Neuropathie autonome cardiaque dans le diabète de type 1

February 3, 2018 | Author: Anonymous | Category: Science, Médecine, Cardiologie
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dépistage

Neuropathie autonome cardiaque dans le diabète de type 1 Mise en place en pratique d’un dépistage systématique Dr Sébastien Fontaine*

Introduction

L

a neuropathie autonome cardiaque (NAC) est une complication chronique du diabète, survenant avec une forte prévalence, en particulier dans la population des patients ayant plus de 10 ans d’évolution de leur diabète (30 à 60 %) (1). Il s’agit d’une altération d’origine métabolique des terminaisons nerveuses du système nerveux autonome à destination du cœur et des vaisseaux. La conséquence est une dysrégulation * Service de Diabétologie, Maladies métaboliques, nutrition, CHU de Toulouse

Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57

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La neuropathie autonome cardiaque est le plus souvent asymptomatique. Son dépistage systématique est cependant recommandé en raison de la majoration significative, en cas de positivité, des risques coronariens et anesthésiques, associé à la nécessité de mise en place de précautions particulières lors de prescriptions de médicaments influençant l’équilibre tensionnel ou rythmique cardiaque. Il existe par ailleurs une forme plus sévère et symptomatique justifiant une prise en charge spécifique et souvent la prescription de mesures physiques et médicamenteuses.

de la balance sympatho-vagale responsable d’anomalies de régulation de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle.

nome par 5 tests de référence et calcul du score d’Ewing (première définition en 1985 puis publication de recommandations de l’Alfediam en 1997) (2) (Encadré).

Quelle méthode de dépistage ?

Cette exploration regroupe deux tests orthosympathiques et trois tests parasympathiques.

Exploration complète du SNA cardiaque

L’examen de référence permettant l’identification d’une NAC ainsi que la détermination de son grade de sévérité est l’exploration du système nerveux auto-

Tests orthosympathiques ❚❚Recherche d’hypotension orthostatique L’épreuve de référence se fait en orthostatisme actif avec mesure 99

dépistage

Figure 1 - Table basculante.

de la pression artérielle au repos en position allongée après 30 minutes puis mesure à 1, 3 et 5 minutes. Il est également possible de tester la réactivité du système nerveux autonome en orthostatisme passif sur table basculante (Fig. 1) et sans appui au sol de façon à éliminer la contraction musculaire et la compression veineuse au lever. Le test est alors plus spécifique. Seul le résultat du test en orthostatisme actif est cependant valide pour le calcul du score d’Ewing. ❚❚Hand grip : contraction isométrique de l’avant-bras Il est nécessaire, pour ce test, d’utiliser un manomètre (Fig. 2) permettant de maintenir une contraction étalonnée et stable durant l’enregistrement de la réaction sur les mesures de pression artérielle.

Tests parasympathiques ❚❚Ventilation contrôlée Il s’agit d’évaluer la variabilité de la fréquence cardiaque au cours de mouvements ventilatoires d’inspiration et d’expiration. Le patient réalise des séquences de 6 cycles par minutes (un cycle de 10 secondes = une inspiration 100

Figure 2 - Appareil Hand Grip.

Figure 3 - Appareil Valsalva.

maximale sur 5 secondes puis une expiration maximale sur 5 secondes). Le calcul de la différence I/E est calculé de la façon suivante : fréquence max en inspiration – fréquence min en expiration. La normale est habituellement : I/E > 22 bpm pour les patient(e)s de moins de 60 ans et I/E > 15 bpm pour les patient(e) de plus de 60 ans.

transmise à l’aorte ; il en résulte une élévation de la pression artérielle avec bradycardie ; • phase II : le retour veineux au cœur diminue et entraîne une baisse de la pression artérielle alors qu’une tachycardie par sympathique cardiaque (ou baisse de l’activité parasympathique) apparaît ; si la manoeuvre se prolonge, la pression se stabilise, de même que la fréquence cardiaque ; • phase III : à l’arrêt de la manœuvre de Valsalva, la pression intrathoracique est réduite et l’on enregistre une chute brutale de la pression avec tachycardie modérée ; • phase IV : un rebond hypertensif (overshoot) a lieu, attribué soit à une vasoconstriction réflexe, soit à une augmentation du travail cardiaque ; une bradycardie accompagne cette poussée tensionnelle. Le rapport de Valsalva est calculé sur la courbe de fréquence cardiaque (Fig. 4) : rapport entre le pic de bradycardie après la relaxation

❚❚Epreuve de Valsalva L’objectif est de déclencher une surpression à l’étage thoracique en soufflant 10 à 15 secondes dans un appareil (Fig. 3) contre résistance et maintenir une pression de 40 mmHg dans une colonne de mercure au cours d’une expiration forcée. La pression est ensuite relâchée. Cette manœuvre reflète l’intégrité vagale et des barorécepteurs. Quatre phases principales sont distinguées successivement (Fig. 4) : • phase I : l’augmentation de la pression intrathoracique est

160

I

II

IV

140 120 100 80

III

60 Figure 4 - Courbe de Fc au cours de la manœuvre de Valsalva. Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57

la neuropathie autonome cardiaque dans le diabète de type 1

Degré d’altération NA parasympathique NA orthosympathique Temps

Figure 5 - Appareil FINAPRES.

Manif. cliniques

et le pic de tachycardie pendant l’effort. ❚❚Stand test Il s’agit d’un enregistrement de la fréquence cardiaque au cours d’un test d’orthostatisme actif. La fréquence est maximale autour de la 15e seconde et minimale autour de la 30e seconde. Le calcul du rapport 30/15 est calculé de la façon suivante : fréquence maximale/fréquence minimale. La normale est habituellement : 30/15 > 1,12 pour les patient(e)s de moins de 60 ans et 30/15 > 1,05 chez les patient(e)s de plus de 60 ans. ❚❚A savoir Il est possible de pratiquer ces tests avec un simple appareil ECG en utilisant le long déroulement couplé avec un appareil de mesure automatique de la pression artérielle. L’examen est nettement plus performant et plus sensible avec une mesure continue de l’ensemble des données par photopléthysmographie digitale : FINAPRES (Fig. 5). Ceci permet non seulement le calcul du score d’Ewing, mais également les calculs de puissance des spectres de haute et basse fréquences traduisant l’influence des systèmes ortho- et parasympathiques. L’exploration complète reste longue avec une durée moyenne de 45 à 60 minutes et est pratiquée le plus souvent par une infirmière formée. Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57

Figure 6 - Evolution de la NAC .

Dépistage simplifié de première intention ❚❚Pourquoi ? De façon à simplifier le dépistage et en vue de le généraliser à toute la population des patients diabétiques de type 1 et dans tout service de diabétologie, des tests de première ligne ont été sélectionnés. L’objectif est de permettre un dépistage simplifié et réalisable sur un intervalle de temps court et sans matériel spécialisé autre qu’un électrocardiogramme et un appareil de mesure tensionnelle. Il est nécessaire pour ces tests

d’avoir la meilleure sensibilité possible (peu de faux négatifs) sans recherche d’une spécificité parfaite. Les anomalies les plus précoces dans l’évolution de la NAC sont celles intéressant le système parasympathique. Les altérations de réponse ortho-sympathique sont plus tardives et souvent accompagnées à l’apparition des signes cliniques (Fig. 6). ❚❚Comment ? Le dépistage de masse est donc optimal avec le protocole suivant. • Installation du patient en position allongée et au repos depuis au

Encadré ALFEDIAM 1997 Analyses clinique et électrocardiographique • Recherche d’hypotension orthostatique (la durée du maintien en ­orthostatisme n’est pas précisée) • ECG standard : recherche de signes de cardiopathie ischémique et d’un allongement du QT • Recherche de symptômes digestifs ou vésicaux évocateurs de dysautonomie • Recherche de dysérection Analyse paraclinique • Réalisation de deux tests simples d’évaluation de la variabilité sinusale de la Fc : ventilation contrôlée et orthostatisme • Réalisation d’une mesure de la motricité pupillaire (technique non précisée) La présence d’anomalie à un de ces items doit conduire à la réalisation d’une exploration diagnostique par les cinq tests d’Ewing au mieux lors d’un enregistrement au FINAPRES. L’analyse spectrale peut alors être ajoutée en complément. 101

dépistage

Figure 7 - Test de ventilation.

Figure 8 - Stand test.

moins 30 minutes. • Branchement d’un appareil ECG avec dérivations des membres et réglage en tracé long déroulement. • Test de ventilation contrôlé (parasympathique) (Fig. 7). Il s’agit du même test que celui réalisé pour le score d’Ewing, c’est-à-dire des cycles de ventilation de 6 périodes par minute. • Stand test (parasympathique) (Fig. 8). La méthode est également la même que citée précédemment avec un enregistrement du rythme cardiaque après orthostatisme actif. 102

• Recherche d’hypotension orthostatique (orthosympathique) : patient maintenu en position orthostatique et mesure de la tension artérielle à 1, 3 et 5 minutes. La chute de tension est significative en cas de perte d’un minimum de 20 mmHg sur la systolique et/ou 10 mmHg sur la diastolique. En cas de dépistage négatif, une surveillance simple pourra être proposée avec un rythme de 3 ans. En présence d’une positivité d’un de ces tests, une exploration complémentaire pourra être proposée

avec enregistrement continu de type FINAPRES (si disponible) et calcul du score complet d’Ewing sur 5 points (Encadré).

Conséquences pratiques du dépistage positif Mesures de prévention

Chez les patients ayant une NAC confirmée, des mesures de prévention seront conseillées. • Surveillance accrue en cas Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57

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d’anesthésie générale et surtout à l’induction. Il existe effectivement, en présence d’anomalies de régulation du SNA, un risque majoré de chute tensionnelle brutale et trouble du rythme cardiaque. Le protocole d’anesthésie sera donc adapté avec des molécules moins hypotensives et réévaluées en fonction de l’évolution des paramètres en temps réel. • Surveillance attentive en cas d’introduction d’un médicament influençant la tension artérielle ou la rythme cardiaque (risque majoré d’effets indésirable). Une attention particulière est à accorder également en cas de prise de médicaments mo­difiant l’espace QT (antidépres­ seurs -tricycliques...-, antibiotiques -macrolides…-, antifongiques, psychotropes -neuroleptiques…-, antiarythmiques). • Dépistage de l’IMS rigoureuse tous les 2 à 3 ans du fait d’une majoration de la sévérité des épisodes coronariens en présence d’une NAC.

Manifestations cliniques et traitements 

Les manifestations cliniques potentiellement présentes chez ces patients et fréquemment associées à l’altération mixte ortho- et parasympathique sont de deux types. • Tachycardie sinusale régulière au repos et s’aggravant à l’effort avec inadaptation cardio­vasculaire. Cette manifestation peut justifier la prescription d’un traitement bêtabloquant cardio-sélectif à faibles doses (bisoprolol, nébivolol…). • Hypotension orthostatique symptomatique responsable d’une nette altération de la qualité de vie. La présence de cette symptomatologie nécessite une prise en charge spécialisée : hygiéno-diététique et Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57

physique dans un premier temps (revue de la ration sodée de l’alimentation) ; apprentissage du lever progressif ; port d’une contention veineuse adaptée. ❚❚En cas d’insuffisance de résultat sur l’état clinique La prescription d’un traitement vaso-actif sera proposé : Gutron® (midodrine) 2,5  mg (alpha-1-agoniste). Contre-indications principales du Gutron® : • syndrome de Raynaud ; • AOMI ; • coronaropathie. L’introduction se fait à faibles doses : 1 comprimé au réveil avec de l’eau puis 1 comprimé le midi. L’adaptation peut ensuite se faire jusqu’à 2 à 3 comprimés par prises toutes les 4 heures en évitant les prises après 16 h de façon à éviter le risque d’induction d’une élévation tensionnelle nocturne particulièrement délétère sur la fonction cardiaque. L’autre solution thérapeutique est l’utilisation de la fludrocortisone avec un objectif de majoration de la volémie et donc de la résistance à l’hypotension. La posologie initiale est de 50 mg/j, puis adaptation jusqu’à l’obtention d’un effet sur le poids total et la stabilité tensionnelle. Ce traitement nécessite une surveillance du ionogramme sanguin (risque d’hypokaliémie) et la réalisation d’un holter tensionnel sur 24 h une fois la dose efficace obtenue. ❚❚Chez les patients dialysés La présence d’une hypotension orthostatique invalidante nécessite la réévaluation du protocole de dialyse de façon à majorer la volémie circulante. En présence d’une HTA au repos, un choix est nécessaire dans l’association des médicaments entre les objectifs

de protection cardiovasculaire sur la tension nocturne et au repos et la nécessité de limiter les phénomènes d’hypotension au cours de la journée dans les phases d’activité. L’association est alors fréquentes entre les traitements de l’HTA (IEC, AA2 le plus souvent) et les mesures de prévention des hypotensions orthostatiques.

Conclusion

La NAC est une complication fréquente du diabète de type 1 qui reste encore sous-évaluée et fréquemment négligée. Son dépistage peut être réalisé de façon simplifiée par la réalisation de tests fonctionnels avec un matériel disponible dans tous les services de soins et répondant aux critères recommandés par l’Alfediam. Des explorations plus complètes du SNA peuvent être pratiquées dans certains centres spécialisés avec calcul du score complet d’Ewing sur 5 paramètres permettant la confirmation du diagnostic et la détermination du degré de sévérité. Le dépistage positif justifie la mise en place de mesures de prévention adaptées et dans les formes symptomatiques des mesures thérapeutiques physiques et pharmacologiques. n

Mots-clés : Neuropathie, Diabète, Stand test, Epreuve de Valsava, Hand grip, SNA, Hypotension orthostatique

Bibliographie 1. ZIEGLER D et al., Selective contribution of diabetes and other cardiovascular risk factors to cardiac autonomic dysfunction in the general population, Exp Clin Endocrinol Diabetes 2006 ; 114 : 153-9. 2. EWING DJ et al., Diabetic autonomic neuropathy : present insights and future prospects, Diabetes Care 1986 ; 9 : 648-65. 3. VALENSI P et al., Predictive value of cardiac autonomic neuropathy in diabetic patients with or without silent myocardial ischemia, Diabetes Care 2001 ; 24 : 339-43. 4. Recommandations ALFEDIAM.

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