1_ Maddalena Tibertelli de Pisis, Le cas de Monsieur Sarmiento

January 10, 2018 | Author: Anonymous | Category: Histoire, Histoire de l'Europe, Renaissance (1330-1550)
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Le cas de Monsieur Sarmiento et les artistes italiens résidant à Paris dans les années Trente. Plusieurs peintres italiens vivant à Paris en 1928 décident de former le groupe des « Italiens de Paris ». Ce groupe est composé d’artistes dont quelques-uns sont déjà reconnus dans le milieu culturel méditerranéen, entre le Futurisme et la Métaphysique : Giorgio de Chirico, Alberto Savinio, Gino Severini, Massimo Campigli, René Paresce, Mario Tozzi et Filippo de Pisis. Jusqu’en 1933, ils inaugureront plusieurs expositions ensemble. Au début, ce fut un groupe de petite taille sans chef de file, mais la plupart n’était que de passage. Bien que Giorgio de Chirico pouvait être l’unique à pouvoir créer une place aux artistes Italiens dans l’Ecole de Paris, son tempérament trop instable et lunatique ne pût le permettre. C’est en 1926 que Mario Tozzi fonde le « Groupe des sept » avec Severini, Campigli, de Pisis, Paresce, Savinio et de Chirico pour encourager une série de manifestations d’art italien à Paris. Quelques-uns sont déjà parisiens lorsque la Première Guerre Mondiale éclate. Plusieurs ont déjà trouvé leur consécration. Bien que Gino Severini quitte la capitale française en 1926, il envoie une série de tableaux pour l’exposition « Les italiens de Paris » organisée par Mario Tozzi en 1927, et participera également au « Salon des Indépendants ». Giorgio de Chirico de retour à Paris trouvera la gloire en participant à la naissance du Surréalisme en 1924, dont il est par ailleurs considéré comme étant l’un des pères fondateurs. Alberto Savinio, frère de Giorgio de Chirico, arrive à Paris en 1926 et avec le soutien de Jean Cocteau, il dévoilera ses talents de peintre. René Paresce, homme de science et journaliste, décide de se consacrer pleinement à la peinture à son arrivée dans la ville lumière en 1925. De nouveaux italiens arrivent à Paris immédiatement après la Première Guerre Mondiale. Mario Tozzi est le lien entre ces artistes et les institutions en Italie. Il organise le premier Salon de l’Escalier en 1928 avec les « Italiens de Paris ». Massimo Campigli participe comme peintre au « Salon des Indépendants » en 1925, et bien qu’il arrive dans la capitale française comme journaliste en 1927, il décide très rapidement de se dédier pleinement à la peinture. À peine Filippo de Pisis arrive-t-il à Paris en 1925, que la Galerie Carmine lui dédie une exposition. Il y restera jusqu’en 1939 devenant omniprésent dans le circuit artistique parisien, même après le dispersement des artistes du « Groupe des sept » en 1933. 1

Les « Italiens de Paris » sont suivis par de nombreux critiques d’art influents qui appuient leur peinture et leur poésie artistique. Le plus vaillant et fidèle défenseur du groupe est Waldemar George, l’un des journalistes les plus craints de la vie artistique . Ce dernier écrit pour « La Presse », « L’Art Vivant » et « L’Amour de l’Art » et, à la fin des années Vingt, il fonde la revue « Formes ». Il est « l’enfant gâté » de l’Art Moderne, tous les artistes rêvent d’être « critiqué » par lui dans ses écrits. Ses convictions l’amènent à soutenir le mouvement du « rappel à l’ordre » que l’on peut voir en même temps en Italie et qui le porte à être en faveur des « Italiens de Paris ». Il écrit sur leurs expositions à Paris, la Biennale de Venise et diverses expositions auxquelles ils participent en Europe. Eugenio d’Ors, un intellectuel philosophe exaltant le Classicisme et l’Humanisme, est aussi un fervent défenseur des « Italiens de Paris », et tout particulièrement du travail de Giorgio de Chirico et Mario Tozzi. Maximilien Gauthier est un écrivain, critique d’art, biographe, journaliste et Président de multiples associations liées au monde artistique, ayant largement contribué à la reconnaissance de l’Art naïf et des « Italiens de Paris ». Georges Ribermont-Dessaignes, enfin, est un des premiers à adhérer au Surréalisme d’André Breton et, ensuite, à s’en éloigner. Il connait très bien l’œuvre de Giorgio de Chirico et en 1929 s’intéresse au groupe des artistes italiens en les exposant à la Galerie Zak. En 1928 Mario Tozzi, invité par le secrétaire général de la Biennale de Venise, Antonio Maraini, à s’occuper avec Paresce de choisir des artistes italiens pour une salle dédiée à l’École de Paris, commence à en réunir un groupe qui expose pour la première fois la même année au Salon de l’Escalier et après, à la XVI Biennale de Venise. C’est d’ici que le « Groupe de sept », avec d’autres artistes, commence à se dessiner comme un organisation structuré. De 1925 jusqu’en 1933 Tozzi et ses amis participent à plusieurs manifestations artistiques où ils sont présentés comme les « Italiens de Paris » : en 1929 avec « Un groupe d’Italiens de Paris » à la Galerie Zak et l’« Art italien moderne » à la Galerie Editions Bonaparte ; en 1930 à Milan « Prima mostra di pittori italiani residenti Parigi » à la Galleria Milano et à Venise pour la XVII Biennale, une salle nommée « Appels d’Italie » ; en 1931 « 22 artistes Italiens modernes » à la Galerie Georges Bernheim ; en 1932 encore à la Biennale de Venise avec une salle entière à eux dédiée ; en 1933 Paulette Pax et Lucien Beer instituent les « matinées » italiennes au Théâtre de L’Œuvre et à la Galerie Charpentier inaugure la grande revue « Italiens de Paris » présentée avec un discours official par Antonio Maraini. Cette dernière exposition était pensée avec le but

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de constituer un fond commun pour un « Syndicat italien à Paris », mais elle prend un pli différent en devenant officiellement représentative de l’art italienne dans la ville française. « Les Italiens de Paris » représente un important nœud historique. Évidement il ne s’agit pas d’une rencontre fortuite, mais d’un groupe que même le Fascisme veut attirer dans son orbite. Les critiques qui les suivent, soutiennent l’ “Idéologie italienne” c’est-à-dire à dire qu’ils reconnaissaient dans le Neo-Humanisme une reprise des constants de la culture occidentale comme le classicisme romain et la Renaissance qui deviennent le moyen pour une dévolution spirituelle, philosophique et politique. Waldemar George se définit lui-même ainsi : « Unique défenseur à Paris de l’italianisme considéré comme une forme d’art plastique ». où l’italianisme est interprété comme une « forme d’art plastique » ainsi que le Surréalisme ou l’Art Abstrait et il décrit très clairement cette théorie dans son livre “Profits et pertes de l’art contemporain” où il prend des positions presque fascistes contre l’empirisme et le rationalisme de la culture moderne. Il écrit: “Son retour sur elle même (la culture italienne), sa volonté ardente de réviser les valeurs nationales, son culte de l’histoire, non point de la science historique ou archéologique, mais faits accomplis par les César et par les Condottieri sont des témoignages tangible de son rajeunissement. L’antiquité classique et la Renaissance prennent aux yeux des italiens une signification et une portée nouvelle. La Renaissance devient une source d’inspiration et une source d’énergie pour redonner à la peinture moderne le sens de ces pures valeurs de l’intelligence vers un lyrisme quasi métaphasique”1 «’Je suis le comte Sarmiento’, c’est la façon de la quelle l'étranger se présente, donnant ses mains gantées. ‘Je suis à Paris depuis plusieurs années, je suis né et grandi à Buenos Aires, j’ai étudié le chant et je suis devenu un baryton célèbre que tout le monde connait (...). J'ai décidé de distribuer ma substance énorme pour les peintres et sculpteurs italiens de Paris : C'est une fortune colossale, je ne veux pas me vanter’. ‘J'ai écrit à Mussolini, je lui ai dit que j’ai été décoré avec la Légion d'honneur et je veux être nommé officiellement ambassadeur italien des arts à Paris. Je n'ai pas eu une réponse (parce que notre représentant diplomatique est jaloux de moi). Je suis allé trouver Giorgio De Chirico, Severini, Campigli, Tozzi, de Pisis, Leonor Fini, et tous ces grands artistes m’ont promis

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W. George, Profits et pertes de l’art contemporaine,

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leur soutien: je suis engagé par écrit à acheter leurs tableaux à des prix compétitifs et de les offrir à la Galerie d'Art Moderne et au Jeu de Paume’»2.

Antonio Aniante, qui faisait partie du milieu italien à Paris, nous dêcrit la figure de Emanuele Sarmiento à travers les impressions qu’il a eu à la première rencontre. On n’a pas beaucoup d’informations sur ce personnage qui, comme une étoile filante, a traversé les vies des artistes italiens dont il avait choisi les œuvres pour les donner au Musée de Grenoble et au Jeu de Paume à Paris et Aniante nous fait une description de Sarmiento plutôt pittoresque et les nouvelles rapportées sont vagues et pas très fiables. La première piste pour reconstituer la trajectoire biographique se trouve dans un dossier de l'État italien à Rome. Le dossier, de dix-huit feuilles, contient des rapports fournis par les informateurs à Paris qui gardent sous observation Sarmiento pour la police de l'État italien. De cela, nous pouvons en déduire un peu plus d’informations ; pour commencer son état civil et sa situation familiale : Emmanuel Sarmiento n'est pas né à Buenos Aires, mais à Rome le 15 Novembre 1875, marié à Laura Bertini dont il divorça le 26 Novembre 1912. Il a vécu à Rome via del Quirinale 21, il a émigré à Paris en 1912 et en 1918, il est revenu à Rome en séjournant au Grand'Hotel. En 1921, il s'installe définitivement à Paris et il disparaît, devient introuvable, et donc il est radié du registre de la population Italienne. Sa profession de baryton est confirmé par les nouvelles d'un concert au Teatro Regio de Parme en 1911, mais en effet aujourd'hui on sait que Sarmiento n'a jamais reçu la Légion d'honneur car il n’est pas mentionné dans le registre. Malheureusement nous ne pouvons pas savoir qui était l'informateur en charge à Paris car ce serait très intéressant pour avoir une clè de lecture et donc contester les informations. L'intérêt envers Sarmiento semble se poser ensuite à la première donation à Grenoble en 1933: probablement il a été demandé à la police fasciste de recueillir des informations sur qui était ce bienfaiteur inconnu de l’art italien et quels étaient ses fins. C’est intéressant de remarquer que à travers la description filtre l’opinion de l’informateur qui ne donne pas seulement un reportage des faits, mais aussi une interprétation personnelle. « Spécimen zoologique de l'Italie ancienne (...) [qui] poussé par une vanité morbide (...) obsède tous

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A. Aniante, Memorie di Francia, Sansoni, Firenze, pp. 82-83. Antonio Aniante avait commencé sa carrière comme journaliste pour le magazine «900 - Cahiers d'Italie et d'Europe » de Massimo Bontempelli et Curzio Malaparte, mais il s'était vite révélé être un bon dramaturge et il a écrit beaucoup de livres influencé par le réalisme magique et le futurisme. Il avait aussi une petite galerie qui s’appelait Jeune Europe où il exposait aussi des artistes italiens.

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ceux qui ont le malheur de le connaître »3. Le dossier s’arrête avec la nouvelle de sa mort dans le journal parisien ‘Le Matin’ du 29 Ottobre 1936 : « Nouvelles en trois lignes. Le comte Sarmiento, qui offrit cette année, au Petit Palais, une importante collection d’œuvres modernes, est tué dans un accident d’auto »4 Partiellement reconstruite la figure d’Emanuele Sarmiento, on peut imaginer les raisons qui l'ont poussé à donner des œuvres d'art d’une valeur si élevée. Si sa mégalomanie est certainement soulignée dans les documents de l'État Italien, il y a un grain de vérité: sans doute le don des tableaux italiens aurait pu être une excuse pour obtenir une certaine reconnaissance ou une position officielle de l'Etat italien, étant donné que selon les témoignages qu’on a, sa générosité ne semble pas désintéressée. L’image de Sarmiento décrite par Maximilien Gauthier dans son discours pour l’ouverture de la salle du Musée de Grenoble dédiée aux tableaux donnés par Sarmiento est complètement différent. Le collectionneur-donateur paraît être bien aimé « dans le milieu artistique de Paris, pour (…) la facilité de ses gestes de brave homme et de mécène à l’égard des artistes méritants. »5. Gauthier ne pouvait pas affirmer le contraire, bien sûr et Sarmiento de son côté a vraiment comme principal souci, « de travailler à nous faire aimer l’Italie autant qu’il aime, lui, la France »6, mais ce que nous ne saurons jamais est la réelle motivation qui a poussé Sarmiento à la donation, son ambition ou sa générosité. On sait cependant que c’est Gauthier qui lui a suggéré le Musée de Grenoble comme destination pour les tableaux : « Il me confiait son intention de faire don à un grand Musée français d’une collection d’art italien moderne. Je lui conseillai Grenoble »7 Les Musée de Grenoble a été le premier et le plus ancien musée d’art moderne de France. Son histoire commence à la fin du XVIII siècle, mais c’est dès 1920, grâce à l’action du conservateur Andry-Farcy8 que sont entrées dans ses collections des œuvres 3

Riservata A S.E. il Capo della Polizia / A S.E. il Capo dell’Ufficio Stampa del Capo del Governo, sans datation, Archivio centrale dello Stato, Ministero Interno divisione Polizia Politica, busta n°1212, dossier Emanuele Sarmiento 4 Archivio centrale dello Stato, cit., Dal quotidiano parigino “Le Matin” del 29 Ottobre 1936. 5 Discours de M. Maximilien Gauthier, Fiche Filippo de Pisis, archives Musée de Grenoble R248. 6 Ivi., Discours de M. Maximilien Gauthier 7 Ivi. Discours de M. Maximilien Gauthier 8 Pierre-André Farcy est un artiste et conservateur du musée français, né à Charleville le 18 mai 1882, décédé à Grenoble le 5 juillet 1950. Il étudie à Paris, l'École nationale des Arts décoratifs , l'École Nationale des Beaux-Arts où Fernand Cormon est son maître. Il expose au Salon d'automne en 1905 et au Salon de Lyon. Il devient journaliste, critique, et dessinateur au Petit Dauphinois à la même époque et il s’intègre dans les milieux d'avant-garde à Grenoble. Il est nommé conservateur au Musée de Grenoble en 1919 (succédant à Jules Bernard) aux dépens de Tancrède Bastet. Ayant tissé des relations fortes avec les artistes de son époque, il fait entrer au musée une importante collection d'art moderne (Picasso, Bonnard, Matisse), en

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majeures de Matisse, Vlaminck, Camoin, Picasso e Zadkine et tous les peintres les plus fameux à ce moment là. Andry Farcy a été tout à la fois un peintre, un dessinateur publicitaire et un critique d’art. Il était déjà connu comme animateur de la vie culturelle grenobloise et avait noué de nombreux liens dans les milieux artistiques de Paris. À la tête du Musée de Grenoble il va constituer une collection avec tous les artistes (à l’exception de quelques-uns comme Kandinsky, Mondrian ou Brancusi) et toutes les tendances de l’art moderne, du fauvisme à l’abstraction, en passant par le cubisme, le futurisme, l’expressionisme, le réalisme, le surréalisme et la peinture naïve. Ces enrichissements ont été le résultat des dons (des artistes et des collectionneurs) et legs qu’il reçut, ainsi que des achats effectués de façon audacieuse et avec à-propos9. Au moment du don de Sarmiento, la politique d'acquisition d'Andry-Farcy était orientée vers la mise en place de noyaux importants de la même école ou du même pays, ce qu’explique le conseil de Gauthier qui était sûrement mieux informé au sujet du monde de l’art que Sarmiento. La donation est constituée de vingt-trois œuvres de jeunes artistes : Giuseppe Calvi, Michele Cascella, Luigi Corbellini, Filippo de Pisis, Fillia, Léonor Fini, Amedeo Modigliani, Enrico Prampolini, Bertoldo Taubert e Mario Tozzi 10. Même si la plus part est d’artistes italiens, le groupe n’est pas homogène au point de vue du style et les peintures passent d’un « extrême à l’autre, conduisant d’un paysage concret de Corbellini, aux abstactions cubistes de Prampolini, de Fillia, en passant par Mario Tozzi, aux personnages précis et porteurs de symbole, moins inquiétants toutefois que les rêves plastiques de de Pisis »11. Toutefois Maximilen Gauthier, dans son discours, détermine un fil rouge qui lie entre-eux les tableaux: « La donation Sarmiento offre une vue de plus complètes sur l’état actuel d’une école qui, brillante encore au XVIII siècle, éprouve jusque vers 1860 une étrange misère et accomplit aujourd’hui un héroïque effort de renaissance. Elle figure exactement enrichissant le musée d’une des principales collections de France. Il reçoit le legs Agutte-Sembat et la donation Fantin-Latour. Andry-Farcy obtient une reconnaissance européenne du musée de Grenoble à l'époque de l'exposition internationale de la houille blanche et du tourisme de 1925. (Wikipedia, Andry Farcy) 9

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L’art du XX siècle. La collection du musée de Grenoble, Réunion des musées nationaux / Musée de Grenoble 1994, pp. 13-15 10 Giuseppe Calvi, Étude de femme, Michele Cascella, Village des Abruzzes; Luigi Corbellini, Nature morte aux lapins, e Pont de Moret; de Pisis, La Seine près la gare de Lyon (Paysage de Paris), 1926, Le dindon pendu, 1926, Les oignons de Socrates, 1926, Plage aux ecrevisses et aux coquillages, 1926, Le crabe, 1926, Composition, coquillages et livre, 1926, Le pied romain, 1927, Les deux poissons, 1927, Hommage à Tiepolo, 1928; Fillia, l’Homme et la Femme, 1929-30; Léonor Fini, Mandoliniste; Amedeo Modigliani, Portrait de Lipchitz, 1916ca; Enrico Prampolini, Scaphandrier des nuages, 1930ca; Bertoldo Taubert, Paysage italien e Paysage d’Auvergne; Mario Tozzi, La famille du pêcheur, 1928ca, La paix retrouvée, 1930 e Nature morte 11 G.-J.Gros, Les expositions, in “Beaux-Arts”, 7 Avril 1933, p.2

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le beau drame qui est celui des meilleurs jeunes artistes de l’Italie actuelle qui était d’ailleurs, à la recherche d’un juste équilibre entre la nature et le style »12. Selon Gauthier il ne s’agit pas d’une question de style, mais plutôt de poétique car ces artistes sont tous engagés a récupérer l’ordre de la tradition contre la modernité confuse. Ils sont caractérisés par l’esprit italien du « retour à l’ordre » promulgué aussi par George quand il soutient que “l’Italie a créé une idéologie. À l’impérialisme de la pensée française qui régit l’univers dans le domaine de l’art, Rome prétend opposer aujourd’hui une esthétique proprement italienne”13 et, puisque la peinture italienne est un langage essentiellement classique, elle prend son inspiration et son énergie de l’antiquité et de la Renaissance. La reprise des valeurs renaît à travers de la peinture de Masaccio, Paolo Uccello e Piero della Francesca pour devenir une peinture bien sûr moderne qui toutefois reporte aux valeurs pures d’un lyrisme quasi métaphysique loin d’un simple naturalisme. Par conséquent les différences entre les tableaux sont causées par la multiplicité des résultats de la même recherche vers la renaissance et de toute façon : « Quand on a apprécié l’éclectisme et la générosité d’un grand collectionneur l’on peut être assuré de pouvoir bientôt admirer l’un des plus beaux ensembles de peinture moderne italienne qui puisse être présentée »14 Si on exclue que Sarmiento avait réuni les artistes avec l’idée critique de « l’italianité » on peut imaginer qu’il s'engage par ce don magnanime à Grenoble, le premier d’une série aux musées de la France, parce qu’il recherchait, par l’intermédiaire de dons généreux, une reconnaissance officielle de la part des autorités italiennes qui, au contraire, lui mettaient des bâtons dans les roues, probablement pour des raisons politiques ou même personnelles (la connaissance de l'identité des informateurs aurait pu aider à le comprendre). Le don fait à Grenoble, indépendamment de l'intention de Sarmiento (intéressée ou désintéressé), est d'une importance considérable pour les artistes italiens travaillant à Paris. Pour la première fois un groupe numériquement important de peintures de l'école italienne entre dans un musée français occupant une salle entière et répondant à une idée du groupe, celle défendue par George: un groupe qui renouvelle le pouvoir de l'art italien,

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Discours de M. Maximilien Gauthier, cit. W. George, F. de Pisis, Les Chroniques du jour, Paris 1928, p.I-III 14 J. Hesse, Le Don du Comte Emanuele Sarmiento au Musée de Grenoble, in “La Vie Alpine”, n°68, juillet 1933, pp.115-116 13

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et qui est la preuve que l'Italie est née retournée à la vie artistique : une idée très proche de celle que la politique culturelle de Mussolini soutenait en Italie à ce moment-là.

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