Restauration du colombier de l`ancienne abbaye de Floreffe

January 15, 2018 | Author: Anonymous | Category: Arts et Lettres, Architecture
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Les Cahiers de l’Urbanisme N° 77 Décembre 2010

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Bruno Collard Service public de Wallonie DGO4 Département du Patrimoine Direction de la Restauration du patrimoine Attaché

Restauration du colombier de l’ancienne abbaye de Floreffe De l’importance de l’analyse des sources et données iconographiques et techniques dans la détermination des options de restauration01.

Vue de l’abbaye de Floreffe par Jacob Van Liender (18e siècle). © Musées royaux des Beaux-arts, Bruxelles

Données Données historiques

01 Je tiens à remercier Monsieur Olivier Berckmans et Madame Ghislaine Lomba pour leur collaboration aux recherches archéologiques, historiques et archivistiques.

Ni les comptes, ni les archives de l’abbaye de Floreffe ne mentionnent la construction du colombier dans sa configuration actuelle. Celle-ci serait liée aux travaux entrepris par l’abbé Charles de Severi (1641-1662) qui commanda l’aménagement des terrasses qui surplombe actuellement les rues Giroul et du Séminaire. Ces terrasses sont d’ailleurs ponctuées de trois tourelles dont les couvertures de toitures baroques sont semblables à celle du colombier.

Les données iconographiques, par contre, nous confirment la présence d’un édicule coiffé d’une simple toiture à quatre pans construit sur un plan d’eau, et ce, dès 1604. L’orientation prise par l’illustrateur Adrien de Montigny tend à prouver que le plan d’eau est bien le vivier et réservoir du moulin et que son emplacement pourrait être celui du colombier. Cette configuration est reprise à nouveau par Montigny quelques années plus tard. Il faut attendre le 18e siècle et les gravures et dessins de Nicole et de Remacle Leloup pour voir apparaître le colombier tel que nous le connaissons. Comme dans l’illustration de Montigny, le

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colombier est bâti sur un îlot tantôt circulaire, tantôt de forme carrée, avec ou sans végétation mais coiffé de sa toiture baroque.

Restauration Motivation du demandeur

La plus belle représentation de l’abbaye est sans nul doute celle de Jacob Van Liender datant du milieu du 18e siècle. Elle en présente un point une de vue inédit. L’ensemble du dessin est d’une remarquable précision et l’on distingue clairement le colombier. Il s’agit donc d’un petit édifice carré de style traditionnel en brique et pierre bleue couvert d’une toiture complexe. L’îlot est également carré et ses berges sont maçonnées. Chacune des façades visibles est percée, dans sa partie haute, d’une baie équipée d’une aire d’envol sur consoles de pierre en quart de rond.

Initialement, le projet de la commune était d’installer l’office du tourisme dans une nouvelle annexe à accoler au colombier. Pour des questions de budget, ce projet est abandonné au profit de la restauration et remise en valeur du colombier. Celui-ci deviendra un élément phare d’une balade-découverte à travers le bourg et le long du ruisseau. La surface limitée du colombier (+/- 15m²) offre peu de possibilité dès lors qu’on souhaite ne pas dénaturer sa silhouette.

Évolution du bâti

Dès lors que le comité d’accompagnement, dans le cadre de la délivrance du certificat de patrimoine, avait admis l’option proposée par la commune, les différents intervenants se sont concentrés sur la restauration du bâtiment. L’analyse des sources iconographiques a mis en évidence la disposition du colombier : sur un îlot au milieu d’un étang . Cette disposition a été confirmée par des sondages réalisés à l’intérieur et à l’extérieur de la bâtisse. Ils ont mis à jour plusieurs éléments qui ont orienté le projet dont la présence d’arcs surbaissés en brique reposant sur de fort piliers de pierres ainsi que deux fois deux paires d’ancres qui tendent à prouver que la structure de support du plancher était composée de poutres en bois. Par contre, aucune trace des berges de l’îlot n’a été mise à jour lors de ces sondages.

L’analyse des différents documents iconographiques permet de situer la construction du colombier dans le courant du 17e siècle et il semble avoir conservé sa situation et sa silhouette jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. À la Révolution française, les chanoines sont chassés et l’abbaye est vendue comme bien national. Par chance, elle est rachetée dès 1796 par les anciens religieux qui la transforment en petit séminaire à partir de 1818. Les premières informations relatives à la nouvelle affectation du colombier sont précisées dans les plans et la matrice cadastrale de 1839 : il s’agit d’une «remise» située au milieu d’un étang. C’est après la mutation de 1912 que le colombier est repris comme habitation. Cette situation est confirmée par plusieurs cartes postales anciennes. L’étang a perdu près de la moitié de sa surface et le colombier apparaît sur la terre ferme.

Projet

La projection en élévation d’un colombier avec ses arcades dégagées a fini par convaincre les membres du comité d’accompagnement sur la nécessité de le dégager et de profiler le vivier pour permettre au colombier d’être à nouveau les pieds dans l’eau et de retrouver tout son élancement.

À cette époque, une première annexe est bâtie contre le mur est et le colombier subit plusieurs transformations : la porte d’accès et les aires d’envol sont murées et une grande baie est ouverte dans la façade ouest. Une seconde annexe est construite vers 1939. Avec la diminution de la surface du vivier à la fin du 19e siècle, un grand terrain est libéré et affecté au potager du petit séminaire. De la fin des années 1930 jusqu’aux travaux de la N 90 vers 1970, le lieu est occupé par la famille Moreaux. Un certain Maurice Servais leur succédera comme jardinier. Les difficultés commencent pour le colombier vers la fin des années 1970. En effet, plusieurs locataires occupent les lieux jusqu’à la mise en vente aux enchères du bâtiment en septembre 1992. Une seconde mise en vente a lieu en novembre de la même année. Le bien n’est plus occupé et se dégrade. À nouveau mis en vente en 1997, il est squatté et vandalisé. En 1999, un incendie ravage l’annexe mais épargne le colombier. La commune se rend acquéreur du bien en 2002 et entame le processus de restauration qui est en voie d’achèvement.

Colombier avant travaux en juillet 2007. Photo Bruno Collard, © SPW

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Les colombiers Les pigeonniers ou colombiers sont connus et utilisés depuis la haute Antiquité, de nombreux témoignages et traces iconographiques attestent de la présence de bâtiments spécifiquement dédiés à l’élevage de ces volatiles. Cette tradition séculaire se perpétue d’ailleurs en Égypte, dans des colombiers dont la forme ne s’éloigne guère de ce que l’on peut voir dans les gravures, mosaïques et dessins anciens. Dans nos régions, la présence de colombier est attestée au Moyen Âge, notamment grâce aux textes qui en règle la possession et l’usage. Le droit coutumier précise que seuls les seigneurs ont le droit de posséder des «colombiers à pied»02, l’usage de volière03 étant réservé aux paysans disposant de la surface de terrain suffisante pour les nourrir. Depuis toujours, les pigeons sont élevés avant tout pour leur chair. En effet, le pigeon présente le gros avantage de se reproduire rapidement04 et de fournir, quasiment toute l’année, de la viande fraîche tout en se nourrissant quasiment seul. Le colombier est également une source de revenu financier et en nature pour celui qui le loue et pour celui qui en dispose. En effet, la vente des pigeonneaux sur les marchés apporte au vendeur des liquidités immédiatement. Le nombre de personnes affectées à l’entretien des colombiers est fonction du nombre de boulins05. Sachant qu’un boulin accueille un couple d’oiseau, on mesure l’étendue de la richesse des grands domaines06 où les boulins pouvaient être au nombre de 3.000. Ce sont donc, dans ce cas, 4 à 5 serviteurs qui sont chargés de son entretien en permanence. Il ne faut pas oublier l’autre grande richesse produite par les pigeons : la colombine. Celle-ci, composée des fientes des oiseaux, a longtemps été considérée comme le meilleur des engrais. Riche en azote et en acide phosphorique elle était utilisée pour fumer les terres. Cependant, son caractère volatile et son odeur nauséabonde ont orienté sont utilisation vers les cultures exigeant beaucoup d’engrais ou dans les jardins. Au regard de ce qui précède on comprend le soin apporté à la construction des colombiers. Symbole de puissance, de richesse et de pouvoir, ils sont également une pièce importante dans l’exploitation d’un domaine agricole. La construction des colombiers est abondamment reprise et illustrée dans les traités d’architecture. Ces derniers prescrivent

de construire des tours circulaires. Cette forme présente le double intérêt de limiter l’accès des rats qui ne pourraient escalader les pierres dans les angles et parce que cela limite justement l’utilisation de pierres taillées, plus onéreuse, pour la réalisation desdits angles. De plus, la forme ronde à l’intérieur facilite l’accès aux boulins depuis l’échelle pivotante installée dans l’axe du bâtiment. Plusieurs autres dispositifs sont installés pour limiter l’accès des nuisibles : les maçonneries extérieures doivent être barrées par un ou plusieurs cordons larmiers en pierres lisses, les murs intérieurs sont enduits pour boucher les trous et fentes qui pourraient leur servir d’accès et les premiers rangs de boulins sont construit à une hauteur de 80cm pour empêcher le saut des rongeurs. L’implantation du colombier a également une grande importance. Le bâtiment doit être implanté à l’abri du vent, du bruit et des grands arbres qui peuvent servir de repaires aux rapaces. Les baies, ou lucarnes sont ouvertes du côté du levant et jamais orientées vers les vents dominants. Elles sont fermées par un panneau dans lequel sont ménagés les trous d’accès et elles sont dotées d’une aire d’envol en saillies de la muraille. Un épi de faîtage vient généralement couronner la couverture de toiture et souligner, par un décor spécifique, la destination du bâtiment.

Vue des boulins du tambour à la suite du démontage de la couverture de toiture et du voligeage – mai 2009. Photo Olivier Berckmans, © SPW

02 Édifice généralement en forme de tour, dont l’intérieur est tapissé de niches ou boulins. Ces bâtiments sont détachés des autres constructions. 03 Les volières ont en règle générale un nombre limité de boulins et concerne les édifices construits sur piliers, ou à même les bâtiments de la ferme : grange, porche, combles. 04 On compte généralement 6 à 7 nichées de mars à septembre de 1 à 2 pigeonneaux. Les jeunes se reproduisent au bout de 6 mois. 05 Le boulin est la niche de l’oiseau. En fonction des régions, le nid peut être fabriqué en osier, sous forme de panier ou de demi-sphère ; en terre cuite, sous forme de pot que l’on superpose ou que l’on maçonne ; en torchis ou encore, pour les plus durables, en brique, réalisé dans l’épaisseur de la maçonnerie. 06 Le droit coutumier précise qu’il faut posséder entre 50 et 100 arpents de terres (soit entre 17 et 51 ha) minimum pour posséder un colombier et qu’un arpent donne droit à 1 ou 2 boulins.

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L’absence de représentations iconographiques donnerait à penser que le piétement était enterré dans l’île : interprétation peu plausible car cette disposition priverait le bâtiment d’une ventilation indispensable en terrain humide et déforcerait le dispositif anti-rongeur. Cette absence peut être due à une imprécision du dessin ou à une obturation des arcades au 18e siècle comme le suggèrent les vestiges des maçonneries découvertes lors des terrassements. Chantier Le chantier de restauration a connu quatre grande phases qui, toutes, ont apporté leur découverte. Il s’agit de la restauration de la charpente et de la toiture, les travaux relatifs à la maçonnerie, le dégagement et la découverte des piliers, les terrassements périphériques. Le démontage de la couverture de toiture et du voligeage était rendu nécessaire par cinquante ans d’absence d’entretien, un trou béant côté sud-ouest et des infiltrations d’eau depuis l’épi de faîtage. L’état de la charpente était préoccupant car à peu près un quart de la structure présentait de graves désordres mettant en cause la stabilité de l’ensemble. La mise en place d’un échafaudage parapluie a permis un travail de restauration dans des conditions optimales. Plusieurs découvertes importantes ont agrémenté cette phase du travail. La première concerne la structure des boulins situés au niveau du tambour. Ceux-ci sont visibles depuis la première enrayure 07, mais le démontage des voliges a donné accès à l’arrière des niches découvrant les cloisonnements : les poteaux de la structure du tambour servent de divisions verticales dans lesquels sont engravés de petites planchettes peintes. Des portes mobiles barraient l’accès de certains boulins et permettaient sans doute de gérer le nombre d’oiseaux présents dans le colombier. Un autre dispositif d’accueil des boulins était installé dans la partie inférieure de la toiture : des baguettes délardées clouées sur les arbalétriers étaient disposées sur tout le pourtour de la toiture. Nous l’avons écrit plus haut, les façades du colombier ont été malmenées. En plus de la grande fenêtre côté ouest, un passage vers les annexes a été percé côté est. Les maçonneries enterrées ont souffert et de nombreuses briques ont dû être remplacées. Des quatre aires d’envol initiales, seules deux étaient encore en place. Les pierres de la troisième ont été retrouvées sur le site. Elles servaient d’encadrement à un soupirail de l’annexe. La quatrième a été reconstituée. Lors de la construction de la première annexe, la façade est du colombier, devenu mur intérieur, a été enduite. Le projet prévoyant la démolition des annexes, cette façade a été décapée laissant apparaître des traces rougeâtres qui, après analyse, se sont révélées être les pigments d’un badigeon. La direction de chantier a décidé de repeindre les façades du colombier. Ce choix se justifie d’un point de vue archéologique mais également

Détail de l’arrière des boulins du tambour – vue du cloisonnement. Photo Olivier Berckmans, © SPW

technique (l’environnement humide est particulièrement agressif pour les maçonneries de brique) et esthétique. Lors des sondages, les piliers sont apparus dans un état de conservation satisfaisant. Mais après les avoir entièrement dégagés, la direction de chantier a constaté qu’ils présentaient de multiples désordres : pierres fissurées ou sorties de leur logement, affaissement, desquamation, délitement, etc. Bien que grâce aux douze micropieux qui ont été placés, la stabilité du colombier est garantie, il convenait de restaurer ces piliers, d’autant plus qu’il était prévu de les remettre dans l’eau.

Bibliographie

Floreffe, 850 ans d’Histoire, Floreffe, 1973. GEMOB, Les colombiers de l’Oise, Paris, 1991. L’ancienne abbaye de Floreffe, 1121-1996 dans Études et Documents, Monuments et sites, MRW, Namur, 1996. D. LETELIER, Pigeonniers de France, Édition Privat, Toulouse, 1991. J. LOMBET, L’abbaye de Floreffe, Floreffe, 1989.

Le réaménagement des berges du vivier a permis la mise à jour de l’infrastructure de l’îlot confirmant la situation décrite dans les sources iconographiques. Conclusion Bien que la restauration du colombier proprement dit soit terminée, la remise sous eau a d’abord nécessité la vidange du vivier. Le bouchon prévu à cet effet a malheureusement été bétonné lors de travaux de réfection d’une berge. Celle-ci a dû être détruite pour permettre l’évacuation de l’eau. Cette opération a révélé l’état d’envasement de l’étang. Ce sont près de 6000 m3 de boue qui doivent maintenant être évacuées pour permettre la finalisation du projet. Le remise à l’eau de l’édifice est donc temporairement reportée.

07 Il s’agit d’un assemblage de pièces qui forme la base horizontale d’une charpente.

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Colombier en novembre 2010. Photo Guy Focant, © SPW

Nom Colombier de l’ancienne Abbaye de Floreffe Adresse : Rue du Séminaire 5150 Floreffe Classement comme monument 08 novembre 1977 : «Sont classés, en raison de leur valeur historique et artistique, a) comme monument : (…) le bâtiment proche du vivier (…) Objet des travaux Restauration du colombier de l’ancienne Abbaye de Floreffe

Maître de l’ouvrage : Commune de Floreffe Auteur de projet : Atelier d’architecture Th. Lanotte Entreprises Lot 1 : restauration du monument : entreprises Bajart sa Lot 2 : aménagement des abords : entreprises Bajart sa Certificat de patrimoine 31 mars 2008 Permis d’urbanisme 10 juillet 2008

Coût du projet 351.391,60€ TVAC hors honoraires et suppléments Montage financier SPW-DGO4 – Département du Patrimoine, Direction de la restauration : 95% des postes subsidiables (montant total du subside, TVA, majoration et frais généraux compris : 369.110,21€), Province de Namur 1%, commune de Floreffe 4%.

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