Revue du patrimoine mondial: numéro spécial, 60

January 13, 2018 | Author: Anonymous | Category: Arts et Lettres, Architecture
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www.min-kulture.hr Ministère de la culture, Commission croate pour l’UNESCO, tel : 00385 1 4866304 ; fax : 00385 1 4866526 ; e-mail : [email protected]

PATRIMOINE MONDIAL Nº60

Couverture : Qal’at al-Bahreïn.

éditorial

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e numéro spécial est entièrement consacré aux sites du patrimoine mondial appartenant aux pays membres du Conseil de coopération des États arabes du Golfe. Il offre ainsi un aperçu exceptionnel de la richesse culturelle et naturelle du patrimoine de cette région qui englobe non seulement Bahreïn, Oman et l’Arabie saoudite (ces trois pays possédant déjà des sites sur la Liste du patrimoine mondial), mais aussi le Qatar et les Émirats arabes unis. Ces derniers proposeront, quant à eux, des sites pour inscription lors de la prochaine réunion du Comité. Le développement actuel des activités du patrimoine mondial dans la région du Golfe est un sujet de grande satisfaction. Cela d’autant plus que tous les pays concernés ont joué un rôle clé à diverses étapes de l’histoire de l’humanité, tant en matière de commerce international que dans la transmission de contenus et de savoir-faire culturels. Quatre des six pays membres du Conseil ont été, ou sont actuellement, membres du Comité du patrimoine mondial : Bahreïn, le Koweït, Oman et les Émirats arabes unis. Bahreïn a joué un rôle fondamental par son soutien à la Convention du patrimoine mondial dans la région, établissant notamment un Centre régional arabe pour le patrimoine mondial, centre de catégorie 2 sous les auspices de l’UNESCO. Sheikha Mai bint Mohammed al-Khalifa, en tant que Présidente du Comité du patrimoine mondial au cours des douze derniers mois, a joué un rôle remarquable dans la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial dans la région et en général. Les articles de ce numéro traitent individuellement de chacun de ces sites et pays de la région du Golfe. L’un est entièrement consacré à Qal’at al-Bahreïn (aussi appelé le Fort de Bahreïn), un tell dominé par un fort dont le plus récent développement est dû aux Portugais et situé à proximité de la capitale du royaume. Les fouilles archéologiques réalisées sur ce site ont permis de mettre au jour des vestiges d’une civilisation contemporaine de Sumer. Par ailleurs, les conditions climatiques exceptionnellement arides de cette région ont favorisé l’élaboration d’un système de gestion de l’eau unique au monde appelé falaj (pluriel aflaj). Le falaj est un réseau de hautes galeries souterraines construites pour acheminer l’eau de source, parfois sur de longues distances, vers des zones qui nécessitent une irrigation. Si l’on trouve des aflaj à travers tout le Moyen-Orient, ils ont toutefois souffert d’abandon au cours des dernières décennies. C’est pourquoi nous saluons l’initiative du Sultanat d’Oman qui a fait inscrire sur la Liste du patrimoine mondial plusieurs aflaj particulièrement représentatifs, découverts sur son territoire. Oman a également obtenu l’inscription de trois sites importants : le Fort de Bahla, le site protohistorique de Bat (qui constitue l’ensemble de zones d’habitat et de nécropoles le plus complet du IIIe millénaire avant notre ère) et la Terre de l’encens. On notera enfin que l’Arabie saoudite a obtenu, en 2008, l’inscription de la remarquable cité nabatéenne d’al-Hijr (anciennement connue sous le nom d’Hegra, un site apparenté à Petra en Jordanie) et, en 2010, celle d’ad-Dir’iyah, la spectaculaire capitale de la dynastie des Saoud, qui date du XVe siècle. Toutes ces inscriptions, conjuguées à celles actuellement en cours, attestent de la forte volonté de ces pays d’identifier, de reconnaître et d’affirmer leur présence historique et leur influence persistante sur le plan mondial, en termes de culture, de commerce et de développement, que le patrimoine mondial s’est mis en devoir d’inventorier et de célébrer il y a maintenant près de quarante ans. Chers lecteurs, ayant tout récemment accédé aux fonctions de Directeur du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO et de ce fait à celle de Directeur de la Rédaction de notre magazine, je suis parfaitement conscient de l’importance du rôle que joue Patrimoine Mondial dans la poursuite de notre mission. Tout comme mon prédécesseur, Francesco Bandarin, je me réjouis d’y apporter toute mon attention et mon soutien indéfectible.

Kishore Rao Directeur du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO

S o mmaire Magazine trimestriel publié en français, anglais et espagnol conjointement par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), Paris, France et par Publishing for Development Ltd., Londres, Royaume-Uni. Directeur éditorial

Kishore Rao Directeur du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO Éditeur

Publishing for Development Chef de rédaction

Vesna Vujicic-Lugassy Rédacteurs

Helen Aprile, Gina Doubleday, Michael Gibson Coordinateur de production

Richard Forster

Éditeur de production

Caroline Fort

Numéro Spécial

Patrimoine mondial dans les pays du Golfe

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Correction de copie

Caroline Lawrence (anglais), Brigitte Strauss (français), Luisa Futoransky (espagnol) Conseil éditorial

ICCROM : Joseph King, ICOMOS : Regina Durighello, UICN : Tim Badman, Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO : Marina Apaydin, Giovanni Boccardi, Véronique Dauge, Guy Debonnet, Lazare EloundouAssomo, Mechtild Rössler, Nuria Sanz, Petya Totcharova, Éditions UNESCO : Ian Denison Assistante de rédaction

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Barbara Blanchard Publicité

Barbara Guyomarch, Gary Moffat, Kara Sweeting Couverture

Photo : UNESCO/Youmna Tabet Design : Recto Verso Rédaction

Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO 7, place de Fontenoy, 75007 Paris Tél. (33.1) 45 68 16 60 – Fax. (33.1) 45 68 55 70 E-mail : [email protected] INTERNET : http://whc.unesco.org

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Publicité, production

Publishing for Development 5 St. John’s Lane - Londres EC1V 4PY - RU Tél : +44 2032 866610 - Fax :+44 2075 262173 E-mail : [email protected] Abonnements

Jean De Lannoy, DL Services sprl Avenue du Roi 202 - B 1190 Bruxelles - Belgique Tél : +32 2 538 43 08 - Fax :+32 2 538 0841 E-mail : [email protected] Les idées et opinions exprimées dans les articles sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues de l’UNESCO. Les appellations employées dans cette publication et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part de l’UNESCO aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones ou de leurs autorités, ni quant à leurs frontières ou limites. Publié par Publishing for Development Ltd., Londres, Royaume-Uni. ISSN : 1020-4520. © UNESCO – Publishing for Development Ltd. (2011)

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Message d’Irina Bokova, Directrice générale de l’UNESCO

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Entretien avec Sheikha Mai Bint Mohammad Al-Khalifa, Ministre de la culture de Bahreïn

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Carte des sites du patrimoine mondial dans les pays du Golfe

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Qal’at al-Bahreïn – Capitale de la civilisation de Dilmun 16 Qal’at al-Bahreïn, aussi connu comme le Fort de Bahreïn, est un site archéologique. Il fut la capitale de la civilisation de Dilmun, et assista plus récemment à la construction d’un fort occupé par les Portugais. Le fort de Bahla – Vestiges d’une immense forteresse médiévale 24 Le fort de Bahla a été construit au XIIIe et XIVe siècles, lorsque l’oasis de Bahla était prospère sous le contrôle de la tribu des Banu Nabhan. Sites protohistoriques à Oman – Bat, al-Khutm et al-Ayn 30 Le site protohistorique de Bat est situé dans l’intérieur du Sultanat d’Oman. Avec les sites annexes d’al-Khutm et d’al-Ayn, Bat constitue l’ensemble d’habitat et de nécropoles du IIIe millénaire avant notre ère le plus complet au monde.

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36 L’encens – La richesse d’Oman Les arbres à encens et les vestiges des caravanes de l’oasis illustrent de façon frappante le commerce de l’encens qui prospéra dans cette région pendant de nombreux siècles. 44 Aflaj – Les systèmes d’irrigation souterrains traditionnels d’Oman Les systèmes aflaj sont la principale source d’irrigation du Sultanat. Ils sont utilisés dans l’agriculture ainsi que pour l’usage domestique depuis l’Antiquité.

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Al-Hijr – Un peuplement nabatéen en Arabie saoudite 54 Le site archéologique d’al-Hijr (Madain Salih) est le plus important site conservé de la civilisation des Nabatéens au sud de Petra en Jordanie. 60 Ad-Dir’iyah – Berceau de la maison des Saoud Ce bien fut la première capitale de la dynastie saoudienne, en plein cœur de la péninsule arabique, au nord-ouest de Riyad. Fondée au XVe siècle, il s’agit d’un exemple unique du style architectural et décoratif nadjdi. La liste indicative – Un regard vers l’avenir

Nouvelle publication : Patrimoine mondial dans les pays arabes

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Bulletin d’abonnement 91

Patrimoine Mondial souhaite remercier le Ministère de la culture de Bahreïn pour son soutien dans la préparation de cette édition, ainsi que les Éditions Gelbart pour leur contribution photographique.

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Éditions UNESCO

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Prochain numéro

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Patrimoine du Convention mondial patrimoine mondial

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Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

e numéro spécial de Patrimoine Mondial est exclusivement consacré au patrimoine mondial dans les pays du Golfe. Chacun des sept sites inscrits par ces pays sur la Liste du patrimoine mondial constitue un exemple particulièrement représentatif de la richesse, de la diversité et de la longévité de l’histoire et de la culture de cette région. Les sites archéologiques de Bat, alKhutm et al-Ayn offrent la collection la plus complète de zones d’habitat et de nécropoles du IIIe millénaire av. J.-C. Le tell de Qal’at al-Bahreïn recouvre plusieurs strates de présence humaine depuis 2300 av. J.-C. jusqu’au XVIe siècle de notre ère. Le fort de Bahla est un exemple exceptionnel d’une zone d’occupation humaine oasienne fortifiée datant de l’époque médiévale islamique, façonnée par les techniques et le savoir-faire hydrauliques de ses premiers habitants. Situé au cœur de la péninsule arabique, le district d’at-Turaif à ad-Dir’iyah, fondé au XVe siècle, fut la toute première capitale de la dynastie des Saoud. L’inscription d’un site sur la Liste du patrimoine mondial est la première étape d’une longue aventure. En effet, la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial implique que les États et organismes concernés unissent leurs efforts dans le but de protéger, de conserver, de surveiller et de fournir des rapports détaillés sur tous les sites placés sous leur responsabilité. L’éducation joue un rôle clé dans cette entreprise. Dans le cadre du programme de Bahreïn pour le patrimoine mondial et en coopération avec le Centre du patrimoine mondial, une version actualisée du Patrimoine mondial aux mains des jeunes a été produite en langue arabe et distribuée

Message

Message d’Irina Bokova, Directrice générale de l’UNESCO

© UNESCO

à travers toute la région. Cette initiative emboîte le pas aux travaux réalisés par l’Atelier régional de formation à l’éducation au patrimoine mondial qui s’est tenu en 2009 à Amman, en Jordanie, réunissant des participants issus de dix-huit États arabes. En outre, Bahreïn soutient activement le Programme du patrimoine mondial marin, notamment par le biais de la rencontre d’experts régionaux organisée sur son territoire en février 2009. Cette rencontre très importante a favorisé l’identification de nouveaux sites potentiels du patrimoine mondial marin, au sein de la région arabe et à travers le monde. On constate également que la préservation du patrimoine est un thème qui monte en puissance à travers la région : le Qatar et les Émirats arabes unis ont tous deux élaboré des listes indicatives et déposé une candidature en vue d’une inscription sur la Liste du patrimoine mondial.

Il en va de même pour la préservation du patrimoine immatériel : en 2010, la fauconnerie fut inscrite sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. En effet, le dressage traditionnel de faucons et d’autres rapaces pour la chasse se transmet de génération en génération à travers la région. Du point de vue de l’UNESCO, le patrimoine culturel concerne essentiellement l’identité d’un peuple et d’un lieu particulier à travers le temps. Il s’agit de tous les éléments qui nous relient et font de chacun de nous des membres à part entière d’une communauté humaine. La culture est, par essence, dynamique. Fruit d’un travail de plusieurs siècles et de plusieurs générations, elle a la propriété de se renouveler jour après jour par les échanges et le dialogue. En ces temps de changement et d’incertitude, le principal message de l’UNESCO consiste à dire que notre patrimoine culturel peut servir de pierre angulaire à la mise en place d’un développement durable, qu’il peut aussi être un vecteur de réconciliation et d’harmonie et un moteur favorisant la coopération sur le plan régional. Et, bien sûr, la culture peut également jouer un rôle clé pour renforcer la cohésion sociale (particulièrement par le biais de l’enseignement des valeurs du patrimoine). Je tiens à remercier tout particulièrement les États des pays représentés dans ce numéro spécial de Patrimoine Mondial pour l’engagement et les efforts dont ils ont fait preuve pour coopérer avec l’UNESCO. La région du Golfe renferme un patrimoine culturel d’une très grande richesse qu’elle souhaite faire découvrir au reste du monde. Cette aventure a déjà bel et bien commencé et je me réjouis de la voir se poursuivre et s’épanouir, en collaboration avec les États et les organismes de la région.

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Numéro spécial

Entretien

Entretien avec Sheikha Mai bint Mohammed al-Khalifa, Ministre de la culture de Bahreïn Présidente du Comité du patrimoine mondial Historienne, écrivain et visionnaire, Sheikha Mai bint Mohammed al-Khalifa s’attache à promouvoir la scène culturelle du Royaume de Bahreïn grâce à une meilleure sensibilisation de la population au patrimoine historique et archéologique unique de son pays et par le biais de diverses activités culturelles. Sur la longue liste de ses réalisations sur le plan culturel à Bahreïn figurent notamment l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO du fort de Qal’at al-Bahreïn (ancien port et capitale de Dilmun) et la création du Printemps de la culture, un festival culturel d’une durée d’un mois. En tant que Ministre de la culture du Royaume de Bahreïn, Sheikha Mai al-Khalifa est responsable d’un ambitieux programme culturel pour Bahreïn. Celui-ci comprend la création de sept nouveaux musées ainsi que la protection, la promotion et la gestion des sites archéologiques de Bahreïn. C’est grâce à l’initiative « Investir dans la culture » lancée par Sheikha Mai al-Khalifa que ce programme culturel, qui bénéficie d’un partenariat entre le secteur public et le secteur privé, a pu voir le jour. Sheikha Mai al-Khalifa, en effet, a su convaincre des institutions privées de l’importance de la préservation du patrimoine et les a persuadées d’investir à long terme dans les infrastructures culturelles du Royaume. En conjonction avec ses responsabilités gouvernementales, Sheikha Mai al-Khalifa a créé le Centre Shaikh Ebrahim bin Mohammed al-Khalifa pour la culture et la recherche à Muharraq en 2002. En quelques années seulement, ce centre est devenu l’une des plus importantes institutions culturelles du monde arabe, accueillant les intellectuels arabes et étrangers les plus connus et les plus respectés et plaçant à nouveau Bahreïn sur la carte culturelle mondiale. Ce centre s’est également engagé dans l’ancien centre urbain de Muharraq, pour mettre à l’honneur quelques maisons traditionnelles bahreïnites rénovées, chacune représentant une composante du patrimoine culturel de Bahreïn, et contribuant à préserver et revitaliser le centre historique urbain du pays. Citée par le magazine Forbes parmi les cinquante femmes les plus influentes du monde arabe, Sheikha Mai al-Khalifa s’est vu décerner le prix du Comité Colbert Création et Patrimoine dans le domaine de la préservation culturelle, ainsi que les insignes de l’ordre de la Légion d’honneur et de l’ordre des Arts et Lettres, au vu de son engagement dans la promotion de projets culturels et de coopération intellectuelle. En tant que Ministre de la culture du Royaume de Bahreïn Sheikha Mai cherche surtout à préserver et à entretenir les sites historiques du pays. En effet, elle est intimement convaincue que le patrimoine

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Sheikha Mai bint Mohammed al-Khalifa, Ministre de la culture de Bahreïn. © Bahrain Ministry of Culture

bahreïnite doit rester sous la seule responsabilité du pays en matière de continuité, d’entretien et de développement. Selon Sheikha Mai, la ratification et la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial revêtent une importance capitale dans la région du Golfe. « Le développement économique rapide de la région a eu un impact considérable sur tous les aspects de nos vies, affectant non seulement ce qui concerne le paysage bâti et naturel, mais aussi nos interactions sociales. Il est par conséquent impératif que nous puissions préserver notre identité en comprenant, protégeant et entretenant des liens privilégiés avec notre patrimoine matériel et immatériel. Dans cette optique, la Convention du patrimoine mondial nous apparaît comme un instrument clé qui reconnaît ces besoins. » En tant que membre du Comité du patrimoine mondial (de 2007 à 2011), Bahreïn a fait état d’une ambition et d’un engagement résolu en faveur de l’appréciation de la diversité et de la variété du patrimoine culturel et naturel à l’échelle mondiale.

Depuis son accession au Comité du patrimoine mondial, il y a quatre ans, Bahreïn s’est efforcé de participer à divers aspects de la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial en lançant, finançant et mettant en place divers projets et initiatives destinés à soutenir la Convention et à améliorer la politique culturelle du pays. Parmi ces projets, on citera notamment la création et l’organisation de rencontres et d’ateliers d’experts à Bahreïn en vue de répondre aux objectifs de la Convention à divers niveaux. Une rencontre d’experts portait récemment sur les processus décisionnels des organes du patrimoine mondial, c’est-à-dire du Comité et de l’Assemblée générale des États parties. Le Royaume a aussi organisé une rencontre d’experts particulièrement importante consacrée au patrimoine marin qui constitue une question capitale pour la région arabe (puisque les dix-huit États parties arabes de la Convention ont accès à la côte). Ce colloque comportait un examen thématique général du patrimoine marin mondial ainsi qu’une étude du patrimoine marin de la région arabe. Les conclusions de cet atelier furent publiées en 2010 dans le « Plan d’action de Bahreïn pour le patrimoine mondial marin ». Ce document constitue désormais un important instrument pour faciliter le ciblage des prochaines activités marines réalisées par le Programme du patrimoine mondial marin et par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).

Bahreïn a également apporté son soutien à plusieurs programmes et projets clés dont, notamment, le Programme d’architecture de terre ainsi que la réunion régionale du Patrimoine mondial aux mains des jeunes, qui s’est tenue en Jordanie en 2009. Par ailleurs, Bahreïn a facilité et accueilli le lancement du second cycle de rapports périodiques dans les États arabes vers la fin de l’année 2008. Le développement du Programme préhistoire dans le cadre du patrimoine mondial compte parmi les programmes qui tiennent tout particulièrement à cœur à Sheikha Mai et qu’elle évoque longuement. « Quatre-vingt-quinze pour cent de l’histoire de l’humanité relève de la préhistoire, dit-elle, or, la majorité des sites datant de cette période sont mal représentés sur la Liste du patrimoine mondial. Le colloque sur la préhistoire qui s’est tenu à Bahreïn en 2009 mettait en exergue l’exceptionnelle valeur universelle des ensembles funéraires préhistoriques de Bahreïn, datant des civilisations de Dilmun et de Tylos. Bahreïn a d’ailleurs l’intention de proposer l’inscription de ces sites sur la Liste du patrimoine mondial. » Sheikha Mai souhaite promouvoir la vision d’un patrimoine culturel qui viserait un public diversifié au sein de son pays, dans des domaines tels que la politique économique, l’éducation et l’engagement envers la communauté. « Il est impératif que tout le monde comprenne l’enjeu que représente la préservation de nos sites archéologiques du point de vue du tourisme culturel. Si nous nous y prenons correctement, ces sites permettront en effet d’accroître l’attrait de Bahreïn et de renforcer les efforts déployés par notre pays pour s’affirmer en tant que destination de premier choix dans la région. Si ce message est bien transmis au peuple bahreïnite, il ne fait aucun doute que la préservation des sites archéologiques

Sheikha Mai est convaincue que le patrimoine bahreïnite doit rester sous la seule responsabilité du pays en matière de continuité, d’entretien et de développement.

Qal’at al-Bahreïn – ancien port et capitale de Dilmun. © Éditions Gelbart

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Entretien

« L’un des objectifs de la campagne que nous avons menée pour assurer notre intégration au Comité du patrimoine mondial fut de promouvoir la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial dans notre région en créant notamment le Centre régional arabe pour le patrimoine mondial (ARC-WH), en tant que centre de catégorie 2 sous l’égide de l’UNESCO. La mission de ce centre consistera à répondre aux divers besoins de la région dans le contexte du patrimoine mondial, avec une focalisation plus particulière sur le partage du savoir en langue arabe, l’offre d’assistance aux États parties et la mise en place d’un soutien logistique et financier », déclare Sheikha Mai, qui estime que l’importance de l’ARC-WH assistera nos spécialistes pour protéger le patrimoine de la région arabe sous toutes ses formes ».

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Entretien

fera vite partie intégrante de sa culture. En sensibilisant le plus grand nombre à la valeur de nos sites archéologiques, nous établirons ainsi des liens solides avec notre passé et nos ancêtres », poursuitelle. Consciente du rôle clé que jouent les communautés locales au niveau de la conservation des sites du patrimoine mondial, Sheikha Mai est catégorique : « nous ne devons pas détruire nos anciens sites pour faire place à la construction de nouveaux logements ». Sheikha Mai s’enorgueillit du fait que le patrimoine fera bientôt partie du programme scolaire bahreïnite avec un accent particulier sur la Convention du patrimoine mondial et sur le site de Qal’at al-Bahreïn – ancien port et capitale de Dilmun. « Nous œuvrons actuellement dans ce sens et le Royaume est de plus en plus soucieux de mettre en place un programme qui s’adresse plus précisément aux jeunes de notre pays. Malheureusement, nous manquons encore de programmes visant à sensibiliser les écoliers du secteur public et privé et mettant à leur disposition toutes les informations nécessaires touchant à l’importance de la préservation de notre identité grâce à la préservation de notre patrimoine. Nous devons également encourager un plus grand nombre d’étudiants à visiter ces sites pour les aider à mieux comprendre l’importance et le rôle de leur propre pays, son contexte historique et la manière dont Bahreïn a contribué aux civilisations du monde », ajoute-t-elle. En ce qui concerne la sensibilisation aux sites bahreïnites actuellement inscrits au patrimoine mondial et à la région, Sheikha Mai évoque l’initiative de son pays touchant à la première publication relative aux 66 sites de la région arabe inscrits au patrimoine mondial. « Il s’agit là du tout premier ouvrage consacré aux sites de la région arabe inscrits au patrimoine mondial. Sa sortie coïncidera avec la 35e session du Comité. Illustré par de superbes photographies d’une grande qualité artistique, il constitue un cadeau exceptionnel et informatif destiné non seulement à la région mais aussi au monde entier. On pourra y découvrir de nouvelles façons de voir les sites de la région arabe inscrits au patrimoine mondial. »

grande fierté pour le Royaume. Cette décision nous offrait en effet une chance extraordinaire de faire découvrir Bahreïn, une terre riche de 5 000 ans d’histoire, au monde entier », explique Sheikha Mai. « Malheureusement, en raison des évènements au Royaume, la décision a été prise de modifier le lieu de cette rencontre et celle-ci se déroulera au siège de l’UNESCO à Paris. Néanmoins, je demeurerai toujours reconnaissante à toutes les personnes concernées d’avoir sélectionné Bahreïn, une si petite île par rapport au vaste monde, pour accueillir un événement aussi prestigieux. Depuis l’adoption de la Convention du patrimoine mondial en 1972, seuls trois pays arabes ont accueilli les réunions du Comité : l’Égypte, le Maroc et la Tunisie. Qui sait, Bahreïn pourra peut-être accueillir le Comité en d’autres circonstances, et plus tôt que nous le pensons », ajoute Sheikha Mai, résolument optimiste, qui estime que la présence du Comité du patrimoine mondial à Bahreïn aurait joué un rôle de catalyseur et favorisé la préservation du patrimoine au sein de la région. Parfaitement consciente de la difficulté de l’enjeu que doit relever son équipe, et plus particulièrement en ces temps éprouvants, Sheikha Mai croit fermement que la persévérance portera ses fruits. Si Sheikha Mai parvient un jour à concrétiser son rêve le plus cher, Bahreïn constituera alors véritablement une plate-forme culturelle qui donnera accès aux sites historiques de la région. Et il semblerait bien qu’avec le zèle et la détermination dont elle fait preuve, cette vision deviendra bientôt réalité.

Suite aux recommandations du Comité préconisant une meilleure diversification de la Liste du patrimoine mondial visant à donner une vue représentative et équilibrée du patrimoine mondial, et dans la foulée de diverses initiatives de protection de sites à l’échelle régionale et mondiale, dont le Plan d’action de Bahreïn pour le patrimoine mondial marin, qui a favorisé une meilleure reconnaissance des zones marines protégées dans le cadre de la Convention du patrimoine mondial, Sheikha Mai a exprimé un très vif intérêt pour l’inscription d’un site naturel de la région du Golfe. Elle s’est entretenue avec plusieurs de ses homologues pour examiner le cas du deuxième plus grand habitat de dugongs (vaches marines) à l’échelle mondiale découvert dans les eaux de Bahreïn, d’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et du Qatar. « Nous sommes en train de mettre en place une campagne de coordination entre plusieurs pays du Golfe pour ajouter cette merveilleuse réserve marine naturelle à la liste indicative de l’UNESCO et (In cha’Allah !) l’inscrire sur la Liste du patrimoine mondial à titre de site transfrontalier », déclare-t-elle. « Le fait que le Royaume de Bahreïn ait été choisi pour accueillir la 35e session du Comité du patrimoine mondial fut un motif de

Parmi les nombreuses initiatives, Bahreïn a accueilli une importante réunion sur le patrimoine maritime. © Dr. Saeed Al Khuzai

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IRAQ RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D’IRAN

JORDANIE KOWEÏT

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BAHREÏN

ARABIE SAOUDITE

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QATAR 7

ÉMIRATS ARABES UNIS

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OMAN SOUDAN 4

ÉRYTHRÉE

1. 2. 3. 4. 5. 6. 7.

YÉMEN

Qal’at al-Bahreïn – ancien port et capitale de Dilmun (Bahreïn) (2005) Le Fort de Bahla (Oman) (1987) Sites archéologiques de Bat, Al-Khutm et Al-Ayn (Oman) (1988) Terre de l’encens (Oman) (2000) Systèmes d’irrigation aflaj d’Oman (2006) Site archéologique de Al-Hijr (Madain Salih) (Arabie Saoudite) (2008) District d’at-Turaif à ad-Dir’iyah (Arabie Saoudite) (2010)

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Carte

Sites du patrimoine mondial dans les pays du Golfe

Numéro spécial

Qal’at al-Bahreïn

Qal’at al-Bahreïn Capitale de la civilisation de Dilmun

Qal’at al-Bahreïn - ancien port et capitale de Dilmun est le seul site de Bahreïn inscrit sur la Liste du patrimoine mondial. © Éditions Gelbart

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Qal’at al-Bahreïn Patrimoine Mondial Nº60

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Qal’at al-Bahreïn

al’at al-Bahreïn compte sont bien représentées à Qal’at al-Bahreïn parmi les sites historiques qui était également, en tant que capitale les plus importants du de Dilmun, le siège du roi ou, après la Royaume de Bahreïn conquête de l’île par d’autres nations, de du fait qu’il abritait la l’administrateur. capitale de Dilmun, l’une des plus anciennes Le site, que l’on appelle aussi le Fort de civilisations de la région. Les écrits sumériens Bahreïn, se trouve sur la côte nord de l’île, citent Dilmun comme un partenaire sur la rive occidentale du golfe, où elle commercial important, notamment pour fait face à la périphérie occidentale de la le cuivre. Qal’at al-Bahreïn renferme les ville de Manama, aujourd’hui capitale de plus riches vestiges à ce jour répertoriés Bahreïn. Vu dans son ensemble, il s’agit de cette civilisation, dont seul le nom était d’un tell typique, c’est-à-dire d’une colline connu grâce aux tablettes d’argile des Sumériens et aux bas-reliefs du palais du roi assyrien Sargon II, découvert dans l’ancienne cité de Dour-Sharrouken (qui porte désormais le nom de Khorsabad, en Iraq). Sa terre et sa culture sont mentionnées dans la mythologie sumérienne, qui rattache Dilmun aux origines du monde. La terre de Dilmun était tenue pour être le paradis, le jardin d’Éden qu’aurait découvert Gilgamesh, roi d’Ourouk, dans sa quête d’immortalité. Des textes sumériens du IIIe millénaire décrivent Dilmun comme une terre bénie des dieux, dotée d’une abondance d’eau douce et un centre marchand de renommée internationale. Dilmun était aussi le seul lieu Fouilles de la zone de peuplement de Qal’at al-Bahreïn. d’échange commercial au

Le site inscrit sur la Liste du patrimoine mondial s’étend sur près de 32 ha, dont 18  ha sont recouverts par le tell dont le point le plus élevé se situe à environ 12 m au-dessus du niveau de la mer. La stratigraphie du site atteste d’une présence humaine constante depuis environ 2300 avant l’ère commune et jusqu’au XVI e siècle de notre ère. Près d’un quart du site a déjà fait l’objet de fouilles, qui ont révélé des structures de divers types : résidentiel, public, commercial, religieux et militaire. Aujourd’hui la colline est dominée par un fort imposant, occupé et développé par les Portugais. C’est à ce fort que l’ensemble du site doit aujourd’hui son nom (qal’a signifiant « fort » en arabe). La partie nord du site est entourée de vastes zones d’eaux peu profondes résultant de la présence d’affleurements de coraux fossilisés qui s’étendent sur 2 km en direction de la mer. Ces structures coralliennes rendent l’approche des navires si difficile qu’un chenal dut être creusé à travers la barrière de corail pour offrir un accès au large. La position stratégique du site conjuguée à la présence abondante d’eau douce dans cette zone a assuré la pérennité de son occupation depuis 5 000 ans, à compter du milieu du IIe millénaire avant notre ère et jusqu’au XIXe siècle. Les fouilles du site ont permis de jeter la lumière sur © Éditions Gelbart long cours passant par le pratiquement tout ce que Golfe. C’était un port de l’on sait aujourd’hui de la Sa terre et sa culture sont mentionnées transit où des représentants civilisation de Dilmun après dans la mythologie sumérienne, qui de tous les pays du monde vingt-cinq siècles d’oubli. La rattache Dilmun aux origines du monde. alors connu venaient toute première excavation du échanger ou vendre site fut réalisée en 1954 par leurs produits et leurs une équipe d’archéologues marchandises. Ce site constituait également artificielle composée de plusieurs strates danois. À cette époque, on pensait que un important carrefour des cultures. Au archéologiques successives, entouré à l’est, Qal’at al-Bahreïn était peut-être le site de e à l’ouest et au sud par des jardins et des la capitale de l’ancien Dilmun. À l’issue de II   millénaire avant l’ère commune, Dilmun palmeraies. Ce cadre assure au site une plusieurs années de fouilles archéologiques fut conquis par la dynastie kassite de certaine protection contre l’urbanisation (de 1954 à 2002), six strates distinctes Mésopotamie et, au VIIe siècle avant l’ère insidieuse de la région et indique en outre d’occupation humaine furent découvertes. commune, ce pays est mentionné à sept une abondance d’eau douce dans cette Ces couches étaient autrefois entourées reprises dans les bas-reliefs du palais de zone. d’imposantes murailles. Sargon. Toutes ces périodes historiques

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Qal’at al-Bahreïn

Les fouilles du site ont permis de jeter la lumière sur pratiquement tout ce que l’on sait aujourd’hui de la civilisation de Dilmun.

© Haidee Vaquer

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Numéro spécial

Qal’at al-Bahreïn

Le site fut inscrit sur la Liste du patrimoine mondial car il comporte les vestiges d’une grande ville portuaire, où divers peuples et traditions venus de différentes parties du monde se côtoyèrent, vécurent et exercèrent leurs activités commerciales.

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avant l’ère commune. L’élément le plus important de cette strate est un portail de 3 m de hauteur. Un très grand bâtiment, qui semblerait être le palais d’Oupéri, roi de Dilmun, a également été découvert dans cette couche. Ce roi est cité nommément dans des tablettes cunéiformes. La cinquième strate appartient à la période Tylos, nom grec donné à Bahreïn au III e siècle avant l’ère commune. Cette couche se distingue par la présence de divers artefacts d’origine grecque, et notamment

d’une autre forteresse, plus ancienne, sur laquelle les Portugais édifièrent leur propre fort au XVIe siècle. Ces six strates successives et la présence de diverses cités bâties sur un seul et même site attestent de l’occupation continue de Qal’at al-Bahreïn. Exception faite de quelques périodes intermédiaires, la cité est parvenue à maintenir son statut de capitale de l’île pendant plusieurs milliers d’années.

La plus ancienne de ces strates correspond à la civilisation de Dilmun. À ce titre, le site est aujourd’hui considéré comme l’un des points de relais historiques les plus importants reliant le pays entre rivières (Mésopotamie) et le pays de Sanad à l’âge de bronze. Ce facteur justifia naturellement son inscription sur la Liste du patrimoine mondial en 2005, en considération de sa valeur historique exceptionnelle. Un carrefour des cultures La première de ces six Le site fut inscrit sur la Liste strates date du milieu du du patrimoine mondial car il comporte les vestiges d’une III e  millénaire avant l’ère grande ville portuaire, où commune et témoigne de la divers peuples et traditions création de Dilmun en tant venus de différentes parties que zone de peuplement du monde alors connu se humain. Située juste à côté côtoyèrent, vécurent et du rivage, elle comporte exercèrent leurs activités plusieurs petites maisons commerciales, ce qui fit qui ne se détachent pas de cet endroit un véritable nettement en raison des racarrefour de cultures, comme vages causés par les incenl’attestent son architecture dies qui les ont détruites. et son développement. En La deuxième strate (péoutre, le site a longtemps riode Dilmun ancienne) été envahi et occupé par contient une ville qui la plupart des grandes marque l’apogée de la civilipuissances et des empires sation dilmun. Cernée d’une influents, qui ont marqué de muraille imposante, cette leur empreinte culturelle les couche fut probablement différentes strates du tell. élevée sur les ruines des En outre, la civilisation de premières constructions. Ce Dilmun, dont nous ne savons sont ses habitants qui ont pas encore grand-chose, fut construit les tumuli funéun acteur de taille dans le raires que l’on trouve dans Moyen-Orient ancien. À ce toutes les parties du pays titre, ce site est un témoignage ainsi que les temples datant exemplaire de son pouvoir et de l’époque de l’occupation Six différentes strates de vestiges furent découvertes. deson influence. akkadienne et de l’ancienne © Éditions Gelbart À l’intérieur du site, les ère babylonienne. palais de Dilmun sont des La troisième strate La plus ancienne de ces strates témoignages uniques de (période Dilmun moyenne) correspond à la civilisation de Dilmun. l’architecture publique de coïncide avec une période cette culture, qui a laissé sa de plus grande prospérité marque sur l’architecture de qui dura probablement de la région dans son ensemble. Les différentes 1700 à 1200 avant l’ère commune. Cette des poteries, des verres, des céramiques fortifications sont les meilleurs exemples période correspond aussi à la seconde moitié émaillées et des statues en pierre. d’ouvrages défensifs du IIIe siècle avant de l’ère babylonienne et à l’ère kashienne. La sixième et dernière strate correspond, Parmi les vestiges de cette période, on quant à elle, à l’ère islamique, au cours l’ère commune au XVIe siècle de notre ère, citera notamment des bâtiments réservés à de laquelle l’île fut renommée « Awal ». tous réunis en un seul et même site. Et les l’entreposage des dattes. Cette couche couvre toute la période qui palmeraies protégées qui entourent le site La quatrième strate (période Dilmun s’étend jusqu’au XIVe siècle de notre ère et illustrent enfin le paysage et l’agriculture finale) coïncide avec l’âge de la domination typiques de la région depuis le IIIe siècle se distingue par la présence au nord du site assyrienne qui s’étend du IXe au Ve siècle d’une forteresse islamique et les vestiges avant l’ère commune.

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Six strates de vestiges

LE SALVADOR : LE BIJOU DU MONDE MAYA Le tourisme archéologique constitue l’un des atouts les plus fascinants de ce pays d’Amérique centrale qui renferme la fameuse « Pompéi des Amériques », où, il y a près de 600 ans av. J-C, le quotidien des habitants fut figé pour l’éternité par l’éruption du volcan Loma Caldera. Ce site fut inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1983. Un circuit a depuis été créé pour faciliter la visite des divers sites archéologiques du Salvador et découvrir cette facette du monde des Mayas. Le Circuit Archéologique Ce circuit traverse de nombreux sites archéologiques qui font partie de la Ruta Maya. Des civilisations de Lenca, Maya et Pipil occupèrent tour à tour ce territoire et on peut encore aujourd’hui y apercevoir les lieux que leurs habitants consacraient aux cérémonies. Ce tour est soutenu par l’exposition de divers artefacts de la vie quotidienne à San Salvador, Santa Ana, La Libertad, San Miguel et Morazan. Chacune de ces localités est en effet dotée d’infrastructures qui viennent enrichir l’intérêt du circuit touristique en permettant notamment la visite de monuments attestant de l’héritage colonial du pays et présentant de remarquables éléments architecturaux. Parmi les divers sites traversés par le circuit, on citera plus particulièrement le Parc Archéologique de Joya de Cerén, San Andres, Cihuatán Tazumal, la Maison Blanche ainsi que les zones d’habitat du site archéologique du lac de Güija. Les grottes de Corinthe et les pétroglyphes de Quelep. Le Parc Archéologique de Joya de Cerén (inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en 1983) Le quotidien des habitants du site, brutalement interrompu par l’éruption du volcan Caldera il y a près de 600 ans de notre ère, fut conservé intact sous plus de 10 couches de cendre pendant 1 400 ans jusqu’à la découverte du site en 1976. On l’appelle fréquemment la « Pompéi d’Amérique » en référence au site archéologique de Pompéi en Italie. Le site comprend 18 structures au total. Dix d’entre elles ont été fouillées et ont révélé des passages ainsi que des habitations bâties dans un mélange de terre blanche, de boue et d’argile. On peut encore y voir la maison d’un shaman (conseiller spirituel), une maison de la fraternité dotée d’une cuisine communautaire, des jardins potagers et des vignobles familiaux dans lesquels on a découvert du maïs, des haricots et un épi bien conservé). Le site comprend également un trou de forage dans lequel on a découvert l’empreinte d’un pied ainsi qu’un Temascal (bain de vapeur). Le parc archéologique de San Andres Ce site était un point d’une grande importance stratégique pour le gouvernement, les cérémonies et l’administration entre les années 600 et 900 de notre ère. De nombreuses découvertes y ont été faites, dont notamment un sceptre religieux en pierre et des crânes comportant des prothèses dentaires. Le site de pressage consacré à la fabrication de l’indigo, enfoui sous les cendres du volcan Playon en 1658, atteste de l’ère coloniale. Le parc comporte également un musée, une boutique de souvenirs, des guides locaux et une cafétéria. Le parc archéologique de Tazumal Découvert pour la première fois en 1892, puis enregistré officiellement en 1940 par Stanley Boggs, qui identifia 13 structures (dont sept ont été incluses dans le site archéologique cérémonial et résidentiel de la Nouvelle Tazumal) parmi lesquelles on compte de petites plateformes ainsi que des structures plus importantes mesurant jusqu’à 24 mètres de haut. Cette structure comporte douze marches ou plateformes et renferme plus de 116 tombes. Les vestiges du site comprennent aussi un système de drainage, des tombeaux, des pyramides et des temples. La Pierre de la Victoire se dresse sur ce site. Il s’agit d’un monolithe d’influence olmèque daté de 700 av. J-C sur lequel sont inscrits quatre pétroglyphes différents sur chacun de ses quatre côtés. Le parc archéologique de la Maison Blanche Ce site renferme les premières zones d’habitat de l’époque préclassique et postclassique, depuis 1500 av. J-C jusqu’à l’arrivée des conquistadors. Le Maison Blanche doit son nom à la plantation de café qui fut établie sur ce site. Sur les six structures que renferme le parc, seules trois d’entre elles ont fait l’objet de fouilles et sont aujourd’hui visibles. Le style de la pyramide est très similaire à celles de Tazumal et de San Andrés. Les bâtiments sont construits au moyen d’un mélange de terre comprimée et de rochers. Leur aspect diffère du mode de construction traditionnel à base de cailloux que l’on retrouve habituellement dans les villes du Nord de la Ruta Maya. Quelques traces de la culture Nahua du XVe siècle ont également été découvertes sur le site. L’architecture des bâtiments rappelle le style des structures de Kaminal Juyú au Guatemala, une ville avec laquelle le site entretenait des relations commerciales, dans le cadre notamment de l’échange d’obsidienne et de poteries. Outre ces structures, le site comporte un musée situé à l’entrée du parc, dans lequel on peut découvrir quatre pierres sculptées de plus d’un mètre de hauteur ainsi qu’un atelier de fabrication d’indigo et d’autres teintes naturelles où le visiteur peut créer ses propres motifs.

La cité de Cihuatán Bâtie sur une petite colline au centre de la vallée que traverse le fleuve Acelhuate, la cité de Cihuatán renferme l’un des trésors archéologiques les plus importants d’Amérique Centrale. Tout porte à croire que ce site aurait été choisi pour deux principales raisons : sa position stratégique par rapport au trafic entre la Mer des Caraïbes, l’Honduras, les vallées verdoyantes environnantes et les plaines côtières d’El Salvador et sa position défensive. En effet le centre de cérémonie situé à l’ouest était protégé par une muraille qui soutenait probablement une palissade en bois. Le nom Cihuatán signifie « le lieu des femmes » (le terme « Cihua » signifie « femme » dans la langue des Pipils). Ce nom provient sans doute de la silhouette féminine allongée qui se distingue le long de la crête du volcan Guazapa, situé à quelques kilomètres au sud de la ville. Les centres de cérémonie renferment des pyramides, des terrains de jeux de balle, des palais ainsi que d’autres bâtiments à vocation civile ou religieuse. Une terrasse, sur le côté ouest, semble avoir accueilli le marché central de la cité tandis que des vestiges de bâtiments ont été découverts dans la partie Est. Le Centre de Cérémonie de l’Est se dresse au centre. Les zones d’habitat de Güija Les traces d’occupation préhistorique du lac de Güija semblent indiquer que ce site et toute la zone de Chalchuapa constituaient la partie Sud de l’Empire Maya durant la période classique. À Güija, des vestiges de zones de cohabitations Maya, de construction de maisons et de pyramides ont été découverts. Il semblerait que l’ancienne cité « Cerro de las Figuras » soit enfouie au fond du lac, dans sa partie sud, sur la colline Igualtepec. C’est dans cette cité que l’homme aurait étudié le ciel et les étoiles pour la première fois, comme en attestent les vestiges d’une pyramide découverte au sommet de la colline sur laquelle on peut lire des inscriptions qui ressemblent à des interprétations astronomiques. Les grottes de Corinthe Le style des dessins découverts à Corinthe est très similaire à ceux de l’ère paléolithique trouvés en Amérique du Sud. Certaines silhouettes ont une très grande taille, tandis que d’autres ne dépassent pas la paume de la main. Quelques dessins ont été découverts à plusieurs pieds sous terre. La grande majorité représente des silhouettes humaines. Les mains dessinées sont de taille adulte et il s’agit sans doute de mains masculines. Il existe très peu de représentations d’animaux. La plupart d’entre eux sont des poules et il y a aussi deux formes de serpents. Certaines formes semblent également représenter des plantes. La plupart des dessins sont de couleur rouge, d’autres sont jaunes ou noirs. Un petit nombre d’entre eux utilise deux techniques à la fois : la gravure et la peinture. Les colorants utilisés ont probablement une origine minérale (pour les couleurs rouge et jaune/ocre) ou végétale (pour le charbon/noir). Le site était occupé depuis l’an 900 à l’an 400 av. J-C, puis au cours de la période postclassique, de 900 à 1540 de notre ère. Les ruines de Quelepa Quelepa était une cité prospère qui fut occupée pour la dernière fois entre l’an 625 de notre ère et l’an 1000. C’est de cette période que datent le jeu de balle en forme de « T » et les petites pyramides du site. Certaines caractéristiques des céramiques de la période classique ancienne rappellent celles trouvées à Chalchuapa et au Guatemala. Mais les signes de similitude sont encore plus évidents avec les céramiques de certaines parties du Sud d’Honduras, de Los Naranjos et de Copan. Les objets les communs sont des cuvettes murales de forme arrondie et des récipients en forme de poire. Ces objets sont généralement ornés de motifs géométriques et de silhouettes d’animaux. Des instruments de musique à vent, comme des flûtes et des ocarinas à billes, ont également été trouvés sur le site. Un autel doté d’une tête de jaguar, des restes de poterie et d’autres artefacts indiquent que les habitants du site entretenaient des liens commerciaux avec les cultures occidentales et sans doute aussi avec les Mayas d’Honduras et du Mexique. On constate également que les zones d’habitat de Quelepa et de Llanitos ont subi l’influence du site Maya et du reste de la Mésoamérique. Les structures des pyramides varient de 10 mètres à de petits tertres en terre qui servaient de fondation aux anciennes maisons. Le groupe de terrasses artificielles situées à l’est du site constitue indéniablement la construction la plus importante de tout le site : sa surface plane permettait en effet d’y construire tout type de bâtiments. Le Circuit de Nahuat-Pipil Situé à 60 km de la capitale, ce circuit traverse quatre villes de la partie Ouest du Salvador. Il s’agit d’une zone caractérisée par de fortes traditions ethniques concentrées essentiellement sur l’exploitation de la mélisse-citronnelle, du café et du cacao. Ce circuit englobe diverses communautés ayant fait l’objet d’un grand nombre de mythes et de légendes. Il s’agit du berceau des héros et les événements qui s’y sont déroulés ont marqué le pays tout entier sous l’ère coloniale au XI e siècle et aux XXe siècles, ainsi que dans les années 30. L’un des atouts du circuit est qu’il traverse de grands espaces naturels, le Phare du Pacifique et les zones d’habitat de Nahua-Pipil qui ont su conserver intactes leur culture et leur histoire comme notamment dans le cas des localités de San Julian, Cuisnahaut, Caluco et Izalco.

Découvrez El Salvador, un pays chargé d’histoire et riche en sites archéologiques majeurs. Visitez le parc de Joya de Cerén (appelé le « Pompéi des Amériques »), inscrit sur la Liste du patrimoine mondial et unique témoin de la vie quotidienne du peuple maya. Venez explorer le bijou du monde maya !

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Numéro spécial

Fort de Bahla

Le fort de Bahla Vestiges d’une immense forteresse médiévale

Le Fort de Bahla est le premier bien omanais inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en 1987. © Éditions Gelbart

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Numéro spécial

Fort de Bahla

Le site fut retiré de la Liste du patrimoine mondial en péril en 2004. © Éditions Gelbart

éputés pour leur tradition maritime, les sultans d’Oman régnèrent du XVIe au XIXe siècle sur un vaste empire commercial qui s’étendait de la côte est de l’Afrique à la pointe sud du sous-continent indien. La civilisation omanaise est pourtant plus ancienne encore, puisqu’elle remonte à plusieurs milliers d’années. Il y a 2 000 ans, Oman était le carrefour d’un commerce particulièrement prospère fondé sur l’encens, la gomme de résine aromatique qui était, à l’époque, plus précieuse encore que l’or (voir p. 36). La forteresse de Rustaq se dresse un peu plus au nord, au pied du mont Djebel Akhdar, tandis que les forteresses d’Izki, Nizwa et Bahla se trouvent au sud. Chacune des trois villes qui les entourent fut une capitale à un moment donné de l’histoire d’Oman. C’est aussi sur ces sites que les communautés kharidjites résistèrent obstinément aux tentatives de « normalisation » déployées par le calife Harun al-Rachid, et mirent en pratique leurs préceptes religieux radicalement puritains mais aussi démocratiques. Bahla était alors le centre de l’ibadisme (une autre

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branche de l’islam), sur lequel s’appuyaient les anciens imamats omanais et dont l’influence s’est répandue à travers l’Arabie, l’Afrique et au-delà.

L’oasis de Bahla Située à proximité de la capitale actuelle d’Oman, l’oasis de Bahla doit sa prospérité à la tribu des Banu Nabhan qui, depuis le milieu du XIIe siècle et jusqu’à la fin du XVe siècle, imposa son autorité aux autres tribus. Aujourd’hui, seules quelques ruines témoignent du passé glorieux des Banu Nabhan sur ce magnifique site montagneux. L’oasis comporte les vestiges de l’immense Fort de Bahla, tout premier bien omanais à avoir été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial (en 1987), dont les murailles et les tours en brique crue se dressent sur un soubassement de pierre. Il s’agit d’un exemple exceptionnel de l’architecture militaire qui caractérise le Sultanat d’Oman. Avec la mosquée du Vendredi qui lui est adjacente et dont le mihrab (niche de prière) est artistiquement sculpté, le fort domine la zone d’habitat bâtie en terre crue et la palmeraie avoisinante.

En outre, ces deux monuments sont indissociables de la petite ville de Bahla et de son souk, de sa palmeraie et des remparts en brique crue qui enserrent l’oasis (un ouvrage remarquable composé de tours, de portes et de canaux d’irrigation souterrains – aflaj). L’imposante muraille (sur) de pierre et de terre, dotée d’un chemin de ronde, de tours de guet et de nombreuses portes, renferme un véritable labyrinthe d’habitations en brique crue ainsi que des terres de culture. À ce titre, Bahla représente un exemple exceptionnel d’une zone d’habitat fortifiée oasienne de l’époque médiévale islamique et atteste également des techniques mises au point par ses premiers habitants pour utiliser l’eau à des fins agricoles et domestiques. Aujourd’hui encore, l’oasis est pourvue en eau grâce à la gestion des précipitations saisonnières et au réseau de puits et de canaux souterrains qui y acheminent de l’eau de source sur de longues distances. Le fort, dont le style est antérieur à la poudre à canon, avec ses tours arrondies, ses parapets crénelés et sa muraille

Fort de Bahla d’enceinte, atteste quant à lui du statut et de l’influence de l’élite dirigeante. Les vestiges des zones d’occupation familiale composées de maisons vernaculaires traditionnelles en brique crue (harats), notamment al-Aqr, al-Ghuzeili, al-Hawulya et leurs mosquées respectives, les salles d’audience (sablas), les thermes, ainsi que les habitations des gardiens du fort (askari), témoignent d’un modèle d’habitat distinct directement tributaire de l’emplacement du système d’irrigation. Par ailleurs, l’importance de cette zone d’occupation est mise en valeur par la mosquée du Vendredi, qui présente un mihrab remarquablement décoré et par les vestiges du vieux marché (souq) à demi couvert, qui comprend un ensemble d’échoppes à un étage ouvertes sur des allées étroites, le tout encerclé par un rempart extérieur. L’emplacement du souk lui permettait par ailleurs d’être aisément surveillé depuis le fort qui se dresse sur l’escarpement rocheux voisin. Les vestiges de portes, étagères et maillages de fenêtres en bois sculpté et artistiquement incisé, témoignent quant à eux d’une tradition artisanale riche et prospère.

L’oasis comporte les vestiges de l’immense Fort de Bahla, tout premier bien omanais à avoir été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en 1987.

Les travaux de restauration Les principales composantes de l’ensemble architectural de Bahla ont survécu aux ravages du temps et forment collectivement une zone d’occupation humaine oasienne fortifiée historique et un complexe défensif majeur, intégral et pratiquement complet. Composé essentiellement de structures en terre, le bien est vulnérable à la dégradation et au mauvais drainage du site et, dans le cas du souk, aux efforts de reconstruction entrepris avec des matériaux modernes. Les monuments de Bahla étaient dans un état critique au moment de l’inscription du site sur la Liste du patrimoine mondial. En effet, le site n’a jamais fait l’objet d’une restauration (ou tout au moins d’une restauration ayant le mérite de préserver un niveau d’authenticité élevé) et il n’a pas non plus bénéficié de mesures conservatoires. La terrasse de la mosquée du Vendredi, non

entretenue depuis le jour où la communauté ibadite la délaissa au profit de la nouvelle mosquée, finit par s’effondrer entre 1981 et 1983, entraînant à son tour l’écroulement des arcs et l’arrachement des enduits muraux. Cette situation mit naturellement en péril le mihrab que renferme l’édifice. Le Département d’archéologie omanais procéda, dès 1977, à un relevé très complet du site, mais ce n’est qu’en 1988 que les premiers travaux de restauration furent amorcés. Entièrement financée par l’État omanais et s’appuyant sur une étude photogrammétrique réalisée par le Musée des mines de Bochum en Allemagne, la restauration du site fut en grande partie achevée en 2005. Le système de falaj et le cours d’eau dont dépend la zone d’occupation, ainsi que les routes historiques qui le relient aux autres villes de l’intérieur, s’étendent bien au-delà

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Fort de Bahla Retrait de la Liste du patrimoine mondial en péril

Le fort de Bahla est l’une des quatre forteresses historiques situées au pied du Djebel Akhdar. © Éditions Gelbart

Le plan de gestion vise à l’entretien à long terme, à la conservation et l’utilisation des bâtiments historiques, des structures et de la forme spatiale du bien.

de son périmètre. Aujourd’hui encore, malgré un certain développement urbain à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, Bahla se distingue facilement dans le paysage désertique. Ses perspectives demeurent particulièrement vulnérables aux exigences du développement communautaire et du tourisme. Le maintien de la fonction de surveillance que joue le fort par rapport au souk, à la zone d’occupation qui l’entoure et à ses voies d’accès, dépendra de la gestion prudente du développement à l’intérieur du bien. Au moment de son inscription, le fort était délabré et se détériorait rapidement après chaque saison des pluies. Il fut par conséquent inscrit, en 1988, sur la Liste du patrimoine mondial en péril. Au début des années 1990, des travaux de consolidation furent entrepris, avec des matériaux appropriés, sur certaines parties du fort, et notamment sur Bayt al-Jabal, le hall d’entrée (sabah) et les murailles nord-

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ouest et sud-ouest. Une salle d’audience (sabla) fut démolie dans la cour en 1992. À partir de 1995, des mesures conservatoires n’utilisant que des matériaux à base de terre, furent prises à l’issue d’une formation et de conseils adaptés touchant aux structures en terre. Ces travaux, qui englobaient le drainage de la cour, la construction de nouvelles toitures et la consolidation des murailles et des tours qui s’effondraient, portaient plus particulièrement sur la citadelle (qasaba), la cour de la mosquée, Bayt al-Jabal, Bayt al-Hadith et les écuries. Un enduit fut également appliqué sur le haut des murailles en ruine pour éviter l’effondrement de la structure. La sabla fut, quant à elle, reconstruite en 1999 dans la cour du fort. Des archives détaillées touchant à tous les travaux exécutés ont également été conservées et une documentation complète du fort a depuis été réalisée, à l’aide notamment d’une étude photogrammétrique.

Il est indéniable que la forme, la conception et les matériaux qui confèrent au site sa valeur universelle exceptionnelle ont, pour la plupart, été conservés dans toute leur authenticité. Dans cette optique, le bien fut retiré de la Liste du patrimoine mondial en péril en 2004. Bahla demeure à ce jour une implantation prospère, mais son authenticité reste vulnérable du fait de l’abandon des maisons vernaculaires traditionnelles. Le souk pâtit également d’un manque de conservation et d’entretien et de l’utilisation de matériaux et de modes de construction nouveaux. Le fort de Bahla et son oasis sont tous deux protégés aussi bien sur le plan administratif que juridique grâce à la loi omanaise pour la protection du patrimoine national (depuis 1980). Le fort et ses environs sont placés sous la responsabilité du Ministère du patrimoine et de la culture à Mascate, lequel possède un bureau régional dans la région de Dakhliyeh ainsi qu’un bureau local à Bahla. Depuis mars 2005, le site bénéficie également d’un plan de gestion visant à l’entretien à long terme, à la conservation et l’utilisation des bâtiments historiques, des structures et de la forme spatiale du bien. Ce plan tient également compte de l’importance du maintien du site dans son intégralité et de la nécessité qu’il a à encadrer adéquatement son utilisation et son développement contemporain afin de préserver l’intégrité de l’ensemble architectural et sa proéminence dans le paysage. Plusieurs des actions exposées dans le plan de gestion ont été accélérées et mises en œuvre. C’est notamment le cas de la conservation de la mosquée du Vendredi, la qasaba, le sur et les voies d’accès. En outre, des recommandations pour la réhabilitation des harats, la déviation de la circulation à travers le bien, l’électrification du fort et l’installation à Bayt al-Hadith d’un musée consacré au site au sein de l’enceinte du fort ont également été mis en place. Ce plan a fait l’objet d’une évaluation en 2009-2010 et le plan actualisé sera le fondement de la gestion du bien à long terme.

Fort de Bahla Bahla est un exemple remarquable d’oasis fortifiées de l’époque médiévale islamique. © Éditions Gelbart

À l’intérieur du fort. © Éditions Gelbart

Les dessins sur les portes témoignent d’une riche tradition artisanale. © Éditions Gelbart

La forme, la conception et les matériaux utilisés donnent au site sa valeur universelle exceptionnelle. © Éditions Gelbart

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Sites protohistoriques

Sites protohistoriques à Oman Bat, al-Khutm et al-Ayn

Les sites archéologiques de Bat, al-Khutm et al-Ayn (Oman) ont été inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en 1988. © Éditions Gelbart

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Sites protohistoriques

vec les sites annexes d’al-Khutm et d’al-Ayn situés dans les environs, Bat constitue l’ensemble d’habitat et de nécropoles du III e millénaire avant notre ère le plus complet au monde. Bat était un village du royaume de Magan (ou Makkan), alors principal centre d’extraction du minerai de cuivre que l’on exportait jusqu’en Mésopotamie. Le site protohistorique de Bat se situe vers l’intérieur du Sultanat d’Oman, à Wilayat Ibri, à proximité d’une palmeraie qui porte son nom, dans la région d’al-Dhahirah. Le site se trouve à quelque 320 km au nordouest de la capitale Mascate et à 30 km au nord-est de la ville d’Ibri. La première chose qu’aperçoit le visiteur en s’approchant du site implanté non loin du confluent d’un petit cours d’eau et du wadi al-Hijr est un groupe de cinq tours en pierre, très caractéristiques du premier âge de bronze tel qu’il se manifeste dans la péninsule d’Oman. L’une de ces tours a été entièrement fouillée par une équipe danoise dirigée par Karen Frifelt. La tour présente un diamètre de 20 m au niveau du sol et comprend un puits central. Les conclusions de la mission danoise (qui reposent sur l’examen de vestiges en céramique) ont permis de dater sa construction entre 2595 et 2465 avant notre ère.

Lorsqu’on se retourne vers le site en se tenant auprès de cette tour, on distingue immédiatement à l’est une série de maisons rectangulaires dotées d’une cour centrale, et au nord, une vaste nécropole comprenant deux groupes distincts. Le premier de ces groupes, situé au sommet d’escarpements rocheux, comporte plusieurs tombes en terre sèche (dont certaines datent du IVe millénaire), disposées le long de la piste qui relie Bat à al-Wahrah. Le second groupe s’étend sur des rizières en terrasses au sud-est du wadi et comprend plus de cent tombes « ruche » en pierre sèche.

Une société bien hiérarchisée Les indices archéologiques portent à croire que la société de Bat était strictement hiérarchisée, comme en attestent dans les zones d’habitat l’opposition des ouvrages défensifs circulaires aux maisons de plan rectangulaire et, dans les zones de nécropoles, la complexité croissante de l’organisation de l’espace funéraire.

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Les découvertes archéologiques Les bâtiments et nécropoles archéologiques de Bat et d’al-Khutm furent découverts ensemble en 1972 tandis que ceux d’al-Ayn ne le furent que deux ans plus tard, en 1974. Les fouilles archéologiques de Bat débutèrent dès 1972 et se poursuivirent sur plusieurs années d’une manière sporadique. Les bâtiments et nécropoles découverts à Bat, al-Khutm et al-Ayn remontent à l’âge de cuivre (période Hafit) entre 3200 et 2600

Avec les sites annexes d’al-Khutm et d’al-Ayn, Bat constitue l’ensemble d’habitat et de nécropoles du IIIe millénaire avant notre ère le plus complet au monde.

Cinq tours de pierre du site de Bat sont représentatives de l’âge de bronze dans la péninsule arabe. © Éditions Gelbart

La zone d’habitat de Bat était dotée d’un barrage construit pour récupérer les eaux de pluie à des fins agricoles et de six tours circulaires, qui sont en fait des bâtiments fortifiés composés de gros blocs de calcaire parfaitement ajustés et assemblés, sans mortier. Ces tours sont entourées de murs et comportent souvent un puits central. Curieusement, elles ne comportent aucune entrée, ce qui ferait supposer qu’on y accédait par une échelle en bois que l’on retirait une fois à l’intérieur.

Sites protohistoriques Le site archéologique d’al-Khutm se trouve à environ 2 km à l’ouest du village de Bat. © Éditions Gelbart

avant notre ère et au premier âge de bronze (période Umm an-Nar) entre 2600 et 1800 avant notre ère. Les fouilles archéologiques ont permis d’établir que le village de Bat fut habité sans interruption tout au long de l’âge de bronze moyen (période Wadi Suq) entre 1800 et 1300 avant notre ère, de l’âge de bronze tardif (début de l’âge de fer) entre 1300 et 1200 avant notre ère, de l’âge de fer (période Lizq/Rumilah) entre 1200 et 300 avant notre ère et de l’âge de fer final (période Samad), entre 300 av. J.-C. et 600 de l’ère commune. Les tout premiers artefacts découverts dans la zone d’habitat de Bat comprenaient des morceaux de poterie de couleur rouge (poteries de style Jemdet Nasr) décorés de lignes horizontales noires, de fines plaques de cuivre, un pot en marbre provenant d’Iran, un tampon de forme cylindrique en stéatite, un poignard-sabre en bronze ainsi qu’une collection de perles d’agate provenant d’Inde. Le site compte 1 130 tombes disposées sur les crêtes rocheuses qui l’encerclent ainsi que sur ses terrasses inférieures. Il s’agit de tombes de type « cairn », construites sous forme d’amas de pierres. La partie nord de la zone d’habitat contient des tombes plus élaborées en forme de ruche qui datent de

La plupart des tombes datant de la période Hafit sont également perchées au sommet de crêtes rocheuses.

la période Hafit, tandis que des tombes de la période Umm an-Nar ont été découvertes dans la partie sud. La plupart des tombes datant de la période Hafit sont également perchées au sommet de crêtes rocheuses. Chacune d’entre elles comporte deux murs circulaires concentriques qui entourent une chambre funéraire de forme ronde, ovale, carrée ou rectangulaire dont le sol est recouvert de dalles en pierre. Les murs sont construits en pierres non taillées provenant des massifs calcaires qui avoisinent le site. On notera que ces pierres sont assemblées sans mortier. L’aspect extérieur des tombes varie en fonction du type de pierre utilisé. Certaines sont construites avec des pierres aux formes régulières, tandis que d’autres utilisent plutôt des formes irrégulières. Mais dans tous les cas de figure, il s’agit de pierres soigneusement sélectionnées. Les chambres funéraires sont recouvertes d’un toit en pierres. Leurs portes d’accès sont de forme triangulaire ou rectangulaire et sont exposées au sud, à l’ouest ou à l’est. À

l’issue de la cérémonie funèbre, l’entrée de la tombe est bloquée au moyen de pierres. Les tombes de la période d’Umm an-Nar ont essentiellement été construites sur les terrasses inférieures du site, à proximité des zones d’habitat. De taille plus importante, elles comprennent deux à quatre salles abritant plusieurs sépultures séparées par des cloisons. Certaines comportent deux salles semi-circulaires séparées par une cloison centrale reliée à la paroi interne de la tombe sur un seul côté. D’autres contiennent trois salles divisées par deux murs centraux parallèles, construits séparément au centre du bâtiment et reliés au mur interne de la tombe des deux côtés. D’autres encore comportent quatre salles divisées par un mur central bâti au centre de la tombe, et se séparant en deux murs de plus petite taille de manière à former quatre pièces distinctes. Un dernier type de structure consiste en un seul mur qui divise la tombe en deux parties. Les tombes de la période d’Umm an-Nar comportent une ou deux toutes petites

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Sites protohistoriques

Bat est considéré comme l’une des zones d’habitat typiques du début de l’âge du bronze. © Éditions Gelbart

© Éditions Gelbart

portes d’accès exposées à l’est ou à l’ouest et dont la hauteur et la largeur mesurent respectivement 50 cm et 60 cm. Ces portes sont bloquées par trois pierres d’une manière distincte : deux de ces pierres sont placées dans la partie inférieure de l’ouverture tandis que la troisième est disposée sur la partie supérieure. Le sol de ces chambres funéraires est recouvert de dalles plates en calcaire tandis que les murs internes sont bâtis en pierres non taillées, dont certaines ont été renforcées par du mortier. Les murs externes ainsi que les tombes et leurs façades sont tous construits au moyen de blocs de calcaire blanc ou marron soigneusement découpés. Transportés depuis les carrières situées dans les environs, ces blocs ont été taillés de manière à former de petits cubes rectangulaires ou carrés, dont les contours ont été arrondis pour donner au mur sa forme circulaire. Ces tombes font environ 7 à 8 m de diamètre. On constate également que les murs et les façades des tombes se sont mis à assumer une taille plus imposante dès avant la fin de la période Umm an-Nar. Comportant deux étages, certaines atteignent une hauteur

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Les tombes d’Al-Ayn furent construites avec des blocs de calcaire.

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totale de 10 à 12 m, parfois même 14 m. De gros blocs de calcaire alignés à une hauteur d’un mètre forment la base des façades tandis que le plafond des tombes de la période Umm an-Nar a été aplati au moyen de gros blocs de calcaire et muni d’une gouttière en calcaire qui permettait d’évacuer les eaux de pluie.

Les sites avoisinants Au vu de l’ensemble cohérent que forment les zones d’habitat de Bat et les deux sites annexes (al-Khutm et al-Ayn) tant au niveau géographique, géologique, biologique qu’archéologique, il a été décidé d’inscrire les trois sites conjointement sur la Liste du patrimoine mondial. Le site d’al-Khutm, situé à 2 km à l’ouest de Bat, s’étend sur une superficie de 2 170 m2. Il comporte une tour apparemment ovale, bâtie sur une petite crête qui s’inscrit parfaitement dans le relief ; celle-ci est dotée de deux murs supplémentaires (murs de terrasse ou d’enclos) sur le côté ouest. Des tombes de type « cairn » ont également été construites sur cette crête de chaque côté de la tour.

Le site d’al-Ayn se situe quant à lui à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Bat. Il comporte de nombreuses tombes construites sur une série de crêtes rocheuses, sur la rive nord de l’oued al-Ayn, ainsi qu’une vingtaine de tombes parfaitement alignées. Ces constructions rappellent les tombes datant de la période Hafit découvertes dans la zone d’habitat de Bat. Construites au moyen de blocs de calcaire disposés sur une plate-forme circulaire, certaines d’entre elles atteignent une hauteur de 4 m et font près de 5 m de diamètre en moyenne.

Quels enseignements peut-on tirer de ces sites ? Ces trois sites constituent de remarquables exemples de l’utilisation de la terre pendant le premier âge de bronze et de l’interaction positive de l’homme avec son environnement. Collectivement, ils sont associés à l’émergence et à la prospérité de la civilisation Majan et à la créativité de son architecture, comme en atteste la cohérence de nombreuses constructions archéologiques à caractère religieux, civique, défensif et économique, et plus

Sites protohistoriques Les constructions de Bat, al-Khutm et al-Ayn offrent un témoignage exceptionnel du développement de la civilisation et des pratiques funéraires. © Éditions Gelbart

particulièrement les bâtiments fortifiés, les barrages et les canaux d’irrigation du site. La valeur exceptionnelle de ces sites prend racine dans la manière dont sont assemblés les bâtiments archéologiques et dans les blocs qui les composent, tous transportés depuis les carrières originales. Les bâtiments archéologiques découverts à Majan (Oman) sont les seuls édifices de ce type (exception faite des pyramides d’Égypte) construits en pierres parfaitement découpées et taillées. À Bat, al-Khutm et alAyn, les différentes phases de construction offrent un témoignage exceptionnel du développement de la civilisation au sein de la péninsule arabique. Les bâtiments archéologiques des trois zones d’habitat sont associés au développement des constructions traditionnelles d’Oman à travers les âges. Sur le plan régional et continental, on associe également leur architecture à celle des constructions archéologiques de nombreux sites datant du premier âge de bronze, comme notamment les sites de Bisya, Zukayt, Shanah et al-Jilah situés dans le Sultanat d’Oman, et ceux de Hili et

Hafit aux Émirats arabes unis. On retrouve également ce style dans certaines tombes découvertes en République du Yémen. La zone d’habitat de Bat revêt une importance exceptionnelle par sa position stratégique et ses liens avec les peuplements du premier âge de bronze et les grands centres de civilisation historiques, comme notamment la civilisation de la vallée de l’Indus. Des poteries de Jemdet Nasr ont également été découvertes à Bat. Selon les chercheurs, la présence de modèles culturels provenant de Jemdet Nasr dans l’extrême sud-est de la péninsule arabique résulterait de l’évolution des échanges commerciaux, qui se seraient déplacés du nord de la Syrie vers le sud d’Oman, dans le but d’obtenir certaines matières premières comme le cuivre, la pierre et le bois. On notera par ailleurs que la période Jemdet Nasr se caractérise par un essor des échanges commerciaux et culturels entre les civilisations de Mésopotamie et d’Égypte. Dans cette optique, il est permis de supposer que les sites de style Jemdet Nasr découverts dans le Sultanat d’Oman constituaient des points de ravitaillement ou d’échanges sur ce

trajet. On constate aussi que c’est surtout au cours de l’ère Jemdet Nasr que les contacts directs entre Sumer et la source de cuivre de Majan furent véritablement établis. Bat constitue de ce fait l’une des toutes premières zones d’habitat types du premier âge de bronze. Son économie reposait sur une agriculture irriguée par un système d’aflaj, comme en attestent les canaux de collecte de l’eau qui ont été découverts sur le site. Ces constructions étaient très probablement à l’origine des Systèmes d’irrigation aflaj d’Oman. Les tours découvertes sur le site témoignent, quant à elles, des mesures de défense mises en place pour protéger les canaux. Les fouilles archéologiques ont également permis de mettre au jour des tombes de chameaux datant du IIIe millénaire, éclairant ainsi le rôle capital de Bat en ce qui concerne la domestication des chameaux et leur utilisation dans le transport de marchandises. La stratégie actuelle de l’administration privilégie la mise en place de fouilles archéologiques approfondies sur le site afin de découvrir d’autres aspects de sa valeur universelle exceptionnelle.

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Terre de l’encens

L’encens La richesse d’Oman

Arbre à encens. © Éditions Gelbart

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Terre de l’encens

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À Ouadi Dawkah, les arbres à encens se trouvent dans le lit de l’oued.

© Éditions Gelbart

man doit la richesse de ses traditions culturelles à la position stratégique que lui a assurée son rôle dans le cadre du commerce des épices, des huiles et du textile à l’échelle mondiale. Il y a 2 000 ans, Oman était réputé l’un des pays les plus riches au monde, grâce à l’abondance de son encens dont la valeur était alors supérieure à celle de l’or. Peu de pays offrent aujourd’hui une telle diversité et une telle richesse en termes de paysages et de faune que le patrimoine naturel omanais. Par ailleurs, ses forts, ses tours de guet, ses maisons de commerçants et ses fortes traditions maritimes attestent des divers empires qui ont laissé leur empreinte sur ses terres. La région du Dhofar, dans le sud d’Oman, est la principale source d’exploitation et d’exportation des variétés d’encens les plus réputées depuis des temps immémoriaux. Cette terre d’encens s’est vu décerner diverses appellations au fil des siècles : on l’a tour à tour appelée Terre d’A’ad, Pays

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Inscrite sur la Liste du patrimoine mondial en 2000, la Terre de l’encens renferme trois sites archéologiques ainsi qu’un parc naturel.

de Pount ou encore Pays d’Al-Shahr. Ce sont les Grecs qui la baptisèrent finalement « Omana ». Il est généralement accepté qu’al-Ahqaf ou la « Terre de sable » qui est mentionnée dans le Coran fait probablement référence à la région du Dhofar. Il s’agissait également d’une zone bien connue des pharaons d’Égypte, ainsi que des Phéniciens, des Grecs, des Romains, des Perses, des Indiens et des Chinois qui entretenaient des relations commerciales avec elle. Tous ces peuples lui donnaient certes un nom différent, mais sa côte était universellement connue sous le nom de « Côte de l’encens ». Le Periplus Maris Erythraei (Périple de la mer Érythrée), ouvrage d’un auteur anonyme grec de l’Antiquité tardive rédigé à l’intention des marins et des commerçants, mentionne de nombreux sites disséminés

le long de la côte arabique sud. Ces lieux servaient de points d’échanges sur les routes maritimes de la mousson. C’est à partir de là qu’on expédiait l’encens vers l’Asie, l’Afrique du Nord et l’Europe. Ce commerce établit une véritable passerelle entre l’Orient et l’Occident. L’encens est la résine d’une gomme que l’on extrait du Boswellia sacra (arbre à encens) au moyen d’incisions pratiquées sur son tronc. L’extraordinaire valeur que représentait alors cette gomme résultait de son utilisation dans le cadre de cérémonies religieuses, de rituels d’incantation et en médecine. Les Égyptiens l’utilisaient également pour embaumer leurs morts et, selon la légende, les arbres à encens étaient protégés par des serpents volants, ce qui dissuadait sans doute certains de s’aventurer dans la région.

Terre de l’encens Al-Balid est l’un des trois sites archéologiques inclus dans la Terre de l’encens. © Éditions Gelbart

Inscrite sur la Liste du patrimoine mondial en 2000, la Terre de l’encens renferme trois sites archéologiques ainsi qu’un parc naturel. Deux de ces sites, Khor Rori/ Sumhuram et al-Balid, sont d’anciens ports de mer alors que le troisième, Shisr, est une oasis où faisaient halte les convois de caravanes traversant le désert de Rub al-Khali (le « Quartier vide ») afin de se ravitailler en eau. Le site d’Ouadi Dawkah, situé sur la route qui relie les ports côtiers au désert, constitue un exemple très important de la culture et de la récolte de l’encens. Ce site est désormais un parc naturel.

Ouadi Dawkah Ouadi Dawkah se situe dans la zone d’al-Nadjd, au-delà des flancs nord des montagnes du Dhofar qui s’étirent sur 350 km (et sur une largeur de 30 km), en atteignant une altitude de 2 000 m à l’est avec le mont Samhan, et de 1 400 m à l’ouest avec le mont al-Qamar. Le site se trouve à 40 km de Salalah sur la voie rapide qui relie Salalah à Mascate dans la direction de Shisr/Wubar.

Al-Balid, qui a naturellement bénéficié de la prospérité créée par le commerce de l’encens, entretenait des relations commerciales avec divers ports.

Ouadi Dawkah est un parfait exemple d’une zone où les arbres à encens poussent en grand nombre. Il s’agit d’une zone rocheuse et semi-désertique, caractérisée par de petites collines arrondies et des vallons peu profonds créés par des inondations dans la période antique. Les arbres à encens sont l’espèce dominante, bien qu’il existe aussi d’autres variétés d’arbres et de plantes sur le site. Ceux-ci occupent près de 5 km2 d’Ouadi qui s’étend sur 14 km de long. On compte un total de 1 230 arbres anciens, de diverses tailles, dans la région. Tous les arbres à encens d’Ouadi sont de forme conique. Compte tenu du développement de la vallée, 5 000 nouveaux arbres ont été plantés dans les zones où la densité des arbres s’était affaiblie en raison de divers facteurs environnementaux.

L’encens y est toujours récolté conformément aux règles et aux coutumes établies par les habitants de la région. Les sites de production se divisent en parcelles individuelles, chacune assignée à un groupe distinct. Leurs propriétaires sont libres de louer leur parcelle à un autre groupe après avoir décidé si la production doit être partagée ou non.

Al-Balid Ce n’est que récemment que les archéologues se sont penchés sur l’identification des sites côtiers cités dans le Periplus grec. Grâce à leurs travaux, Khor Rori, une large vallée dotée d’un lac d’eau douce essentiellement alimenté par les précipitations, est désormais associé à la cité de Moscha Limen mentionnée dans le Periplus. Al-Balid, en revanche,

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Fouilles sur le site archéologique d’Ouadi Dawkah.

L’oasis de Shisr.

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Al-Balid était une zone d’habitat importante à la fin de l’âge de fer (environ 2 000 ans avant l’ère commune). © Éditions Gelbart

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vallée de l’Indus, du Yémen, d’Afrique de l’Est, d’Iraq et d’Europe. De nombreux voyageurs s’y sont arrêtés, et notamment l’explorateur chinois Jan Jokao. Celui-ci nota que l’encens était l’une des principales matières premières produites par al-Balid. Des recherches ont également permis de découvrir qu’à un moment donné la cité chinoise de Quanzhou avait importé près de 174 337 kg d’encens depuis ce port. L’amiral de la flotte chinoise, Zheng He, visita la cité pour la première fois en 1421 de notre ère, puis il y revint dix ans plus tard en 1431, en qualité d’ambassadeur de l’empereur chinois. Il décrit dans ses textes la vie civile de la cité ainsi que l’accueil qui lui fut réservé par les habitants. Ibn Battuta

s’était également rendu à al-Balid à deux reprises : la première fois en 1329, la seconde vingt ans plus tard. Ibn al-Mujawer décrit lui aussi les fortifications et l’architecture de la cité. Il précise notamment que sa muraille était construite en pierres et en mortier et qu’elle comportait quatre portails. Il a également indiqué dans ses textes que les Habudhine, sous le commandement d’Ahmed ben Abdullah ben Mazrui alHabudhi, détruisirent la cité en 1221 puis la reconstruisirent et la renommèrent alMansourah. Selon Marco Polo (en 1285), al-Balid était une cité prospère. Des éléments indiquant l’existence d’une cité plus ancienne ont également été découverts sous la cité du Xe siècle. Ces

Des éléments indiquant l’existence d’une cité plus ancienne ont également été découverts à al-Balid sous la cité du Xe siècle.

Le site archéologique de Khor Rori se dresse au sommet d’une colline, sur la rive orientale d’un point d’eau douce ( khor). © Éditions Gelbart

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n’apparaît que plus tard dans les textes. La cité est mentionnée par certains auteurs du XIIIe  siècle, dont Ibn Battuta qui la décrit comme un port important pour le commerce de l’encens et des chevaux destinés aux cours princières indiennes. Or, selon les découvertes archéologiques les plus récentes, il semblerait que non seulement al-Balid daterait de l’ère préislamique mais qu’il s’agissait en fait d’une zone d’habitat très importante à la fin de l’âge de fer (environ 2 000 ans avant l’ère commune). L’imposante muraille et les forts robustes que comporte aujourd’hui le site indiquent que la cité a fait l’objet d’une rénovation inspirée par le style d’autres villes islamiques contemporaines de l’ère d’Al-Habudhi (XIIIe siècle de l’ère commune). Al-Balid, qui a naturellement bénéficié de la prospérité créée par le commerce de l’encens, entretenait des relations commerciales avec divers ports de Chine, d’Inde, de la

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vestiges comportent essentiellement des murs de pierre enfouis sous la nouvelle ville et alignés d’une manière distincte. Ces anciennes structures ont été découvertes sous la tour nord-est du château (husn), et des salles situées aux niveaux d’excavation les plus bas ont également été découvertes sous la mosquée en 2005. Des murs et des bâtiments similaires ont aussi été identifiés sous la mosquée congrégationaliste en 1997, dans la cour intérieure située au sud du husn, sous la tour sud-ouest du husn ainsi que dans les niveaux inférieurs de la maison d’un commerçant qui a été sondée. Les résultats de ce sondage portent à croire qu’il existait une cité de l’âge de fer tardif dans le quartier nord-ouest d’al-Balid. Outre ces anciennes structures, divers artefacts provenant de l’âge de fer ont également été découverts, et notamment des outils et des couteaux microlithiques ainsi que des récipients en grès rouge et des céramiques décorées de points et de cercles.

Shisr (Wubar) Shisr (Wubar) se situe dans la partie sud du Rub’al-Khali, à 170 km au nord de la ville de Salalah et à 90 km de la wilaya de Thumrayt. Au fil des siècles, le Rub’al-Khali a suscité l’intérêt de nombreux scientifiques, intellectuels et voyageurs arabes, comme Attabari, Yaqoot al-Hamoui, Atta’libi et Al-Hamadani, ainsi que de géographes et d’historiens de l’Antiquité comme Pline, Strabon et Ptolémée. Tous ont loué les ressources de la région et documenté la croissance du commerce de l’encens et de la myrrhe. Des sources islamiques confirment également que Shisr (Wubar) fut édifié sur l’ancienne route du commerce de l’encens.

Shisr (Wubar) se situe dans la partie sud du Rub’al-Khali, à 170 km au nord de la ville de Salalah et à 90 km de la wilaya de Thumrayt.

Khor Rori (Sumhuram) Sumhuram était l’une des zones d’occupation humaine les plus importantes de la région sous l’Antiquité. Le commerce de l’encens, à partir de son port, joua un rôle clé dans l’expansion des anciens royaumes/États disséminés le long de voies de commerce. Sumhuram fut bâtie dans la région de Khor Rori entre la fin du III e siècle avant l’ère commune et le Ve siècle de l’ère commune. Il s’agissait alors de la plus grande concentration urbaine du Dhofar avant l’arrivée de l’islam, car le site constituait le centre commercial de la région productrice d’encens, qui s’étalait tout au long de la côte entre Taqah et Mirbat. Ce site se trouve à 40 km à l’est de la wilaya de Salalah. Khor Rori est mentionné (sous le nom de Mosha Laymen) dans des écrits grecs datant du I er ou du II e siècle de notre ère. La présence de diverses couches culturelles sur ce site atteste de l’existence d’une succession d’occupation humaine. Les gravures qui y ont été découvertes font allusion à la cité qu’elles appellent alors Smhrm ou Sumhuram. Par ailleurs, ces mêmes inscriptions (Smhrm) ont été relevées sur des pièces de monnaie découvertes sur les côtes de la mer d’Oman et de l’océan Indien. © Éditions Gelbart

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Au XIe siècle, Nishwan ben Saïd al-Humayri désigne la cité comme la terre de la tribu d’A’ad. Au XIIe siècle, Ibn al-Mujawwir cite une route de l’encens reliant le Dhofar et Bagdad à travers le Rub’al-Khali. Marco Polo fit la même observation en 1260. La justification de l’inscription de l’ensemble de sites archéologiques sur la Liste du patrimoine mondial s’appuie sur le fait qu’ils témoignent tous de l’exploitation et de la distribution de l’encens, « l’un des produits de luxe les plus importants sous l’Antiquité », tandis que l’oasis de Shisr et les entrepôts de Khor Rori et d’al-Balid sont cités comme de parfaits exemples d’implantation fortifiée médiévale dans la région du Golfe arabique.

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Aflaj Les systèmes d’irrigation souterrains traditionnels d’Oman

Les Systèmes d’irrigation aflaj d’Oman furent inscrits en 2006. © Éditions Gelbart

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Le falaj al-Malki est l’un des plus grands aflajs du sultanat, sa longueur totale est d’environ 14,8 km.

irrigation a été le fondement des plus grandes civilisations de notre monde et Oman, avec ses systèmes d’irrigation aflaj véritablement uniques, n’échappe pas à la règle. On pourrait présenter le falaj (pluriel : aflaj) comme une sorte de « monument invisible » dans la mesure où il s’agit en fait d’une galerie d’irrigation souterraine qui achemine l’eau sur des distances variables (tantôt courtes, tantôt longues de plusieurs kilomètres). Seuls quelques puits d’inspection, creusés à intervalles réguliers pour permettre le dragage et l’entretien du réseau, en trahissent la présence. Le site d’Oman inscrit au patrimoine mondial renferme cinq aflaj, qui illustrent près de 3  000 systèmes d’irrigation encore en activité dans le pays. Par la seule force de la gravité, l’eau puisée à des sources souterraines est conduite sur de longues distances, pour satisfaire des besoins à la fois agricoles et domestiques.

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Al-Khatmeen est un falaj daoudi. © Éditions Gelbart

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La gestion et le partage équitable et efficace de l’eau dans les villages et les villes sont toujours sous-tendus par des notions communautaires de dépendance mutuelle, et régis par des observations astronomiques. Les nombreuses tours de guet construites pour défendre les systèmes d’adduction d’eau montrent à quel point les communautés étaient entièrement dépendantes des aflaj. Menacés désormais par l’abaissement de la nappe phréatique, les aflaj et leur exploitation coutumière constituent une forme d’occupation des sols exceptionnellement bien préservée. Les constructions que l’on trouve encore à Oman aujourd’hui représentent l’une des plus importantes concentrations de systèmes d’irrigation de ce genre dans le monde : une étude à grande échelle terminée en 2001 en a identifié plus de quatre mille, dont trois mille environ toujours en fonctionnement. Ces derniers ont fait l’objet d’un programme de restauration mené par le Ministère des ressources en

eau au cours des 25 dernières années. Un point qui démontre bien l’importance des systèmes d’irrigation, ressource nationale fondamentale qui sous-tend toujours les systèmes agricoles dans une grande partie du pays.

Les trois types d’aflaj La datation précise de la plupart des canaux souterrains est inconnue. Le réseau actuel semble résulter de plusieurs campagnes de construction, dont la plus ancienne pourrait se situer aux environs de 500 de l’ère commune, voire avant. De récentes preuves archéologiques suggèrent que les systèmes d’irrigation existaient dans la région dès 2500 avant l’ère commune, mais l’époque du creusement et du muraillement des premiers canaux en profondeur est difficile à déterminer. Dans les peuplements, l’eau est toujours distribuée dans le cadre d’un système communautaire traditionnel de partage du temps.

Aflaj Le falaj Daris est un système daoudi dont on pense qu’il est le plus ancien du Sultanat. Le falaj al-Jeela est un falaj aini. © Éditions Gelbart

© Éditions Gelbart

Le réseau actuel semble résulter de plusieurs campagnes de construction, dont la plus ancienne pourrait se situer aux environs de 500 de l’ère commune, voire avant.

On distingue trois types d’aflaj à Oman : Le ghaili : Cette forme se caractérise par le flux continu d’un wadi (point d’eau en surface). L’eau, détournée du wadi par un barrage partiel, est transportée par des canaux couverts ou à ciel ouvert jusqu’aux peuplements. Quand le débit est faible ou intermittent, on stocke l’eau dans des réservoirs de rétention, en vue de sa distribution en période de sécheresse – 48 % des systèmes sont des ghaili. L’aini : Il s’agit de sources pérennes de montagne. Elles ne se tarissent jamais totalement, mais leur débit n’est pas constant, variant en fonction des saisons et des conditions climatiques de l’année. Par leur forme, les aflaj aini sont similaires aux aflaj ghaili et représentent 28 % des systèmes.

Le daoudi : Ce type de falaj puise dans des sources d’eau au pied des montagnes. Des puits mères sont creusés en profondeur pour puiser dans la source ; l’eau est ensuite transportée jusqu’aux peuplements des plaines à travers des canaux souterrains, souvent sur de très longues distances – 24  % des systèmes ont recours à des canaux souterrains. Le daoudi est de loin le plus complexe des aflaj. Sa construction repose sur une ingénierie complexe, et doit avoir également exigé une main-d’œuvre et des capacités d’organisation considérables. Pour construire le daoudi, on creuse tout d’abord un puits mère aussi proche que possible de l’endroit où le système d’eau souterrain, ou aquifère, émerge des montagnes. Cet endroit ne peut se trouver

qu’avec des connaissances traditionnelles des montagnes et de leur géologie. Le puits mère doit parfois descendre jusqu’à 60 m de profondeur. Les flancs du puits sont revêtus de pierre et de mortier. Celui-ci est fait de galettes d’argile brûlées avec du bois de palmier, qui sont ensuite broyées au fur et à mesure des besoins. La poudre ainsi obtenue est mélangée à de l’eau pour former le mortier, qui, une fois constitué, résiste à l’eau et semble très stable et durable. On le fabrique toujours en utilisant les méthodes traditionnelles. À partir du puits mère, on construit un tunnel jusqu’à la shari’a, le point de distribution dans le peuplement. Ce tunnel peut faire plusieurs kilomètres de long – jusqu’à 14,8, comme pour le falaj al-Malki, avec une inclinaison remarquablement peu marquée, le gradient de pente ne dépassant pas parfois 1 : 2500. Certains tunnels présentent un réseau d’embranchements secondaires, comme

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Le falaj Daris fournit l’eau de la zone cultivée de la ville de Nizwa. © Éditions Gelbart

les nervures d’une feuille. Un système aujourd’hui désaffecté possédait 37 embranchements ; le système en activité qui en possède le plus grand nombre en compte 17. Quand le tunnel traverse de la roche, aucun muraillement n’est nécessaire, mais, dans les roches tendres, un soutènement est assuré par des murs à parement de pierre soutenant des voûtes ou des dalles en pierre, ou par des rondins de palmiers soutenant des dalles en pierre. Des puits d’inspection sont construits le long des tunnels pour permettre un dragage régulier. Sur le long parcours du puits mère

aux peuplements, l’eau doit parfois franchir des wadis ou d’autres obstacles. À cette fin, l’eau est acheminée à travers des siphons inversés – deux canaux hélicoïdaux reliés par un petit aqueduc. Ces anciennes technologies d’ingénierie inscrites au patrimoine mondial attestent d’une utilisation durable et ancienne des ressources d’eau qui a permis de cultiver des palmiers et d’autres plantes dans des terres désertiques d’une extrême aridité. Ces systèmes reflètent la dépendance, jadis totale, des communautés par rapport à ce type d’irrigation. Ils témoignent également

Le falaj al-Jeela est situé dans un petit village dans la région éloignée et montagneuse aride du sud de Wilayat. © Éditions Gelbart

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d’une tradition de gestion et de partage équitable et efficace de l’eau, reposant sur des principes de dépendance mutuelle et de valeurs communautaires. Les aflaj assurent à de vastes zones désertiques un approvisionnement en eau relativement constant tout au long de l’année, ce qui a favorisé l’expansion de peuplements urbains permanents, grâce à une production agricole assurée et à la disponibilité de ressources en eau indispensables aux personnes et au bétail. Les Systèmes d’irrigation aflaj d’Oman inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en

Aflaj La gestion et la distribution équitable de l’eau dans les villes et les villages reposent sur des valeurs de réciprocité et de coexistence.

Le falaj al-Khatmeen. © Éditions Gelbart

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Le falaj al-Muyassar (un falaj daoudi) trouve son origine à 50 m de profondeur. © Éditions Gelbart

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Aflaj Le falaj al-Jeela distribue l’eau aux plantations de palmiers et grenadiers. © Éditions Gelbart

2006 comprennent les sections de collecte et une partie des sections de distribution des cinq systèmes aflaj. Cela comprend les canaux souterrains entre le puits mère, la source ou le wadi où l’eau est puisée, et la shari’a, le début du réseau de distribution autour des villages ainsi qu’une partie du réseau de canaux de distribution de surface autour des plantations dans les villages et les bâtiments associés, tels que les mosquées, les tours de guet, les maisons, les cadrans solaires et les bâtiments de vente aux enchères de l’eau. Les sites inscrits comprennent évidemment les diverses formations géologiques environnant les aflaj.

Al-Athar et allmd La gestion et la distribution équitable de l’eau dans les villes et les villages reposent sur des valeurs de réciprocité et de coexistence. L’eau du falaj est distribuée aux fermes et aux jardins situés aux abords de la galerie en fonction des dispositions particulières convenues par les parties concernées et de deux critères essentiels : le temps de distribution et la quantité d’eau requise. Le système de temps de distribution de l’eau se fonde sur des unités temporelles bien précises : l’al-Athar correspond à une demi-heure, l’al-Ruba’a à trois heures, l’al-Bada à douze heures (ou vingt-quatre

Les falaj Daris, al-Khatmeen, al-Malki, al-Muyassar et al-Jeela représentent toute la panoplie des systèmes d’irrigation traditionnels d’Oman.

athars) et l’al-Qama à sept minutes et trente secondes. Chaque cycle était jadis mesuré par un cadran solaire (allmd). L’utilisation de l’eau du falaj obéit à diverses priorités. L’eau destinée à la consommation est puisée directement au premier point de ravitaillement, tandis que l’eau servant au lavage du linge et à la toilette (dans des pièces distinctes) est captée par la suite. L’eau réservée aux salles d’ablutions des mosquées provient directement du falaj. Cette eau est ensuite acheminée vers les plantations et les fermes pour assurer leur irrigation selon les modalités convenues avec les propriétaires de chaque parcelle. La quantité d’eau allouée aux individus et aux groupes concernés dépend des tâches qu’il leur faut accomplir et de leurs contributions financières. Ces parts peuvent également être héréditaires dans la mesure où le titre de propriété du falaj est transmis au descendant de l’ancien propriétaire au moment de son décès. La taille des aflaj d’Oman a tendance à varier. Un falaj de taille réduite pourra

pourvoir aux besoins d’une famille ou deux seulement, tandis que d’autres, plus importants, desserviront plusieurs milliers d’habitants. Si une seule personne peut parfaitement se charger de l’exploitation de petits aflaj et s’acquitter des tâches administratives qui y affèrent à titre quotidien ou annuel, la gestion des aflaj plus conséquents nécessite, en revanche, la participation de tous les habitants. Les cinq aflaj inscrits sur la Liste du patrimoine mondial sont les suivants : falaj Daris, falaj al-Khatmeen, falaj al-Malki, falaj al-Muyassar et falaj al-Jeela. À eux cinq, ces sites représentent toute la panoplie des systèmes d’irrigation traditionnels d’Oman. Tous ces aflaj possèdent néanmoins un certain nombre de caractéristiques communes dont un canal principal divisé en canaux secondaires qui assurent la distribution de l’eau, un système traditionnel de gestion et de distribution de l’eau, un système agricole qu’ils irriguent, divers bâtiments traditionnels et enfin des tours de guet destinées à assurer leur défense.

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Ministère de la culture de la République d’Arménie 3, Government Building, Republic Square, Yerevan 0010, RA Tel : +37410 52 93 49 Fax : +37410 52 93 49

Photographies : Yerevan Magazine www.yerevanmagazine.com

Numéro spécial

Site archéologique d’al-Hijr (Madain Salih)

Al-Hijr Un peuplement nabatéen en Arabie saoudite

Nécropole de Madain Salih. © Éditions Gelbart

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Numéro spécial

Site archéologique d’al-Hijr (Madain Salih)

Le site archéologique d’al-Hijr se trouve au carrefour de plusieurs civilisations et des routes commerciales reliant la péninsule arabique, le monde méditerranéen et l’Asie. © Éditions Gelbart

étalant sur une superficie de 2 millions de km2, l’Arabie saoudite occupe les deux tiers de la péninsule arabique et jouit d’une position charnière à l’intersection de trois continents, à savoir : l’Asie, l’Afrique et l’Europe. Cette position privilégiée en a fait un important carrefour des civilisations et un axe majeur pour les échanges commerciaux sous l’Antiquité. Cela lui a également permis d’assister à la naissance et à l’épanouissement de nombreuses civilisations dont il subsiste encore quelques vestiges. Le site archéologique d’al-Hijr (Madain Salih) en est l’un des plus remarquables. Situé au nord-ouest du pays, entre les villes

de Médine et Tabouk, à 22 km au nord de la ville d’al-Ula, il fut le tout premier bien d’Arabie saoudite à être inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en 2008. La cité nabatéenne d’Hegra (ou al-Hijr, de son nom actuel) s’est constituée à partir d’une zone centrale d’habitation et de son oasis. Les affleurements de grès à proximité relative ont apporté des possibilités remarquables pour des nécropoles et des espaces creusés, formant un site privilégié pour l’expression de l’architecture monumentale nabatéenne. L’abondance d’éléments propices à une vie sédentaire sur le site, et notamment de terres fertiles, d’eau et une position stratégique au sein d’un réseau de voies

reliant les plus grands centres de civilisation de l’ancien Proche-Orient, atteste de l’importance de cette cité. Al-Hijr est située dans une large plaine au pied d’un plateau basaltique relié au sud-est des monts du Hedjaz. Elle occupe une surface de 1 621 ha et est entourée d’une zone tampon de taille quasiment identique. Sa géologie se caractérise par un grand nombre d’affleurements de grès, d’importance variable, qui formèrent la base matérielle du développement de l’architecture monumentale nabatéenne.

Les tombes monumentales L’ancienne Hegra représente le plus important site préservé de la civilisation des

Le site archéologique d’al-Hijr (Madain Salih) a été le premier site de l’Arabie saoudite inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en 2008. © Éditions Gelbart

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Détail d’une porte. © Éditions Gelbart

préhistoriques ont été découverts sur les sommets des montagnes qui entourent le site, et la surface de nombreux rochers est également recouverte de pétroglyphes dont certains sont préhistoriques. Des traces épigraphiques de la période prénabatéenne subsistent, constituées par une cinquantaine d’inscriptions en écriture lihyanite, propre au nord de l’Arabie, et par quelques dessins rupestres dont l’un, au style expressif, dépeignant deux lions. Les vestiges les plus importants de cette période sont formés de quatre nécropoles principales. Elles comprennent 111 tombes monumentales, dont 94 avec des façades décorées aux dimensions variables.

Parmi elles, une trentaine comporte des inscriptions en langue nabatéenne, ce qui permet de dater leur construction. La période la plus active se situe pendant les deux premiers tiers du Ier siècle apr. J.-C., mais le site est aménagé par les Nabatéens dès le Ier siècle av. J.-C. et probablement avant. Il comprend environ 2 000 autres emplacements funéraires sans caractère monumental. Au nord du site, la nécropole de Jabal al-Mahjar comprend quatre affleurements parallèles creusés de tombes sur les flancs est et ouest. Les décorations de façade sont de taille relativement réduite, égale ou inférieure à un mètre. L’affleurement le plus à l’est présente des niches supérieures pour des emplacements funéraires, un trait qui ne se rencontre qu’à al-Hijr.

Entrée du Siq et du Diwan. © Éditions Gelbart

Formée de 31 tombes, la nécropole de Qasr al-Bint est la plus monumentale et la plus représentative du site d’al-Hijr. Ses tombes sont datées de 1 à 58 apr. J.-C. La façade la plus importante atteint une hauteur de 16 m, et une tombe inachevée aurait eu 30 m d’élévation si elle avait été complétée. Les tombes de Qasr alBint comportent de belles inscriptions et décorations. Les premières concernent les notables auxquels étaient destinées les tombes, les secondes sont des éléments décoratifs animaliers, des oiseaux, des monstres ou des visages humains. Une tombe tardive de ce site remonte au IIIe siècle apr. J.-C. et comprend une

inscription arabe en écriture nabatéenne. Une des nécropoles importante est située dans un affleurement unique au sud-est de la zone résidentielle. Elle comprend 19 tombes creusées entre 16 et 61 apr. J.-C. Certaines, sans façades décorées, sont peut-être plus anciennes. Toutes sont en élévation, directement creusées dans la falaise de grès. Au sud-ouest du bien, la nécropole de Jabal al-Khuraymat est la plus vaste des quatre. Elle est formée de nombreux affleurements séparés par des dépressions ensablées, mais seulement huit d’entre eux contiennent des tombes à caractère monumental, soit un ensemble de 48 tombes datées de 7 à 73 apr. J.-C. L’exposition aux vents dominants d’un grès généralement friable a favorisé une assez notable érosion de la plupart

Les motifs décoratifs étaient l’expression de la richesse et de la position sociale de la personne inhumée. © Éditions Gelbart

des façades de la nécropole de Jabal alKhuraymat. La hauteur moyenne des façades est proche de 7 m.

Les influences stylistiques Les styles architecturaux des façades tombales d’al-Hijr se groupent en cinq types principaux, qui ne suivent cependant pas un ordre chronologique strict. Il s’agit plus de motifs décoratifs qui constituent un élément du choix lié à la richesse et à la position sociale du défunt, tout comme le sont les dimensions monumentales de la façade. Ces éléments stylistiques empruntent aux civilisations voisines : assyrienne (motifs crénelés), phénicienne, égyptienne et

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Al-Hijr

Nabatéens au sud de Petra, en Jordanie. La cité comporte plusieurs tombes monumentales bien préservées, ornées de motifs décoratifs sur leurs façades et datant du Ier siècle av. J.-C. au Ier siècle apr. J.-C. Le site renferme également de nombreux dessins rupestres ainsi qu’une cinquantaine d’inscriptions dont l’écriture prédate la période nabatéenne. Mais aussi, et surtout, al-Hijr demeure un témoignage unique de la civilisation nabatéenne. Les puits et les tombeaux du site, dont la plupart sont ornés de décorations, témoignent des connaissances architecturales et de la maîtrise hydraulique des Nabatéens. Les vestiges des peuplements découverts dans la région remontent à la haute Antiquité. En effet, des vestiges

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Site archéologique d’al-Hijr (Madain Salih)

Paysage de Qasr al-Farid à Madain Salih. © Éditions Gelbart

hellénistique. Ils se combinent avec des thèmes décoratifs propres aux Nabatéens dans des ensembles originaux, par exemple dans une évolution du chapiteau corinthien. L’aire religieuse de Jabal Ithlib est dans la partie nord-est du site archéologique, à proximité du plus haut affleurement gréseux d’al-Hijr. La partie troglodytique de l’aire est atteinte par un étroit corridor de 40 m de long, entre de hauts rochers semblables au Siq de Petra. On atteint ainsi la salle du Diwan, en forme de triclinium. À l’extérieur, l’aire religieuse comporte de nombreux petits sanctuaires nabatéens taillés dans le rocher, dont plusieurs comportent des inscriptions. L’espace résidentiel archéologique d’alHijr se situe au milieu de la plaine. Les habitations ainsi que le mur d’enceinte ont été construits en brique de terre crue. Ils ont laissé peu de traces apparentes. Les vestiges du mur peuvent cependant être repérés au sol. L’archéologie géophysique récente semble indiquer une forte densité de population à l’apogée de la période nabatéenne.

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Les tombes de Jabal al-Mahjar sont situées au nord du site de Madain Salih. © Éditions Gelbart

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Formée de 31 tombes, la nécropole de Qasr al-Bint est la plus monumentale et la plus représentative du site d’al-Hijr.

L’oasis ancienne était alimentée par 130 puits, principalement situés dans la partie ouest et nord-ouest du site, où la nappe d’eau se trouvait à une profondeur de seulement 20 m environ. Leur diamètre moyen est de l’ordre de 4 m, mais certains peuvent atteindre 7 m. Le puits est pour l’essentiel creusé dans la roche, mais, lorsque le sol supérieur est meuble, l’orifice est renforcé par des blocs de grès.

Le fort et la station ferroviaire La zone archéologique d’al-Hijr comprend en outre deux ensembles bâtis sans rapport direct avec le site archéologique. Le premier de ceux-ci est le fort ottoman d’al-Hijr, construit de 1744 à 1757. Cette structure fait partie de la série des forts construits pour protéger la route du pèlerinage de La Mecque. Il est de plan

carré, chaque côté mesurant environ 18 m. Il a été restauré à deux reprises, en 1906 au moment de l’implantation du chemin de fer et en 1985. Le chemin de fer du Hedjaz est le second de ces ensembles. Construite entre 1901 et 1908, cette ligne servait à joindre Damas et Jérusalem à Médine et à La Mecque et à faciliter le pèlerinage. La station ferroviaire édifiée à cette occasion à Madain Salih est située au nord de la zone archéologique. Elle comprend plusieurs bâtiments construits le long de la voie ferrée, aux murs en grès et aux toits de tuiles rouges. Outre sa fonction religieuse manifeste, le chemin de fer du Hedjaz était un projet politique et militaire entrepris à un moment délicat de l’histoire de l’Empire ottoman, notamment dans ses rapports avec les peuples arabes. La révolte arabe durant la

Al-Hijr Les façades sculptées d’al-Hijr, typiques de la civilisation nabatéenne, sont une illustration remarquable de ce style architectural. © Éditions Gelbart

Première Guerre mondiale se situe pour une part notable dans cette région et visait tout particulièrement les installations ferroviaires.

Justification de l’inscription L’inscription du site archéologique d’alHijr sur la Liste du patrimoine mondial est justifiée à plusieurs titres : • Le site est bien conservé et présente par conséquent une intégrité exceptionnelle. Il comporte un ensemble de tombes et de monuments très important, dont l’architecture et les décorations sont directement creusées dans le grès. Ces caractéristiques témoignent de la rencontre de nombreuses influences décoratives et architecturales : assyrienne, égyptienne, phénicienne, hellénistique. L’épigraphie du site atteste de la présence de nombreuses langues anciennes tout au long de son histoire : lihyanite, thamudique, nabatéen, grec, latin. • Des vestiges mettant en évidence le développement des techniques agricoles nabatéennes y ont également été

découverts. Parmi ceux-ci, on citera plus particulièrement les nombreux puits artificiels creusés en sol rocheux qui sont encore en activité aujourd’hui. • Le site est également un important témoignage du commerce caravanier international durant l’Antiquité tardive. • Par sa situation stratégique à la croisée de différentes civilisations de l’Antiquité tardive et sur une importante voie de commerce entre la péninsule arabique, le monde méditerranéen et l’Asie, le site offre un témoignage exceptionnel de la diversité des influences architecturales, culturelles, artistiques et linguistiques et du commerce caravanier. Bien que la cité nabatéenne ait été abandonnée à l’époque préislamique, la route a continué à jouer un rôle international pour les caravanes puis pour le pèlerinage de La Mecque, jusqu’à sa modernisation par la construction du chemin de fer au début du XXe siècle. • Le site est aussi un témoignage unique de la civilisation nabatéenne, qui s’épanouit plus particulièrement entre les IIe ou IIIe

siècles av. J.-C. et la période préislamique, et plus notamment au Ier siècle apr. J.C.  Il illustre de manière exceptionnelle le style architectural propre aux Nabatéens, fait de monuments directement creusés dans la roche et comportant des façades ornées de nombreux motifs décoratifs. Les puits de la cité, creusés en grande partie dans la roche, attestent quant à eux de la maîtrise hydraulique des Nabatéens à des fins agricoles. L’intérêt présenté par la cité est par ailleurs renforcé par son parfait état de conservation dû à son abandon précoce et aux conditions climatiques très favorables. L’Arabie saoudite a mis en place un plan de gestion du site particulièrement exhaustive dont la tâche consiste à assurer la protection du bien. Ce projet permettra d’établir un système de suivi permanent de l’état de conservation du site et l’élaboration d’un projet visant à présenter l’exceptionnelle valeur universelle du site tant pour le bien des visiteurs que pour celui des populations de la région.

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Ad-Dir’iyah

Ad-Dir’iyah Berceau de la maison des Saoud

Le District d’at-Turaif à ad-Dir’iyah est le deuxième site de l’Arabie saoudite inscrit sur la Liste du patrimoine mondial. © Éditions Gelbart

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Ad-Dir’iyah

d-Dir’iyah ou Diriyah, au centre de la péninsule d’Arabie, au nord-ouest de Riyad, fut la toute première capitale de la dynastie saoudienne. Fondée au XVe siècle, la cité possède encore de nombreux bâtiments particulièrement remarquables édifiés en adobe, matériau prédominant dans la région. Ces constructions témoignent du style architectural nadjdi, caractéristique du cœur de la péninsule arabique. C’est au XVIIIe siècle et au début du XIXe  siècle que le rôle politique et religieux de la citadelle d’at-Turaif s’affirma réellement et que celle-ci devint le centre du pouvoir temporel des Saoud et aussi de la diffusion de la réforme wahhabite au sein de la religion musulmane. Le site comprend les vestiges de nombreux palais et d’un ensemble urbain érigé en bordure de l’oasis ad-Dir’iyah, dans la région du Nadjd, le plateau continental de la Haute Terre qui forme le centre de l’Arabie. Il s’agit d’une région désertique particulièrement aride (84 mm de précipitations annuelles moyennes), aux fortes amplitudes de température. Les anciennes périodes géologiques, bien plus humides, avaient pourtant créé un réseau de vallées aujourd’hui occupées par des oueds. Leurs nappes phréatiques demeurent de manière permanente dans le sous-sol de certaines vallées où elles alimentent les puits. Les parties alluviales fertiles offrent ainsi la possibilité de cultiver des palmeraies et de maintenir une agriculture d’oasis irriguée.

Muraille d’at-Turaif. © Éditions Gelbart

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L’oasis d’ad-Dir’iyah est l’une des principales implantations humaines de la région, établie sur une distance d’environ 8 km, en bordure de l’oued Hanifah. La cité est située à 5 km au nord-ouest du centre de Riyad, la capitale actuelle de l’Arabie saoudite ; elle forme la limite de l’agglomération dans cette direction. L’oasis, située entre l’oued Hanifah et un affluent, comprend plusieurs villages d’agriculteurs et entoure, sur trois de ses côtés, le promontoire calcaire d’at-Turaif. Occupé dès le XVIe siècle par la dynastie locale des Saoud, le site constitue le berceau des Saoud qui en firent le centre de leur pouvoir en construisant des fortifications, des palais et une agglomération. Dès la fin du XVIIIe siècle, un système complet de fortifications avait été érigé pour défendre les deux rives de l’oasis, dont at-Turaif formait la citadelle. Celle-ci s’organise autour du palais Salwa saoudien, d’un ensemble de bâtiments administratifs et d’écoles coraniques. Le palais et la place centrale, devant le palais, formaient le lieu de convergence de la vie sociale, dominée par l’administration du pouvoir et l’enseignement religieux de la réforme wahhabite de la sunna. Par ailleurs, l’ancienne cité demeure en étroite liaison

avec l’oasis et les quartiers des paysans et des artisans, le promontoire étant peu marqué par rapport au reste du site.

Les palais et autres constructions At-Turaif était le quartier central d’une implantation diversifiée, adapté tant à une situation géographique qu’à un contexte social, politique et religieux. Il comprend aujourd’hui un éventail assez large de témoignages matériels immobiliers. Beaucoup demeurent à l’état de vestiges, mais quelques-uns, dont le palais Salwa, ont été restaurés, en suivant la plupart du temps les méthodes de construction d’origine. Le réseau viaire s’est constitué à partir des contraintes défensives du site, puis il s’est complété au fur et à mesure du développement urbain. Il a été conservé sans modifications importantes et il demeure pleinement lisible à ce jour. Les constructions utilisent les matériaux locaux, facilement disponibles : la pierre calcaire pour les fondations et les structures basses des édifices, la brique de terre crue ou adobe et le bois des palmiers. Les bâtiments sont construits dans un style original, typique des constructions de la région du Nadjd. Parmi les éléments architecturaux et décoratifs

Dès la fin du XVIIIe siècle, un système complet de fortifications avait été érigé pour défendre les deux rives de l’oasis, dont at-Turaif formait la citadelle.

Ad-Dir’iyah Les maisons et les palais ont été construits avec l’argile provenant du lit de la rivière Hanifah. © Éditions Gelbart

du style nadjdi, où domine l’usage de l’adobe, il faut noter l’utilisation de crépis à base de terre argileuse, les colonnes de pierre, des superstructures à motifs ajourés triangulaires et l’usage de linteaux de bois peints de motifs géométriques. L’argile qui a servi à la construction des maisons et des palais d’at-Turaif provient du lit de l’oued Hanifah, dont les dépôts alluviaux contenaient un mélange naturel d’argile adhésive, de vase et de sable. L’eau était tirée de puits alimentés par la nappe phréatique et puisée à l’aide d’ânes et de chameaux. Ces puits témoignent de l’évolution d’un système ancestral qui remonterait au II e millénaire avant notre ère. Certains de ces puits sont encore visibles sur le site et sont un vivant rappel des techniques agricoles traditionnelles. Le site comprend trente monuments ou ensembles de monuments répertoriés par le Haut Comité du site dont le plus remarquable demeure l’ensemble palatial de Salwa qui

Ornement traditionnel nadjdi sur une porte en bois. © Éditions Gelbart

fut la résidence principale de la famille des Saoud, au XVIIIe et au début du XIXe siècle, ainsi que le centre de leur pouvoir politique, militaire et religieux. Couvrant une surface totale d’environ 10 000 m2, il compte sept unités distinctes, comprenant des palais ou des bâtiments aux plans rectangulaires ou trapézoïdaux, dont la construction s’est étagée en fonction du développement de la famille et de son pouvoir. Ces unités sont séparées par un réseau de ruelles et de placettes. La plus ancienne construction de l’ensemble formait le palais initial, composé de deux parties, à proximité de l’oasis. Elle remonte vraisemblablement au début du XVIII e siècle. Elle est de forme rectangulaire allongée ; chaque partie étant à un niveau et supportant des terrasses accessibles par des escaliers. Les autres constructions notables du site comprennent de majestueux palais construits dans un style très distinctif et imposant. Parmi ceux-ci, on citera :

- Le palais Ibrahim ben Saoud, situé au sud-ouest du palais Salwa (doté de deux étages et de nombreux murs anciens, ainsi que de vestiges défensifs. Cette construction a d’ailleurs fait l’objet d’une réhabilitation importante au XXe siècle). - Le palais Fahad, un petit palais adjacent au palais Ibrahim ben Saoud. - Le Sabala Moudhi, qui fut une résidence de notables religieux, plus tard transformée en sabala (maison) des voyageurs (bien qu’en très mauvais état aujourd’hui, cet édifice contient le seul exemple existant de galeries construites sur deux étages entourant une petite cour). Cette construction est adjacente à la mosquée Moudhi, qui a été restaurée par les habitants au XXe siècle. - Le palais Abdullah, qui est le second plus grand ensemble après le palais Salwa (construit au début du XIXe siècle, ce site fut l’ultime siège du pouvoir des Saoud à at-Turaif). - Le palais Turki, l’un des tout derniers palais à être construits (au début

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Le district d’at-Turaif est situé sur un plateau faiblement calcaire dans l’oasis d’ad-Dir’iyah. © Éditions Gelbart

Les constructions utilisent les matériaux locaux : la pierre calcaire pour les fondations et les structures basses, la brique de terre crue ou adobe et le bois des palmiers.

du XIXe siècle). Ce palais est actuellement à l’abandon et son état de conservation est médiocre. - Le palais Thunayyan, situé à proximité du petit oued, au sud du site (de forme triangulaire et dressée sur de profondes fondations, cette construction possède l’unique vestige d’un chapiteau ayant conservé sa décoration intacte ainsi que des poutres anciennes). - Le palais Omar ben Saoud. - Le palais Mishari ben Saoud. - Le palais Farhan. - Bayt al-Mal, bâtiment de la trésorerie. Conçue comme annexe au palais Salwa au début du XIXe siècle, cette construction est actuellement en ruine. Le bien est un exemple unique du style architectural et décoratif nadjdi, qui s’est développé au cœur de la péninsule arabique. Il illustre la mise en œuvre ingénieuse

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de l’adobe, un matériau universellement employé de par le monde, mais ici avec une grande originalité pour faire face au climat désertique extrême de l’Arabie centrale et y offrir des conditions de vie acceptables. Le quartier citadelle d’at-Turaif atteste d’un emploi architectural et décoratif original de l’adobe, formant un style régional clairement identifié, qui consiste en un ensemble de zones urbaines diversifiées et de palais au milieu d’une oasis, et illustre l’association d’une méthode de construction bien adaptée à son environnement, l’utilisation de l’adobe dans les principaux complexes de palais, ainsi qu’un sens inédit des décors géométriques. At-Turaif était autrefois protégée par un mur d’enceinte en terre banchée, qui fut en grande partie détruit lors de la campagne militaire de 1818. Il a été reconstruit, mais en pierres, au cours des années 1990.

Un peu d’histoire La première présence humaine dans la vallée de l’Hanifah remonte à 80 000 ans environ, comme en attestent des vestiges acheuléens et moustériens. Bien que les conditions de développement y fussent moins favorables que dans le Croissant fertile, elles ont d’abord attiré des chasseurs puis des nomades. Des artefacts en pierre et des sculptures sur rochers ont été découverts dans le Nadjd ouest. Au nord de Riyad, les vestiges d’un centre de peuplement aux murs de pierres sèches remontent au Ve millénaire avant notre ère. L’agriculture s’y développa aux III e et II e millénaires. La domestication du dromadaire date de la même période. Durant l’Antiquité, l’Arabie joue le rôle d’une route commerciale caravanière active entre l’océan Indien, le Croissant fertile et la Méditerranée. Elle est notamment traversée par la Route de l’encens. L’oued Hanifah paraît cultivé, mais les témoignages archéologiques directs sont encore peu nombreux. Les peuplements sédentaires se développent au cours du Ier millénaire avant notre ère.

développement agricole des oasis de la région centrale de l’Arabie. Au XIVe siècle, le voyageur arabe Ibn Battuta témoigne de la présence des Banu Hanifah dans la vallée qui porte leur nom. Toutefois, à cette époque, les populations stagnent ou décroissent. Les conditions climatiques plus favorables du XVe siècle donnent un nouvel essor aux oasis et aux bourgades, par l’arrivée de nouveaux habitants venus des régions côtières. Ad-Dir’iyah semble avoir été créée à cette époque et son développement connaît un premier apogée au XVIe siècle. La cité est alors un centre commercial et son pouvoir s’étend à l’échelle de la région. Toutefois, au XVIIe siècle et au début du siècle suivant, Uyanynah devient la ville prééminente du Nadjd. Au début du XVIe siècle, le chérif de La  Mecque reconnaît le califat ottoman,

Le bien est un exemple unique du style architectural et décoratif nadjdi, qui s’est développé au cœur de la péninsule arabique.

qui cherche à prendre le contrôle de la péninsule arabique. Le contexte est marqué par une vive confrontation avec l’Occident, au moment où les Portugais s’implantent dans l’océan Indien. Le chérif attaque une première fois les oasis et les nomades du Nadjd, en 1578. Le pouvoir des familles Banu Hanifah est lentement remis en cause par l’évolution séculaire du peuplement des oasis de l’Arabie intérieure. Au début du XVIIe siècle, seules trois oasis demeurent sous leur contrôle, dont celle d’ad-Dir’iyah. Deux groupes tribaux rivaux émergent alors et prétendent au pouvoir : les Al-Muqrin et les Al-Watban. L’organisation des oasis reflète alors cet antagonisme, par des quartiers ou des villages séparés. À ad-Dir’iyah, les Al-Watban l’emportent dans un premier temps, mais, en 1720, Saoud ben Mohammed, de la communauté adversaire des Al-Muqrin, impose son pouvoir et expulse ses rivaux de la ville. C’est l’acte fondateur de la Maison des Saoud. Au XVIIIe siècle, les imams successifs (chefs de la Maison des Saoud) fortifient l’oasis, le long des hauteurs de chaque côté

L’ensemble du palais Salwa fut la résidence principale de la famille Saoud au XVIIIe et début du XIXe siècle. © Éditions Gelbart

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Ad-Dir’iyah

La fin de l’Empire romain et l’expansion du christianisme entraînèrent le déclin des centres de commerce et de sédentarisation en Arabie centrale. Les zones de puits et les anciennes oasis deviennent des refuges pour les nomades et leurs troupeaux. L’Arabie centrale est alors dominée par les tribus yéménites des Himyarites. Au Ve siècle de notre ère la tribu chrétienne des Banu Hanifah reprend la colonisation agricole du centre de la péninsule, dans la région de Tasm. Battus en 634 par l’armée du calife Ibn al-Walid, ils se soumettent à l’islam. Aux VIe et VIIe siècles, les Banu Hanifah apparaissent toutefois comme une tribu rebelle à l’État califal des Omeyyades. Ils ne se soumettent au pouvoir central des Abbassides qu’au milieu du IXe siècle. Les IXe et Xe siècles sont témoins d’un lent

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Ad-Dir’iyah

Colonnes de pierre face au palais Salwa. © Éditions Gelbart

de l’oued Hanifah. C’est une période de développement urbain et de la constitution de la citadelle d’at-Turaif. Originaire du Nadjd, où des formes de rituels préislamiques imprégnaient la vie sociale, le cheik Mohammad ben Abdul Wahhab se fait le promoteur d’une réforme de la sunna, la tradition orthodoxe musulmane. L’unicité de Dieu, son impossible comparaison et l’hérésie de toute médiation sont réaffirmées. Ce mouvement religieux est pleinement reconnu par le second imam, Mohammad ben Saoud, qui en fait, en 1745, la base morale et juridique de son État. Ad-Dir’iyah devient alors le centre de propagation de la réforme. La ville est un centre d’éducation important par la présence de nombreuses écoles coraniques qui attirent des étudiants de toute la péninsule. La dynastie des Saoud entreprend parallèlement une conquête des autres villes et oasis du Nadjd, qu’elle contrôle

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entièrement dès 1785. Dans les années 1790, elle domine l’est de la péninsule arabique et son influence s’étend à l’ouest jusqu’au pied des monts du Hedjaz. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et au début du XIXe, ad-Dir’iyah est le quartier général d’une puissante administration islamique. Elle dispose de juges et d’imams réputés. Les délégations et les groupes d’intérêts se pressent aux portes de ses salles d’audience. La cité renferme aussi une trentaine d’écoles coraniques et constitue le centre politique et militaire du pouvoir des Saoud. À son apogée, l’armée pouvait réunir jusqu’à 100 000 hommes. L’ensemble urbain associé à l’oasis se développe alors. C’est tout particulièrement le cas du palais Salwa dans la citadelle d’atTuraif, cœur du pouvoir. Toutefois, au dire de voyageurs occidentaux, la population d’ad-Dir’iyah ne dépassait pas 13 000 âmes au début du XIXe siècle.

Le succès de la réforme de la sunna et la puissance militaire en expansion des Saoud ne pouvaient manquer d’inquiéter le califat ottoman. Les tensions et les affrontements se multiplient durant une trentaine d’années. Les Saoud sont tout d’abord vainqueurs, imposant notamment leur influence sur le Hedjaz central et sur La Mecque (en 1803), dont ils contrôlent ainsi le pèlerinage. C’est l’apogée de la première dynastie des Saoud. La contre-offensive des Ottomans s’organise depuis l’Égypte et ils reconquièrent le Hedjaz (en 1813), avant d’entrer en campagne dans le cœur de la péninsule d’Arabie. À la tête d’une puissante armée cosmopolite, Ibrahim Pacha envahit le Nadjd (de 1816 à 1818). La campagne se termine par le siège et la conquête d’ad-Dir’iyah. La ville est alors saccagée à deux reprises, en 1818-19 et en 1821. Une répression s’abat sur les Saoud et sur les partisans du wahhabisme.

Mesures de protection et de gestion

Plantation de dattiers autour d’at-Turaif. © Éditions Gelbart

L’imam Turki rétablit le pouvoir des Saoud en 1824, obtenant le départ des Ottomans. Il fonde une seconde dynastie, choisissant Riyad comme nouvelle capitale. L’ancien siège du pouvoir, le district at-Turaif, en grande partie ruiné par la guerre, est abandonné. La population locale retourne vivre dans l’oasis vers le milieu du XIXe siècle, et l’exploitation agricole se poursuit, mais les rares visiteurs occidentaux témoignent d’une cité en ruine. At-Turaif demeura à l’abandon jusqu’au milieu du XXe siècle, quand près de 200 familles réinvestissent le quartier oriental, à proximité de l’oasis, et édifient des maisons en adobe sur les vestiges de la ville ancienne. Puis en 1982, le Département des antiquités racheta l’ensemble du site et expropria ses habitants. Le site est désormais un ensemble urbain composé de monuments architecturaux s’étalant sur plus de 29 ha. Par ailleurs, la cité de Riyad,

qui s’est fortement développée au cours des dernières années, atteint désormais les portes de l’oasis d’ad-Dir’iyah. La région a également vu le développement d’infrastructures routières. Ad-Dir’iyah comprend aujourd’hui trois bourgs principaux. Le développement urbain se fait presque entièrement en dehors de la zone tampon.

Le mouvement wahhabite L’importance du district at-Turaif à ad-Dir’iyah est aussi intimement liée à l’enseignement du cheikh Mohammad ben Abdul Wahhab qui habitait et prêchait dans la cité où il finit sa vie. Les adeptes de ce mouvement se considéraient comme les représentants de la foi et des pratiques des premiers musulmans. Ils demandaient le retour des musulmans à la pureté d’origine des enseignements du Coran et de la sunna

Le paysage environnant le site a été en grande partie préservé du développement urbain rapide et spectaculaire qui caractérise le Royaume et sa capitale, Riyad. At-Turaif a pu préserver son caractère d’oasis implantée au bord d’un oued grâce à ses grandes plantations de palmiers-dattiers qui forment un écran de verdure autour des vestiges de la ville. L’environnement désertique du site a également été préservé du développement urbain. Le site présente par conséquent un extraordinaire degré d’authenticité, sans aucun ajout incongru à son plan architectural d’habitations traditionnelles en terre, et sans aucune modification importante du réseau originel des rues de la ville. La gestion du bien, pendant et après la fin des travaux sur place, a été le souci constant de tous les partenaires concernés par le site, depuis les toutes premières étapes de l’effort de planification de grande ampleur de l’Autorité de développement d’ar-Riyadh (ADA) pour créer le nouveau Musée du patrimoine vivant d’at-Turaif. Les concepteurs du Musée du patrimoine vivant et la Commission saoudienne du tourisme et des antiquités (SCTA) élaborent actuellement un plan de gestion d’ensemble du bien très exhaustif. Ce plan de gestion vise à assurer le respect de la valeur universelle exceptionnelle du bien et le développement durable du projet. Son objectif est double et indissociable : permettre une gestion efficace et souple du Musée du patrimoine vivant, d’une part, et répondre, d’autre part, aux critères des biens du patrimoine mondial de l’UNESCO.  

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Ad-Dir’iyah

(traditions du prophète Mahomet) et réclamaient la purification des croyances et pratiques religieuses pour se détacher des innovations et déviations (bida) accumulées au cours des siècles et ajoutées aux enseignements de l’islam. La réforme a produit un État puissant et une autorité centralisée qui ont unifié l’Arabie et imposé la paix et l’ordre à ses nomades, sédentarisant la population pour la première fois depuis l’époque des califes. Elle a également influencé les pratiques sociales et religieuses du peuple arabe et inspiré de nombreux réformateurs musulmans depuis le XVIIIe siècle.

Numéro spécial

Liste indicative

La liste indicative des sites Un regard vers l’avenir

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Liste indicative Patrimoine Mondial Nº60

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Numéro spécial

Liste indicative

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Site du patrimoine archéologique de Saar (Bahreïn).

Les temples de Barbar (Bahreïn).

© Ministry of Culture - Bahrain

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n site inscrit sur la Liste du patrimoine mondial est un lieu (forêt, montagne, lac, désert, monument, bâtiment, ensemble de constructions ou ville entière) sélectionné par le Comité du patrimoine mondial en raison de l’importance particulière qu’il revêt sur le plan culturel ou matériel. Chacun des États parties cités dans ce numéro, Bahreïn, Oman, Arabie saoudite, Qatar et Émirats arabes unis, a soumis à l’UNESCO des listes indicatives de biens qui présentent, à leur avis, une valeur universelle exceptionnelle en termes de patrimoine culturel et naturel et qu’il estime donc mériter une inscription sur la Liste du patrimoine mondial dans l’espoir qu’ils puissent un jour bénéficier de la reconnaissance mondiale. Bahreïn possède le plus grand nombre de sites inscrits sur cette liste, suivi de près par Oman et l’Arabie saoudite, qui sont tous deux dotés de sites tout aussi impressionnants. Parmi les sites de Bahreïn figurent le temple de Barbar, le parc patrimonial de Saar, la réserve des îles Hawar, les ensembles funéraires de Dilmun et de Tylos, et la culture perlière et ses paysages culturels. Oman compte soumettre la ville antique de Qalhat et les forts de Rustaq et d’al-Hazm, alors que le Qatar a sélectionné le site archéologique de la ville d’al-Zubarah et son paysage culturel et la réserve naturelle de

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Khour al-Udaid, et l’Arabie saoudite présente la zone historique de Djedda. Les Émirats arabes unis comptent soumettre à l’inscription en 2011 les sites culturels d’alAin (Hafit, Hili, Bidaa bint Saud et les zones d’oasis).

Bahreïn Les temples de Barbar Le plus grand temple découvert à Bahreïn se situe à proximité du village de Barbar. Deux tells recouvraient à la fois ce temple et un autre temple adjacent de plus petite taille. Le temple de Barbar est en fait l’accumulation de trois temples érigés successivement sur le même site. Les deux premiers, bâtis en terrasses et comportant une plate-forme centrale dominant une plate-forme extérieure ovale – caractéristique architecturale que l’on trouve aussi dans les temples sumériens. Bâtis durant les IIIe et IIe millénaires avant notre ère, les temples de Barbar comptent parmi les vestiges architecturaux les plus remarquables de l’Antiquité et sont sans équivalent dans cette région. Découverts et mis au jour pour la première fois par des missions danoises qui exploraient les sites archéologiques de Bahreïn au cours des années 50 et 60, ce site fut à nouveau fouillé en 1983 par le Département des antiquités et des musées.

Le second temple est le mieux préservé des trois, ayant conservé ses murs et ses terrasses d’origine à leur hauteur initiale, et ses sanctuaires voués au culte étant encore intacts. Le site du patrimoine archéologique de Saar Cette zone d’une grande importance culturelle renferme les monuments suivants : une cité datant de la période Dilmun ancienne, un ensemble funéraire situé au sud (que l’on appelle aussi l’ensemble en « nidd’abeilles »), un ensemble funéraire situé au nord, un temple de la période Dilmun tardive et des tertres funéraires à tombe unique. Il serait souhaitable de promouvoir ces monuments comme un ensemble pour optimiser l’intérêt de chacun aux yeux du grand public. En outre, la création d’un « parc du patrimoine de Saar » permettrait de protéger et de développer ensemble toutes ces constructions. La cité datant de la période Dilmun ancienne est le seul site bahreïnite à avoir fait l’objet de fouilles exhaustives. Ce site offre aujourd’hui à ses visiteurs un aperçu exceptionnel de la vie quotidienne de ses habitants il y a 4 000 ans. L’ensemble funéraire situé au sud est un parfait exemple de nécropole bahreïnite. Son cimetière est aujourd’hui entièrement mis

Liste indicative La réserve des îles Hawar (Bahreïn). © Dr. Saeed Al Khuzai

au jour et l’ensemble funéraire nord a été fouillé par une équipe d’archéologues bahreïnites. Ceux-ci ont mis au jour la partie supérieure des nombreuses tombes que renferme cette zone, sans toutefois les ouvrir. Seules dix tombes ont été fouillées en 1991, à titre expérimental, par l’expédition Londres-Bahreïn. Le reste du cimetière reste à explorer. Le temple de la période Dilmun tardive se dresse dans l’angle sudouest de l’ensemble funéraire situé au nord. Il s’agit d’une construction de forme rectangulaire dotée de murs en pierre de petite taille, construite directement sur des tombes de la période Dilmun ancienne. Les découvertes de la mission bahreïnite qui a réalisé les fouilles semblent indiquer que ce bâtiment date du Ve et VI e siècle de notre ère. Il s’agit de la seule construction de cette époque à avoir été découverte à ce jour à Bahreïn. Les tertres funéraires à tombe unique sont bien préservés. Ils se situent du côté ouest du parc du patrimoine qui fait l’objet de la présente proposition et au nord de l’ensemble funéraire nord. L’une de ces tombes fut reconstruite en 1992, à hauteur de son toit, par la mission Londres-Bahreïn. Elle offre aux visiteurs la seule possibilité de découvrir un tumulus de la période Dilmun tel qu’il serait apparu aux habitants de l’époque au moment de sa construction.

La réserve des îles Hawar Cet archipel est le seul site naturel bahreïnite que l’on puisse encore véritablement qualifier de « vierge ». Les îles qui le composent présentent une beauté naturelle exceptionnelle dont la valeur est irremplaçable. Malheureusement, elles sont aussi très vulnérables. Malgré leur petite taille, elles offrent un cadre exceptionnel aux amoureux de la nature et aux aventuriers en quête de faune et de flore. Parmi leurs nombreuses qualités, on mettra un accent particulier sur le fait qu’elles offrent un refuge aux échassiers migrateurs et que leurs eaux vertes et peu profondes recèlent des récifs de corail multicolores, des prairies sous-marines et des colonies de dugongs, espèce actuellement menacée. Les ensembles funéraires de Dilmun et de Tylos Les ensembles funéraires de Dilmun et de Tylos regroupent plusieurs biens répartis à travers onze sites établis dans la partie ouest de l’île. Ensemble, ils forment une chaîne de plus de 25 km qui s’étend du cœur du pays en direction de sa côte nord. Dix de ces onze zones archéologiques sont des champs de tombes édifiées entre le milieu du IIIe millénaire avant notre ère et le milieu du Ier millénaire de notre ère par les anciens habitants de l’actuelle île de Bahreïn.

Le onzième site constitue, quant à lui, un paysage culturel résultant du développement urbain qui a mené à l’expansion du village d’Ali vers le nord du champ de tumuli adjacent (appelé « tertres royaux »). Cette zone offre donc un exemple exceptionnel de l’interaction entre un modèle urbain contemporain et des éléments funéraires datant de l’âge de bronze. En outre, chacun des sites compris dans la série de biens proposée renferme des données archéologiques et scientifiques d’une importance capitale pour nous permettre de mieux comprendre les pratiques funéraires propres aux civilisations de Dilmun et de Tylos. Ces données nous livrent en effet de précieuses informations sur l’évolution des diverses sociétés implantées dans la région à des périodes consécutives, par le biais de leurs pratiques funéraires, des types et des tailles des tombes utilisés et des rites funéraires pratiqués. On notera également que ce site a été relativement peu affecté par l’activité humaine moderne. Les ensembles funéraires de Dilmun et de Tylos témoignent des pratiques funéraires de civilisations qui ont joué un rôle clé dans l’établissement d’échanges commerciaux entre la Mésopotamie, l’Arabie du Sud et le sous-continent indien. Ces sites renferment des tumuli de diverses formes, formant des champs de densité variable, dont certains

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Muharraq, partie de la culture perlière et les paysages culturels de Bahreïn.

Les ensembles funéraires de Dilmun et Tylos (Bahreïn). © Ministry of Culture - Bahrain

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présentent les concentrations de tertres funéraires les plus denses du monde, toutes périodes confondues. Les tumuli montrent des caractéristiques uniques en matière de construction de chambres funéraires et d’artefacts retrouvés sur le site, témoins des rites funéraires de l’époque. Deux de ces sites constituent des ensembles funéraires comportant chacun plus 1 000 tombes. La culture perlière et les paysages culturels de Bahreïn Pris dans leur ensemble, les quinze biens en série proposés constituent un seul bien culturel qui se compose de trois sites de bancs d’huîtres formant des paysages sous-marins, d’un site de paysage côtier (qui comprend une plage et des points de débarquement pour les navires), ainsi que de quelques éléments terrestres offrant une pertinence culturelle, sociale et économique dans le cadre de l’histoire de la culture perlière. Ces éléments se présentent sous la forme de plusieurs groupes de bâtiments situés dans le district urbain historique de Muharraq, la deuxième plus grande île bahreïnite, reliée à l’île principale par des ponts. La proposition d’inscription de ce site sur la Liste du patrimoine mondial en 2011 est faite à titre culturel plutôt que mixte dans la mesure où les bancs d’huîtres ne peuvent pas prétendre à une valeur universelle

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exceptionnelle sauf à tenir compte de leur influence sur les aspects culturels, sociaux et économiques de la culture perlière. La culture perlière et les paysages culturels de Bahreïn constituent collectivement un remarquable exemple d’utilisation traditionnelle de la mer ayant façonné l’identité économique et culturelle d’une société insulaire. Cette activité vieille de plusieurs millénaires est l’exemple le plus significatif sur le plan mondial d’une tradition fondée sur la culture de perles naturelles. Cette pratique se concentre essentiellement sur les bancs d’huîtres du golfe d’Arabie situés au nord de Bahreïn, qui furent la source la plus réputée de perles depuis l’Antiquité. Si l’industrie perlière s’est malheureusement effondrée suite à l’orientation économique que s’est donnée le pays au début des années 30, beaucoup de ses caractéristiques et pratiques originales perdurent toutefois à ce jour. Les ressources naturelles jadis utilisées sont encore visibles sur les bancs d’huîtres du site. Celles-ci s’accompagnent en outre de ressources culturelles comme des structures à usage domestique et civil liées à l’économie perlière ainsi que des installations de production consacrées à la collecte des perles et des outils et produits de distribution. Ensemble, ces ressources offrent un témoignage excep-

tionnel touchant à l’histoire de la culture perlière à Bahreïn. Au-delà du contexte du patrimoine mondial, on citera également le lien qui existe entre ces ressources matérielles et les noms de certains sites ou de certaines familles, les structures hiérarchiques sociales, les formes juridiques qui subsistent toujours, les chansons, poèmes, récits, festivals et danses du pays.

Oman L’ancienne cité de Qalhat Hormis un petit mausolée qui a perdu son dôme et que les habitants de la région appellent « Bibi Maryam », l’ancienne cité de Qalhat gît aujourd’hui en ruine. Pendant plusieurs siècles, Qalhat était la deuxième ville du royaume d’Hormuz. Elle constituait à l’époque un point de relais très important pour le commerce de l’océan Indien. Parmi ses visiteurs les plus célèbres, on cite volontiers Marco Polo qui s’y rendit au XIIIe siècle (il l’appelle « Calatu » dans ses écrits) et Ibn Battuta, au XIVe siècle, qui décrit la magnifique mosquée dont la cité s’était récemment dotée. Tous deux louèrent par ailleurs la prospérité de la cité et la qualité de ses bâtiments. Le déclin de la cité au bénéfice de Mascate avait déjà commencé lorsque Afonso de Albuquerque et la flotte portugaise s’en emparèrent en 1507. L’oued

Liste indicative Le mausolée Bibi Maryam de l’ancienne cité de Qalhat (Oman). © Dario Lorenzetti

Hilmi fournissait certes assez d’eau pour les besoins de la ville (des traces de l’ancien système falaj sont toujours visibles sur le site), mais il n’existait pratiquement aucune terre agricole à proximité. Il fallait donc que les denrées soient importées depuis l’intérieur des terres (selon Albuquerque) ou par la mer (selon Marco Polo et Ibn Battuta). De toute évidence, le commerce constituait l’unique raison d’être de Qalhat. Aujourd’hui encore, les vestiges de la cité occupent une grande étendue sur la rive est d’un wadi, qui débouche dans le khor de Qalhat, après avoir traversé les montagnes par d’étroites gorges. Ces ruines s’étendent sur plus de 24 ha. La cité était jadis de forme triangulaire et ses remparts demeurent visibles au nordouest du site, sur la rive du wadi, ainsi qu’au sud-ouest, du côté des montagnes, où ils atteignent des hauteurs de un à deux mètres. Qalhat fut toujours une place forte réputée dans l’Antiquité. Ses murailles renferment de très nombreuses ruines de maisons et d’entrepôts (surtout à proximité de la côte) dont il ne reste plus aujourd’hui que quelques amas de pierres. La superficie du site est jonchée d’éclats de poteries anciennes provenant de Perse et de Chine. Quant au site de la mosquée décrite par Ibn Battuta, il n’a toujours pas été identifié. Aujourd’hui, Qalhat constitue un site archéologique exceptionnel qui atteste de la

splendeur de l’ancien commerce islamique sur l’océan Indien. Son potentiel en termes d’études archéologiques est très élevé et la cité demeure sans aucun doute l’un des sites les plus importants de cette période. Les forts de Rustaq et d’al-Hazm L’imposant fort de Rustaq se dresse au pied du mont Djebel-Akhdar, au cœur d’une grande oasis, dans l’étroite vallée du wadi Far qui traverse les roches calcaires de type dolomitique du djebel pour atteindre les collines ophiolitiques en contrebas. Rustaq était déjà une ville et un centre commercial important sous les Perses aux temps préislamiques, lorsque le château fut d’abord édifié. Le monument actuel comporte une muraille préislamique plus ancienne située sous la partie supérieure et sous la tour principale. Trois tours dotées de quartiers d’habitation répartis sur plusieurs niveaux y furent ajoutées ultérieurement. Cette construction fournit également un accès fort complexe au système d’irrigation falaj. Sous le règne de la dynastie Bu Saïd, une muraille externe dotée de tours fut édifiée autour du château au XVIIIe siècle. On peut encore apercevoir au sud du fort plusieurs maisons anciennes au milieu des jardins, ainsi qu’une mosquée funéraire contenant quelques pierres gravées d’inscriptions.

Le fort d’al-Hazm quant à lui se situe en bordure d’un petit groupe de jardins plantés de palmiers, sur la rive ouest du wadi Far, à l’endroit où celui-ci débouche dans la plaine de gravier aride qui sépare les montagnes de la côte de Batinah. Il s’agit d’une grosse structure rectangulaire à deux étages, dotée d’une étroite cour intérieure et flanquée de deux tours rondes sur ses côtés sud et est. Ce site dépend actuellement du Ministère de l’intérieur. Il peut être visité moyennant l’autorisation écrite du Ministère du patrimoine national et de la culture..

Arabie saoudite Le quartier historique de Djedda Le quartier historique de Djedda se situe au cœur de la cité de Djedda, le long de la côte ouest du Royaume d’Arabie saoudite sur la mer Rouge. Selon certaines sources, l’histoire de Djedda daterait de l’ère préislamique. Toutefois, c’est en 647 de notre ère, à l’époque de Rashidi Khalifat Utham ibn Affan, que se produisit le principal tournant de l’histoire de Djedda, lorsque celui-là ordonna le transfert de la cité vers un port où s’arrêtaient alors les pèlerins en route pour La Mecque. On appelait alors cette zone le « pays des consuls » (Balad al-Qanasil), et aujourd’hui encore, Djedda demeure le principal point d’accès maritime, aérien et terrestre des pèlerins et des visiteurs

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Liste indicative

Le fort de Rustaq (Oman).

de la ville. La cité est toujours restée sous l’influence des différents califes islamiques qui s’y sont succédé. Le quartier historique de Djedda est l’une des zones les plus importantes de la ville au vu de son authenticité, de l’originalité de sa conception et de l’unicité de son architecture. Il renferme de nombreux sites et bâtiments historiques comme la muraille et les portes du vieux Djedda, les anciens quartiers (le quartier al-Mazloom, le quartier al-Sham, le quartier al-Yaman et le quartier al-Bahar), ainsi que plusieurs mosquées historiques (la mosquée Uthamn ibn Affan, la mosquée al-Shafeey, la mosquée alBasha, la mosquée Ukash, la mosquée al-Meamar et la mosquée al-Hanafi). Le site renferme également plusieurs anciens marchés ou souks (le souk al-Nada, le souk aI-Khasequiyyah, le souk al-Alaweey et le souk al-Saghah, spécialisé dans la vente de bijoux) ainsi que de nombreux bâtiments patrimoniaux qui servent à ce jour. Cette zone de Djedda présente un modèle d’architecture à la fois remarquable et unique dans la région de la mer Rouge. On citera notamment ses magnifiques bâtiments résidentiels et palais qui attestent encore de son patrimoine urbain, et notamment de son plan d’urbanisme et

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Le quartier historique de Djedda (Arabie saoudite). © François Cristofoli

© Brian Moore

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de ses caractéristiques architecturales, artistiques et conceptuelles qui ont créé un tissu urbain homogène, avec ses voies, cours et souks qui offrent un exemple toujours vivant de cité arabe islamique authentique. Le tissu du quartier historique se distingue par ses espaces urbains et architecturaux sous forme d’allées et de ruelles qui se terminent en cours et placettes, lesquelles offrent des vues dégagées au visiteur. Ces espaces ont également une fonction pratique en vue des tâches et des activités des habitants de chaque quartier, et ils leur permettent notamment de se réunir à l’occasion de manifestations sociales, de fêtes religieuses ou de soirées de célébration. Dans bien des cas, il existait aussi des cafés traditionnels et des boutiques qui répondaient aux divers besoins des habitants. Tous ces éléments sont une caractéristique urbaine très répandue dans les anciennes villes de la région d’al-Hijaz. Les mosquées jouaient aussi un rôle unificateur important pour les communautés de chaque quartier. Les quartiers historiques de Djedda se distinguent aussi par le fait que leurs maisons reliées entre elles et leurs ruelles et allées sinueuses offrent un abri contre la chaleur du soleil et permettent la circulation d’air plus frais. Cette structure harmonieuse

renforce les liens sociaux et la vie du quartier, en facilitant des rencontres quotidiennes, ce qui se traduit par un fort sentiment de sécurité tout en offrant une protection contre les étrangers et les curieux. Le quartier historique de Djedda représente la partie la plus ancienne de la ville, à partir de laquelle s’est développée une urbanisation moderne, notamment suite à la démolition de l’ancienne muraille. Aujourd’hui, ce quartier constitue le centre historique de la ville. Son authenticité est mise en valeur par son tissu urbain traditionnel et ses constructions très anciennes mais toujours utilisées, qui ont su résister aux éléments et au passage du temps. Ces constructions ont puisé leur inspiration dans les formes et les concepts urbains de la civilisation islamique et reflètent l’art andalou et ottoman en intégrant notamment les arabesques que l’on retrouve dans les caractéristiques architecturales et artistiques des mosquées et des maisons. Il est difficile de trouver dans le vieux Djedda une maison qui ne soit pas ornée de pierres taillées et des volets en bois sculpté (roshan), qui caractérisent l’art islamique et offrent un certain degré d’intimité aux résidents tout en leur permettant d’observer ce qui se passe dans la rue sans se faire voir.

Liste indicative Le site archéologique de la cité d’al-Zubarah et son paysage culturel (Qatar). © Dawn Farrell

Le Qatar Le site archéologique de la cité d’alZubarah et son paysage culturel Le site archéologique de la cité d’alZubarah et son paysage culturel, noyau du site proposé à l’inscription, comprend en fait trois biens contigus, à savoir : le site archéologique de la cité d’al-Zubarah luimême, les ruines de l’ancien fort de Qal’at al-Murair et le fort de Qal’at al-Zubarah. Le site archéologique de la cité d’alZubarah représente la plus ancienne et la plus grande zone d’occupation humaine au Qatar. Situé au nord-ouest de la péninsule, entre le fort de Zubarah et la mer, ce site présente toutes les caractéristiques d’une place forte côtière. Aujourd’hui entièrement abandonné, il témoigne d’une occupation humaine sur une longue période. Manifestement, les bancs à huîtres dans les eaux avoisinantes et les voies commerciales du golfe d’Arabie ont contribué à sa prospérité. Des fouilles archéologiques commanditées par les autorités du Qatar ont révélé des preuves d’activités commerciales avec, notamment, la Chine, l’Afrique de l’Ouest, la Perse et la Mésopotamie (Iraq). La cité construite selon un plan en damier s’étendait jadis sur une longueur

La réserve naturelle de Khour al-Udaid (Qatar). © RachelH

de plus de 2 000 m et sur une largeur de 600 m. Elle était enclose entre de longues murailles dotées de tours de guet. Un quartier supplémentaire et une muraille plus large furent ajoutés lors d’une seconde phase de développement urbain, et des maisons furent construites à l’extérieur de la muraille dans le cadre d’une troisième phase. Selon Hamad ben Nayem ben Sultan al-Muraikhi al-Zubari al-Qatari, écrivant en 1638 de notre ère, al-Zubarah était essentiellement une cité portuaire qui comptait 150 maisons, 700 habitants, plusieurs bateaux et du bétail. Sa population était multiculturelle et comprenait des Naim, des Musallem, des Twar, des Hawajer, des Bédouins, des Lisaud ainsi que des hommes libres et des esclaves. À la fin du XVIIIe siècle, les cités d’alZubarah et de Qal’at al-Murair étaient des centres particulièrement florissants grâce aux échanges commerciaux de la région et à la culture perlière. Ces deux sites constituaient alors des points de repère majeurs dans la région du Golfe. Mais ce pouvoir et cette proéminence exposèrent les cités aux invasions des Bahreïnites, qui étaient encore sous le contrôle des Perses.

La réserve naturelle de Khour al-Udaid Située dans le sud-est de l’État du Qatar, la zone de Khour al-Udaid, aussi appelée « mer intérieure », offre au visiteur un paysage exceptionnel dont la composition géologique et géomorphologique est sans pareille à l’échelle mondiale. Collectivement, les caractéristiques du site créent une perspective variée d’une beauté naturelle à la fois unique et authentique, au sein d’un territoire qui reste encore, pour l’essentiel, à l’état sauvage. Le territoire sud du Qatar doit l’unicité de son caractère à chaque élément qui le compose, dont notamment le golfe d’Arabie, ses imposantes dunes mobiles, ses baies tidales, ses marais salants (sabkha) terrestres et côtiers, ses terre-pleins de sel récemment découverts, ses déserts de cailloux, ses collines à plateau élevé (mesas), ses affleurements rocheux et les espaces intermédiaires. Le charme intrinsèque de cette zone principalement inhabitée est par ailleurs accru par la richesse de sa faune et de sa flore terrestres natives et par la diversité de son fragile écosystème marin. La flore implantée dans cette zone est tout à fait représentative des habitats présents dans la région et offre un refuge à diverses espèces et communautés réparties à travers la

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Al-Ain (Émirats arabes unis). © Groundhopping Merseburg

péninsule arabique sans jamais se présenter sous les mêmes combinaisons dans un autre site. La faune comprend plusieurs espèces rares et/ou en voie de disparition au niveau mondial comme des dugongs et des tortues ainsi que certaines espèces d’oiseaux ayant une grande importance sur le plan national et régional, notamment des oiseaux d’eau migrateurs venus de contrées lointaines pour y passer l’hiver, et des espèces résidentes reproductrices dont le nombre diminue à l’échelle régionale, comme les balbuzards qui établissent leurs nids sur les îlots. Les zones terrestres continuent à offrir un habitat à la gazelle d’Arabie et il est prévu de réintroduire l’oryx d’Arabie dans l’arrièrepays de Khour al-Udaid. La « mer intérieure » est une vaste baie tidale à la rive sinueuse, d’environ 15 km de longueur, du nord au sud et jusqu’à 12 km de largeur, de l’est à l’ouest. Un canal relativement étroit et profond la relie au golfe d’Arabie sur près de 10 km. Il n’existe aucun autre lagon de ce type à travers le monde : la diversité de la qualité de son eau et des substrats qui jonchent son plancher ont créé une variété exceptionnelle d’habitats aquatiques et semi-aquatiques et revêtu une importance capitale pour certaines espèces marines menacées, comme les tortues et les dugongs. En outre, cette zone renferme plusieurs sites archéologiques d’une grande importance ainsi que divers sites de patrimoine culturel. Le désert rocheux de la zone d’al-Udaid accueille également des populations de Bédouins et leurs troupeaux. Il a également été établi que les petites îles du khour étaient utilisées par l’homme

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dès les temps préhistoriques. Des colonies traditionnelles de pêcheurs et d’agriculteurs existaient jadis dans la région mais ce mode de vie a pratiquement disparu aujourd’hui. Le pâturage des chameaux, en revanche, se poursuit dans certains endroits.

Les Émirats arabes unis Al-Ain Forte d’une histoire remontant au second millénaire avant notre ère, la cité d’al-Ain, qui doit à ses six oasis le nom de « la cité jardin » comporte plusieurs sites archéologiques très importants, des bâtiments historiques, des paysages culturels et naturels, et des collections ethnographiques et historiques. Les fouilles archéologiques réalisées sur le site ont permis d’établir qu’al-Ain fut habitée sans interruption depuis la fin de l’âge de pierre. Aujourd’hui l’importance historique de ce lieu est rendue apparente grâce à ses divers sites archéologiques et ses vestiges datant du néolithique, de l’âge de bronze, de l’âge de fer et des périodes helléniques, préislamiques et islamiques. Vers la fin du IVe millénaire et le début du IIIe millénaire avant notre ère, la région d’al-Ain entretenait des relations commerciales privilégiées avec la civilisation mésopotamienne pour laquelle elle était l’un des principaux fournisseurs en cuivre durant la seconde partie du IIIe millénaire, comme en attestent les tombes de type cairn de l’âge de bronze retrouvées à Djebel-Hafit. Le site de Djebel-Hafit, qui contient plus de 500 tombes, est connu de par le monde comme un site « type » de la période que l’on appelle aujourd’hui la période Hafit

ou l’Horizon culturel Hafit et que l’on date entre 3200 et 2700 avant notre ère. C’est durant l’âge de fer (1000 avant notre ère) que les habitants de la région d’al-Ain construisirent les systèmes de falaj qui leur permettaient de transporter l’eau sous terre des montagnes jusque dans les plaines. Les nombreux bâtiments historiques d’al-Ain (et notamment ses forts, tours, mosquées et palais/résidences privés) rappellent le style de l’époque antérieure aux années 60 dans une région où l’architecture vernaculaire d’avant la découverte du pétrole disparaît rapidement du fait du développement. Les paysages naturels et culturels d’al-Ain (qui comprennent notamment des dunes de sable rouge, des oasis, des palmeraies de dattiers, des wadis ainsi que des zones désertiques et montagneuses) confèrent à ce site tout son charme. Les six oasis de la cité, qui ont su résister au développement d’al-Ain tout au long de son histoire, jouent un rôle capital et constituent un aspect indissociable de la cité. La relation harmonieuse qui existe entre al-Ain et ses oasis a perduré jusqu’à ce jour et chaque oasis fait partie intégrante du quotidien de ses habitants, s’intégrant parfaitement dans le tissu urbain de la ville. Ces oasis constituent un bien patrimonial majeur, non seulement en raison de leur valeur écologique, mais aussi et surtout au vu de l’importance culturelle qu’elles revêtent, attestant d’un mode de vie qui perdure à ce jour. Le Djebel-Hafit offre également un paysage culturel d’une valeur exceptionnelle d’un point de vue géologique, archéologique, historique, paléontologique, zoologique et biologique. On pense en effet que cette montagne se serait formée il y a quelque 25 millions d’années même si des fossiles marins découverts sur le site sont bien plus anciens, remontant à 135 millions et 70 millions d’années. Des études indiquent que le Djebel-Hafit offre un habitat à près de 118 espèces végétales, 18 espèces de mammifères (et notamment le tahr d’Arabie, une chèvre sauvage dont l’espèce est menacée, et certaines espèces troglodytiques, qui pourraient uniquement se trouver dans les anciennes grottes du Djebel-Hafit), 140 espèces d’oiseaux (et notamment le vautour percnoptère, espèce aujourd’hui menacée) et plus de dix espèces différentes de reptiles.

Numéro spécial

Nouvelle publication

Nouvelle publication : Patrimoine mondial des pays arabes

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Damas et Tunis. Depuis, 63 biens culturels et naturels du monde arabe ont rejoint ces sites pionniers. Trente ans plus tard, la Conférence générale de l’UNESCO approuvait l’établissement à Bahreïn du Centre régional des pays arabes pour le patrimoine mondial (ARC-WH). L’année suivante, il était décidé que la 35e session du Comité du patrimoine mondial en 2011 se tiendrait à Bahreïn. Pour la première fois, le Comité serait accueilli par un pays de la région du Golfe et seulement la quatrième fois par un pays arabe, la dernière datant de 1999. Le Ministère de la culture de Bahreïn a immédiatement perçu que ces deux événements représentaient un moment important de l’histoire de la mise en œuvre de la Convention dans la région, et a souhaité en faire la promotion par la publication d’un livre sur les sites arabes inscrits sur la Liste du patrimoine mondial. Un tel ouvrage n’avait jamais été réalisé et correspondait à un besoin exprimé par de nombreux pays de la région.

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n l’ignore souvent, mais les trois premières villes historiques inscrites au patrimoine mondial en 1979 furent Le Caire,

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Jean-Jacques Gelbart.

© Éditions Gelbart

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« Le fait de rassembler tous les sites sous un même titre constitue une vitrine pour le monde arabe, mais, au-delà, il permet aux lecteurs de prendre conscience de la diversité et de la richesse de leur patrimoine », a ajouté la Ministre. Le choix de travailler avec Jean-Jacques Gelbart, photographe-éditeur dont la ligne éditoriale est résolument tournée vers le patrimoine, a été motivé par un souci d’authenticité et de qualité. Jean-Jacques Gelbart utilise exclusivement des lumières naturelles et ses photographies sur support argentique ne sont jamais retouchées par informatique. Son regard sur les sites du patrimoine mondial n’est pas seulement fidèle à ce qu’ils sont, il les magnifie. Il ne s’est pas contenté de les visiter et de les photographier pour les présenter, il les a rencontrés et les a fait parler pour les représenter. Ses clichés sont un hommage artistique au monde arabe. Ce travail est aussi « Un généreux donale résultat de la collateur, Bahrain Bay, a réboration entre les pays pondu positivement à Patri moine concernés, le Ministère notre sollicitation en Mond ial des World Pays Herit Arabes age o  f the de la culture et l’ALECSO. acceptant de finanArab Coun tries Cette collaboration a percer intégralement mis l’organisation logisle projet. Celui-ci tique des prises de vue, et n’aurait jamais vu l’harmonisation des textes le jour sans cette afin de former un corpus précieuse contribution  », a parfaitement cohérent. dit Sheikha Mai bint Mohammed al Khalifa, Les sites sont présentés par ordre Ministre de la culture de Bahreïn. chronologique d’inscription sur la Liste du Le Ministère de la culture s’est alors patrimoine mondial. Quand plusieurs sites tourné vers les Éditions Gelbart, dont les ont été classés lors d’une même année, ils ouvrages sur les sites français (2008) et apparaissent par ordre alphabétique. marocains (2009) inscrits au patrimoine La deuxième expression qui définit le mondial font référence, et leur a demandé mieux ce livre est « expérience humaine ». de produire une œuvre similaire sur le Grâce à l’implication exceptionnelle de patrimoine des pays arabes, avec pour tous les pays arabes, de nombreuses objectif de le présenter à l’occasion de difficultés techniques ont été résolues. la 35e réunion du Comité du patrimoine Jean-Jacques Gelbart témoigne : « J’ai pu mondial. avoir accès aux sites dans les meilleures Dans le même temps, l’Organisation de conditions, m’enrichir des rencontres les la Ligue arabe pour l’éducation, la culture plus extraordinaires et recevoir autant et les sciences (ALECSO) était sollicitée au que j’espère avoir donné à travers mes sujet des textes à consacrer à chaque site, photographies ! » Après tout, n’est-ce la partie photographique et la gestion pas cette notion de partage et d’échange des composantes du projet revenant aux dont il est question quand on parle de Éditions Gelbart tandis que le Ministère de patrimoine mondial ? la culture coordonnait l’ensemble du projet.

Le triangle thermal de Bohême occidentale Le thermalisme est une activité pratiquée par de nombreuses civilisations à travers le monde depuis plus de deux mille cinq cents ans. Les premières stations thermales déployèrent de très grands efforts pour bâtir de luxueuses installations et rehausser leur cachet aux yeux des visiteurs, tant au niveau architectural qu’au niveau de la qualité des soins proposés (ces établissements étaient réputés pour employer les connaissances médicales et les méthodes scientifiques les plus avancées). Le XIXe siècle fut un véritable âge d’or pour un grand nombre de stations thermales. Les plus importantes d’entre elles formèrent un réseau jouissant d’une renommée mondiale. On citera notamment parmi celles-ci BadenBaden, Wiesbaden, Bad Ems, Spa, Vichy, Aix-les-Bains, Biarritz, San Sebastian, Montecatini Terme, Rimini, Nice et Monte Carlo. Aujourd’hui encore, ces stations constituent des ensembles architecturaux uniques en leur genre et comportent de nombreux éléments et objets présentant un très grand intérêt sur le plan historique. Le triangle imaginaire que forme le groupe de stations thermales de Bohême occidentale est l’un des exemples les plus réputés au monde. Délimitée par les célèbres villes de Karlsbad (Karlovy Vary), Marienbad (Mariánské Lázně) et Franzenbad (Františkovy Lázně), cette zone est pourvue de sources naturelles dont les propriétés minérales sont sans pareilles à l’échelle mondiale. Le triangle thermal de Bohême occidentale renferme la plus grande concentration de stations thermales de la République tchèque dans un périmètre relativement réduit. Si ces trois grandes stations présentent collectivement certaines caractéristiques urbaines et architecturales uniques en leur genre, chacune intègre toutefois des concepts totalement différents en termes d’urbanisation. La station de Karlsbad s’est développée le long d’un cours d’eau, au creux d’une vallée à la topographie particulièrement spectaculaire, tandis que celle de Marienbad est une entité urbaine basée sur le concept d’un parc ordonnancé central encerclé par un développement urbain. Franzenbad, quant à elle, est une agglomération urbaine compacte dotée d’un réseau viaire octogonal, entouré d’un parc ordonnancé dans lequel des pavillons ont été construits sur chaque source. Construits par les architectes tchèques et étrangers les plus réputés de l’époque, les divers bâtiments du triangle thermal de Bohême occidentale offrent un exemple exceptionnellement bien conservé de « diversification intégrée » (dans le cas de Karlsbad et de Marienbad) et d’« intégrité diversifiée » (dans celui de Franzenbad). Ces trois stations historiques de Bohême occidentale doivent leur qualité esthétique à l’étendue et à l’intégrité de leur présence dans la région. On notera par ailleurs que les caractéristiques distinctes qu’elles confèrent collectivement à cette dernière sont aujourd’hui inexistantes dans les autres sites de stations thermales européennes.

Františkovy Lázně - Station thermale

www.kr-karlovarsky.cz www.spaarch.cz www.ehtta.eu

Karlovy Vary - Station thermale

Karlovy Vary - Colonnade

Mariánské Lázně - Colonnade et fontaine musicale

Province de Thanh Hoa Vietnam

Ruisseau des poissons sacrés de Cam Luong Photo : Tran Dam

Montagne Tien Si (district de Vĩnh Lộc, province de Thanh Hoa). Photo : Do Quang Trong

Paysage de Vinh Loc, province de Thanh Hoa. Photo : Ha Manh Thang

La province de Thanh Hoa se situe sur la côte nord de la région centrale du Vietnam, à 150 km au sud de Hanoï. elle constitue l’une des plus grandes provinces du Vietnam. Dans sa préface de l’ouvrage de L. Robecanh, « Le Thanh Hoa », le gouverneur général d’Indochine, Pierre Pasquier, remarque que « Thanh Hoa n’est pas une province, mais une région ». Thanh Hoa est effectivement une importante région du Vietnam, comme en atteste la richesse de son patrimoine naturel et culturel. Thanh Hoa offre au visiteur un paysage de hautes montagnes et de vastes plaines bordé d’une longue côte. La région comprend plusieurs sites d’une exceptionnelle beauté naturelle, comme notamment les parcs nationaux de Pù Lu, Pù Huông et Bến En, le ruisseau des poissons sacrés de Cam Luong (dans le district de Cam Thuy) et la merveilleuse plage de Sam Son, haut lieu de villégiature des Français dès 1906. Reliant les montagnes à la plaine du nord-ouest de la province, le district de Vinh Loc offre, quant à lui, un paysage particulièrement spectaculaire que l’on décrit souvent comme « l’autre baie d’Ha Long ». Les collines, montagnes, rivières, sources, grottes et cavernes qu’accueille sa plaine créent un merveilleux paysage naturel vieux de 10 000 ans. C’est dans cette région que fut établie vers la fin du XIVe siècle et le début du XVe siècle l’ancienne capitale du Vietnam. Les vestiges de l’imposante citadelle de pierre qui renfermait la capitale attestent d’un véritable tournant dans les techniques de construction des Vietnamiens. Ces vestiges témoignent également du lien qui existait entre les cultures de l’Asie de l’Est et du Sud-est. Divers sites paléolithiques datant de l’Âge de Pierre ont été reconnus dans la région par des archéologues internationaux. Parmi ceux-ci, on citera plus notamment les sites de Nui Do et de Nui Nuong-Quan Yen ainsi que les cavernes de Lang Trang et de Con Mong. Perché sur le Mont Gai (dans le district Hau Loc), le temple de Ba Trieu fut bâti pour commémorer Triêu Thi Trinh, héroïne vietnamienne issue de la région de Thanh Hoa qui mena une lutte victorieuse contre les Wu au IIIe siècle. Deux autres temples furent érigés pour les généraux Dương Đình Nghệ et Lê Hoàn, deux figures majeures de l’histoire vietnamienne de la même période (premier millénaire après J-C). Plusieurs sites importants furent établis dans la province de Thanh Hoa entre les XIe et XIXe siècles. Ceux-ci comprennent plus particulièrement la citadelle des Hô et l’autel de Nam Giao qui constituaient alors la capitale de la dynastie des Hô (vers la fin du XIVe siècle et le début du XVe siècle), l’ensemble architectural de Lam Kinh, qui comporte un palais/temple commémorant l’une des plus grandes dynasties de l’histoire du Vietnam, la Dynastie Lê antérieure (XVe et XVIe siècles), l’ensemble de palais/temple du Seigneur Trinh commémorant la famille Trinh qui joua un rôle important dans l’histoire médiévale du Vietnam (du XVIe au XVIIIe siècle) et enfin l’ensemble de temples/mausolée de Gia Mieu, à Trieu Tuong, commémorant la famille Nguyen qui s’affirma pour jouer un grand rôle dans l’histoire contemporaine du Vietnam, au XIXe et XXe siècles. De 1936 à 1939, l’archéologue suédois Olov Jansé découvrit à Tam Tho plusieurs anciens fours de potier ainsi que d’autres artefacts datant des Ie et IVe siècles après J-C. Ces découvertes attestent du lien culturel qui existe entre les cultures Dong Son et Han. Ces témoignages de notre patrimoine naturel, culturel et historique sont aujourd’hui protégés et entretenus par les institutions gouvernementales et les habitants de Thanh Hoa afin de pouvoir les transmettre à nos prochaines générations. Nous espérons que ces sites constitueront des destinations à la fois intéressantes et utiles pour nos amis du monde entier et qu’ils permettront à ceux-ci de découvrir et d’apprécier les réalisations culturelles de nos ancêtres à Thanh Hoa.

Dragon de pierre au palais Lam Kinh. Photo : Do Quang Trong Poteries de Tam Tho (Dong Son, province de Thanh Hoa). Photo : Do Quang Trong

Stratigraphie de la grotte de Con Moong, district de Thach Thanh, province de Thanh Hoa. Photo : Tran Ngoc Diep

Đỗ Quang Trọng Directeur, Centre pour la Conservation de la Citadelle des Hô Docteur en archéologie

Centre pour la Conservation de la Citadelle des Hô Head office: Vinh Tien Commune, Vinh Loc district, Thanh Hoa province Representative office: 16 Hac Thanh street, Thanh Hoa City, Viet Nam. Email: [email protected] Website: http://www.thanhnhaho.vn

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Chers amis du patrimoine mondial, La revue Patrimoine Mondial est éditée conjointement par l’UNESCO et Publishing for Development et est publiée quatre fois par an en anglais, français et espagnol. Un point sur l’actualité et des dossiers offrent aux lecteurs une information détaillée sur la préservation des sites naturels et culturels les plus importants au monde. La publication est conçue pour diffuser et mettre en valeur l’action et l’engagement de l’UNESCO en faveur du patrimoine mondial, notre héritage du passé, notre responsabilité pour le présent et notre devoir pour les générations futures. En vous abonnant à Patrimoine Mondial vous contribuez à la prise de conscience concernant la nécessité de préserver notre héritage commun.

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Panamá : au-delà du Canal Depuis la date de sa constitution en république démocratique, on associe généralement l’histoire du Panamá à la construction du Canal de Panamá, le remarquable ouvrage d’ingénierie qui fit connaître ce pays au monde entier. Mais le Panamá a bien plus à offrir qu’un passage entre deux océans et un carrefour stratégique pour le commerce international. Ce pays renferme en effet deux sites inscrits sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Sous la houlette de l’Institut National de la Culture (« INAC » ou Instituto Nacional de Cultura) et avec l’appui de partenaires stratégiques et de certains individus, les autorités panaméennes se sont engagées à protéger ces structures historiques.

Le site archéologique de Panamá Viejo et le district historique de Panamá Ces deux sites pourtant distincts sont si étroitement liés par l’histoire que l’on considère aujourd’hui qu’ils ne représentent qu’un seul et même site du patrimoine mondial. Le Casco Antiguo (district historique de Panamá) fut bâti après que ce que l’on appelle aujourd’hui le Panamá Viejo ait été démoli par des pirates. C’est ici que l’INAC, par le biais de l’Office du Casco Antiguo (OCA) et du Service du Patrimoine Historique, conseille et fait la promotion de programmes de rénovation et d’amélioration du district. Par ailleurs, ces organismes veillent à la mise en conformité de ces programmes par rapport aux lois, aux accords et aux protocoles nationaux et aux exigences internationales concernant la conservation du patrimoine. Toutes les initiatives mises en place pour protéger le patrimoine historique panaméen s’accompagnent de programmes sociaux gérés par l’OCA dans la mesure où Panamá est une ville historique encore habitée et bien vivante. Le but de ces programmes consiste à garantir le bien-être de la population implantée dans la cité depuis l’Antiquité tout en l’incitant à protéger son patrimoine. Le site archéologique de Panamá Viejo est quant à lui géré par un comité présidé par le Club Kiwanis de Panamá, qui opère sous l’égide de l’INAC. Reconnus à l’échelle nationale et internationale, les travaux de gestion de ce comité portent essentiellement la conservation de ce site qui constitue la toute première ville espagnole fondée sur la côte américaine du Pacifique. Réunissant des entités privées et gouvernementales, ce comité a accompli d’importants progrès au niveau de la gestion, de la rénovation, de la prise en charge et de l’intégration du site. À tel point d’ailleurs qu’il est désormais envisagé d’en faire un parc historique et archéologique. C’est dans la poursuite de cet objectif que le comité œuvre aujourd’hui sans relâche avec le soutien du gouvernement panaméen. .

Portobelo et San Lorenzo Tout comme Casco Antiguo et Panamá Viejo, les anciens forts de Portobelo et de San Lorenzo situés sur la côte caraïbe du Panamá sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1980. Il s’agit du tout premier site panaméen à recevoir cette distinction. La conservation et la rénovation du site sont gérées par un comité composé de quatre entités gouvernementales et de trois sociétés privées. Les deux forts du site faisaient partie du système de défense militaire mis en place par la couronne espagnole pour protéger le transport des marchandises, particulièrement après la découverte de la « Mar del Sur » (nom initialement attribué à l’océan Pacifique par les Espagnols).

Convention du patrimoine mondial

Informations : tél : (507) 209 6300 www.cascoantiguo.gob.pa

Instituto Nacional de Cultura tél : (507) 501 4000 www.inac.gob.pa

Prochain numéro

Prochain numéro

Patrimoine des forêts tropicales ombrophiles de Sumatra (Indonésie). © IUCN / David Sheppard

Dossier : les forêts du patrimoine mondial 2011, proclamé « Année internationale des forêts » par les Nations Unies, est une année particulièrement importante pour le patrimoine forestier à l’échelle mondiale. On compte aujourd’hui 101 sites du patrimoine mondial reconnus pour la riche diversité biologique de leurs forêts. Seul organisme intergouvernemental chargé de l’identification et de la conservation des sites revêtant une importance mondiale, c’est à la Convention du patrimoine mondial qu’incombe la tâche d’insuffler l’élan nécessaire pour préserver les forêts de la planète. Aujourd’hui plus que jamais, la protection de nos forêts constitue une haute priorité au vu de l’inquiétude croissante que suscitent la fragmentation et l’isolation des écosystèmes forestiers ainsi que l’impact du changement climatique sur la biodiversité des forêts.

Parcs d’État et national Redwood (États-Unis). © Clinton Steeds

Ce numéro examinera les défis à relever dans le cadre des forêts du monde entier avec une focalisation particulière sur les parcs d’État et le Parc national Redwood (aux États-Unis d’Amérique), le Patrimoine des forêts tropicales ombrophiles de Sumatra (en Indonésie), et la Réserve de la biosphère Río Plátano (au Honduras). Il comportera également un dossier spécial sur les toutes dernières techniques en matière de surveillance par satellite.

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ORGANISATION DES VILLES DU PATRIMOINE MONDIAL (OVPM)

Cumuler les expériences



Capitaliser le savoir-faire



Consolider la valorisation du patrimoine



Construire des partenariats de ville à ville



Contribuer au débat mondial

XI Congrès mondial de l’OVPM Sintra, Portugal, 22-25 novembre 2011

“Villes du patrimoine mondial et changements climatiques” VILLES MEMBRES DE L’OVPM AFRIQUE Cidade Velha | Dakar | Harar Jugol | Île de Mozambique Zanzibar

ÉTATS ARABES Alep | Damas | Fès Marrakech | Sana'a Shibam | Sousse | Tunis | Zabid

ASIE ET PACIFIQUE Andong | Galle | George Town Hué | Kandy | Kathmandu Lalitpur (Patan) | Luang Prabang Melaka | Surakarta | Vigan

AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES Arequipa | Colonia del Sacramento | Guanajuato Mexico | Morelia | Olinda Ouro Preto | Puebla | Quito St George | Trinidad | Willemstad

EUROPE ET AMERIQUE DU NORD Amsterdam | Angra do Heroísmo | Aranjuez | Baeza | Bamberg | Banska Stiavnica | Bardejov | Bath | Beemster | Bergen | Berlin Berne | Bordeaux | Bruges | Budapest | Cáceres | Cesky Krumlov | Cité du Vatican | Cordoue | Cracovie | Dubrovnik | Echmiatsin Évora | Grenade | Guimarães | Ibiza | Istanbul | Kazan | Kutná Hora | L'viv | Le Havre | Luxembourg | Lyon | Moscou | Mostar Nancy | Nessebar | Oviedo | Porto | Provins | Quebec | Quedlinburg | Ratisbonne | Rauma | Rhodes | Riga | Røros | Safranbolu Saint-Pétersbourg | Saint-Jacques de Compostelle | Ségovie | Sighisoara | Sintra | Stralsund | Strasbourg | Tallinn | Tel-Aviv | Tolède Trebíc | Úbeda | Varsovie | Vienne | Vilnius | Visby | Wismar | Zamosc

 

Organisation des villes du patrimoine mondial (OVPM) 15, rue Saint-Nicolas, Québec (Québec) G1K 1M8 Canada T : +1 418 692-0000 F : +1 418 692-5558 e-mail : [email protected]

web : www.ovpm.org

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