Un prurit généralisé désastreux Présentation du cas

January 8, 2018 | Author: Anonymous | Category: Science, Médecine
Share Embed Donate


Short Description

Download Un prurit généralisé désastreux Présentation du cas...

Description

Un prurit généralisé désastreux Présentation du cas clinique Madame D., âgée de 90 ans, est hospitalisée en unité de court séjour gériatrique à la demande de son médecin traitant pour l’exploration de lésions cutanées dans un contexte d’altération de l’état général et de chutes à répétition. La patiente vit en EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) depuis deux mois. Elle a deux fils présents auprès d’elle, et est autonome pour la toilette et marche sans aide. Elle a comme principaux antécédents une insuffisance cardiaque sévère dans un contexte de cardiopathie valvulaire (valves mécaniques aortique et mitrale, arythmie par fibrillation auriculaire), une insuffisance rénale chronique sévère de stade IV, une anémie réfractaire, une insuffisance veineuse compliquée d’ulcères veineux des membres inférieurs et des troubles cognitifs non explorés. Son ordonnance d’entrée est très chargée, avec 13 médicaments : PREVISCAN® 10 mg le soir (objectif d’INR entre 2.5 et 3.5), HEMIGOXINE® 0.125 mg le matin, LASILIX spécial® 250 mg le matin, ATHYMIL® 10 mg le soir, EUPANTHOL® 40 mg le soir, SPECIAFOLDINE® 5 mg le matin, DIFFU K® 600 mg le matin, ZOPICLONE® 7.5 mg au coucher, MOVICOL® 2 sachets le matin, DAFALGAN® 1gx3/jour, et pour ses lésions cutanées, ont été ajoutés de la CETIRIZINE® 10 mg le soir, de l’ATARAX® 25 mg le soir ainsi que du DEXERYL® 1 application par jour. Madame D. est donc adressée par son médecin traitant directement dans le service pour un prurit diurne et nocturne évoluant depuis un mois environ, associé à des lésions papuleuses de l’ensemble du tégument prédominant au siège mais respectant la plante des pieds et la paume des mains avec intervalle de peau saine. Pour le médecin traitant, les lésions seraient apparues dans les suites d’un érysipèle traité par AMOXICILLINE®. Un traitement par dermocorticoïdes (DERMOVAL®) et antihistaminique a été institué en ville, sans amélioration. Le médecin traitant a adressé la patiente à un dermatologue de ville qui avait fait des biopsies, dont les résultats sont toujours en attente. La patiente aurait chuté à l’EHPAD une semaine auparavant. Devant la dégradation de l’état général (perte de 3kg en un mois), la persistance et l’aggravation des lésions cutanées, la patiente est donc hospitalisée. A noter qu’il n’y a pas de notion de contage. Dès l’entrée dans le service, un avis dermatologique est demandé devant ces lésions cutanées aspécifiques, la patiente présente de multiples papules érythémateuses du tronc et des membres, confluant en un grand placard sec, squameux, lichénifié à bords émiettés sur les fesses, la face interne des cuisses et le pubis, sans atteinte du fond des plis. Il y a quelques lésions des poignets et un aspect un peu squameux des espaces interdigitaux, sans sillon évident, sans nodule squameux génital ni axillaire ni mammaire. Le bilan biologique fait en ville retrouve notamment une hyperéosinophilie modérée à 660/mm3, un INR inférieur à 2 (pour un objectif entre 2.5 et 3.5 en raison des prothèses valvulaires mécaniques), une dénutrition modérée avec albuminémie à 32 g/l et une insuffisance rénale sévère avec une clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/min. On met en place un isolement de contact à l’entrée de la patiente dans le service. La réalisation d’un prélèvement parasitologique par grattage et la mise en évidence de multiples sarcoptes par champ permet de poser le diagnostic de gale profuse.

Madame D. bénéficie d’un traitement anti-parasitaire par IVERMECTINE® associé à l’application de BENZOATE DE BENZYLE® sur tout le tégument. La persistance de multiples parasites sur les prélèvements effectués à 7 jours puis à 14 jours d’un traitement bien conduit motive le renouvellement du traitement à J7 puis J14 permettant l’éradication du parasite lors du contrôle effectué deux semaines après le diagnostic. On associe à ce traitement les mesures d’hygiène du linge. L’EHPAD est informée du diagnostic, selon elle, il n’y a pas d’autres cas au sein de l’EHPAD. L’évolution lors de l’hospitalisation est marquée par une franche altération de l’état général associée à un syndrome confusionnel. Le syndrome confusionnel est favorisé par l’isolement de contact, la iatrogénie : antihistaminique pour le prurit et morphine pour les douleurs d’ulcères notamment, des épisodes de rétention aiguë d’urine et de fécalome ainsi que des troubles cognitifs sous-jacents. On note aussi des troubles de l’humeur avec un syndrome dépressif marqué probablement favorisés par les représentations de la gale portées par la patiente et les soignants. Madame D. présente une perte d’autonomie progressive avec des chutes multiples dans sa chambre. L’équilibration du traitement anticoagulant par anti-vitamine K est complexe et nécessite un traitement par héparine (CALCIPARINE®) concomitant prolongé associé à une surveillance biologique itérative. La patiente présente une décompensation cardiaque aiguë dans le service avec majoration importante des œdèmes et nette aggravation des ulcères. Les soins d’ulcères toutes les 48h voire quotidiens sont très douloureux et angoissants pour la patiente, avec une évolution de moins en moins favorable. L’insuffisance rénale se majore. Après un mois d’hospitalisation, la patiente rentre à son EHPAD, où elle décède 10 jours plus tard, sous morphine IVSE, avec un INR parfaitement équilibré… Cette patiente, dont je me suis occupée pendant 1 mois, m’a fait beaucoup réfléchir sur plusieurs plans de la prise en charge globale d’un patient. Tout d’abord, ce temps perdu à faire le diagnostic de gale (même si c’était une forme peu typique) m’a semblé avoir été très délétère pour la patiente, elle est ainsi arrivée dans le service « à bout », très asthénique, se trouvant laide avec toutes ces lésions cutanées, et lassée du prurit permanent. On nous apprend lors de nos études que tout prurit en collectivité doit nous faire penser à une gale, mais on se rend bien compte que la réalité est souvent beaucoup plus difficile à gérer que la théorie. C’est pourquoi, je vais développer un point sur la gale, son diagnostic et sa prise en charge pour faire le point sur cette parasitose de plus en plus fréquente en médecine de ville. Ensuite, la prise en charge de cette patiente fut formatrice pour moi en ce qui concerne la prise en charge des plaies en général, mais surtout des ulcères veineux. Toutes les 48h, j’étais appelée pendant ma visite pour voir les pansements que les infirmières étaient en train de lui faire, et je me trouvais très souvent démunie lorsqu’elles me demandaient ce que je voulais qu’elles fassent comme pansement. Je leur disais souvent de faire comme bon leur semblait, mais cette réponse ne me satisfaisait jamais assez, par conséquent, je décrirai dans ma seconde partie la prise en charge des ulcères veineux particulièrement, que prescrire et quelle attitude adopter en ville. Enfin, le mois passé avec Madame D. fut un mois compliqué et difficile sur le plan psychologique, tant sur la prise en charge directe avec la patiente, ma relation médecin-patient, qu’avec l’équipe soignante. Beaucoup de facteurs rentraient en compte : une psychose s’est installée dans le service avec une peur de tous d’attraper la gale, la souffrance psychologique de la patiente qui se sentait exclue, « pestiférée » avec du coup un syndrome dépressif secondaire, et en même temps

c’était difficile pour nous soignant de venir dans sa chambre car la patiente était en demande permanente, se plaignant toujours de la prise en charge des autres. Ma troisième partie portera donc sur la prise en charge des patients dits « pénibles », et la mise en difficulté de la prise en charge thérapeutique. Axes développés : 1/ Diagnostic et prise en charge de la gale en ville et en EHPAD 2/ Prise en charge des ulcères des membres inférieurs 3/ Patient pénible et mise en difficulté de la relation thérapeutique

1. Diagnostic et prise en charge de la gale en ville et en EHPAD La gale est une ectoparasitose cutanée très contagieuse due à un acarien, le Sarcoptes scabiei var. hominis. La maladie touche les individus de tout âge et de tous milieux sociaux. Le diagnostic de la gale est difficile, les épidémies sont fréquentes et le traitement est mal codifié. La transmission est essentiellement interhumaine par contact direct. La transmission indirecte par les vêtements ou la literie est plus rare, sauf dans les cas des gales profuses ou hyperkératosiques. La dissémination du parasite est favorisée par la vie en collectivité et le non-respect des règles d’hygiène. Il n’existe pas de guérison spontanée de la gale. Le traitement individuel, produit à usage local ou traitement par voie générale, doit s’accompagner du traitement de l’entourage et de l’environnement.

1.1 Données épidémiologiques En France, la gale n’est pas une maladie à déclaration obligatoire. Il n’existe pas de système de surveillance spécifique permettant d’estimer l’incidence de l’infection en population générale. Les cas communautaires n’ont pas une obligation spécifique de signalement. Les cas de gale survenant dans les établissements de santé doivent être signalés dans le cadre du signalement réglementaire des infections nosocomiales. Il est à noter que les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD) ne relèvent pas des établissements sanitaires. En EHPAD, le diagnostic d’épidémie avérée peut être retenu dès lors que deux cas de gale surviennent à moins de six semaines d’intervalle dans la même communauté. L’incidence de cette maladie a augmenté en France de 10% depuis 2002. L’incidence estimée de la gale en France se situe dans une fourchette de 330 à 350 cas et contacts pour 100 000 habitants/an. En termes de coût, en 2010, un traitement par ivermectine coûtait environ 6 euros pour un enfant, et 30 euros pour un adulte, remboursé à 65% par la Sécurité Sociale. En revanche, aucun scabicide local ou à visée de désinfection environnementale n’est remboursé, le Stromectol® coûtant entre 12 et 15 euros, et l’Apar® 10 euros. Ainsi, en 2010, un traitement complet pour une famille représentait une dépense d’au moins 75 euros.

1.2 Diagnostic de la gale La transmission interhumaine se fait principalement par contact direct, « peau contre peau ». Les facteurs favorisant la transmission sont les contacts physiques rapprochés et prolongés : vie familiale,

contacts sexuels, vie en collectivité. Une transmission indirecte à partir du linge, de la literie ou même de canapés en tissu ou en cuir, etc. est parfois évoquée. La durée d’incubation est d’environ trois semaines, mais réduite à moins de trois jours lors d’une ré-infestation (car il existe un mécanisme d’hypersensibilité vis-à-vis du sarcopte). Il existe également une immunité protectrice qui expliquerait la moindre symptomatologie en cas de ré-infestation ainsi qu’une charge parasitaire plus faible. a. Formes cliniques  Dans la forme de gale commune, les lésions cutanées peuvent être observées partout sur le corps, avec une plus grande fréquence sur les espaces interdigitaux des mains, la face antérieure des poignets, des coudes, la région ombilicale, axillaire et génitale. Le dos est beaucoup moins souvent atteint. Le cou et le visage sont en règle épargnés en dehors des formes cliniques particulières. Le sillon scabieux est un signe clinique spécifique. Il réalise une petite lésion cutanée sinueuse, filiforme progressant de 5mm/jour environ. Il s’observe surtout aux régions interdigitales des mains et sur les faces antérieures des poignets. A l’un des extrémités du sillon, peut exister parfois une surélévation de la taille d’une tête d’épingle, qui correspond à la position de la femelle adulte. Les vésicules perlées se présentent comme des vésiculo-pustules cutanées localisées dans les territoires de prédilection de la gale. Le nodule scabieux se présente comme un nodule de 5 à 10 mm de diamètre, de couleur rougebrun cuivré, et infiltré à la palpation. L’évolution vers la régression est longue, allant jusqu’à plusieurs mois après la guérison de la scabiose. Il s’agit d’une réaction d’hypersensibilité de type granulome à des antigènes persistants de sarcoptes morts.  La gale hyperkératosique (croûteuse), anciennement dénommée gale norvégienne est plutôt observée en cas d’immunodépression (infection par le VIH, traitement immunosuppresseur). Elle se manifeste par une érythrodermie prurigineuse et squamo-croûteuse (« hyperkératosique »), une atteinte du visage est fréquente. La prolifération parasitaire est considérable, responsable d’une contagion extrême et de difficultés thérapeutiques.  Chez le nourrisson, le prurit se traduit par une agitation, puis surviennent les lésions de grattage. Il existe certaines particularités : les lésions vésiculeuses pustuleuses sont typiquement localisées aux régions palmo-plantaires et les nodules scabieux sont plus volontiers localisés aux régions inguino-génitales et aux creux axillaires.  Chez le sujet âgé, le diagnostic est souvent tardif, car le prurit a de nombreuses causes et est souvent considéré comme « sénile », ce qui provoque un retard diagnostique et un nombre de sujets atteints élevé. De plus, la présentation clinique est volontiers atypique, avec une atteinte du dos plus fréquente ou des formes bulleuses. Dans les maisons de retraite, c’est parfois l’apparition de cas chez le personnel soignant qui révèle une épidémie. Dans le cas de Madame D., c’est exactement ce qui s’est passé, sa présentation clinique était atypique, avec de multiples lésions dorsales (cf. photos 1 et 2), et son prurit pouvait avoir de multiples étiologies.

Photos 1 et 2 : lésions cutanées de Madame D., atypiques avec atteinte du dos. Pas de sillons.

 La complication la plus répandue est l’impétiginisation du fait du grattage. Les principales bactéries en cause dans cette surinfection sont Streptococcus pyogenes et Staphylococcus aureus. b. Diagnostic positif de la gale En pratique, le diagnostic de gale commune est souvent clinique : interrogatoire à la recherche d’un contage et de cas dans l’entourage (le caractère conjugal ou familial est très évocateur), prurit à recrudescence nocturne et localisations caractéristiques des lésions cutanées. Cependant il faut encourager sa confirmation microscopique par un examen dermatoscopique ou parasitologique. Le diagnostic de gale hyperkératosique doit être parasitologique.  La confirmation diagnostique par prélèvement parasitologique doit être, au mieux, réalisée devant toute suspicion clinique de gale, si les conditions logistiques le permettent. En cas de gale hyperkératosique ou de gale profuse, et en cas d’épidémie en collectivité, il est indispensable de prélever le cas index afin d’avoir une confirmation parasitologique. Le prélèvement parasitologique permet de visualiser le sarcopte, les œufs et les larves par l’examen au microscope du produit de grattage des lésions spécifiques. Voici en photo 3 un sarcopte visualisé au microscope pour Madame D., avec un œuf à l’intérieur, transmis par le parasitologue de l’hôpital :

Photo 3 : sarcopte visualisé dans les prélèvements de Mme D

Cette technique est « opérateur-dépendante », « temps-dépendante » et elle manque de sensibilité dans la gale commune, en raison du nombre peu élevé de sarcoptes. La sensibilité augmente avec le nombre de sites testés et si l’examen est répété dans le temps. Ainsi, une moyenne de 3 à 6 prélèvements par patient doit être réalisée avant de rendre un résultat parasitologique négatif. La spécificité est en revanche excellente, rendant cette technique intéressante dans les gales atypiques. La négativité du prélèvement parasitologique n’élimine pas le diagnostic de gale car la sensibilité de cette technique est faible. C’est ainsi une limite de cette technique pour notre pratique de médecine de ville. Il parait en effet peu réalisable et très contraignant pour le patient qu’il aille plusieurs fois en laboratoire de ville afin d’effectuer ces prélèvements. 

La dermoscopie est utilisée dans le diagnostic de la gale depuis quelques années.

A fort grossissement (X40), elle permet de visualiser le sarcopte comme une structure triangulaire ressemblant à un avion vu du ciel. A plus faible grossissement (X10 ou X20), avec un dermatoscope de poche, moins coûteux et beaucoup plus simple d’utilisation, le sarcopte se visualise sous la forme d’un triangle noir de très petite taille (signe dit du deltaplane). Cette technique est également très opérateur-dépendante et limitée par le coût de l’équipement. Elle présente l’avantage indiscutable d’être rapide, permettant l’exploration de plusieurs sites en quelques minutes et peut guider le prélèvement parasitologique, et est non invasive.  Il n’existe pas en routine de diagnostic biologique de gale. L’intérêt du dosage des IgE spécifiques dirigée contre des antigènes du sarcopte est en cours d’évaluation. Cette méthode n’est pas utilisée en pratique courante. Tableau comparatif des différentes méthodes diagnostiques : parasitologique et dermatoscopique Sensibilité (%) Spécificité (%) Valeur prédictive positive (%) Valeur prédictive négative (%)

Diagnostic parasitologique 90 100 100 90

Diagnostic dermatoscopique 91 86 88 90

c. Diagnostic différentiel de la gale Les principaux diagnostics différentiels sont les dermatoses prurigineuses telles que la dermatite atopique, le lichen plan, les eczémas généralisés, le prurigo et le prurit sénile des personnes âgées. Certaines gales bulleuses peuvent mimer cliniquement et histologiquement une pemphigoïde bulleuse. Le diagnostic différentiel de la gale hyperkératosique est le psoriasis.

1.3 Prise en charge de la gale Le traitement est basé sur l’utilisation d’acaricides par voie locale ou générale. Les molécules utilisées ne sont pas actives sur les œufs de sarcoptes, mais peuvent tuer les jeunes larves à l’éclosion tant que le produit persiste. Bien que le délai entre la ponte et l’éclosion ne soit que de quelques jours, une partie des larves qui naissent tardivement peuvent échapper au traitement si les concentrations en principe actif ne sont plus suffisantes au niveau de l’épiderme. C’est une des raisons pour lesquelles un second traitement peut être considéré comme nécessaire. Il est à noter qu’après le traitement, le prurit régresse le plus souvent en deux à trois jours. Cependant, les démangeaisons peuvent persister quelques semaines sans être pour autant un signe d’échec. a. Le benzoate de benzyle/sulfiram : ASCABIOL® L’Ascabiol® est le traitement de référence en France. Il est prescrit en application unique (ou renouvelée 10 minutes plus tard) sur l’ensemble des téguments, y compris paumes, plantes, organes génitaux et cuir chevelu, en respectant les muqueuses et le visage. Le produit est laissé en place 24h puis rincé. En cas de lavage des mains, le produit doit être immédiatement réappliqué. L’efficacité d’une application unique ne dépasse toutefois pas 60% dans les différents essais comparatifs. Certains auteurs recommandent donc une répétition des applications : le schéma thérapeutique avec 2 applications consécutives de 24h, avec rinçage du produit entre les deux applications, a un taux de succès supérieur à 95%. L’Ascabiol® n’a aucune contre-indication. Si le traitement est mal conduit, il peut entrainer une dermite d’irritation, notamment sur le visage et le scrotum. Il est responsable d’eczématisation chez les patients atopiques ou à la peau sensibilisée. Le benzoate de benzyle n’est pas tératogène chez l’animal et les données sont rassurantes chez les femmes enceintes. L’Ascabiol® a l’AMM chez la femme enceinte pour un temps d’application de 12h. La toxicité neurologique du benzoate de benzyle est connue, mais aucun cas d’intoxication n’a été rapporté en utilisation thérapeutique normale. Il existe un risque d’effet antabuse avec le sulfiram, devant faire éviter la consommation d’alcool pendant les 48h après l’application. Chez l’enfant de moins de 2ans, la durée d’application doit être inférieure à 12h, voire 6h chez les très jeunes enfants. b. L’ivermectine : STROMECTOL® L’ivermectine est le premier traitement systémique de la gale humaine. Actuellement, une prise unique à jeun d’Ivermectine est recommandée, une deuxième prise étant possible en cas d’échec. Néanmoins, si l’on considère que l’ivermectine n’est probablement pas

actif sur les œufs et que le délai d’éclosion des œufs est de quelques jours, il serait logique de proposer d’emblée une deuxième dose entre le 7ème et le 14ème jour. Les modalités de prise sont donc en une prise unique, après avoir été à jeun pendant 2h, puis respecter une période de jeûne de 2h après l’administration. La posologie doit être adaptée au poids (cf. tableau) est de 200 µg/kg. Posologies du Stromectol® en fonction du poids (source : Vidal) Poids corporel (kg) 15 à 24 25 à 35 35 à 50 51 à 65 66 à 79 >80

Dose en nombre de cp à 3mg 1 2 3 4 5 6

L’étude de la résistance des sarcoptes aux traitements est difficile à évaluer. Les échecs cliniques peuvent avoir de multiples causes en dehors d’une résistance au traitement, telles qu’une recontamination à partir de l’entourage ou des linges, ou la mauvaise réalisation des traitements topiques. Deux cas de résistance à l’ivermectine per os ont été décrits. Ces patients avaient reçu 30 et 58 doses de la substance sur une durée de 4 ans. Ainsi une résistance à l’ivermectine pourrait être induite par un traitement répété. Les cas d’échec de traitement par ivermectine semblent dus à une faible action sur les œufs et non pas à des vraies résistances. D’où l’utilisation de l’ivermectine en association au traitement local lors des épidémies en milieu hospitalier afin d’éradiquer au mieux l’infection. Il faut espérer qu’une généralisation de l’emploi de cette molécule ne conduise pas à une sélection de parasites résistants. Le traitement de la gale hyperkératosique ou du sujet immunodéprimé est difficile et nécessite en général plusieurs applications de scabicide topique, exposant à des problèmes d’intolérance cutanée ou de toxicité. Il doit être effectué en milieu spécialisé. Quelques études ont cherché à comparer l’Ascabiol® et l’ivermectine, mais ces études sont très hétérogènes dans les modalités d’application et la durée de suivi, donc difficiles à comparer entre elles. La méthodologie est pauvre et beaucoup d’entre elles et le nombre de patients inclus est faible. Elles ne permettent pas d’affirmer actuellement la supériorité d’une molécule sur l’autre c. Esdépalléthrine /butoxyde de pipéronyle : SPREGAL® La présentation du Sprégal® en aérosol facilite son utilisation sur la majorité du corps par simple pulvérisation, à l’exception du cuir chevelu où il vaut mieux utiliser un coton imbibé de produit. Sa durée d’application est de 12h. Selon le libellé de l’AMM, une 2ème application à 15 jours peut être envisagée selon l’évolution. Du fait de son caractère irritant et de la voie d’administration (aérosol), le Sprégal® est contreindiqué chez les sujets asthmatiques, les nourrissons ou les enfants ayant des antécédents de bronchiolites. Il n’y a pas de données publiées chez les femmes enceintes exposées au Sprégal®, ce produit n’est donc à utiliser pendant la grossesse que si nécessaire. d. Conduite à tenir en pratique clinique



Traitement individuel

En l’état actuel des connaissances, il n’y a pas de niveau de preuve suffisant pour recommander préférentiellement le traitement per os ou celui par voie locale ou une association des deux. Néanmoins, il existe un certain nombre d’arguments en faveur du traitement par ivermectine par voie orale : -

La facilité d’utilisation, avec une observance attendue meilleure Seule l’ivermectine est remboursable par la Sécurité Sociale La commission de transparence de la HAS estime important le rapport efficacité/tolérance de l’ivermectine dans le traitement de la gale.

Actuellement, il n’y a pour l’instant pas de niveau de preuve suffisant pour recommander deux doses plutôt qu’une dose de traitement oral ou deux applications plutôt qu’une de traitement local. Cependant, un 2ème traitement, entre le 7ème et le 14ème jour, apparaît nécessaire car : -

Les différents produits utilisés ne sont pas efficaces sur les œufs de sarcoptes Les taux de succès en cas de traitement unique sont moins élevés

En cas de gale profuse ou hyperkératosique, un traitement par voie orale et locale simultanés est nécessaire. Cette prise en charge doit être effectuée auprès d’un spécialiste, le dermatologue. 

Traitement de l’entourage

Il dépend du degré de promiscuité avec le cas index, les sujets contacts sont définis en 3 cercles : -

1er cercle : personnes ayant eu un contact cutané direct, prolongé avec un cas (entourage familial proche, relations sexuelles, soins de nursing…) 2ème cercle : personnes vivant ou travaillant dans la même collectivité 3ème cercle : personnes vivant occasionnellement dans la collectivité, et l’entourage familial proche des personnes fréquentant régulièrement la collectivité.

En cas de gale commune, tous les sujets contacts du 1er cercle, même asymptomatiques, doivent être traités. En cas de gale profuse ou hyperkératosique, les sujets contacts du 1er et du 2ème cercles doivent être traités. Si des cas secondaires sont retrouvés dans les 2 premiers cercles, on étendra le traitement au 3ème cercle. 

Mesures d’hygiène

Il est important de traiter dans le même temps les vêtements et le linge de lit de toutes les personnes vivant sous le même toit, utilisé depuis moins de 72h en cas de gale commune, et depuis moins de 10 jours en cas de gale profuse/hyperkératosique. Un simple lavage du linge en machine à 60° permet de décontaminer efficacement le linge. Dans le cas où le linge ne peut être lavé en machine à cette température, l’utilisation d’un acaricide (type Apar®) permet de procéder à une désinfection du linge dans un délai relativement court. Le linge peut aussi être laissé dans un sac plastique pendant au moins 72h à température ambiante intérieure (>20°). Le traitement de l’environnement est indiqué en cas de gale profuse, et est probablement inutile en cas de gale commune. Il sera éventuellement à envisager en fonction du contexte : nombre important de cas, contexte socio-économique, répétition des épisodes, etc.

Il apparait préférable de traiter l’environnement alors que les individus sont protégés par un traitement actif, soit dans les 12h suivant la prise d’ivermectine ou le badigeon d’Ascabiol®. Par ailleurs, il est nécessaire de respecter un délai de 12h avant de pouvoir réutiliser une literie qui a été désinfectée par un acaricide.

2. Prise en charge des ulcères des membres inférieurs L’ulcère de jambe est une perte de substance cutanée chronique sans tendance à la cicatrisation spontanée. Elle concerne 0.5% des patients >60ans et jusqu’à 2% des patients >80ans, entraînant un coût majeur en terme de santé publique. La majeure partie des ulcères de jambe est d’origine vasculaire, compliquant une pathologie veineuse (le plus souvent), artérielle ou microcirculatoire.

2.1 Rappel sur les principales caractéristiques des ulcères vasculaires

GENERALITES

TERRAIN

ULCERE VEINEUX

ULCERE ARTERIEL

ANGIODERMITE NECROTIQUE

Le plus fréquent Habituellement post-phlébitique (80%) Insuffisance veineuse importante (stase ++) ATCD de phlébite

Véritable tournant évolutif dans l’histoire de l’AOMI (stade IV)

Véritable « infarctus cutané » lié à une occlusion des artérioles distales

Facteurs de risque d’athérome (tabac ++) Fréquence de localisations de d’athérome dans un autre territoire (coronaires, vaisseaux du cou) Habituellement récent ou mal toléré

HTA, diabète Fréquence d’une AOMI associée (environ 2/3)

HISTORIQUE

Souvent ancien et/ou récidivant, bien toléré

SIGNES FONCTIONNELS ASSOCIES SIEGE

Symptômes d’insuffisance veineuse

SYMPTÔMES

Peu ou pas douloureux

ASPECT

CONTOURS

*Fond : volontiers humide. Aspect variable selon le stade évolutif. Peu profond * Tendance évolutive : non creusant Pas de nécrose Généralement réguliers

TAILLE

Souvent volumineux

TEGUMENTS PERI-ULCEREUX

Troubles trophiques de l’insuffisance veineuse chronique (capillarites, hypodermite) Intégrité des pouls périphériques Altération du système veineux

EXAMEN VASCULAIRE

Péri-malléolaire

AOMI symptomatique (stade II, III), mais critères inconstants (par ex : patient peu valide) En distalité ou à distance des malléoles (caractère « supendu ») Douleur intense, permanente, insomniante. Maximale la nuit et à l’élévation du membre *Fond : volontiers atone, souvent profond * Tendance évolutive : creusant, mettant à nu les structures sousjacentes. Nécrose. Bords abruptes

Variable. Habituellement de petite taille Peau fine, atrophique, luisante, froide et dépilée Anomalies des pouls périphériques

Récent, très mal toléré Fréquence d’un traumatisme mineur initial

Face antéro-externe de jambe Douleur constante, majeure, insomniante *nécrotique +++ *superficiel +++ *Tendance évolutive : extension rapide -irréguliers (« géographiques ») -bordés d’un liseré cyanique, livédoïde Variable, souvent étendu, parfois circonférentiel Halo cyanique, livédoïde +/purpurique Pas de signe associé d’artériopathie ou d’insuffisance veineuse

L’ulcère mixte (veineux et artériel) est relativement fréquent, il aggrave le pronostic et complique considérablement la prise en charge thérapeutique. Il prend souvent l’apparence d’un ulcère purement veineux au 1er abord, mais la présence de douleurs spontanées ou de décubitus, le caractère anormalement creusant ou rebelle de cet ulcère (retard de cicatrisation, ou encore la présence de plages de nécroses doit faire suspecter le diagnostic et faire rechercher une insuffisance artérielle sous-jacente. L’angiodermite nécrosante est une entité particulière, une « capillarite », une occlusion distale de l’artère terminale. Les autres étiologies d’ulcères, non vasculaires, sont infectieuses, la présence d’une hémopathie (maladie de Vaquez, thrombocytémie, chez les sujets jeunes, suspecter une drépanocytose ou une thalassémie), les cancers cutanés ou les vascularites cutanées (lupus…). L’ulcère veineux s’explore avec un écho-doppler veineux des membres inférieurs, confirmant le diagnostic et précisant le mécanisme et la localisation, afin de réaliser une véritable cartographie des reflux et points de fuite. L’échographie veineuse doit être compléter par un écho-doppler artériel en cas d’abolition des pouls périphériques, de signes cliniques d’AOMI ou d’un IPS (indice de pression systolique (=pression tibiale postérieure/pression humérale, normale entre 1 et 1.3)) compris entre 0.9 et 1.3. Un IPS entre 0.7 et 0.9 correspond à un ulcère mixte à prédominance veineuse (AOMI n’expliquant pas l’ulcère). L’ulcère artériel nécessite un écho-doppler artériel des membres inférieurs, permettant de montrer le niveau, le type des lésions, le retentissement d’aval et il permet aussi de mesurer la baisse de l’IPS.

2.2 Prise en charge thérapeutique Le traitement local de l’ulcère ne peut être dissocié de la prise en charge de l’affection qui l’a généré. a. Principes généraux de prise en charge 

Traitement étiologique +++

-

Si insuffisance veineuse o Traitement efficace de la stase veineuse : port de contention adaptée  Une compression de haut niveau 30 à 40 mmHg à la cheville) est recommandée si l’IPS est entre 0.8 et 1.3. Il faut :  Appliquer la compression soit dès le lever, soit 24h/24 (dans ce cas, préférer les bandes peu élastiques, mieux tolérées la nuit)  Favoriser les compressions multicouches. Les pressions s’additionnent en cas de superposition de bas à faible niveau de compression)  Obtenir une bonne observance en adaptant le système de compression au cas par cas (ex : utiliser des bandes de contention tant que l’ulcère n’est pas cicatrisé)  Respecter les règles de bonne utilisation de la compression o Supprimer les points de reflux (scléroses, chirurgie)

-

Si insuffisance artérielle o Revascularisation si nécessaire : stent, angioplastie, pontage

o o

Correction des facteurs de risque cardio-vasculaires Anticoagulants, anti-agrégants

-

Si ulcère mixte : traitement plus délicat o Adapter la contention, si elle est autorisée (si 0.8
View more...

Comments

Copyright � 2017 NANOPDF Inc.
SUPPORT NANOPDF