
5.1 5.2
Les types de bâtiments....................................p. 154 La circulation et les accès...............................p. 172
Le choix du sujet....................................................p. 17 La problématique..................................................p. 18 Les objectifs.............................................................p. 21 La méthodologie....................................................p. 26
CHAPITRE I : La structure urbaine
CHAPITRE IV : L’analyse du site 2.1 2.2 2.3 2.4
Les axes et la centralité.......................................p. 32 La grille et le labyrinthe.....................................p. 38 Les entités urbaines.............................................p. 48 L’espace public.......................................................p. 54
CHAPITRE II : Les hutongs
3.1 Les ruelles................................................................p. 66 3.2 Les siheyuans...........................................................p. 74 3.3 La cour........................................................................p. 84 3.4 Le tissu social..........................................................p. 92 3.5 Lilongs et tulous.....................................................p. 96
CONCLUSION......................................................................p. 177 BIBLIOGRAPHIE..............................................................p. 181
Introduction 1.1 Choix du sujet
En 1949, la ville de Pékin comptait près de sept mille
hutongs . En 1980, il n’en restait plus que trois mille neuf cents2. 1
En 1999, le gouvernement central a réagi en désignant vingt-cinq
zones à protéger de valeur culturelle et historique dans la vielle ville de la capitale et y ajouta cinq zones supplémentaires en
20023. Cependant, même dans ces endroits de nombreux hutongs sont encore démolis. L’augmentation exponentielle du prix du
terrain, pousse le gouvernement et les promoteurs immobiliers
à détruire ce tissu urbain horizontal et à le remplacer par de nouveaux projets.
Les moyens utilisés pour évacuer les habitants de
ces quartiers sont parfois des plus extrêmes : coupure de l’électricité ou de l’eau et dédommagements dégressifs à partir du moment de l’annonce de la destruction. Les habitants ne sont même pas prévenus, ils se réveillent simplement un matin
et trouvent le caractère “拆” (chai : à détruire) peint sur un mur
de leur logement. Les pékinois disent que c’est l’œuvre de la main invisible, car les caractères sont dessinés pendant la nuit
et personne ne les voit jamais se faire peindre. Ici, cette “main invisible” n’est malheureusement pas là pour équilibrer l’offre et la demande, mais pour fournir de nouvelles offres à une nouvelle
1 BOBIN Fréderic, WANG Zhe, 2005, Pékin en mouvement, des innovateurs dans la ville, Paris, Editions Autrement, p. 27 2 Op.cit. WANG, 2011, p. 15 3 Op.cit. WANG, 2011, p. 10
17
demande. En effet, les habitants une fois expulsés, partent se
reloger dans de nouveaux complexes. Les dédommagements sont estimés à la baisse, car l’évaluateur officiel est généralement de mèche avec le développeur immobilier. Par conséquent,
les nouveaux occupants se retrouvent dans des bâtiments de mauvaise qualité, loin du centre-ville. De plus, ces zones manquent
souvent d’infrastructures de bases comme écoles, marchés, et transports publics. Aussi, ces appartements sont en général plus
grands. Le montant du dédommagement étant calculé par mètre carré, les sommes attribuées pour compenser de tous petits
logements dans les hutongs ne suffisent donc pas. Ayant souvent un travail comme indépendant à proximité de leur logement,
ces habitants perdent leur emploi ou deviennent pendulaires. Ensuite, les locataires ne reçoivent pas de compensation. Etant souvent migrants, ils sont forcés de retourner dans leur village natal. N’est-il pas paradoxal que ceux qui participent le plus à la
croissance de la mégalopole, soient les premiers à en être victime?
1.2 La problématique
En détruisant les hutongs et leurs maisons à cours, la
capitale chinoise procède à la deuxième grande destruction de son héritage culturel après celle des murs d’enceinte de la vielle ville.
Le conflit entre préservation et nouveau développement, fut un
thème récurrent à chaque changement de dynastie. Aujourd’hui, si les principaux complexes historiques comme les temples
bénéficient d’un effort de conservation, les quartiers traditionnels sont totalement négligés. La destruction des hutongs représente
18
bien plus que juste la destruction de briques et de pierres.
Plan de conservation pour la vielle ville de Pékin (2004-2020)4
Patrimoine Mondial
Conservation des Districts
Préservation National
Tissu urbain des Hutongs
Préservation de la Ville
Zones Ordinaires
Préservation des Districts
Espaces Verts Publics
Préservation Temporaire
Plans d’eau
Zones Contrôlées
Frontière de la vielle ville
Maisons à cour préservées
4 Le Musée de l’Urbanisme de la Municipalité de Pékin, 2013
19
C’est la destruction du patrimoine intangible, c’est-à-dire du
un tissu urbain riche qui contient logements, commerces,
c’est le seuil qui contribue aux qualités socio-spatiales du tissu
capital culturel et identitaire. Ces vieux quartiers forment
temples et bureaux. Si le développement du high-rise est nécessaire, la préservation de la mixité est indispensable. Avec la disparition des hutongs s’éteignent aussi le tissu social et
l’âme de la ville. La nouvelle architecture de l’objet, par son caractère monofonctionnel, tue la logique de proximité. Aussi, l’uniformisation des bâtiments compromet la diversité de la rue.
Les nouvelles avenues, en plus d’être monotones, sont parfois tellement larges, qu’elles deviennent difficilement franchissables. Ainsi, le tissu urbain autrefois si dense et varié se découd.
Ces transformations soulèvent certaines interrogations.
Comment éviter l’impact social d’une telle métamorphose? Quel
est l’élément qui participe à l’émergence du tissu social dans les quartiers de hutongs? Cet élément supporte-t-il d’être transporté dans les quartiers qui se construisent aujourd’hui? Peut-il être
inclus dans un processus de transformation de la ville? Selon Richard Sennett, l’urbaniste ne peut pas créer “immédiatement
pas dans le seuil? Ainsi, l’hypothèse de cette recherche sera que urbain traditionnel et que les ruelles et les cours des hutongs en
constituent les éléments principaux. Il sera donc présumé que
l’événement social prend place dans cet espace, car il forme une arène pour les scènes d’un micro urbanisme. Aussi, ce travail
supposera que ces espaces de seuils, plus qu’une simple frontière, permettent des transitions qui tissent à la fois un lien entre l’espace privé et l’espace public, et entre l’architecture et la ville. En effet,
le seuil est un espace liminal. Il possède donc les caractéristiques
d’un entre-deux. Il lie et sépare en même temps. Si l’architecture des bâtiments-objets est décousue n’est-ce pas parce que le seuil
a disparu? Et que cet espace intermédiaire a amené avec lui ses
capacités de production sociale? La frontière habitée devient alors
simple frontière physique. Ainsi, il faudra examiner les conditions d’ouverture du seuil et chercher à comprendre comment cet
espace transitionnel peut devenir potentiellement créatif?
une totalité”, mais il peut créer un “sens du début”.5 Il explique que
1.3 Les objectifs
empreint de temps” et ainsi de conduire à “l’utilisation narrative
physique.”7 Il dit qu’il faut chercher des chevauchements plutôt
d’une pensée que la conservation d’éléments physiques qui
la création de “frontières faibles” permet à l’espace “d’être […] d’un lieu”.6 Il argumente que : “Le centre social est ici, à la limite
que des segmentations en créant “des frontières complexes et ouvertes”.8
20
Cette frontière faible et ce centre social, ne se trouvent-ils
5 SENNETT Richard, 2009, La conscience de l’œil. Urbanisme et société, Lonrai, Editions Verdier, p. 306 6 Ibid 7 Op.cit. SENNETT, 2009, p. 307 8 Op.cit. SENNETT, 2009, p. 314
Les Chinois ont une conception différente de la notion
de préservation occidentale. Pour eux, c’est plus la continuation
compte. La “calligraphie urbaine” illustre bien cet état d’esprit.
En effet, l’écriture de caractères chinois sur le sol avec de l’eau est éphémère et ne reste visible que de petites minutes jusqu’à ce que le dessin soit évaporé et disparaisse à jamais.
Mais, la capacité à peindre ces caractères, découle d’un long
21
apprentissage issu d’une tradition plusieurs fois millénaire. En s’inspirant de ce constat, cette recherche vise à trouver un moyen alternatif de traiter la transformation de la ville. Aujourd’hui, le
débat tourne autour de la question de conserver ou de détruire les hutongs. Certains argumentent que ce tissu traditionnel n’est
pas compatible avec les aspirations contemporaines. D’autres plaident sa conservation, même si celle-ci conduit souvent à
une gentrification et à une ségrégation. En effet, d’un côté, le
gouvernement central argumente qu’il faut détruire les hutongs
car ils sont insalubres et en trop mauvais état, et donc dangereux pour les habitants. De cette manière, il prétend raser ces quartiers Des pékinois dessinant des caractères sur le sol
dans l’intérêt des citoyens. En réalité, c’est un moyen efficace de prélever de l’argent par la vente des terrains à des groupes
de promotions immobilières. Malheureusement, cette logique
à court terme, ne prend pas en considération la question de l’attractivité de la ville.
Puis d’un autre côté, de nombreux militants étrangers
et chinois soutiennent qu’il faut absolument préserver ces vieux
quartiers car ils sont l’âme de la ville. Ils expliquent que ce tissu urbain a un réel potentiel économique et attire de nombreux touristes. En effet, en plus des visiteurs étrangers, il est vrai
que chaque week-end des milliers de pékinois habitant dans les périphéries de la ville viennent flâner dans les hutongs autour de
Nanluoguxiang. Cependant, il est aussi vrai que les conditions de vie dans ces quartiers sont difficiles et que la situation sanitaire y est précaire. De plus, il existe de sérieux problèmes de réseau La ruelle de Nanluoguxiang le week-end
22
pour les canalisations, l’eau, le chauffage et l’électricité. Enfin,
les toilettes doivent généralement être partagées par toute une ruelle, les logements privés n’en possédant pas.
23
Ainsi, ce travail vise à trouver un troisième parti dans
ce conflit. Cette position se dirige vers l’étude d’un processus de régénération urbaine. Par la recherche de nouvelles
morphologies, qui sans les imiter, préservent les caractéristiques du tissu traditionnel. Ces typologies pourraient donc permettre
de conserver l’identité de la capitale qui disparaît en tendant de plus en plus à devenir une ville chinoise lambda. A Pékin, les
projets sont souvent dessinés via un processus de tabula rasa
où les parcelles deviennent toutes des carrés vides entourés par quatre routes. Il en résulte une ville à l’aspect monotone. La négation du contexte détruit tout le potentiel de diversité
et par conséquent, les projets ont tendance à se ressembler. La
recherche d’un processus de renouvellement urbain organique pourrait donc permettre d’amener de la diversité. Pour créer
une ville de différences, il faut étudier et comprendre le contexte,
afin de vaincre l’effet neutralisant de la grille. Seule l’étude du
tissu urbain des hutongs peut permettre l’intégration de ses qualités dans un projet contemporain et ainsi les inscrire dans
une continuité historique. Contrairement à la pratique actuelle de
nombreux architectes, il est impératif de reconnaître que la Chine - en particulier la ville de Pékin - n’est pas une feuille blanche, mais une Histoire et une Culture dans lesquelles il faut puiser.
Enfin, la capitale ne devrait-elle pas représenter un modèle à suivre pour les autres villes chinoises?
24
Note : la photographie ci-contre a été prise par Tong Guangping à Pékin en 1995. Elle montre une tour de rue liant les deux parties d’un complexe séparé par la ruelle. Source : TONG Guangping, 2011, Vanishing Old Beijing City: Images of Disappeared and Disappearing Beijing Hutongs, Hamburg, CreateSpace Independent Publishing Platform, p. 4
1.4 La méthodologie
Cette
recherche
urbaine correspondant aux objectifs mentionnés et à vérifier puis combine
différentes
approches
méthodologiques. Dans un premier temps, un état de l’art
à analyser la présence de seuils dans ces projets. Les exemples
choisis sont donc de nouveaux quartiers qui tentent de préserver les qualités originelles des hutongs. C’est donc la combinaison
utilisant les ouvrages, les thèses et les articles traitant de la
d’une approche historique, typologique et spatiale, qui permettra
d’abord été indispensable pour identifier les enjeux et définir
Chine, de l’urbanisme, et en particulier de la ville de Pékin, a tout précisément le sujet. Cette bibliographie a été particulièrement
utilisée dans le premier chapitre traitant de la structure urbaine
de la ville et dans le second traitant plus spécifiquement du tissu urbain des hutongs. L’analyse de la structure urbaine de la capitale
vise à comprendre son fonctionnement et plus spécifiquement, les conditions de seuil de la grille et du labyrinthe. C’est-àdire l’état de perméabilité de ces deux structures urbaines.
L’identification des différentes entités qui composent la ville,
permet de se pencher sur la question de leur cohabitation. Ceci mène à la question de l’espace public et à la compréhension de ses caractéristiques.
Puis, une étude morphologique passant par le dessin
et la photographie a permis d’alimenter tout au long cette
de comprendre le rôle du seuil dans la régénération urbaine.
Enfin, une approche sensible sur le terrain, par
l’observation et la discussion en particulier avec les habitants des vieux quartiers pendant près de deux mois, a permis d’intégrer
leurs avis dans l’élaboration du propos. La recherche se termine par l’analyse d’un site choisi en réponse aux réflexions élaborées tout au long du travail. Cette parcelle sera par la suite utilisée
pour y développer un projet qui intègre les réflexions effectuées. Grâce à ce travail, le projet pourra tenter de proposer une manière alternative de traiter la transformation de la ville, et par
la connaissance des enjeux du contexte pékinois, en particulier
des caractéristiques des hutongs, fournir une réponse adéquate.
Ainsi, c’est un travail sur le seuil qui permettra de dessiner un nouveau tissu urbain qui soit à la fois physique et social.
recherche et de lui donner un caractère plus concret. Aussi, la récolte et l’analyse de documents appartenant à d’autres études ont contribué à l’enrichir. Cette seconde volée d’outils
méthodologiques a été spécialement utile pour la deuxième et la troisième partie traitant respectivement du tissu urbain
des hutongs et des études de cas. Le deuxième chapitre analyse en détail les différents éléments qui composent ces quartiers
26
traditionnels, des ruelles aux maisons à cours. Les études de cas visent particulièrement à trouver des exemples de régénération
27
Chapitre I
La structure urbaine
29
Chapitre I : La structure urbaine
Dans ce premier chapitre sera traitée la structure urbaine
de Pékin. Les règles, les textures, les objets qui composent la ville, Pékin selon les dynasties : Jin (1), Yuan (2), Ming (3), Qing (4)1
ainsi que l’espace public seront analysés. Si la plupart des villes
européennes ont grandi organiquement et de façon agrégative,
la capitale chinoise a été pratiquement dessinée et planifiée ex nihilo. Les plans de la page ci-contre résument l’évolution
historique de la ville. (1) Successivement au Xème et au XIIème
siècle, les Liaos et les Jins installent leur capitale dans l’angle sudouest de la ville existante3. (2) Au XIIIème siècle, Kublai Khan fonde la dynastie des Yuans et déplace la capitale dans la partie nord
de l’actuelle Pékin4. (3) Au XVème siècle, est fondée la dynastie des Mings et sont construits la Cité interdite, la place Tiananmen et
le Temple du ciel, ainsi que les murs d’enceinte de la ville5. (4) Au XIXème siècle, la dynastie des Qings est fondée. La ville est
alors divisée en deux parties : la Cité intérieure au nord et la Cité
extérieure au sud6. Les deux parties de la ville s’emboitent l’une dans l’autre comme un tenon et une mortaise.
Plan de la ville au XVIème siècle2
30
1 EDELMANN Frédéric, 2008, Dans la ville chinoise. Regards sur les mutations d’un empire, Barcelone, Cité d’architecture et du patrimoine, Actar, p. 311 2 Ibid
3 DARROBERS Roger, 2008, Pékin, Capitale impériale, mégapole de demain, Paris, Gallimard, p. 12 4 Op.cit. DARROBERS, 2008, p. 13 5 Op.cit. DARROBERS, 2008, p. 18 à 25 6 Op.cit. DARROBERS, 2008, p. 29
31
2.1 Les axes et la centralité
Une première particularité de l’organisation spatiale
chinoise est sans conteste l’importance du vide. Comme le
remarque Richard Sennett, le sacré oriental est conçu comme un vide tandis que le sacré occidental, comme un objet7. Il oppose ainsi
le lieu de culte européen au complexe palatial chinois. En effet, en Europe les cathédrales, généralement situées sur l’endroit le plus
haut de la ville, se dressent comme des points de repères. C’est par exemple le cas des cathédrales de Lausanne, Genève et Annecy. Au
contraire, les lieux sacrés chinois comme la Cité interdite, sont de typologie introvertie. Le point haut est en fait la Colline à charbon
qui culmine au nord du complexe afin de bloquer les mauvaises
énergies du yin. Si les fidèles chrétiens se rassemblent dans la nef,
La Cité intérieure à la fin du XIXème siècle10
le centre de la Cité interdite est lui formé par une succession de cours vides, loin du regard des citoyens. Dans l’Empire du Milieu,
le sacré n’est donc pas un espace de rassemblement comme les places devant les cathédrales mais cherche au contraire à
se retirer du monde. Sennett cite le philosophe chinois Laozi, fondateur du taoïsme : “La véritable réalité d’une pièce n’est pas ses murs mais le vide qu’ils contiennent”.8 François Cheng, lui
souligne que ce vide permet la circulation du souffle et que : “Le Vide est nécessaire au Plein : sans lui le Souffle ne circulerait ni
ne se régénérerait”.9 C’est donc dans ce centre vide que se trouve l’énergie et les éléments s’organisant autour.
32
7 Op.cit. SENNETT, 2009, p. 36 8 Ibid 9 CHANG François, 2010, Et le souffle devient signe. Portrait d’une âme à l’encre de Chine, Paris, Editions L’Iconoclaste, p. 12
L’expansion de Pékin11 10 www.memory.loc.gov 11 Op.cit. WANG, 2011, p. 28
33
De
cette
logique
radio-centrique,
découle
un
emboitement successif. La Cité interdite (résidence de l’empereur) s’emboite dans la Cité impériale (complexe palatial).
Elle représente le centre moral. C’est un centre cosmique autour duquel gravite le reste du monde. La ville était entourée par une
muraille d’enceinte. Cette dernière sera détruite pendant l’aire Mao Zedong et remplacée par le deuxième périphérique. La
plupart des tours qui se trouvaient sur la muraille seront aussi détruites. Avec la construction de nouveaux périphériques, la ville a continué à évoluer dans cette logique radio-centrique. La
capitale possède aujourd’hui même un sixième périphérique, Dessin de Liang Sicheng du parc public sur le toit du mur d’enceinte de la ville11
totalisant un nombre de cinq étant donné que le “premier” est dessiné par le périmètre de la Cité impériale.
Au cours de la deuxième moitié du XXème siècle, plusieurs
architectes chinois ont fait des propositions urbanistiques
intéressantes pour la ville de Pékin. Malheureusement, aucun d’eux n’a été écouté. Liang Sicheng proposa de construire
le nouveau centre administratif en dehors du deuxième
périphérique à l’ouest afin de décongestionner le centre-ville13
et de ne pas démolir le mur d’enceinte mais de le transformer en un gigantesque parc surélevé14. Tous, Liang Sicheng, Wu Liangyong et I. M. Pei pensaient qu’il fallait maintenir l’intérieur de la vielle ville low-rise et construire en hauteur uniquement Croquis de Wu Liangyong montrant trois scénarios de hauteurs des bâtiments pour Pékin12
34
11 MEYER Michael, 2007, The Last Days of Old Beijing: Life in the Vanishing Backstreets of a City Transformed, New York, Walker & Company, p. 283 12 WU Liangyong, 1999, Rehabilitating the Old City of Beijing: a project in the Ju’er Hutong neighborhood, Vancouver, UBC Press, p. 34
sur la périphérie, ce qui aurait donné à la capitale un caractère unique. Le schéma ci-contre dessiné par Wu Liangyong montre les différents scénarios de skyline pour la ville de Pékin15. 13 Op.cit. WU, 1999, p. 21 14 Op.cit. MEYER, 2007, p. 282 15 Op.cit. WANG, 2011, p. 32
35
Un axe nord-sud organise la capitale. Il représente la
circulation de l’énergie en absorbant celle du sud (yang) et en
bloquant celle du nord (yin). L’axe est dessiné successivement
par les principaux éléments suivants (du nord au sud) : la tour de la Cloche, la tour du Tambour, la colline à Charbon, la Cité
interdite, la porte de Zhengyang, la place Tiananmen, la porte de Qianmen et son avenue. L’édification de l’enceinte de la Cité extérieure pendant la dynastie Ming a renforcé l’axe nord-sud. Plus récemment, la construction du complexe olympique et de
son parc au nord de la ville, visait à rétablir la puissance de l’axe toujours symbole du pouvoir, par sa continuation.
Mao Zedong lors des dix travaux lancés pour fêter les dix
ans du régime ordonna l’élargissement de l’avenue Changan afin de dessiner un nouvel axe est-ouest visant ainsi à rompre avec le
passé16. En effet, cette dernière traverse la ville d’est en ouest au
niveau de la porte Tiananmen, coupant ainsi la voie de procession impériale reliant la Cité interdite au temple du Ciel. En brisant
cette tradition dynastique de l’axe nord-sud, le Grand Timonier
L’axe de Pékin dans le plan urbain de 195318
voulut marquer l’espace urbain de l’idéologie socialiste. Aussi
dans la même veine, l’élargissement de Changan déplace le centre théorique de la Cité interdite à la place Tiananmen17. En réalité,
l’axe est-ouest ne constitue pas un axe véritable comme celui nord-sud qui contient portes et palais, mais juste une avenue.
Vue en coupe de l’axe de la capitale19
36
16 Op.cit. DARROBERS, 2008, p. 78 17 Op.cit. WANG, 2011, p. 325
18 Op.cit. WANG, 2011, p. 156 19 DONG Guangqi, 2006, « 古都北京五十年演变录 », Nanjing, Southeast University Press, p. 87
37
2.2 La grille et le labyrinthe
Selon Richard Sennett, le grec “Hippodamos de Milet est
le premier urbaniste à avoir conçu la grille comme l’expression d’une culture”20, plus tard les camps romains deviendront des symboles de rationalité et de civilité. Dix-huit siècles après à
Pékin, pendant la dynastie des Yuans, Liu Binzhong un ancien
moine bouddhiste et un architecte musulman dessine ensemble
la grille de la ville21. La capitale est alors de forme carrée et
divisée par neuf voies orientées nord-sud et neuf voies orientées
Schémas des principes urbanistiques23
est-ouest aboutissant aux portes des murs d’enceinte. Selon la
légende, les neuf portes correspondent aux bras et aux têtes de la figure mythique du prince Nezha, le protecteur de Pékin qui libéra la ville du Dragon-roi22. La Cité intérieure forme donc un carré dont chaque côté est flanqué de trois portes auxquelles
aboutissent les six avenues, dessinant ainsi un plan en damier. Les autres artères sont aussi orientées selon les points cardinaux
et tracent les lignes de la grille. Ces lignes semblent aujourd’hui toutes de même dimension mais à l’origine seules les neuf étaient de grandes avenues, les autres étant des rues. La particularité du
plan de la capitale, est qu’il est à la fois grille et labyrinthe. Si les
grandes artères dessinent les carrés de la grille, à l’intérieur de
ces carrés prend place le labyrinthe. Le système de distribution une fois à l’intérieur passe d’un système de distribution régulier de carrés agglutinés à un tissu urbain avec un système en épine dorsale.
38
20 Op.cit. SENNETT, 2009, p. 86 21 Op.cit. DARROBERS, 2008, p. 13 22 Op.cit. MEYER, 2007, p. 76
Vue aérienne de la ville de Pékin24 23 Op.cit. EDELMANN, 2008, p. 304 24 www.earth.jsc.nasa.gov
39
Scott Lash distingue plusieurs éléments dans la structure
d’une ville. Il reprend les analyses de l’urbaniste américain Kevin Lynch : les chemins, les zones, les nœuds, les bords et les points
de repère26. Qu’en est-il de ces éléments dans le cas de Pékin? Les chemins de la capitale sont à la fois les avenues et les ruelles des hutongs. Les premières appartiennent à la grille tandis que
les secondes au labyrinthe. Si toutes les deux servent à distribuer
et à relier, ces deux entités s’opposent en tous points. Comme
le souligne Lash, les premières sont pour habiter alors que les deuxièmes servent à circuler. Cette remarque est particulièrement
pertinente pour la capitale chinoise où le tissu riche des hutongs
s’oppose à la stérilité déconcertante des grandes avenues. En ce
qui concerne les zones, la ville est aujourd’hui divisée en plusieurs districts. Ces derniers se situent en périphérie de la vielle ville et
gravite autour du centre. Aussi à une échelle plus petite, les carrés découpés par les avenues forment à leur tour des zones.
Puis dans les nœuds, Lash distingue les jonctions des
concentrations. A Pékin, les jonctions sont clairement les nœuds de la grille alors que les concentrations se trouvent dans les
ruelles des hutongs. Les jonctions ont une fonction physique de
distribution, alors que les concertations sont un espace social. Si en Occident les concentrations se trouvent généralement
dans les places, en Chine c’est la rue qui remplit cette fonction. La rue est donc à la fois chemin et concentration, à la fois ligne Œuvre de Instant Hutong sur les hutongs de Pékin25
40
25 www.instanthutong.com
et nœud. Le chemin devient alors un nœud. Ensuite, les bords sont selon Lash de deux types, en périphérie ou à l’intérieur de la ville. Dans la capitale chinoise, ils sont alors à la limite entre la
26 LASH Scott, 1999, Another Modernity A Different Rationality, Oxford, Blackwell publishers, p. 62-63
41
ville et la campagne pour ce qui est de la périphérie. Alors qu’à l’intérieur de la ville les bords sont dessinés par les boulevards
et le contour des blocs. Dans ce type de bord, la dimension et
la congestion extrême des avenues leur donnent souvent un caractère inhospitalier. Ces bords n’ont pas de seuil véritable, ce qui les transforme en frontière négative plutôt qu’en espace de
production social. Enfin, Pékin ne possède pas traditionnellement
de véritables points de repères. S’il y a certes des éléments
comme les tours de la Cloche et du Tambour ou encore la Pagode blanche, leur rôle n’est pas comparable à celui des cathédrales
Deux extraits d’un plan de Pékin du XVIIIème siècle montrant le tissu urbain28
européennes. La mégalopole fonctionne comme une texture urbaine dans laquelle les repères sont le centre et les points
cardinaux. Il existe aussi des bâtiments plus importants comme
les temples, mais ceux-ci sont tous de typologie introvertie. Il ne s’affiche donc pas comme des objets mais s’insèrent dans le tissu
urbain. Or, depuis une dizaine d’années et en particulier depuis les Jeux olympiques de 2008, la ville a vu apparaitre toute une
série de nouveaux points de repères comme le grand théâtre, le stade olympique, la tour du CCTV ou encore le Galaxy Soho.
Ces projets des top-stars architectes deviennent des icônes dans la capitale et des objets de consommation symbolique.
Richard Sennett explique encore que la grille a un effet
neutralisant de par le fait qu’elle égalise. Il argumente que :
“Le fait que les différences n’interagissent pas dans la zone est un des signes de la neutralisation opérée par la grille”.27 En
terme d’urbanisme à Pékin cela signifie qu’il faut chercher une interpénétration entre la grille et le labyrinthe. C’est-à-dire que
Vue aérienne de hutongs29
27 Op.cit. SENNETT, 2009, p. 308
28 Op.cit. WANG, 2011, p. 19 29 www.gizmodo.com
les espaces qui entourent les bâtiments-objets trouvent une
42
43
continuation dans la texture urbaine des hutongs et que les ruelles
une expérience sensuelle et c’est cela qui lui confère un caractère
bordant les bâtiments-objets. Un travail sur les seuils pourrait
Si au départ, elle séparait des textures, elle tend maintenant à
de ces quartiers puissent se prolonger dans les espaces publics donc permettre de lier ces deux entités de manière adéquate. Par
ailleurs, Sennett dit que : “[…] la vie de la rue ne peut être planifiée […]”30 et que par conséquent l’acceptation du caractère provisoire
est un instrument contre la neutralité.31 Ainsi, une réponse réside peut-être dans l’acceptation de zones non planifiées à l’intérieur d’un espace dessiné.
A Pékin, c’est le labyrinthe qui est “empreint de temps”.
Ainsi l’échelle du bigness doit s’en enrichir et non l’ignorer, car lui seul peut animer l’espace neutralisé par la grille. Dans la structure de la ville, le labyrinthe vient percer les méga-blocs
et dessine un réseau de ruelles intérieures. Ce dernier est une
humain. La grille de Pékin est en train de se métamorphoser.
séparer des groupes d’objets. Une nouvelle grille émerge donc
à l’intérieur du labyrinthe. La mégalopole tend à ressembler de plus en plus au Plan Voisin de Le Corbusier et détruit ainsi son échelle pédestre. Un passage d’une échelle micro à une échelle
macro s’opère, où la nouvelle architecture monolithique ignore l’ordre interne. C’est donc dans la question de le frontière que
ce trouve l’enjeu urbain principal. Une frontière peut être juste
séparatrice, mais elle peut aussi devenir un espace qui est enrichi par les éléments qui l’entourent, et c’est le seuil qui permet de tisser ces liens.
connexion de lignes et de nœuds. Le labyrinthe est à la fois une
sa mixité programmatique qui en fait sa richesse et l’oppose aux
le labyrinthe. Ces photographies révèlent la brutalité des
galerie urbaine, un parc urbain et un logement urbain. Ainsi, c’est immeubles mono-programmatiques de la grille.
Scott Lash argumente en reprenant les idées du
critique allemand Walter Benjamin pour qui la modernité c’est le labyrinthe dans la grille32. Il explique que le labyrinthe est le réceptacle de la diversité. C’est donc là que se crée le tissu social.
La capitale chinoise en possède un, mais est en train de le détruire
La série d’images satellite des deux pages suivantes
montre différents types de confrontations entre la grille et coexistences et la discontinuité qui caractérise aujourd’hui le
tissu urbain de la capitale, où le high-rise contemporain côtoie le low-rise traditionnel et dessine ainsi un motif urbain hétérogène. Les seuils disparaissent et il n’y a plus de transition entre les différentes échelles.
en le remplaçant par une architecture stérile. Lash qualifie le labyrinthe d’espace cinétique plutôt que géométrique, où selon lui
le parcours compte plus que la destination33. Ce dernier est donc
44
30 Op.cit. SENNETT, 2009, p. 264 31 Op.cit. SENNETT, 2009, p. 294 32 Op.cit. LASH, 1999, p. 80 33 Op.cit. LASH, 1999, p. 73
45
46
Des bâtiments-objets dans le tissu urbain
Un reste de tissu urbain condamné
Des bâtiments-objets sur les bords d’un mégabloc
L’ancien et le nouveau tissu urbain
Des bâtiments-objets encerclant des hutongs
Gated communities et hutongs
47
2.3 Les entités urbaines
La ville de Pékin constitue aujourd’hui une sorte de
gigantesque patchwork où les différents éléments s’additionnent
les uns les autres sans s’enrichir mutuellement. Afin de chercher
à mieux lier ces différents éléments, il faut d’abord les identifier et les comprendre. Quatre entités principales peuvent être distinguées : le tissu traditionnel des hutongs, les petits collectifs,
les gated communities et les bâtiments de type objet. Les hutongs sont le labyrinthe formant un tissu horizontal dense. Ils seront traités en détail dans le chapitre suivant.
Les petits collectifs datent de la fin des années 195034.
Vue d’un petit collectif35
Ils furent développés pendant la période maoïste sous l’influence
soviétique. C’est une version urbaine de communes populaires. Ils
se composent généralement de petits immeubles de cinq étages.
Les bâtiments-objets peuvent être des tours ou des
centres commerciaux. Ils sont dénués de tout contexte pour ne devenir que des objets de consommation symbolique. Ils transgressent les échelles et s’affirment comme sujets indépendants. Ils entretiennent un rapport abrupt avec la rue car l’espace qui les entoure ne constitue pas vraiment un seuil entre
la rue et l’intérieur de l’objet mais plutôt une sorte de couronne de protection.
Les gated communities désignent les quartiers dont l’accès est strictement réservé à leurs résidents. Elles se
composent généralement d’un groupe de quelques immeubles
arrangés autour d’un centre qui forme une sorte de scène en
48
béton sans vie. Il n’y a pas de seuils entre le complexe et l’espace 34 Op.cit. WANG, 2011, p. 384
L’intérieur d’une gated community
35 Op.cit. WANG, 2011, p. 384
49
public, mais des frontières qui se présentent de la façon suivante.
La première est un grand portail en acier auquel est adossée une petite baraque avec un gardien. Puis une fois à l’intérieur, même les fenêtres des appartements sont cachées derrière des
barreaux. A l’entrée des immeubles, une double porte entoure
un hall dans lequel se trouve un second gardien. La deuxième Entrée principale
Entrée secondaire
porte doit être ouverte avec un code ou une carte magnétique. Enfin, un espace de distribution stérile mène aux portes des appartements qui sont encore doublées par une grille en métal.
Il s’agit véritablement d’une succession de frontières et non de seuils. De plus ces dernières trouvent malheureusement plus leur justification dans la manifestation d’une classe sociale, plutôt que
dans des raisons sécuritaires. Après tout, Pékin n’est-elle pas une des capitales les plus sûres au monde?
Cette
typologie
des
gated
communities
est
en
contradiction avec la continuité du tissu urbain. Elle est Entrée dans l’immeuble
Deuxième contrôle
non seulement génératrice de ségrégation socio-spatial en
compartimentant la société, mais en plus, le vide qui entoure les bâtiments qui la composent ne crée pas d’espace public
à proprement parler non plus. Ainsi, il s’est opéré un réel
changement de paradigme dans la capitale. C’est comme si les quartiers traditionnels voyaient leur attributs se faire transférer dans les nouvelles typologies que sont les gated communities et les centres commerciaux. Les logements des hutongs deviennent des complexes résidentiels et les activités des ruelles se retrouvent à
l’intérieur des centres commerciaux. Ces derniers sont une sorte Espace de distribution
50
Porte d’entrée doublée
de hutongs compressés sous un seul toit et dotés d’un parking souterrain.
51
Ces bouleversements posent donc la question de l’espace
public et de sa transformation. Enfin, à ces quatre entités qui caractérisent le tissu urbain de Pékin, il peut encore être ajouté les
dawudings qui signifient littéralement grand toit. Ils désignent les
bâtiments construits sous l’ère Mao Zedong avec un corps de style
soviétique et un toit concave courbe à la chinoise. Toutefois, ces quelques bâtiments sont plutôt emblématiques et ne participent
pas vraiment à la définition des morphologies urbaines de la capitale.
Un carrefour entouré de bâtiments-objets
L’intérieur du centre commercial de Raffles city36
52
36 www.topboxdesign.com
Beijing Union Hospital37 37 Op.cit. WANG, 2011, p. 182
53
2.4 L’espace public à Pékin
A Pékin, l’espace public, c’est la rue. Elle est utilisée
comme extension de l’espace privé. Sous les empereurs les parcs
étaient des jardins privés et les places n’existaient pas. L’espace public dans le sens contemporain du terme est un concept
emprunté à l’Occident au début du XXème siècle38. Pendant cette
période, certains vieux palais ont, par l’influence occidentale, été
transformés en parcs. Traditionnellement en Chine, les gens se réunissent dans les rues et à leurs intersections et non sur les
places ou dans les parcs. Même les ponts étaient des espaces sociaux, car des commerces se trouvaient souvent sur les côtés.
Sous le régime du Grand Timonier, des places ont
La place Tiananmen en 195039
été construites, mais dans le but de représenter le pouvoir.
Aujourd’hui, en dehors de la rue, les espaces publics de la
capitale sont donc soit des parcs, soit des espaces de caractère institutionnel comme la place Tiananmen. Cette dernière est un espace de célébration politique, et par conséquent aussi un
espace de contestation. Ce type d’espace public est en général de mauvaise qualité, vide ou bondé. En plus, il n’est pas lié au reste
de la ville. Aussi, les parcs ne sont pas remplis d’activités, mais remplis d’interdictions. A l’entrée, se trouve généralement un
grand panneau mentionnant tous les comportements interdits, comme promener son chien, jouer au ballon, faire du vélo, ou
encore marcher à pied nus. Néanmoins à Pékin, les parcs sont très utilisés et deviennent des espaces de loisir et de rencontre. Ceci démontre un manque patent d’espace public de qualité.
54
38 SANJUAN Thierry, 2007, Atlas de la Chine, Paris, Editions Autrement, p. 48
Un groupe de danseurs dans le parc de Tuanjiehu 39 Op.cit. WANG, 2011, p. 325
55
Les espaces publics autours des bâtiments monolithiques
sont peu utilisés. Ils ont parfois des pelouses, mais celles-ci sont
marquées par des panneaux “Restez en dehors de l’herbe!”.
Seules les ruelles des hutongs forment encore l’espace public des
habitants pour leur vie quotidienne. Comme il a été mentionné dans la section précédente, il semble que le nouvel espace public à Pékin qui était autrefois dans ces ruelles, s’est maintenant
transféré à l’intérieur des centres commerciaux. Ces espaces sont
une sorte d’extérieur intériorisé. Ils incluent et excluent à la fois des activités et par conséquent des types de personnes aussi. L’avenue de Wangfujing
Il existe néanmoins des rues commerciales. L’avenue
de Wangfujing est la plus grande. C’est une sorte de 5ème avenue
pékinoise, toutefois sans grandes qualités. Plus qu’un réel espace public c’est une rue dédiée à la consommation, où les gens passent
et dépensent, mais ne restent pas. Le solde d’espace public est résiduel. Il est constitué par une appropriation spontanée des espaces non planifiés. La place du nouveau village sud de Sanlitun
est probablement une des uniques propositions d’espace extérieur urbain. Elle a amené un nouveau type d’espace public dans la capitale : la place commerciale.
L’intériorisation des espaces publics est fortement
accentuée par le mode de transport. La grille colonise le
labyrinthe et détruit ainsi l’échelle pédestre. La ville devient de
moins en moins commode pour se déplacer à pied. Les avenues, manifestation du triomphe de l’automobile, découpent et
ségréguent les quartiers. Leur taille considérable les rend même
56
La place de Sanlitun (village sud)
souvent difficile à franchir. Les personnes âgées n’ont parfois même pas le temps de traverser et se retrouvent coincées au
milieu de l’avenue entre deux flux de véhicules. De nombreux
57
passages souterrains et ponts ont été construits pour franchir ces obstacles, mais ils sont tout simplement l’antithèse d’une
promenade et donnent ainsi raison à la voiture. Cette dominance
de l’automobile sur le piéton est aussi bien illustrée par le fait que les voitures ont toujours la priorité, et cela même sur les passages piétons.
La déconnection de l’échelle urbaine révèle un manque
de seuils. Il n’y a pas de transition entre les objets architecturaux
et leur environnement. Les bâtiments qui bordent la rue sont
généralement en retrait et au lieu d’avoir une série de seuils
entre eux et la rue, ils s’organisent souvent selon la logique : avenue, trottoir, barrière, no man’s land, puis le bâtiment. Cette
disposition détruit directement la qualité de la rue. Si le baron
Coupe d’une avenue parisienne
Eugène Haussmann avait aussi percé des avenues dans le
labyrinthe de Paris, la réalité urbaine à Pékin est bien différente. L’avenue (ou le boulevard haussmannien) contrairement à celui de la capitale chinoise est bordée par de belles façades qui animent l’espace du trottoir, lui-même séparé de la rue par une
rangée d’arbres. Le trottoir pékinois, lui est bordé par une grille d’un côté et un trafic excessif de l’autre.
Comme il en a été fait mention plutôt dans ce chapitre,
l’espace public à Pékin pourrait fournir une réponse à la
juxtaposition brutale entre le bigness et le smallness. Il pourrait constituer un pansement entre ces deux types de tissus urbains
qui s’ignorent. L’architecture des bâtiments-objets ne possède pas d’espaces publics dynamiques. Cependant, si les ruelles des hutongs se prolongeaient dans l’espace qui borde les bâtiments-
objets, un travail sur les seuils permettrait alors de lier ces deux
58
entités et les faire s’enrichir mutuellement.
Coupe d’une avenue pékinoise
59
Plus qu’un pansement, cet espace devient alors positif.
Il est socialement producteur. Ainsi à Pékin, l’espace public
pourrait former un seuil liant ces deux tissus urbains. De plus,
l’espace public chinois de la rue est, avec les ventes sur le trottoir, caractérisé par une appropriation spontanée. Aussi,
la rue est souvent utilisée comme une extension territoriale de
l’habitat privé. Si ces nouveaux espaces publics possèdent des
endroits qui peuvent être appropriés pour des activités comme un marché ambulant, ils pourraient alors être dynamisés par les
anciens quartiers qui prolongeraient leur espace public dans ces
nouvelles morphologies urbaines. Afin de lutter contre un espace public stérile, il faut donc rendre possible son appropriation par
60
les habitants.
Le boulevard du troisième périphérique
L’utilisation extensive de la rue à Pékin
Une ruelle près de Nanluogoxiang
61
Chapitre II
Les hutongs
63
Chapitre II : Les hutongs
Dans cette deuxième partie, sera traité le tissu urbain des
hutongs. Plusieurs théories existent sur l’origine du mot hutong.
Il viendrait des mots mongols désignant soit un puits1, soit un passage entre des tentes2, ou encore du mot chinois faisant
référence à une voie de fuite contre les incendies3. Les théoriciens penchent plutôt pour l’explication du puits, soutenant que les
venelles dépendaient originellement d’un réseau de puits4.
Cependant, les Chinois semblent préférer l’hypothèse de la voie de fuite. Plus qu’une typologie urbaine ou un tissu spatial, le terme de hutong renvoie à un concept plus global désignant à la fois les ruelles, les maisons à cours et un art de vivre.
64
1 Op.cit. DARROBERS, 2008, p. 16 2 Op.cit. MEYER, 2007, p. 4 3 Ibid 4 Op.cit. DARROBERS, 2008, p. 16
65
3.1 Les ruelles
Selon la légende, c’est précisément dans les hutongs que
circule le sang de Nezha, le protecteur de la ville de Pékin5. Ces ruelles datent du XIIIème siècle lorsque Kublai Khan, l’empereur de la dynastie des Yuans prit le contrôle de la ville. Leurs noms sont les témoins des lieux et de leur histoire. Cette typologie
existe dans d’autres régions du nord de la Chine, mais les hutongs
de Pékin sont définitivement les plus célèbres. Les ruelles sont
étroites et forment un réseau spatial dense qui vient percer les carrés du damier dessiné par les avenues. La rue n’est donc
pas hermétique, elle laisse la possibilité de s’échapper par des passages plus ou moins privés définissant ainsi de manière implicite des frontières entre l’espace privé et l’espace public. Le rôle du seuil commence avec le passage de la grille au labyrinthe.
Ce tissu urbain à un étage réfère au concept philosophique chinois “接地气” (jie diqi) qui pourrait être traduit par rester
Extrait du plan dessiné sous l’empereur Qianlong (1735-1796)7
proche de l’énergie de la terre. Cette vision dévoile l’importance
pour les Chinois d’être connecté au sol de manière à maintenir un équilibre par une bonne circulation de l’énergie.
Les murs de ruelles sont aveugles car la typologie des
logements à cour est introvertie. Contrairement aux façades à l’européenne, aucune fenêtre ne donne donc sur la rue. Les
venelles se développent principalement sur un axe est-ouest et sont en général séparées par une soixantaine de mètres6.
Toutefois, certains hutongs se trouvent le long d’un axe nord-
66
sud. Aussi, dans la Cité extérieure les ruelles n’étaient pas
Vue aérienne des hutongs de Xianyukou et Dazhalan8
5 Op.cit. MEYER, 2007, p. 77 6 Op.cit. EDELMANN, p. 307
7 Ibid 8 Op.cit. WANG, 2011, p. 20
67
nécessairement orientées selon les points cardinaux, car loin
taille étroite des hutongs sert à protéger les maisons des assauts
de population relativement élevée. Par exemple, le quartier de
du centre du pouvoir, elles échappaient au contrôle impérial. La du vent hivernal et à répondre ainsi aux réalités climatiques de
la Chine du nord9. Ces venelles originalement en terre damée abritent des commerces et des toilettes publiques qui sont partagées par les différents habitants de la ruelle. Originellement,
il y avait des barrières aux entrées de chaque hutong qui étaient fermées la nuit pour empêcher d’éventuelles intrusions.
Bien que ce tissu horizontal ait un seul niveau,
l’organisation spatiale efficace permet d’atteindre une densité Dazhalan héberge une population de 57’00010 personnes sur une surface d’environ 1.2 kilomètre carré. Ceci correspond à
une densité de 47’500 habitants par kilomètre carré alors que la
densité de population de Manhattan New York n’est que d’environ 27’00011. Evidement cette comparaison est d’une véracité limitée, car il faudrait prendre en compte la surface habitable par habitant
et ainsi comparer les conditions de vie, sans parler du fait qu’il faudrait aussi soustraire la surface de Central Park. Mais, le but de cette rapide comparaison est plutôt de démontrer que la densité de population n’est pas nécessairement liée à la hauteur du tissu
urbain. Ainsi, la densité d’habitants que permettent d’atteindre
les hutongs explique comment 1,3 million de personnes pouvaient
en 1949 habiter dans une vielle ville de 62,5 kilomètres carrés12.
Ceci correspond à une densité de population moyenne de 20’800 habitants au kilomètre carré. Cette densité, qui est déjà
élevée, se rapporte à la période antérieure aux conséquences
de la proclamation de la République populaire de Chine qui
ont engendré un surpeuplement dans les maisons à cours. Les conditions spatiales étaient donc à ce moment-là encore très bonnes. Cette transformation sera traitée plus loin dans ce même chapitre. Maquette de Shijia hutong au Musée de Shijia Hutong
68
9 Op.cit. DARROBERS, 2008, p. 39
10 Op.cit. MEYER, 2007, p. 5 11 www.demographia.com 12 Musée de Shijia Hutong
69
Comme le montrent les schémas ci-contre, il faut
distinguer une série de niveaux de divisions. La première est
l’échelle du bloc, puis celle du sous-bloc et enfin la division des parcelles à l’intérieur du sous-bloc. A l’intérieur de ces parcelles
s’agencent ensuite les bâtiments qui entourent les cours. Chacune de ces échelles définit un seuil. Un bloc
Les sous-blocs
70
Les parcelles
Agencement complet à l’intérieur d’un bloc
71
Un premier seuil entre la ville et l’intérieur du bloc est
dessiné par la différence de densité soulignée par la largeur des avenues qui entourent ces méga-blocs, la largeur des ruelles étant
généralement de six à sept mètres. Ce seuil était aussi marqué
par les portails qui se trouvaient aux extrémités des venelles. Ces portails furent ajoutés en 1422 sur ordre de l’empereur en réponse aux plaintes des policiers13. Seuil à l’échelle du bloc
Un deuxième niveau de seuil se trouve à l’échelle de la
ruelle elle-même en agissant à la fois comme liant et séparateur
entre les différentes unités. La ruelle divise et distribue les sousblocs, et gère le rapport entre privé et public en connectant ces deux espaces.
Enfin, un troisième niveau est défini par la cour qui met
en interaction ou sépare les différents bâtiments qui l’entoure. La ruelle est donc un espace de transition entre la rue et la cour et un lien entre l’architecture et la ville. Seuil à l’échelle de la ruelle
72
Seuil à l’échelle des cours
Les hutongs sont donc caractérisés par succession de seuils. C’est cette séquence spatiale qui lie les logements individuels à l’espace public du bigness.
13 Op.cit. MEYER, 2007, p. 148
73
3.2 Les siheyuans
Dans les hutongs, se trouvent les siheyuans. Le
mot siheyuan signifie littéralement une cour entourée par
quatre bâtiments. Il constitue spatialement l’unité de base et s’additionne jusqu’au parcellaire parfaitement défini de la trame urbaine. Généralement, dix unités s’additionnent côte à côte d’est
en ouest sur une longueur d’environ 700 mètres14. Aussi, des typologies similaires existent aussi dans d’autres régions de la
Chine. A Pékin, il existe différentes versions de ce qui est nommé par extension siheyuan. D’abord, la version la plus simple est en fait un sanheyuan (une cour entourée par trois bâtiments)15. Il n’y a pas de bâtiment au sud mais juste un mur avec une entrée
simplifiée. Ensuite, une unité appelée jin mesure le nombre de
La cour d’un siheyuan
cours dans le sens de l’axe16. Selon la taille et l’importance de la famille, l’ensemble peut être doublé, voire triplé sur un axe
nord sud. Généralement, il y a une ou deux cours mais certaines résidences peuvent contenir trois cours ou même plus.
74
14 Op.cit. EDELMANN, 2008, p. 307 15 JIA Jun, 2012, Beijing Courtyards, The Traditional Chinese Architecture Series, Beijing, Tsinghua University Press, p. 30 16 Ibid, p. 28
Maquette d’un siheyuan à trois jins17 17 Musée de l’Urbanisme de la Municipalité de Pékin
75
Un ensemble à deux jins est composé d’une cour avant
étroite et d’une deuxième cour centrale spacieuse18. Dans ce cas les deux cours sont séparées par un mur. Lorsque l’ensemble
fait trois jins, il y a une cour avant, une cour centrale et une cour arrière19. Ce type correspond exactement à la distance entre deux
hutongs et occupe par conséquent tout l’espace entre deux ruelles.
Pour les types avec quatre cours ou plus, le système demeure identique et les cours supplémentaires sont insérées entre la
cour avant et la cour arrière. Cette logique peut se poursuivre
jusqu’à sept cours. Mais, tous les types accentuent la symétrie
autour de l’axe central nord-sud et établissent une hiérarchie entre les pièces principales et les ailes. Enfin, dans certains cas
lorsqu’il s’agit de résidences de luxe, les cours peuvent d’être reliées latéralement et le complexe peut donc posséder plusieurs
cours dans le sens latitudinal20. Ainsi, cette méthode donne plus
de liberté dans l’agencement des bâtiments. Certaines résidences de luxe extrême comme les résidences princières pouvaient même avoir des jardins. Deux ensembles à un jin
76
Un ensemble à trois jins
18 Op.cit. JIA, 2012, p. 30 19 Ibid, p. 32 20 Op.cit. EDELMANN, 2008, p. 309
77
Les siheyuans sont donc des maisons sans étage, composées d’une cour fermée et entourée par quatre habitations
indépendantes, elles-mêmes adossées à des murs périphériques. Par conséquent, il s’agit d’une typologie très introvertie où le mur participe à l’organisation et à la hiérarchisation de l’espace. C’est
une résidence privée où habite la famille au sens large. L’ensemble possède une seule entrée qui se trouve généralement à l’angle sudest21. Seuls les temples ou les bâtiments de grande importance
avaient le droit d’avoir une entrée située sur l’axe central. Les espaces intérieurs sont ouverts sur la cour. Il y a généralement un bâtiment principal donnant plein sud, deux ailes est et ouest,
et un bâtiment sud. Les parents occupent la pièce principale au
nord, bénéficiant ainsi d’un maximum d’ensoleillement, tandis
que les enfants et les domestiques occupent les autres pièces22. Un passage couvert relie souvent les différentes parties. La
construction est faite de murs en briques grises et de colonnes
en bois soutenant la charpente. Les bâtiments qui composent le siheyuan sont régis horizontalement et verticalement par un
système ternaire23. En plan il y a une allée centrale principale flanquée de deux petites allées latérales. En coupe les bâtiments sont aussi divisés par la base, le socle et le toit.
78
21 Op.cit JIA, 2012, p. 72 22 Op.cit. DARROBERS, 2008, p.40 23 Op.cit JIA, 2012, p. 42-43
Vue aérienne d’un siheyuan type (trois jins)24
24 Op.cit. WANG, 2011, p. 17
79
Le portique d’entrée des habitations, comme montré sur
le dessin ci-contre est le seul lien avec la rue. Cette entrée n’est
pas juste une simple porte mais un espace à proprement parler. Ce dernier forme un seuil et un espace de transition entre la rue
publique et l’unité familiale. Par ailleurs, l’entrée n’est pas directe.
Elle donne en réalité sur un corridor où un mur écran se trouve devant le portique. Après les portails situés au bout des hutongs,
les entrées des complexes constituent un deuxième niveau de séparation entre la ville et la sphère de plus en plus privée. Le seuil de l’entrée
Traditionnellement, la taille et l’ornementation du
portique renseignent sur le statut social de la famille qui habite le
complexe25. C’est précisément la position en plan et la largeur de la porte qui le détermine. Plus la porte est loin de la ruelle et plus
elle est large, plus la famille est d’un haut statut social26. Deux
pierres disposées devant l’entrée servent à maintenir les gonds des battants de la porte. La façon dont sont traitées ces deux pierres sert aussi de renseignement sur le statut de la famille.
80
Le portail d’entrée
25 Op.cit JIA, 2012, p. 72 26 Ibid, p.74
81
La structure spatiale des siheyuans est aussi une
structure hiérarchique, où les seuils dessinent une gradation de
public à privé, gérant ainsi le rapport avec la ruelle. La division
spatiale des trois cours, avant, principale et arrière, va de pair avec l’organisation familiale à l’intérieur du complexe. En effet, la partie avant était réservée aux domestiques et aux invités, la
partie centrale aux fils et à leur famille, tandis que le bâtiment
nord était réservé aux parents. Enfin, la partie arrière, interdite aux invités, étaient réservée aux filles non mariées27.
interdit au public
Ainsi, la gradation de public à privé depuis l’avenue jusqu’à la partie interdite au public se présente comme suit:
l’avenue bordant le bloc
l’entrée dans le bloc la ruelle du hutong
le portique d’entrée pour la famille
pour recevoir les invités La division spatiale à l’intérieur des siheyuans
82
27 Op.cit JIA, 2012, p. 6 et 32
la première cour
le deuxième portique
la deuxième cour
la troisième cour
83
3.3 La cour
Les maisons à cours ne sont pas une particularité de Pékin.
Depuis des millénaires à travers le monde existe cette typologie.
Des Romains en passant par l’Afrique du nord et le MoyenOrient et jusqu’à la Renaissance en Europe, cette typologie est employée sous diverses formes. En effet, les Romains avaient des maisons à cour avec des bassins. Dans l’architecture islamique, de
nombreuses maisons ont des cours entourées de colonnades. En
Europe après la Renaissance, beaucoup de demeures luxueuses possèdent une cour entourée de bâtiments à plusieurs étages. Par
conséquent, il est intéressant de se demander pourquoi la cour est un élément architectural si récurrent à travers le monde et quelle est son utilité dans le contexte pékinois. La cour amène de
nombreuses qualités. Elle met tout d’abord la maison en relation
avec les éléments de la nature. Elle permet un climat intérieur confortable en fournissant ombre et fraicheur en été. Aussi, cette disposition protège du vent et des tempêtes de sable ce qui est particulièrement utile dans le cas de Pékin. En plus des aspects climatiques, la cour amène beaucoup de lumière naturelle
et permet de collecter l’eau de pluie. Des plantes ou un bassin permettent d’humidifier l’air.
Dans la capitale chinoise, la cour est une privatisation de
l’espace extérieur. Par ailleurs, du point de vue urbanistique un
modèle comme celui des hutongs et siheyuans rend l’utilisation du sol plus efficace en créant une nappe compacte où les bâtiments
peuvent être collés les uns aux autres28. Enfin, la cour garantit une
84
bonne sécurité en limitant les ouvertures sur l’extérieur. 28 Op.cit WU, 1999, p. 90
La typologie des siheyuans a évolué par la transformation
de sa cour. Jusqu’à la proclamation de la République populaire de Chine en 1949, peu de modifications ont eu lieu. Le fait
que les familles pouvaient acheter la maison de leurs voisins ou diviser la leur, affectait la division des parcelles mais pas la logique du système global. Les cours des siheyuans demeuraient généralement vides et l’ensemble était partagé par une seule
famille. Les réels changements s’opérèrent après l’arrivée au
pouvoir de Mao Zedong où ont eu lieu les premières divisions des siheyuans. Car ceux qui possédaient un ensemble trop grand
Remplissage d’un côté
Extensions de deux côtés
Des petites constructions
Remplissage aléatoire
Constructions sur les deux côtés
Constructions sur les quatre côtés
avaient peur de se faire taxer de capitalistes29. Les propriétaires commencèrent donc à diviser les ensembles, d’où une première modification des plans.
Ensuite, après la Révolution culturelle qui débuta en
1966, les maisons à cours se font divisées une seconde fois30. Les
logements privés sont nationalisés et de nombreuses personnes se sont vues alors attribuer des siheyuans. La conséquence fut
que les complexes devinrent de plus en plus surpeuplés. Pour
pallier au manque de place, les habitants ont construit alors des baraques supplémentaires dans les cours. Ces constructions,
d’un caractère provisoire, furent de très mauvaise qualité. Leur
taille et leur emplacement n’étaient pas vraiment réfléchis mais plutôt improvisés. C’est ainsi que les spacieux siheyuans se transformèrent en dazayuans. Ce qui signifie littéralement
grande cour en bordel. Le phénomène s’est poursuivi et les traces des cours allèrent dans certains cas jusqu’à disparaître.
86
29 Op.cit. MEYER, 2007, p. 13 30 Ibid
87
Bien que ces changements aient gravement détérioré
les conditions de vie des habitants des hutongs en apportant
des problèmes de lumière, de ventilation, sans mentionner les
questions sanitaires, ils ont aussi amené une nouvelle organisation
socio-spatiale. Le seuil de l’entrée n’est plus une frontière entre la ruelle et l’unité familiale mais devient une séparation entre
la communauté qui habite le complexe et la ruelle. La cour qui
servait autrefois de lieu de rassemblement pour les différents
A
B
C
membres de la famille devient un espace de seuil entre les différents habitants. Comme le montrent les dessins ci-contre, au
fur et à mesure que les cours se remplissent apparait alors un deuxième niveau de venelles encore plus étroites qui se situent
à l’intérieur des anciennes structures des siheyuans. Ce second
réseau fonctionne finalement de manière similaire au premier mais à une échelle beaucoup plus petite.
Tout comme les ruelles des hutongs étaient marquées
par des portails à leurs extrémités, ce nouveau réseau est marqué par le portique qui servait originellement d’entrée dans le complexe. Ainsi, ce nouvel ordre spatial a amené un niveau de seuil supplémentaire dans la structure urbaine de la ville. En
définitive, cette évolution du seuil a conduit vers une plus grande
ouverture. Aussi, la complexification de ce nouveau réseau a effacé
les frontières qu’étaient autrefois les portails aux extrémités des ruelles et le rôle des portiques comme séparation entre la rue et l’unité familiale a disparu.
88
La transformation des siheyuans31 A. Début années 1950: Un complexe à cours 2440.5m2 de surface bâtie
B. Fin années 1970:
Un complexe multi-familles 3196.5m2 de surface bâtie 131% du type A
31 Op.cit. WU, 1999, p. 59 Note : les dessins ont été retravaillés et modifiés par l’auteur
C. En 1987:
Un complexe sans cours 3786.5m2 de surface bâtie 155% du type A
89
La série de photographies ci-contre prises dans le quartier
de Dazhalan au sud-ouest de la place Tiananmen, explique bien la gradation de public à privé établie par la nouvelle texture urbaine.
De la ruelle principale jusqu’à la porte du logement privé, une
succession de seuils marque au fur et à mesure de la progression une entrée dans la sphère privée. Toutefois, la frontière n’est pas 1ère ruelle
2ème ruelle
évidente à déterminer. Probablement que cette limite se trouve dans le seuil qui est constitué par le portique dont la porte peut
être aperçue dans la partie gauche de la troisième image et dont
l’intérieur du portique est montré sur la quatrième photographie. Cependant, il serait logique de considérer que la frontière se situe aux entrées privées visibles sur la dernière image. Mais, la réponse est peut-être plutôt dans les éléments intangibles
comme les habits qui sèchent sur la troisième et sixième images, ou encore par la serpillère sur la partie gauche de la quatrième photographie. 1ère cour
2ème cour
3ème cour
Entrées privées
90
91
3.4 Le tissu social
En plus d’être un tissu urbain physique, les hutongs
forment un tissu social et les ruelles et les cours en sont le
réceptacle des activités exercées. Aujourd’hui, cette fonction est souvent altérée par les voitures parquées sur le côté qui occupent cet espace public. Les hutongs sont un symbole culturel de la
capitale et plus généralement un vecteur de la culture chinoise. Des générations ont grandi dans ces quartiers qui deviennent
alors une histoire vivante. Aussi, les hutongs sont souvent
associés au dialecte de Pékin. Mais, leur plus grande qualité, est
probablement une capacité à rassembler les gens. Dans ce tissu urbain si particulier règne une atmosphère de village. Les rapports
de voisinage fonctionnent selon une logique communautaire. En plus de distribuer les maisons à cours, la ruelle fournit un lien
entre les maisons. Ces venelles deviennent alors une extension de l’espace privé et ainsi, partie intégrante du tissu socio-spatial.
L’agencement architectural des siheyuans forme la cellule de base de la société chinoise et va de pair avec l’organisation familiale.
Comme l’explique les deux statues de lions souvent disposées de chaque côté de l’entrée, traditionnellement les hommes sortent dans l’espace public alors que les femmes restent en général dans le complexe. En effet, le lion mâle tient un globe symbolisant le
monde extérieur alors que la femelle tient un bébé symbolisant l’unité familiale.
Mais la force des hutongs, est leur échelle pédestre.
Elle permet de créer un voisinage, une vie de quartier. Les
92
ruelles s’animent par les activités quotidiennes des habitants, les gens utilisant la rue comme espace social. Ils jouent aux
échecs et promènent leurs oiseaux. Les enfants y jouent aussi.
C’est la hiérarchie des seuils qui rend cette utilisation possible car elle permet une appropriation spontanée de l’espace public
ou partagé. Toute sorte de petits métiers comme des artisans,
des coiffeurs, des réparateurs de chaussures ou de vélos, des recycleurs, des copieurs de clés fleurissent à travers les venelles. Un artisant
Des joueurs d’échecs
Il y a même des aiguiseurs de ciseaux et de couteaux. Tout le
monde se connait, ainsi une grande sécurité est garantie. Ce sont
les différentes échelles de divisions qui rendent cela possible. Les gens interagissent donc beaucoup socialement et la gradation des
seuils donne une notion floue de l’endroit où se situe la limite entre la sphère publique et privée. C’est parfois plus l’utilisation de
l’espace qui va déterminer cette limite, comme le positionnement d’objets anecdotiques tel que le linge qui sèche sur une ficelle.
En plus de toute la diversité culturelle, ethnique et
religieuse, il y a historiquement trois types de population dans Un cordonnier
Un petit restaurant
les hutongs. Ceux qui sont originaires du lieu, ceux qui ont
emménagés pendant la Révolution culturelle, et ceux qui ont été
relogés plus tard par leur danwei (unité de travail)32. Mais ces quartiers ont aussi un rôle d’intégrateur social, en particulier
pour les gens venant des campagnes. Les faibles loyers et l’échelle locale de ces quartiers leur permettent d’ouvrir facilement
un petit commerce de service de proximité. Qu’il s’agisse d’un
magasin, d’un petit restaurant, d’une blanchisserie ou encore
d’un atelier de couture. La contribution des migrants dans les hutongs devient particulièrement visible pendant le nouvel an Des voisins ensembles
94
Un marché improvisé
chinois car rentrant chez eux, la plupart de ces commerces sont fermés.
32 Op.cit. MEYER, 2007, p. 14
95
3.5 Lilongs et tulous
En Chine, d’autres formes d’habitats fonctionnent
aussi comme un tissu social. Les plus intéressants, sont sans doute les lilongs de Shanghai et les tulous du Fujian qui seront
ici brièvement traités. Ces deux types d’habitat présentent des caractéristiques similaires aux hutongs de Pékin. Si le tulou est urbanistiquement parlant radicalement différent du hutong, le lilong lui est assez similaire. Par contre, sur le plan architectural,
la cour des siheyuans se retrouve dans le tulou mais à une échelle bien plus grande. Les lilongs
Vue aérienne d’un quartier de lilongs à Shanghai35
Le lilong désigne un modèle d’habitat urbain typiquement shanghaien. Il fut principalement développé de 1860 jusqu’au
milieu du XXème siècle33. Il est caractérisé par une enceinte
protectrice qui sépare le lotissement de la vie publique. Il est le
Rue urbaine
Ruelle d’entrée
Ruelle principale
résultat de la combinaison entre une typologie occidentale de maisons en ligne et la notion de rue et de cour présente dans
l’architecture traditionnelle chinoise, ou plutôt une assimilation
chinoise d’une typologie européenne. L’hybridité du lilong s’exprime aussi par le mélange entre la terrasse à l’européenne et la cour à la chinoise34. La rue devient alors une réinterprétation
de la cour traditionnelle chinoise et transforme ainsi l’usage de l’espace public pour devenir une ruelle intérieure communautaire.
96
33 ARKARAPRASERTKUL Non, 2009, Towards modern urban housing: redefining Shanghai’s Lilong, Journal of Urbanism: International Research on Placemaking and Urban Sustainability, 2: 1, 11-29, p. 17-19 34 Op.cit. ARKARAPRASERTKUL, 2009, p.17
Ruelle intermédiaire
La structure des quartiers de lilongs36 35 www.shanghaistreetstories.com 36 Op.cit. ARKARAPRASERTKUL, 2009, p. 14
Cour avant
Balcon et terrasse
97
Les tulous
Contrairement aux autres types, le tulou est un modèle
d’habitat rural. Son but premier est la défense. Il ne possède donc qu’une seule entrée et n’a pas de fenêtres au rez-de-chaussée sur
la face extérieure. Sa forme peut être ronde ou carrée. Il fonctionne comme un village. Il se trouve dans les régions montagneuses du
sud-est de la Chine et les premiers prototypes datent du XIIIème
siècle39. Ils sont donc aussi vieux que les hutongs de Pékin. Les fameux tulous du Fujian sont parmi les plus célèbres et peuvent
accueillir jusqu’à huit cents habitants40. Ce type d’habitat ne Ensemble de tulous situés dans la province du Fujian37
comporte pas de gradation de seuils. Il possède un unique espace extérieur entouré par les différents logements et partagé par les
habitants du tulou. Cette grande cour est un espace social qui est animé par les différentes unités qui la surplombent.
Vue intérieure d’un tulou du Fujian38
98
37 whc.unesco.org 38 Ibid
39 whc.unesco.org 40 Ibid
99
Chapitre III
Les études de cas
101
Chapitre III : Les études de cas
Les projets seront décrits, puis analysés selon les trois
critères suivants : intégration dans le site, système de circulation
et traitement des espaces extérieurs. Ainsi, le but sera de comprendre comment la notion de seuil participe ou non à la
création de qualités socio-spatiales. Ces projets contrairement
à ceux de Qianmen et Yonghegong, qui sont simplement une reconstruction contemporaine de quartiers traditionnels, ont la particularité de réinterpréter chacun à leur manière le tissu urbain des hutongs.
Vue satellite de Pékin avec l’emplacement des études de cas
Le projet de Qianmen
Quatre exemples de projets de régénération urbaine
dans les quartiers de hutongs sont traités dans ce chapitre. Il s’agit des projets de Ju’er Hutong, Xiaohoucang, Dongnanyuan et Nanchizi, qui ont vu le jour entre 1987 et 2005. Ces projets sont
tous situés à l’intérieur de la vielle ville de Pékin. Ils ont remplacé
102
des parties détruites du tissu urbain des hutongs, mais tentent de conserver certains éléments de ces quartiers traditionnels.
Le projet de Yonghegong
103
4.1 Ju’er Hutong Description du projet
Situé dans la partie ouest du quartier de Nanluoguxiang,
le projet de Ju’er Hutong se trouve dans une zone historique non loin des tours du Tambour et de la Cloche. En 1987, le
gouvernement sélectionne le site de Ju’er Hutong dans le but d’y développer un nouveau type de régénération urbaine, les hutongs
y étant délabrés1. Le quartier de Nanluoguxiang fait partie des vingt-cinq zones à protéger de 1999. Le projet en trois étapes fut dessiné par le fameux architecte chinois Wu Liangyong et
son équipe de l’université de Tsinghua. La première étape date
de la fin des années 1980 tandis que la deuxième du début des
Vue aérienne de Ju’er Hutong (phase II)5
années 19902. La partie de la deuxième phase est plus grande que celle de la première. Bien que fructueux, le projet sera
suspendu après la deuxième phase3. Ce dernier a gagné plusieurs prix dont le World Habitat Award en 19924. Wu Liangyong a
cherché à développer un nouveau type de maisons à cours en réinterprétant les traditionnels siheyuans, mais en voulant
atteindre une plus grande densité. Les bâtiments, organisés autour de cours centrales possèdent de deux à quatre niveaux.
L’utilisation de toits en pente traditionnels permet d’augmenter la surface habitable sans diminuer la pénétration de la lumière à l’intérieur des cours.
104
1 Op.cit. WU, 1999, p. 112 2 ZHANG Yan, KE Fang, 2003, Politics of Housing Redevelopment in China: The Rise and Fall of the Ju’er Hutong Project in Inner-City Beijing, Journal of Housing and the Built Environment 18, (1): 75-87, p. 79 3 Ibid, p. 75 4 www.worldhabitatawards.org
Plan du projet de Ju’er Hutong6 5 Op.cit. WU, 1999, p. 135 6 Op.cit. ZHANG, KE, 2003, p. 79
105
Il existe trois types d’appartements : celui à une pièce
(39-49 m2), celui à deux pièces (54-66 m2), et celui à trois pièces (67-76 m2)7. A l’intérieur la distribution dans les appartements
se fait en général par une pièce centrale qui est utilisée comme salon.
Intégration dans le site
La situation du projet lui donne au site déjà un sentiment
de voisinage ou de quartier. En effet, pour s’y rendre depuis la Vue satellite de l’emplacement du projet
rue principale, il faut enter dans une ruelle perpendiculaire, puis rentrer encore dans une seconde ruelle perpendiculaire à la
première. Le projet étant situé le long de la venelle du hutong,
reprend donc le système d’accès traditionnel. Les ruelles qui doivent être parcourues pour accéder au projet, constituent
déjà des seuils par rapport à l’avenue de par leur largeur dégressive. Grâce à sa faible hauteur, le projet s’intègre bien dans l’environnement proche. De plus, la hauteur des bâtiments varie selon le contexte. D’une manière générale, un front bâti
plus haut borde la ruelle et se déconstruit quand il rencontre des éléments du tissu urbain plus bas. Malheureusement les hutongs qui bordaient autrefois le projet ont, à certains endroits, été
remplacés par de petits immeubles. Enfin, si dans la périphérie du projet, le rapport à la ruelle est bien traité, les autres bords
sont souvent trop linéaires dessinant une sorte de frontière périphérique séparant le projet du reste de la texture urbaine au
106
Vue satellite de Ju’er Hutong
lieu de la lier.
7 WU Liangyong, 1991, Rehabilitation in Beijing, Habitat International 15, (3): 51-66, p. 58
107
Système de circulation
Le système de circulation du projet forme une succession
de seuils qui dessine une gradation de public à privé. Il fait
ressentir certaines limites qui confèrent le sentiment d’entrer dans l’espace privé des habitants sans avoir pour autant ouvert de portes. Les seuils permettent donc ici de gérer de manière optimale le rapport entre l’architecture et la ville. Il n’y a pas de
Seuils de l’entrée
contrôle sur l’accès, mais une certaine sécurité est garantie par le fait que de nombreux logements ont une vue sur les cours. Le
premier seuil est constitué par les entrées qui sont en retrait par rapport à la rue, couvertes par un avant toit et flanquées d’une
double porte. Derrière cette double porte qui reste généralement ouverte, il faut traverser un espace couvert pour accéder à la cour.
Ce couloir marque un deuxième seuil entre la ruelle et l’intérieur
Rapport à la ruelle
du projet. Si les seuils de l’entrée forment certes des espaces tampons, ils ne sont pas habités. Ils sont donc finalement juste une frontière.
intérieur du projet
108
2ème seuil
1er seuil
Schéma des deux seuils de l’entée
Pont habité
ruelle extérieure
Circulation verticale
Galerie de l’escalier
109
Des escaliers sont situés dans les angles de chaque
cour et conduisent à des galeries extérieures qui donnent sur la cour et à partir desquelles se fait l’accès aux appartements. Le regroupement des espaces autour d’axes de circulation horizontaux et verticaux permet un meilleur ratio entre la
surface de la parcelle et la surface de plancher. Aussi, des espaces Rapport avec le contexte 1
Rapport avec le contexte 2
Petite cour
Grande cour
de stationnement pour vélos se situent sous les escaliers. Le fait
que la cage d’escalier soit ouverte et fonctionne aussi comme galerie, permet d’augmenter les interactions autour des cours en constituant un seuil intermédiaire tissant un lien avec la cour.
Plan du rez-de-chaussée8 (avec les seuils) Passage entre les cours
110
Demi-cour
8 Op. cit. WU, 1999, p. 142 Note : le plan a été retravaillé par l’auteur
111
Traitement des espaces extérieurs
La dimension standard des cours est d’environ quinze par
treize mètres. Les différentes profondeurs des cours permettent
d’ajuster la relation avec les bâtiments conservés et de répondre aux conditions spécifiques des liaisons avec les éléments
adjacents. Ainsi, comme le montre le schéma ci-dessous, les cours ne sont pas situées le long d’un axe médian, mais s’adaptent au
contexte. Aussi, la conservation des arbres donne une plus grande variété au projet car les dimensions et la forme des bâtiments
s’en trouvent modifiées. Pour se rendre d’une cour à l’autre, il
faut passer sous un pont habité qui ferme la cour au deuxième
niveau et fournit un espace extérieur couvert. L’architecte a donc ici combiné la typologie traditionnelle des cours avec celle plus
moderne des ponts. Toutefois, cette hybridité ne permet pas de
dynamiser les interactions étant donné que les ponts sont privés.
Enfin, le projet fournit une grande variété d’espaces
extérieurs qui agissent comme des seuils et permettent de dynamiser le lieu. En effet, il y a des percées dans le projet au niveau
du rez-de-chaussée qui servent d’entrée, des cours principales et secondaires, des passages couverts et des galeries liées à la circulation verticale. De plus, les appartements situés dans les
étages jouissent de balcons, et de terrasse pour ceux situés en attique. Cependant, les cours bien que beaucoup utilisées, sont
difficilement appropriées par les occupants. Probablement parce
qu’elles sont communes à trop de ménages. Les résidents ont donc tendance à rester dans leur espace privé et ce même au rezde-chaussée, car il manque d’activités à l’intérieur du projet.
Le problème est que les espaces extérieurs au rez-
de-chaussée forment certes une succession de seuils mais ils
n’entretiennent pas de relations dynamiques verticales avec les autres espaces extérieurs comme les balcons qui sont tournés vers
l’extérieur ou les terrasses qui sont cachées derrière des murs. De plus, les ponts fournissent des espaces extérieurs couverts mais ne servent pas à lier différentes parties du projet. Toutefois les
commerces installés en périphérie du projet dynamisent bien le quartier. Par ailleurs, le nombre de vélos présents dans les cours
témoigne bien du mode de déplacement des habitants et d’une échelle de voisinage.
112
Schéma de la position des cours
113
En définitive, la gradation des seuils de public à privé se présente comme suit :
l’avenue est de Gulou
la ruelle de Nanluoguxiang
la venelle de Ju’er Hutong
le 1er seuil de l’entrée
le 2ème seuil de l’entrée
Les cours de distribution les accès aux logements
114
les entrées privées
115
4.2 Xiaohoucang Description du projet
Le projet de Xiaohoucang se situe à l’angle nord-ouest
de la ville intérieure près de l’ancienne porte de Xizhimen. Il fut
construit entre 1988 et 19909. Le projet avait pour but de reloger les
gens qui y habitaient mais en définitive des unités supplémentaires (logements et bureaux), ainsi qu’un bâtiment commercial ont
été construits pour des questions de financement10. L’ensemble contient neuf immeubles de logements et un bâtiment commercial
organisés autour de ruelles intérieures. La hauteur du projet
varie de deux à six niveaux. La plupart des bâtiments ont une exposition principale nord-sud. Toutefois, certains possèdent une exposition est-ouest, probablement afin d’optimiser l’utilisation
Vue aérienne de Xiaohoucang11
du sol. Le projet comporte trois typologies. Une première, de volume important où les façades principales sont orientées est-
ouest. L’emploi de façades en dents de scie permet d’augmenter l’exposition sud. Les espaces du bâtiment sont distribués par un
couloir central et il y a une terrasse en toiture. Les deux autres types sont formés par de petits blocs d’appartements avec une
cage d’escalier centrale et des toits en pente. Certains, possèdent deux appartements par étages avec double orientation, d’autres de trois à cinq appartements par étage.
116
9 BROUDEHOUX Anne-Marie, 1994, Neighborhood Regeneration in Beijing: An Overview Of Projects Implemented in the Inner City Since 1990, Master Thesis, Montreal, McGill University, p. 63 10 Ibid
Vue satellite de Xiaohoucang 11 Op.cit. DONG, 2006, p. 206
117
Intégration dans le site
Xiaohoucang conserve le tracé des ruelles originales et
vise à contrôler le volume des bâtiments. Aussi, la taille raisonnable
du projet permet son intégration dans l’environnement et cherche à maintenir une échelle humaine. La conservation des arbres et la préservation de la structure du hutong confèrent au
projet une plus grande variété de bâtiments. Les connections avec le tissu urbain sont relativement bonnes mais ne présentent
pas vraiment de seuils. Les cours semi-privées situées au nord Plan du quartier avant le projet12
permettent de faciliter la transition d’échelle avec le contexte en formant un seuil entre les bâtiments et la rue publique. L’entrée principale se fait par un grand portail situé à la frontière nord de la ruelle centrale. En tout, le complexe possède six entrées.
Dans ce projet, les seuils ne sont pas traités de la même
manière que dans le projet de Ju’er Hutong. Le complexe est
plutôt, comme un ensemble d’objets situés dans une zone définie. La notion de seuil intervient une fois entré dans le projet. Enfin, comme le montrent les deux dernières photos de la page suivante, l’emploi d’un mur à un niveau (photo de gauche) améliore nettement le rapport abrupt avec le bâtiment commercial. Ce qui
n’est pas le cas sur la photo de droite. Enfin, les murs qui entourent
les cours privées et semi-privées en briques traditionnelles grises et les portes rouges reprennent des éléments des hutongs Plan du quartier après reconstruction13 (avec les seuils)
118
12 Op.cit BROUDEHOUX, 1994, p. 64 13 Ibid Note : le dessin a été retravaillé par l’auteur
traditionnels.
119
Système de circulation
Une fois entré dans le projet, une ruelle principale, avec
un carrefour au nord dessine la circulation dans le projet. Depuis cette dernière, des ruelles plus petites desservent les différents
bâtiments. Ces ruelles sont plus larges qu’un hutong moyen, Portail d’entée nord
Rapport avec le contexte 1
elles sont végétalisées et servent donc d’espace public extérieur. Ainsi, le projet présente une bonne gradation de public à privé
à l’intérieur de son propre système, mais pas entre le complexe et son environnement. Les espaces extérieurs qui entourent les
bâtiments font offices de seuil entre les ruelles et les entrées.
La végétation présente dans ces espaces permet à ces seuils de
former un espace tampon en augmentant la privacité. Lorsque les petits blocs d’appartements sont situés en vis-à-vis comme
le montre le schéma ci-dessous, l’accès aux immeubles se fait
par une succession de seuils. Ce système de distribution favorise Rapport avec le contexte 2
Rapport avec le contexte 3
les interactions et les jardins animent cette deuxième ruelle
intérieure. Cette typologie d’accès ressemble aux lilongs de Shanghai, mais à une densité plus élevée.
jardins 1ère ruelle
2ème ruelle
1ère ruelle
jardins
Rapport avec le contexte 4
120
Rapport avec le contexte 5
Schéma des seuils intérieurs
121
Traitement des espaces extérieurs
Le projet présente une grande variété d’espaces
extérieurs. Il y a quatre types différents de cours. Certaines parcelles sont entourées par un mur à un niveau qui sépare la ruelle
des bâtiments. Les appartements situés au rez-de-chaussée de ces bâtiments ont de petites cours privées. Certains appartements du rez-de-chaussée qui sont situés en périphérie sont séparés de la ruelle par une barrière et de la végétation. Ils possèdent de petites
cours qui sont partagées par deux appartements. Puis, il y a des
Ruelle intérieure avec mur
Lien entre cour et ruelle
Petite cour semi-privée
Portique vers cour de ditribution
La 2ème ruelle intérieure
Côté d’une grande cour
jardins un peu plus grands, qui sont liés à la cage d’escalier et
partagés par plusieurs unités. Enfin, le projet possède de grandes cours qui agissent comme des couloirs extérieurs et sont utilisées pour le stationnement des vélos. Aussi, les étages supérieurs sont
pourvus de balcons et les appartements des derniers étages ont des terrasses en toiture.
Tous ces différents types d’espaces agissent comme des
seuils à l’intérieur du projet et mais ne dynamisent pas vraiment les interactions sociales car ils ne sont pas toujours en rapport
les uns avec les autres. Le projet reste donc un ensemble d’objets et non un tissu. De plus, les espaces publics manquent d’endroits
pour s’asseoir. Des dégagements dans les ruelles font aussi défaut.
Le seul dégagement se trouve à l’angle nord de la ruelle principale
et héberge seulement les boites aux lettres. Les espaces extérieurs privés et semi-privés se laissent bien approprier grâce au nombre
limité de personnes par lesquels ils sont partagés. Ils sont donc
finalement très privatisés et ne jouent un rôle de seuil qu’entre un nombre limité de personnes.
122
123
La gradation des seuils de l’espace public à privé se présente de la manière suivante:
l’avenue de Qianbanbi
les entrées dans le projet la ruelle centrale
les petites ruelles
les jardins ou les cours
les accès aux logements
les entrées privées
125
4.3 Dongnanyuan Description du projet
Situé dans la Cité extérieure, le projet de Dongnanyuan
se trouve au sud-ouest de la place Tiananmen dans le quartier de Dazhalan. Ce dernier se trouvant en dehors de la Cité intérieure,
donc historiquement hors du contrôle impérial, les hutongs ne sont par conséquent pas orientés selon les points cardinaux.
Le projet de Dongnanyuan fut construit entre 1989 et 199114.
Il se compose de trente-huit bâtiments presque identiques et
d’un bâtiment plus grand au nord de l’ensemble. La hauteur des
immeubles types est de trois niveaux, tandis que le bâtiment plus
grand en possède quatre. Chaque type contient six appartements
Vue satellite de Dongnanyuan
répartis deux par étage. Les logements jouissent d’une triple orientation et l’accès se fait par un escalier extérieur.
Plan du quartier avant et après reconstruction15 (avec les seuils)
126
14 Op.cit BROUDEHOUX, 1994, p. 69
15 Op.cit BROUDEHOUX, 1994, p. 69 Note : la supperposition dans le deuxième dessin a été faite par l’auteur
127
Intégration dans le site
La hauteur raisonnable, l’utilisation de toits en pente,
de même que l’emploi de la brique traditionnelle, permettent
une bonne intégration dans l’environnement. Mais la force du projet repose plutôt dans la conservation de la ruelle centrale Grande cour (type nord)
Petite cour
qui est encore utilisée comme un hutong traditionnel. Le quartier environnant entretient donc un rapport dynamique avec le
nouveau projet. Aussi, les connections originales avec les autres ruelles sont préservées. La frontière située à l’est est délimitée
par un mur d’enceinte. Si la faible hauteur du mur s’intègre dans
l’environnement, cette partie du projet ne tisse pas de liens avec le quartier situé de l’autre côté de la ruelle. La frontière sud est marquée par une barrière et lie ainsi visuellement le projet au
quartier situé en face. D’une manière générale, l’environnement est très humain et conserve relativement bien les liens avec les Grande cour (type sud)
Eléments de seuils
vieux quartiers adjacents. L’utilisation très dynamique de la
ruelle centrale révèle bien l’importance de la conservation de sa
position. L’emplacement du projet au milieu des hutongs et non en bordure aide aussi beaucoup à préserver le tissu social. Système de circulation
La particularité de ce projet est que tous les
appartements ont un accès direct à l’extérieur. Des escaliers se trouvant en dehors des bâtiments permettent ce principe. Ils Galerie extérieure
128
Terrasse en toiture
connectent directement les niveaux supérieurs au sol. Ils sont soit adjacents à un bâtiment ou situés entre deux bâtiments et
relient généralement trois niveaux lorsqu’ils partent de la ruelle
129
ou deux lorsqu’ils sont situés dans les cours. C’est précisément
la particularité de ce système de circulation qui anime les seuils.
Ainsi, il met en rapport directement les différentes parties du projet et augmente par conséquent les interactions entre les habitants du complexe. Dans ce projet, les seuils dessinent une
séquence d’espaces hiérarchisés gérant la transition de public à privé. D’abord la ruelle centrale définit l’entrée dans une partie différente de la texture urbaine environnante. Ensuite, un accès
souvent indirect aux cours permet de gérer les rapports de privacité. En plus d’être indirecte, parfois la largeur du passage
Passage étroit vu des deux côtés
Escaliers extérieurs
Rapport avec le contexte 1
Rapport avec le contexte 2
Ruelle principale
Vie de quartier
permet vraiment de donner le sentiment d’intrusion à celui qui
l’emploie. Aussi, les cours elles-mêmes, de dimensions différentes agissent comme des seuils. Enfin à l’intérieur des cours, des éléments comme une marche, un tout petit muret ou encore des bacs à végétation marquent des seuils.
130
Schéma de la circulation dans les cours
131
Traitement des espaces extérieurs
Les bâtiments sont arrangés de manière à créer des cours
communes de différentes dimensions. La dimension des cours définit le niveau de privacité. Certaines cours relativement petites deviennent très privées. Les cours communes sont bien utilisées
par les habitants. Aussi, dans l’ensemble les logements jouissent d’un espace extérieur relativement privé. Au rez-de-chaussée, ils ont de petites cours privées ou utilisent une cour commune.
Les appartements du premier possèdent des balcons et ceux du deuxième étage ont des terrasses en toiture qui sont partagées
par deux unités. Les grandes cours communes sont partagées
par près de quinze ménages et bien végétalisées. Ces dernières sont souvent utilisées comme extension de l’espace public par les
résidents du rez-de-chaussée. Un grand bac végétalisé au centre
permet de donner une certaine intimité aux différentes unités qui partagent la cour. Aussi, il facilite l’appropriation d’espaces
périphériques et leur permet ainsi de devenir des seuils entre les différents bâtiments qui bordent les cours.
Mais la grande force de ce projet, en plus de conserver
la ruelle originale, est que les seuils que forment tous les espaces extérieurs ne sont pas que des successions d’espaces, mais qu’ils
dialoguent ensemble en trois dimensions et dynamisent ainsi beaucoup plus le complexe. Toutefois, il manque un espace de
stockage pour les vélos et l’appropriation des espaces sous les escaliers, ainsi que la fermeture des balcons, montrent que la surface habitable est insuffisante.
132
Dans ce projet, la gradation des seuils de public à privé se présente comme suit :
l’avenue sud de Xinhua
les ruelles de Dazhalan
les entrées dans le projet
la ruelle centrale
les passages entre les bâtiments
les différentes cours
les accès aux logements
les entrées privées
133
4.4 Nanchizi Description du projet
Le projet de Nanchizi se trouve au sud-est de la Cité
Interdite. Jusqu’à la fin du XVIIème siècle, le quartier servait d’entrepôt et d’atelier pour cette dernière16. La “reconstruction”
du site se déroula de 2001 à 200517, donc peu après l’inscription des vingt-cinq zones historiques à protéger de 1999. Elle était par conséquent supposée être un projet pilote pour la préservation des zones historiques et culturelles de Pékin. Mais, le gouvernement a
en réalité conservé très peu de bâtiments. Dans la partie sud, des siheyuans imitant ceux qu’ils ont remplacés ont été entièrement
Vue satellite du quartier de Nanchizi
reconstruits. Il s’agit donc de faux anciens.
Tandis que dans la partie nord, une nouvelle typologie
a été développée. Cette dernière est composée de bâtiments modernes à deux étages imitant le style traditionnel. L’intervention principale se situe dans la partie nord du projet autour du temple
de Pudu qui a été restauré et mis en exergue. Etant un des seuls temples de style architectural mandchou à Pékin, le temple a une
grande valeur historique. L’empereur Yinzong de la dynastie Ming
y avait même été emprisonné par son frère18. Un des habitants du quartier raconte qu’il a étudié dans ce temple car il avait été
transformé en école pendant la collectivisation. Enfin, un nouveau parc a été construit dans la partie sud.
134
16 GOLDMAN Jasper, 2003, From Hutong to Hi-Rise: Explaining the Transformation of Old Beijing, 1990-2002, Master Thesis, Boston, MIT, p.85 17 Op.cit. MEYER, 2007, p. 49 18 QIAN Fengqi, 2006, Protecting the Spirit of Hutong: A Case Study of Nanchizi Precinct, Beijing, 16th Scientific Symposium of ICOMOS, Deakin University, p.5
Plan et vue du quartier avant19 et après reconstruction 19 Op.cit GOLDMAN, 2003, p.89
135
Intégration dans le site
Tous les bâtiments maintiennent l’apparence extérieure
traditionnelle des couleurs grise et rouge. Aussi, ils reprennent
un certain nombre de détails comme les toits concaves courbes ou les portiques d’entrées. En rajoutant un étage, la surface Siheyuan reconstruit
Le nouveau quartier
habitable a été doublée20. Comme le montre le schéma ci-dessous, le projet visait à maintenir la structure originale des hutongs en réinterprétant les siheyuans. Toutefois, ce schéma montre plus une extrapolation car il n’est valable qu’à certains endroits du projet. Les ruelles ont été élargies de 40%21 et un parking souterrain a
La nouvelle typologie
Les nouvelles ruelles
Schéma du système spatial théorique Les nouvelles toitures
136
Rapport avec le contexte
20 Op.cit. MEYER, 2007, p. 49 21 Op.cit. QIAN, 2006, p. 4
137
été construit. Mais vu que les ruelles ont été élargies, les résidents les utilisent souvent pour parquer leurs voitures. Toutefois, la faible hauteur des bâtiments permet une bonne intégration
dans le site et convient à une échelle humaine. Aussi, le quartier ne s’est pas transformé en une rue commerciale et est resté un
quartier d’habitation. Cependant, les parties reconstruites de ce projet ont été complètement gentrifiées et de par l’inexistence de seuils entre les ruelles et les logements, les activités dans les
ruelles ont pratiquement disparu. En définitive, le projet est bien lié à son environnement physiquement mais, la vie des hutongs
Une entrée type
Portique de l’entrée
Cour (type A)
Façade intérieure
Cour (type B)
Cour (type C)
périphériques ne se prolonge pas à l’intérieur du projet. Par conséquent, le quartier a perdu beaucoup de son caractère. Système de circulation
L’entrée dans le projet se fait par les ruelles des hutongs
mais le projet ne traite pas vraiment la notion de seuil. Il reprend
juste le thème de la cour et le réinterprète. Le seuil est dans ce projet une frontière physique et non une frontière habitée car
il n’y a pas d’espace de transition entre les ruelles et l’intérieur
des cours. Ces deux entités sont séparées par une porte fermée qui s’ouvre uniquement par code ou en utilisant une carte
magnétique. Il n’y a donc pas de gradation de public à privé entre
la rue et l’habitat. Les logements ne débordent et n’animent par conséquent pas les ruelles. Il règne une ambiance de décor.
Le résultat est un manque d’énergie humaine patent. Ainsi, le
quartier ressemble à un dortoir de luxe dans le centre de Pékin où la mixité sociale a disparu.
138
139
Traitement des espaces extérieurs
Les ruelles ne sont pas vraiment utilisées comme des
pièces extérieures. Il existe tout de même certains bâtiments du
type maison à cour, mais sur deux étages. Les appartements sont donc des duplexes. Comme l’illustre le schéma ci-contre, dans cette typologie, une cour commune est partagée par huit unités.
Les cours fonctionnent alors comme un seuil entre les différents
logements et sont très utilisées, probablement grâce à la sécurité et la privacité que fournit la porte verrouillée. Cependant, les cours n’ont aucun lien avec les ruelles. Aussi, un espace végétalisé
au centre de la cour permet de gérer les rapports de vis-à-vis en formant un espace tampon entre les différents logements privés.
Enfin dans le projet de Nanchizi, la gradation des seuils de public à privé se présente dans cet ordre :
l’avenue de Nanchizi
les ruelles intérieures frontière séparatrice (portes verrouillées)
les portiques d’entrées
les cours intérieures
les entrées privées
140
Schéma de la distribution dans les cours
141
4.5 Bilan des projets
En définitive, la manière dont la notion de seuil est
approchée dans ces différents projets influence grandement leur
•
été démontré dans ce chapitre, la performance des seuils dépend
•
dynamisme et la préservation du tissu socio-spatial. Comme il a
d’une part des types de seuils et de leur traitement, mais aussi de leur séquençage. C’est principalement la hiérarchisation de ces espaces qui permet d’établir une transition efficace et dynamique entre l’espace public et l’habitat privé.
Aussi, certaines particularités peuvent être identifiées et
donc réutilisées ultérieurement dans le développement d’autres projets : •
La conservation du tracé des ruelles améliore les connections
•
La préservation des arbres permet d’amener une plus grande
• • •
142
•
•
avec l’environnement (Xiaohoucang et Dongnanyuan). variété dans le projet (Ju’er Hutong et Xiaohoucang).
Les liens entre les circulations verticales et la cour dynamisent les relations spatiales et sociales (Ju’er Hutong et Dongnanyuan).
Des passages entre les différentes cours permettent de lier les différentes parties du projet (Ju’er Hutong).
Des espaces tampons dans les cours permettent de gérer les rapports de privacité (Dongnanyuan et Nanchizi)
Enfin, comme le montre la double page suivante les
textures urbaines de ces quatre études de cas sont très différentes. Les projets de Ju’er Hutong et de Dongnanyuan fonctionnent plus
comme un réseau, alors que les projets de Xiaohoucang et Nanchizi sont plutôt des objets organisés autour de ruelles intérieures. La voie du réseau semble donc bien plus efficace. De plus, le projet
de Nanchizi est le moins haut et aussi le moins dynamique. Ainsi, il semble que comme le démontre le projet de Dongnanyuan, la
création d’un tissu social n’est donc pas incompatible avec une plus grande hauteur.
La déconstruction du projet en périphérie aide à une
meilleure intégration dans le tissu urbain (Ju’er Hutong et Xiaohoucang).
Le traitement de l’entrée comme un seuil permet de gérer efficacement le rapport avec les ruelles (Ju’er Hutong et Xiaohoucang).
La variété des espaces extérieurs dynamise et enrichit le projet (Ju’er Hutong, Xiaohoucang et Dongnanyuan).
L’extériorisation des circulations anime davantage l’espace extérieur (Dongnanyuan).
143
Ju’er Hutong
Xiaohoucang Nanchizi
144
Dongnanyuan
100m
145
Chapitre IV L’analyse du site
147
Chapitre IV : L’analyse du site
Il convient d’abord d’expliquer pourquoi ce site a été
choisi pour y développer plus tard un projet. Tout d’abord,
comme montré sur l’image ci-contre, il est situé à l’intérieur de la vielle ville. C’est-à-dire qu’il est compris dans le périmètre
dessiné aujourd’hui par le deuxième périphérique. Aussi, c’est l’un des seuls endroits bordant la partie intérieure du deuxième périphérique qui n’a pas été reconstruit. Comme il sera expliqué
dans ce chapitre, le site est situé dans un environnement des plus hétérogènes. Par conséquent, ce dernier entretient des rapports
très différents avec ses éléments périphériques. Ensuite, les
hutongs sont en très mauvais état et seront vraisemblablement les
prochains sur la liste de destruction. De plus, la parcelle se trouve
en dehors de vingt-cinq zones à protéger de 1999. L’intérieur du site comprend trois bâtiments historiques de grande valeur qui seront manifestement à préserver. Ensuite, en ce qui concerne la taille, la surface totale est d’environ 160’000 mètres carrés.
Mais, cette taille importante peut facilement être réduite. Enfin,
la forme intéressante du site amène de la variété et la division
du site en deux par une route peut conduire à des stratégies intéressantes pour lier les deux parties.
149
Vue satellite du l’emplacement du site
150
Vue satellite du site
151
Vue aérienne du site avec le tracé du périmètre d’intervention
5.1
Les types de bâtiments
Le site est constitué d’un tissu dense de hutongs. A
l’intérieur de ce tissu se trouvent quelques petits collectifs de moindre intérêt et trois bâtiments historiques de nature distincte.
La parcelle est aussi bordée par des types de bâtiments très
différents. Ces entités hétérogènes montrées ci-contre, seront détaillées dans les pages qui suivent. Les deux principales sont
2
le projet du Galaxy Soho au nord-est du site et le complexe de Chaonei bordant la partie nord-ouest et ouest.
1 1 3 Limites du site Galaxy Soho Chaonei Bâtiments historiques Tours-objets
154
5 4
6
Vue satellite des types de bâtiments
155
Galaxy Soho
Le projet du Galaxy Soho dessiné par Zaha Hadid
Architects est situé au bord du deuxième périphérique Il fut
construit entre 2009 et 20121. C’est un complexe mélangeant
bureaux, commerces et divertissement. Il se compose de cinq Vue depuis le 2ème périphérique
Plan du 3ème étage (www.zaha-hadid.com)
volumes se liant les uns aux autres. Le projet crée un monde intérieur sensé reprendre le thème de la cour traditionnelle
chinoise. L’espace est ouvert et continu. Les volumes avec leurs
plateaux en escaliers s’inspirent des cultures en terrasses des
rizières chinoises. La parcelle du projet est de près de 50’000 mètres carrés2. Le projet mesure jusqu’à soixante-sept mètres
de haut et la surface brut de plancher est de plus de 300’000 mètres carrés3. Le complexe est en lui-même très intéressant
mais il ne s’intègre pas du tout dans le contexte environnant et n’a repris aucun élément du quartier qui a été rasé. Il démontre une Brutalité des coexistances
Vue depuis la cour
brutalité manifeste des coexistences. Même si le projet propose un “monde intérieur”, il ne tisse aucun lien avec les quartiers environnants. La dureté de transition sans seuils avec le tissu
urbain confère au Galaxy Soho un réel caractère d’ovni. Aussi, il
s’affiche le long du périphérique comme partie d’une succession d’objets de consommation symbolique.
Fusion des volumes
158
Un des atriums
1 www.zaha-hadid.com 2 Ibid 3 Ibid
159
Chaonei
Le projet de Chaonei date du début des années 1990
et fut dessiné par l’architecte chinoise Lü Junhua4. C’est un
complexe d’immeuble mid-rise. Au départ le projet initial visait une régénération urbaine low-rise adaptée au site, mais au
fur et à mesure le projet s’est simplifié et a grandi en hauteur5. Il a toutefois respecté en partie l’ancien tracé des ruelles et a
préservé des bâtiments historiques comme la résidence de Duke Gui et deux bâtiments de l’entrepôt de Lumicang. Cependant le
Bâtiment (type A)
Une grande cour
Bâtiment (type B)
Bâtiment (type C)
Une demi-cour
Une entrée type
projet de Chaonei ne constitue pas un tissu urbain, mais plutôt une accumulation d’objets. Le seul élément de seuil qui a été
repris des hutongs est le thème de la cour, mais l’échelle et le
traitement des cours n’amènent pas vraiment de qualités. En
effet, ces dernières sont trop grandes et souvent utilisées pour
parquer des voitures. Le résultat du projet est une architecture sans caractère qui contribue à banaliser la ville de Pékin.
160
4 LU Junhua, 1997, Beijing’s old and dilapidated housing, Volume 14, Pages 59-69, Beijing, Tsinghua University School of Architecture, p. 65 5 Ibid, p. 66
161
1) L’entrepôt de Lumicang7
Cet entrepôt date de 1561. Il servait autrefois d’espace
de stockage pour le grain destiné aux officiels de Pékin. Seuls deux des bâtiments existent encore aujourd’hui. 2) La résidence de Duke Gui8
Cette résidence est un complexe à cinq jins. C’est ici
que vivait une partie de la famille de l’impératrice Cixi au XIXème siècle. Le bâtiment principal possède des fondations creuses qui Un bâtiment de l’entrepôt de Lumicang
Plan de l’entrepôt de Lumicang desssiné pendant le règne de
La résidence de Duke Gui
6 LI Luke WANG Nan, 2009, «北京古建筑地图 (上册)», Beijing, Tsinghua University Press, p. 374
7 Op. cit. LI, WANG, 2009, p. 374 8 Discussion avec une des responsables du site.
l’empereur Qianlong (1735-1796)6
162
permettent de le chauffer en hiver et de le refroidir en été.
163
3) Le temple de Zhihua
Le temple de Zhihua est un temple bouddhiste de la
dynastie Ming construit en 14449. C’est un des bâtiments les plus importants de cette dynastie et une des seules structures
en bois à être toujours en bon état. La toiture est traitée de manière particulière avec des tuiles noires. En 1992, le Musée des Echanges Culturels de Pékin fut établi à l’intérieur du temple et en 2005, le temple fut rénové10.
La cour centrale du temple de Zhihua
164
9 Plaque située à l’entrée du temple 10 www.zhihuatemple.com
Vue satellite du temple de Zhihua
165
4) La résidence de Zhu Qiqian
Ce complexe date de 187211. Il est encore habité
aujourd’hui, mais surpeuplé, car de nombreuses petites constructions ont rempli les cours.
5) Le complexe de Beizongbu Hutong, No.212
Il fut occupé par les Japonais pendant la Seconde Guerre
mondiale, puis par les forces du Guomindang.
6) Le complexe de Dongzongbu Hutong, No.5313
Ce complexe à trois jins fut rénové en 1930.
La résidence de Zhu Qiqian
No.53 Dongzongbu Hutong
166
No.2 Beizongbu Hutong
11 Plaque située à l’entrée du complexe 12 Op. cit. LI, WANG, 2009, p. 373 13 Ibid
167
Les hutongs Les hutongs se trouvant sur ce site sont un réel labyrinthe.
Si certaines parties semblent être orientées selon les points cardinaux et organisées en concordance avec la distribution classique, d’autres parties comportent des diagonales ou même
des zigzags et sont d’une organisation relativement aléatoire. Le tissu est extrêmement riche de par sa texture, mais comme
évoqué précédemment, la plupart des habitations présentes sur le site sont en très mauvais état. Il semble qu’autrefois la
Ruelle 1
Ruelle 2
Ruelle 3
Ruelle 4
Venelle à l’est du temple
Venelle 1
totalité du site était couverte par les quartiers traditionnels. Même la route qui sépare actuellement le site en deux parties
n’existait pas. La destruction des hutongs dans ce méga-bloc s’est vraisemblablement faite de proche en proche en commençant par les périphéries. Ainsi, seule la partie centrale a pour l’instant encore résisté à son remplacement.
La série de photographies des deux pages suivantes
montre les différents types de ruelles présentent sur le site, ainsi
que des cours. Il faut mentionner que les relations dans le quartier sont relativement tendues. Les habitants craignent fortement de se réveiller un matin pour découvrir l’œuvre de la main invisible
sur le mur de leur logement. La destruction brutale de tout un quartier de hutongs pour construire le projet du Galaxy Soho a laissé des séquelles.
168
169
Si dessous, une reconstitution effectuée par l’auteur
montre exactement la même parcelle de terrain avant et après
la construction du Galaxy Soho. Il est maintenant un peu
difficile, vu le résultat, de croire que l’architecte Zaha Hadid ait trouvé son inspiration dans le contexte et que le bâtiment
soit une réinterprétation de la cour chinoise qui réagisse à Venelle 2
Venelle 3
Venelle 4
Venelle 5
Cour 1
Cour 2
170
l’environnement.
La parcelle avant le Galaxy Soho
La parcelle avec le Galaxy Soho
171
5.2 La circulation et les accès
Comme le montre l’image ci-contre, le site est encore un
labyrinthe dans la grille. Il est délimité à l’est par le deuxième
périphérique qui coupe complètement le quartier de celui qui est
situé en face. La traversée du deuxième périphérique ne peut se faire que par une double série de pont et tunnel. Si ces éléments
sont certes des moyens efficaces pour les piétons de se rendre d’un côté à l’autre, la largeur à elle seule du périphérique détruit déjà le potentiel d’interaction entre les deux côtés.
Les deux schémas ci-dessous illustrent la tendance de
transformation du labyrinthe en grille.
172
L’état actuel du site
Prospection de l’état futur
Vue satellite du site avec les routes mises en évidence
173
La série d’images ci-dessous, montre les deux routes
importantes pour le site c’est-à-dire le deuxième périphérique à l’est et la rue intérieure coupant le site d’est en ouest.
La vue satellite de la page ci-contre met en évidence les
points d’accès et les transports publics à disposition.
Le 2ème périphérique (vers le nord)
Passage souterrain et pont
Rue principale (vers l’ouest)
Rue principale (vers l’est)
174
Vue satellite du site avec les points d’accès et les transports pubics
175
Conclusion
En définitive, cette recherche a permis de se familiariser
avec les questions urbanistiques particulières au cas de Pékin. Elle n’a pas eu pour objectif de se positionner pour ou contre la destruction des hutongs, mais plutôt, comme la pensée chinoise ternaire, de chercher un troisième souffle médian. Ainsi, ce travail a cerné le véritable défi : une régénération urbaine s’inspirant
du contexte pour proposer un tissu urbain contemporain, mais avec une identité forte et une grande diversité. Il a été démontré
que le seuil est l’élément clé dans la planification de la ville car il est garant du tissu social. Le remplacement du tissu urbain
traditionnel par une architecture verticale de l’objet emporte
avec lui cet espace de transition et la civilité qui lui est propre. Le nouveau tissu urbain est discontinu, inhospitalier et rempli
d’obstacles. Son échelle n’est plus pédestre. Aussi, l’élargissement des rues ne constitue pas une solution durable et détruit toute la diversité de la ville.
La particularité de la structure urbaine de la capitale est
le résultat d’un mélange entre un plan en damier, une logique
radio-centrique et un schéma axial. Chacune de ces règles est
issue d’une tradition millénaire. Cependant la richesse du tissu urbain se trouve dans le labyrinthe qui n’appartient à aucune
de ces trois structures car c’est ici que naît l’événement social.
La ville est aujourd’hui en pleine métamorphose. La grille avec son effet neutralisant remplace rapidement le tissu urbain des
hutongs par une accumulation d’objets éclectiques. En plus de
menacer la diversité, ces transformations révèlent une brutalité
177
des coexistences et des échelles entre les différentes entités qui
montré que la préservation du tracé des ruelles pouvait amener
fatalité. L’espace public a le potentiel de fournir une réponse à la
tissu urbain des hutongs peut se prolonger dans un nouveau
composent le patchwork de la mégalopole. Ceci n’est pas une
fragmentation du tissu urbain. Un travail sur les seuils peut alors
permettre de lier les différentes échelles et de faire en sorte que le labyrinthe enrichisse la grille.
Il a été expliqué comment la capitale chinoise avec son
tissu urbain des hutongs possède déjà une gradation de seuils
hiérarchisant les espaces et effectuant une transition dynamique
entre l’espace public et l’habitat privé. Les ruelles et les cours forment les principaux éléments de ces seuils et l’évènement social y prend place. C’est la variété et le séquençage de ces seuils qui permettent de créer un voisinage incitant aux interactions sociales. Ceci permet une appropriation spontanée de l’espace
du seuil. Ainsi, ce dernier passe d’une frontière séparatrice à
une frontière habitée au caractère liminal. Aussi, l’évolution de la texture des hutongs, qui bien que s’étant détériorée, a amené des nouvelles règles et usages de la hiérarchisation des espaces en ajoutant un niveau de seuil supplémentaire. Par ailleurs, la
brève présentation d’autres types de tissus à la fois urbains et sociaux a prouvé qu’il y a de grandes ressources d’inspiration architecturale en Chine.
Les études de cas ont permis de questionner le rôle du
projet et ainsi entretenir avec lui un rapport dynamique. Enfin,
la reconstruction de Nanchizi a démontré que si elles sont suffisamment privatisées, même si elles sont partagées par
plusieurs unités, les cours peuvent être très bien appropriées par les habitants. Aussi une série d’éléments positifs a pu être identifiée dans ces quatre exemples.
Enfin, ces réflexions ont permis de sélectionner un
site pour y développer un projet, qui rassemble les principaux problèmes urbanistiques contemporains de la ville de Pékin. Ainsi, la parcelle présente une grande variété de types de bâtiments et une circulation et des accès très différents.
Dans un essai architectural Jacques Ferrier a dit :
“On peut aujourd’hui dépasser l’urbanisme de géométrie et
concevoir un urbanisme d’atmosphère.”1 Cette citation explique bien le problème qui caractérise les transformations de la capitale
chinoise. Les réflexions menées au cours de cette recherche ont démontré que pour concevoir un urbanisme d’atmosphère, il
faut puiser dans le contexte et donc comprendre l’histoire et le
fonctionnement de Pékin. En guise de conclusion, il faut retenir que la transformation des hutongs ne semble pas incompatible
seuil dans des projets de régénération urbaine et de déceler
avec la recherche d’un ordre interne, d’un environnement local
montré que cette notion supportait d’être transposée dans des
engendrent une atmosphère hybride dessinant une métropole
les raisons sous-jacentes à sa performance. Ces analyses ont projets contemporains par un travail sur le type et le séquençage.
Le projet de Ju’er Hutong a dévoilé qu’un tissu plus haut peut
178
de la diversité. Le complexe de Dongnanyuan a prouvé que le
aussi fonctionner comme un réseau dynamique. Xiaohoucang a
où les flux mettent les sens en éveil, où la diversité et la mixité contemporaine, sensuelle et pleine d’imprévus.
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CreateSpace Independent Publishing Platform
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Les schémas et dessins non cités ont été dessinés par l’auteur.
183
META-HUTONG Le Rôle du Seuil dans la Régénération Urbaine Enoncé théorique de Master 2013-2014 CHARLES SARASIN Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne ENAC - Section d’architecture
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