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March 16, 2018 | Author: Anonymous | Category: Science, Médecine, Endocrinologie
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diabétologie Urgences en endocrinologie, et maladies métaboliques

Hyponatrémie de dilution sévère dans le cadre du syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique Severe hyponatremia revealing an inappropriate antidiuretic hormone secretion H. Lefebvre*

Introduction, définition La natrémie représente le principal déterminant de l’osmolalité plasmatique. Elle doit donc être maintenue en permanence dans des limites étroites (135-145 mmol/l), notamment grâce à l’intervention de plusieurs hormones régulant le capital sodé et le volume d’eau total. L’hormone antidiurétique (ADH), ou arginine vasopressine (AVP), joue un rôle majeur dans le contrôle de l’homéostasie hydrique en stimulant la réabsorption d’eau libre au niveau du néphron distal. Sa sécrétion par l’hypothalamus est normalement activée par l’hyperosmolalité plasmatique et l’hypovolémie. En dehors de ces deux situations, l’augmentation de la libération d’ADH dans la circulation est inadaptée et caractérise le syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH). L’excès d’ADH va favoriser une rétention hydrique et une augmentation de la volémie. La stimulation de la sécrétion de facteur natriurétique auriculaire qui en résulte va entraîner une inflation de la natriurèse. Le SIADH se traduit par une hyponatrémie de dilution le plus souvent sans traduction clinique. Néanmoins, l’excès d’ADH peut parfois induire l’apparition d’une hyponatrémie sévère (< 125 mmol/l) respon* Service d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, CHU de Rouen.

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sable de signes cliniques, notamment neurologiques, nécessitant une prise en charge thérapeutique rapide.

Cadre de survenue Le SIADH peut compliquer l’évolution d’une maladie déjà connue, telle qu’une néoplasie bronchique, par exemple, ou constituer la circonstance révélatrice d’une affection encore non diagnostiquée nécessitant souvent un traitement spécifique (1). Les causes de SIADH sont très nombreuses (tableau). Elles incluent divers médicaments capables de stimuler la sécrétion d’ADH ou de potentialiser son action rénale, ainsi qu’une grande variété de pathologies neurologiques, pulmonaires, endocriniennes et tumorales. Les étiologies endocriniennes des SIADH comportent l’insuffisance corticotrope et l’insuffisance thyroïdienne, qu’elles soient isolées ou associées dans le cadre de l’insuffisance antéhypophysaire.

Diagnostic positif Signes cliniques L’hyponatrémie de dilution est habituellement bien supportée sur le plan clinique. L’apparition de signes cliniques est corrélée à sa profon-

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deur, mais surtout à sa vitesse d’installation. Ainsi, une hyponatrémie sévère chronique (115-125 mmol/l) peut être bien tolérée. En règle générale, les signes cliniques s’installent lorsque la natrémie s’abaisse rapidement au-dessous de 125 mmol/l. Ils associent des signes d’encéphalopathie hyponatrémique : nausées, céphalées, asthénie, voire désorientation, troubles de la conscience, convulsions et coma. En revanche, malgré l’inflation hydrique, il n’y a pas d’œdème en raison de l’élévation du facteur natriurétique plasmatique responsable d’une fuite sodée urinaire.

Diagnostic biologique Le diagnostic biologique du SIADH sévère repose en premier lieu sur la mise en évidence de l’hyponatrémie, classiquement inférieure à 125 mmol/l dans ce cadre. Les pseudohyponatrémies liées aux hyperlipidémies majeures et aux hyperprotidémies monoclonales satellites de la maladie de Waldenström ou du myélome multiple seront suggérées par le contexte pathologique, par l’aspect lactescent du sérum ou par la mise en évidence d’une hyperprotidémie considérable. Outre l’hyponatrémie, les examens biologiques usuels montrent une kaliémie normale et des signes d’hémodilution : hypoprotidémie et abaissement du taux d’hématocrite. Une hypo-uricémie

Troisième partie : Hypophyse-Surrénales

Tableau. Principales étiologies du SIADH.

Causes endocriniennes – Insuffisance corticotrope – Hypothyroïdie – Insuffisance antéhypophysaire Causes neurologiques et psychiatriques – Infections méningées ou cérébrales – Tumeur primitive ou secondaire – Traumatisme cérébral – Thromboses vasculaires, hémorragie méningée, hématome sous-dural – Hydrocéphalie – Psychose – Delirium tremens – Affections diverses : sclérose en plaques, syndrome de Guillain et Barré, neurosarcoïdose, porphyrie aiguë intermittente Causes pulmonaires – Pneumopathies bactériennes ou virales, tuberculose – Pneumoconioses – Insuffisance respiratoire aiguë – Pneumothorax – Atélectasie Causes tumorales – Carcinomes bronchiques, notamment à petites cellules – Tumeurs digestives – Carcinome prostatique – Thymomes malins – Leucémies Médicaments ou toxiques Stimulant la production d’ADH – Neuroleptiques – Antidépresseurs tricycliques et sérotoninergiques, inhibiteurs de la monoamino-oxydase – Carbamazépine – Antimitotiques : cyclophosphamide, vincristine, vinblastine – Bromocriptine – Nicotine Potentialisant l’action rénale de l’ADH – Chlorpropamide – Clofibrate – Oméprazole – AINS, salicylés – Carbamazépine – Cyclophosphamide – Colchicine Surdosage en ADH d’origine exogène – Desmopressine – Ocytocine Nausées importantes répétées Période postopératoire SIADH idiopathique

est fréquemment rencontrée et constitue un excellent signe de SIADH. L’absence d’insuffisance rénale fonctionnelle (l’urémie est même souvent abaissée) est également un bon indice diagnostique dans la mesure où elle permet d’écarter une éventuelle hyponatrémie de déplétion. Les dosages urinaires montrent une concentration de sodium supérieure à 20 mmol/l ainsi qu’une osmolalité urinaire inappropriée (> 100 mosmol/kg) contrastant avec l’hypo-osmolalité sanguine (< 280 mosmol/kg). Enfin, le dosage de l’ADH circulante n’a pas d’intérêt dans le cadre de la prise en charge rapide du SIADH sévère.

favoriser l’apparition d’une hyponatrémie parfois sévère. La recherche de signes cliniques d’insuffisance antéhypophysaire doit être systématique (2). En revanche, l’hypothyroïdie isolée ne peut entraîner une hyponatrémie profonde, à l’exception du coma myxœdémateux, qui fait l’objet d’un chapitre spécifique du présent ouvrage. Lorsque l’enquête étiologique n’a pas permis de préciser le mécanisme causal du SIADH, la réalisation d’examens complémentaires radiologiques (échographie, scanner) et d’une fibroscopie bronchique est indiquée pour rechercher un éventuel processus néoplasique profond. Les SIADH inexpliqués sont relativement rares, sauf chez la personne âgée où leur fréquence peut atteindre 60 % (3).

Diagnostic étiologique La détermination de la cause du SIADH est une étape importante de la prise en charge en urgence de l’hyponatrémie de dilution sévère, et ce pour deux raisons principales : l’hyponatrémie résiste souvent au traitement symptomatique lorsque son étiologie n’a pas été traitée ; la maladie causale peut nécessiter l’instauration rapide d’une thérapeutique spécifique. Les circonstances de survenue et les données cliniques permettent le plus souvent de préciser la cause du SIADH. L’interrogatoire doit rechercher en premier lieu les prises médicamenteuses ainsi que les antécédents médicaux et chirurgicaux. L’apparition d’un SIADH en période postchirurgicale n’est pas exceptionnelle puisqu’elle concerne environ 1 % des opérés. Il faut également rappeler qu’un SIADH transitoire peut survenir six à dix jours après la résection transphénoïdale d’un adénome hypophysaire. Plusieurs affections ne posent aucun problème diagnostique, comme les pneumopathies ou les maladies neurologiques évolutives. La potomanie chez un patient psychiatrique traité par neuroleptique ou par antidépresseur peut

Conduite à tenir La prise en charge thérapeutique du SIADH sévère répond à deux grands principes généraux : ✓ elle doit impérativement comprendre deux volets : le traitement de l’affection causale et la correction de l’hyponatrémie ; ✓ le traitement de l’hyponatrémie symptomatique obéit à des règles strictes dans la mesure où, si les risques de l’hyponatrémie sévère sont bien connus, sa correction trop rapide ou excessive (amenant la natrémie à des valeurs supérieures à 140 mmol/l) est susceptible d’entraîner des lésions cérébrales à type de myélinolyse centropontine et extrapontine. Il faut malgré tout souligner que la correction rapide d’une hyponatrémie aiguë est mieux tolérée que celle d’une hyponatrémie chronique (4, 5). En pratique, la conduite suivante peut être proposée (6) : ✓ arrêt de la médication responsable du SIADH si le contexte pathologique le permet, ce qui n’est pas toujours le cas. À titre d’exemple, il est souvent impossible d’arrêter brutalement un traitement psycho-

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diabétologie Urgences en endocrinologie, et maladies métaboliques trope chez des patients atteints de dépression endogène ou de psychose chronique ; ✓ traitement spécifique de l’étiologie : antibiothérapie en cas de pneumopathie, exérèse chirurgicale d’une tumeur sécrétrice d’ADH après correction (au moins partielle) de l’hyponatrémie si cette dernière est symptomatique. En cas de forte suspicion d’insuffisance corticotrope (présence de signes d’insuffisance antéhypophysaire, antécédent de corticothérapie, d’adénome et/ou de chirurgie hypophysaire), il est indispensable d’administrer, sans délai, de l’hydrocortisone par voie parentérale (lire le chapitre consacré à l’insuffisance surrénale aiguë) après avoir effectué un prélèvement veineux pour dosage ultérieur de la cortisolémie. De même, l’hypothyroïdie profonde avec hyponatrémie de dilution sera prise en charge selon les modalités décrites dans le chapitre consacré au coma myxœdémateux. Le traitement de l’hyponatrémie sera mené selon les modalités suivantes : ✓ lorsque l’hyponatrémie est peu ou pas symptomatique, la restriction hydrique modérée à sévère (1 200 à 500 ml/j), éventuellement associée à un apport sodé oral ou parentéral, permet en règle générale la normalisation progressive de la natrémie ; ✓ si l’hyponatrémie est symptomatique, il est nécessaire de perfuser du chlorure de sodium isotonique, voire hypertonique, notamment en cas de manifestations neurologiques graves. La vitesse de remontée de la natrémie peut être initialement élevée (2 mmol/l/h pendant les quatre premières heures). Par la suite, le rythme de perfusion du chlorure de

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sodium devra être ralenti pour que l’augmentation de la natrémie ne dépasse pas 12 à 15 mmol/l au terme des 24 premières heures et 25 mmol/l au bout de 48 heures (7). L’apport en sel est associé à une restriction hydrique lorsque la régression des symptômes neurologiques permet la reprise de l’alimentation ; ✓ lorsque l’association restriction hydrique/apport sodé ne permet pas d’obtenir une natrémie supérieure à 130 mmol/l, le recours au furosémide à petite dose (40 à 60 mg/j en deux prises) peut être proposé en compensant les pertes électrolytiques. L’urée administrée par voie orale (30 g/j dilués dans 100 ml d’eau) a également fait la preuve de son efficacité. Elle permet en effet d’entretenir une diurèse significative en générant une charge osmotique urinaire importante. La déméclocycline (Ledermycine®), une tétracycline qui s’oppose à l’action de l’ADH, peut être délivrée sur prescription hospitalière lorsque la natrémie reste inférieure à 125 mmol/l malgré les mesures thérapeutiques citées précédemment. La posologie recommandée est de 900 à 1 200 mg par jour en deux prises pour les dix premiers jours, puis de 600 mg par jour par la suite. Elle nécessite une surveillance étroite de la fonction rénale en raison de sa néphrotoxicité. Le lithium, qui diminue la sensibilité du tubule rénal à l’ADH, a lui aussi été utilisé dans ce cadre, mais sa toxicité potentielle le rend difficile à manier. Enfin, des antagonistes du récepteur rénal de l’ADH (récepteur V2), tels que le conivaptan et le tolvaptan, sont actuellement développés par l’industrie pharmaceutique. Les études

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cliniques déjà publiées confirment l’efficacité de ces molécules dont la tolérance paraît satisfaisante.

Prévention Les déficits endocriniens, les insuffisances surrénale et thyroïdienne, doivent bien sûr être correctement substitués. Les patients insuffisants corticotropes doivent, en outre, parfaitement connaître les mesures de prévention de l’insuffisance surrénale aiguë (lire le chapitre “Insuffisance surrénale aiguë chez l’adulte” p. 212). Chez les patients atteints de maladies chroniques potentiellement responsables de SIADH ou traités au long cours par un médicament stimulant la sécrétion ou les effets de l’ADH, il est logique de proposer une limitation des apports hydriques pour maintenir la natrémie dans les valeurs normales. Références 1. Anderson RJ, Chung HM, Kluge R et al. Hyponatremia: a prospective analysis of its epidemiology and the pathogenetic role of vasopressin. Ann Intern Med 1985;102:164-8. 2. Oelkers W. Hyponatremia and inappropriate secretion of vasopressin (antidiuretic hormone) in patients with hypopituitarism. N Engl J Med 1989;321:492-6. 3. Hirshberg B, Ben-Yehuda A. The syndrome of inappropriate antidiuretic hormone secretion in the elderly. Am J Med 1997;103:270-3. 4. Berl T. Treating hyponatremia: damned if we do and damned if we don’t. Kidney Int 1990; 37:1006-18. 5. Sterns RH. The treatment of hyponatremia: first, do no harm. Am J Med 1990;88:557-60. 6. Decaux G, Soupart A. Treatment of symptomatic hyponatremia. Am J Med Sci 2003;326:25-30. 7. Arieff AI. Management of hyponatremia. Brit Med J 1993;307:305-8.

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