Achillée millefeuille

January 9, 2018 | Author: Anonymous | Category: Science, Biologie, Botanique, Plante
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Achillée millefeuille

Son nom L'achillée tire son nom d'Achille, qui aurait découvert et utilisé la plante pour guérir les blessures de ses soldats lors de la guerre de Troie. Encore que certains affirment qu'il s'agissait d'une tout autre plante. On l'a aussi appelée herbe à la coupure, herbe à la saignée, herbe-aux-charpentiers, herbe-aux-militaires, saigne-nez, tous des noms qui indiquent ses emplois traditionnels pour soigner les plaies et blessures de toutes sortes. Quant au nom de « sourcil de Vénus », son origine reste obscure. Peut-être fait-il référence au fait que la plante était censée aider les femmes à découvrir qui serait leur prince charmant? Nous y reviendrons plus loin. Au Québec, on l'a appelée « herbe à dinde » et « herbe au dindon » par allusion à l'emploi de la plante dans l'alimentation de cette volaille. Enfin, le nom de « millefeuille » lui vient de ce que sa feuille est très finement découpée et donne l'impression qu'il y en a mille là où il n'y en a en réalité qu'une seule. Son rôle dans l'équilibre écologique L'achillée est normalement très abondante dans les prairies naturelles et, jadis, les paysans lui reconnaissaient un effet fortifiant sur les animaux et le bétail. « Elle contient des substances volatiles qui stimulent leur appétit et renforcent leur organisme », écrivait en 1965 Marcello Piccioni dans son Dictionnaire des aliments pour les animaux (en 4 langues). Il affirmait en outre qu'elle donnait un parfum délicat à la viande des moutons qui la consommaient en fourrage. Fabuleuse époque où ce qui était mauvaise herbe pour le jardinier était aliment nutritif pour l'éleveur et où tout le monde y trouvait son compte! À petit budget, merci... Et ça se mange? On peut servir les feuilles en salade, mais en petites quantités seulement, car elles sont plutôt amères. Pour les apprêter cuites, on les fera d'abord bouillir vingt minutes dans l'eau pour leur enlever un peu de leur amertume et de leur arôme, puis on les égouttera et les sautera au beurre ou à l'huile. Les feuilles ont, en outre, servi à aromatiser la bière. En Allemagne, on jetait ses graines dans les tonneaux de vin pour en assurer la conservation. La plante entière a parfois servi de condiment, en remplacement de la cannelle ou de la muscade. Et ça soigne quoi? Tonique, antispasmodique, hémostatique et, en usage externe, cicatrisante, elle a servi à soigner la fatigue générale, le lymphatisme, les spasmes des voies digestives et utérines, les névroses, les troubles de la circulation et de la cinquantaine (qui sont peut-être, en gros, les mêmes...) : la sédentarité, les varices, phlébites, hémorroïdes. En voie externe, on l'a utilisé contre les douleurs rhumatismales, les dermatoses, les ulcères de jambe, les crevasses du

mamelon, les douleurs de la cellulite... On dit qu'au Moyen Âge, les chevaliers en transportaient un sachet dans leur « trousse de premiers soins ». Mais c'est peut-être pour les femmes souffrant à la fois de règles douloureuses et de troubles digestifs durant les menstruations que l'achillée est la plus utile. Il est rare, en effet, qu'un médicament soigne à la fois les problèmes de la sphère génitale et ceux de la sphère digestive avec une telle efficacité. Prise sous la forme de teinture, elle calmera rapidement l'inflammation, de même que cette impression détestable que l'utérus et les intestins se livrent une concurrence féroce pour capter et retenir toute l'attention de leur propriétaire légitime. C'est la plante entière que l'on récolte au moment de la floraison, laquelle a lieu de la mi-juin à l'automne, selon les régions et les caprices de dame nature. L'achillée à fleurs blanches ou à fleurs rouges serait plus active médicinalement que l'achillée à fleurs jaunes ou à fleurs orange. L'infusion se prépare à raison de 30 grammes par litre d'eau. On en prendra 3 tasses par jour, entre les repas. La teinture - qu'on préparera avec 1 partie de plante pour 5 parties d'alcool à 90 % - se prend à raison de 20 à 30 gouttes, trois fois par jour. Pour les usages externes, on se sert de l'infusion concentrée (une poignée par litre d'eau) en lavages. L'infusion de 30 grammes d'achillée à laquelle on aura ajouté une cuillerée à thé de miel et trois gouttes de sauce Tabasco est supposée avoir pour effet d'ouvrir les pores de la peau et de provoquer une transpiration profuse qui cassera un rhume ou une grippe. On recommande de bien se couvrir pour éviter de prendre froid. Une pelouse odorante Au lieu de graminées, semez du thym, de la camomille et de l'achillée millefeuille. Plus résistante à la chaleur, moins exigeante en engrais, cette pelouse nouveau genre aura, de plus, l'avantage de sentir très bon lorsque vous la foulerez dans la rosée du matin. Une plante compagne Considérée comme une excellente plante compagne, l'achillée éloigne certains insectes nuisibles. De plus, elle ferait augmenter la teneur en huile essentielle des plantes qui poussent à proximité. Il faut savoir toutefois qu'elle peut devenir envahissante. Par conséquent, contrôlez-la. Sagesse et divination Ce sont des tiges d'achillée que les Chinois utilisent traditionnellement pour tirer le Yi-King. Découvrir l'élu de son coeur Pour connaître le nom de celui qui partagera votre vie, il faut tout d'abord mettre dans un sachet de tissu environ 30 grammes d'achillée hachée, puis coudre le sachet et placer ce dernier sous votre oreiller. Avant de vous mettre au lit, vous réciterez la prière suivante : « Dis-moi, jolie plante de l'arbre de Vénus, toi dont le vrai nom est « achillée », dis-moi le nom de celui qui sera mon amoureux, je te le demande pour demain. » Ou quelque chose de ressemblant. Au cours de la nuit, restez bien attentive à vos rêves parce que l'amoureux en question devrait se montrer. Pour ma part, je pense que c'est très risqué. Parce que vous faites quoi si ce soir-là vous voyez dans vos rêves le copain tout neuf de votre meilleure amie?

Bouleau

Son nom Betula est d'origine celtique. « Bouleau » dérive directement du latin et de l'ancien français « boul ». Papyfera, le nom de notre espèce la plus commune, signifie « bouleau à papier ». On l'appelle aussi « bouleau blanc » ou « bouleau à canot ». À noter que le nom générique anglais birch, qui désigne toutes les espèces de bouleaux, est d'origine sanscrite (bhurga) et signifie « ce sur quoi l'on peut écrire ». Bref, tous les bouleaux présentent une écorce caractéristique qui rappelle le papier. Une certaine confusion s'est installée au Québec à propos de deux espèces de bouleau que l'on appelle à tort « merisier » (B. alleghaniensis) et « merisier rouge » (B. lenta). L'erreur viendrait des tout premiers débuts de la colonisation lorsque, cherchant à identifier les espèces botaniques qui poussaient sur ce nouveau continent, nos ancêtres auraient été confondus par une certaine similitude entre la forme de la feuille du bouleau jaune et celle d'un cerisier européen. En Europe, on a appelé le bouleau « l'arbre de la sagesse » et toute une petite mythologie s'est créée autour de lui. Axe du monde, pilier cosmique, arbre sacré, il a tantôt symbolisé le printemps et les jeunes filles, tantôt les esprits protecteurs. Ses branches ont servi à recouvrir les dépouilles mortelles ainsi qu'à confectionner des torches nuptiales que l'on brûlait le jour des noces pour attirer le bonheur sur les nouveaux mariés. Son rôle dans l'équilibre écologique Les bouleaux sont des espèces pionnières qui occupent rapidement les lieux dévastés par les feux de forêts ou autres cataclysmes naturels. Par ce squattage tout à fait licite, ils empêchent l'érosion du sol par le vent, la pluie et le soleil. En outre, ils fournissent une ombre bienfaisante à d'autres espèces émergentes, qui ne peuvent germer à la lumière. Eux-mêmes n'occupent jamais un endroit donné pendant plus d'une génération puisqu'ils ne tolèrent nullement l'ombre, ni pour germer ni pour croître et s'épanouir. Le vent disperse donc leurs semences aux quatre horizons et la deuxième génération s'établira parfois à plusieurs kilomètres de la première. D'une certaine façon, ce sont d'incorrigibles errants qui ne prennent racine et n'adoptent pays que le temps de perpétuer l'espèce. Je craque pour toi mon bouleau Dans l'écologie humaine, le bouleau blanc a, plus que tout autre arbre de quelque espèce, genre ou famille que ce soit, contribué au développement de la culture amérindienne du Canada et du nord des États-Unis. Arbre fétiche, arbre culte, aux innombrables variétés, certaines très locales, il était vénéré pour les services qu'il rendait aux collectivités humaines, particulièrement son écorce qui servait, bien sûr, à la fabrication des canots, mais aussi à celle de contenants de toutes catégories, depuis le cassot vite fait qui ne servait qu'une fois à la

boîte finement ouvragée dans laquelle on transportait ses biens les plus précieux, en passant par les récipients à aliments. Les Amérindiens avaient d'ailleurs compris que les aliments se conservaient plus longtemps au contact de l'écorce de bouleau que de toute autre substance, d'où la pratique d'en tapisser les fosses qui leur servaient de garde-manger. Ils avaient également mis au point une technique permettant d'imperméabiliser leurs contenants de manière à pouvoir y transporter de l'eau. Pour ce faire, ils les enduisaient d'un mélange de gomme de sapin et de graisse d'ours. En outre, inflammable même mouillée, l'écorce était inestimable quand venait le temps d'allumer un feu après une pluie. Enfin, pour ainsi dire imputrescible, on s'en est servi comme doublure dans les chaussures pour protéger contre l'humidité. Un culte semblable a été porté au bouleau blanc (B. pendula) européen par les peuplades nordiques de la Sibérie, la Russie et l'Asie centrale, à qui il a rendu des services tout aussi remarquables. Et ça se mange? Jeunes feuilles : les très jeunes feuilles se consomment au printemps, mais avec l'âge, elles prennent une saveur par trop résineuse. Bois : en Scandinavie, on a fait du pain avec de la sciure (!) de bouleau bouillie, séchée au four, pulvérisée et mélangée à de la farine. Écorce interne : en Europe, on a mangé l'écorce interne du bouleau blanc. En Laponie, on en faisait une farine grossière et, en Sibérie, on la consommait avec des oeufs d'esturgeon. Les Amérindiens consommaient l'écorce du bouleau à papier qui était réputée très sucrée. Celle des sujets les plus âgés était la meilleure et il paraît que les enfants en raffolaient. Écorce de la racine : on a employé l'écorce de la racine du bouleau à papier pour faire un substitut de thé. Sève : dans le centre, le nord et l'ouest du Canada, régions d'où l'érable à sucre est absent, les Amérindiens récoltaient la sève du bouleau à papier. Ils la buvaient telle quelle ou l'ajoutaient aux soupes. Au Québec, les Algonquins récoltaient la sève du bouleau jaune qu'ils mélangeaient à celle de l'érable à sucre pour la fabrication du sirop. Les Saulteux mélangeaient également ces deux types de sèves et en faisaient une boisson froide. En Europe, on a aussi recueilli la sève du bouleau blanc. Pour la conserver, on ajoutait quatre ou cinq clous de girofle au litre. Elle a permis de faire un vin légèrement pétillant, ou encore une bière aux propriétés rafraîchissantes et diurétiques, dont vous trouverez la recette dans Documents associés. Et ça soigne quoi? Les feuilles, les bourgeons, l'écorce et la sève du bouleau blanc européen (B. pendula) ont tous servi en médecine. À l'occasion, on s'est aussi servi des fleurs, mais pour beaucoup de personnes, le pollen est source de problèmes allergiques qui peuvent être graves. En Amérique, chez certaines peuplades, on buvait la sève fraîche du bouleau à papier comme tonique printanier; ailleurs, on s'en servait comme remède contre le rhume. En médecine, celle du bouleau européen a été employée comme dépuratif pour soigner les éruptions cutanées et dartreuses. Les feuilles du bouleau blanc ont servi à soigner tous les types d'insuffisance urinaire, particulièrement l'hydropisie, ainsi que le rhumatisme, l'arthrite, la goutte et les infections urinaires. C'était, en fait, les principales indications de cette plante. En outre, l'obésité et la cellulite ont parfois cédé à un traitement aux feuilles de bouleau. L'écorce a servi à soigner les fièvres intermittentes. Les bourgeons ont servi à soigner l'engorgement des ganglions lymphatiques. Par voie externe, les feuilles fraîches ont servi en application contre la goutte, le rhumatisme, les maladies de la peau et l'hydropisie. Il arrivait que, dans les cas graves, on enveloppe entièrement le patient de feuilles de bouleau, méthode qui réussissait là où bien d'autres

échouaient. Un rinçage aux feuilles de bouleau serait efficace contre les pellicules et la chute des cheveux. L'écorce, les feuilles, les bourgeons et les fleurs ont servi comme antiseptique externe et détersif pour soigner les plaies et les irritations cutanées. Les minces feuillets composant l'écorce étaient séparés pour servir de pansements antiseptiques. On a fait avec l'écorce réduite en poudre un onguent contre les blessures mineures. L'essence de wintergreen naturelle, extraite jadis par distillation des feuilles du thé des bois, provient aujourd'hui de l'écorce du bouleau jaune (B. alleghaniensis). Petite plante aux feuilles elles-mêmes minuscules, le thé des bois donne relativement peu d'essence, laquelle est, par conséquent, fort coûteuse. Du moins elle l'était jusqu'à ce qu'on découvre que l'écorce des bouleaux, particulièrement celle du bouleau jaune, en était riche. L'action analgésique, tant interne qu'externe, du bouleau serait due en bonne partie à cette essence composée, en fait, de salicylate de méthyle, substance proche de l'acide acétyl-salicylique. En passant, si « salicylate de méthyle » ou « huile de wintergreen » ne vous disent rien, peut-être que « paparmane » rose et « antiphlogistine » vous rappelleront, eux, quelques souvenirs d'enfance. Il s'agit bien sûr de deux produits renfermant du salicylate de méthyle. « Paparmanes » roses et antiphlogistine...

Pour les martiens lunatiques parmi vous qui n'ont jamais entendu parler des « paparmanes » roses, soulignons qu'il s'agit d'une friandise dure, ronde et tirant sur l'incarnadin. Naturellement, « paparmane » est une déformation de l'anglais peppermint sauf que, tant qu'à déformer autant le faire pour de bon, il n'y avait pas la moindre trace de menthe poivrée dans ce bonbon... Quant à « antiphlogistine », c'est le nom de marque d'une crème antiinflammatoire qui est dérivé de « antiphlogistique », terme médical désuet, aujourd'hui remplacé par « anti-inflammatoire ». C'est que, voyez-vous, « phlogistique », qui dérive du grec phlox, « feu », rappelait un peu trop, au goût des scientifiques modernes, la théorie sulfureuse qui voulait que le corps humain soit composé de cinq éléments primordiaux, alors on l'a trucidé. Pratiquement tout ce que nous savons des effets médicinaux du bouleau vient d'Europe et a trait au bouleau blanc européen. Toutefois, certains croient que notre bouleau à papier posséderait les mêmes propriétés. L'infusion se prépare en versant un litre d'eau chaude sur 40 g de feuilles. Infuser 10 minutes, puis ajouter un gramme de bicarbonate de soude. En dissolvant les principes résineux, le bicarbonate augmente l'efficacité de la tisane. Prendre trois tasses par jour. La décoction de bourgeons se prépare à raison de 150 g de bourgeons par litre d'eau. Faire bouillir jusqu'à réduction de moitié. Filtrer, laisser refroidir légèrement, puis ajouter un gramme de bicarbonate de soude. Prendre deux ou trois tasses par jour. La décoction de l'écorce se prépare en faisant bouillir dix minutes une cuillerée à thé d'écorce réduite en poudre par tasse d'eau. Pour les emplois par voie externe, on fait bouillir 40 g à 50 g d'écorce dans un litre d'eau. La sève se prend le matin à jeun à raison d'un verre par jour pendant deux ou trois semaines. À noter que le bouleau ne se limite pas à soigner les humains. Il guérit aussi les terres abîmées ou épuisées et permet de leur rendre leur fertilité. C'est pourquoi jadis, on ne manquait jamais, lors de la dernière étape de préparation du sol pour les semis, de le « passer au bouleau ». Il s'agissait d'accrocher un fagot de branches à l'arrière de la herse et de passer cet appareil sur toute la surface du champ. On recommandait en outre de planter des bouleaux près du tas de

compost, car il encourageait la fermentation. Encore aujourd'hui, on recommande d'ajouter des feuilles de bouleau au tas de compost. Où le(la) trouve-t-on? Le bouleau à papier pousse partout au Québec, sauf dans l'extrême nord. Il est particulièrement présent dans les Laurentides. Le bouleau jaune est général aussi, mais on trouve de moins en moins de gros spécimens, son bois étant prisé en ébénisterie et dans la fabrication de planchers. Quant au petit bouleau à feuilles de peuplier, son aire est limitée à l'ouest et au centre du Québec. On plante aussi beaucoup au Québec divers cultivars de bouleau blanc européen, dont le bouleau pleureur. Le bouleau rouge est très rare au Québec. Pour ce qui est de l'expression « Bouleau noir! », notre Alexis Labranche national a dû l'apprendre durant son exil aux États-Unis parce que cette espèce ne pousse pas chez nous.

Chêne

Son nom Arbre sacré dans de nombreuses traditions, chez les Celtes notamment, le chêne porte le nom de quercus en latin, mot d'origine celtique qui signifie « arbre par excellence ». Quant à « chêne », tout ce qu'on sait, c'est qu'il s'agit d'un mot d'origine gauloise. Le nom latin d'une espèce européenne, Q. robur, signifie à la fois « force » et « chêne », ces deux concepts étant autrefois intimement liés dans l'esprit des gens. Tout à fait intéressant, par ailleurs, est le fait que le mot « druide » vienne du grec drûs et signifie « chêne ». On a donc établi dans le passé une relation étymologique absolue entre le nom de l'arbre et le nom des prêtres celtes, au point d'ailleurs qu'on a très souvent qualifié ces derniers d'« hommes de chêne ». Considéré comme un temple par les Celtes, le chêne était vu, dans d'autres mythologies, comme le symbole d'une porte ouvrant sur les deux extrémités de l'année, bouclant ainsi le cycle annuel. D'ailleurs, le mot anglais oak dérive d'un mot sanscrit qui veut dire « porte ». Son rôle dans l'équilibre écologique Les Français se plaisent à dire que les chênes étaient autrefois si nombreux chez eux qu'un écureuil qui partait de l'extrême nord-est du pays pouvait se rendre jusque dans l'extrême sudouest sans jamais mettre une patte à terre. Arbre d'une très grande longévité - on a vu des spécimens âgés de 1 000 ans - qui pousse extrêmement lentement, le chêne est réputé pour sa bonne résistance aux maladies. Il peut en outre atteindre une taille imposante. C'est le cas notamment d'un spécimen conservé précieusement dans un parc par les Britanniques et dont le tronc aurait environ 20 mètres de circonférence. Toutefois, étant sur la limite nord de leur aire, ils sont beaucoup moins imposants au Québec, ce qui a poussé le frère Marie-Victorin à écrire, avec une certaine impatience sentencieuse : « ...il serait utile de n'employer qu'avec discernement, en ce qui nous concerne, certains clichés de la littérature (« Le Chêne géant », le roi des arbres, etc.) » Qu'on se le dise ! N'empêche... Les chênes fournissent une abondante nourriture aux écureuils, chevreuils, ours, pigeons bisets et dindons sauvages de ce monde, comme en témoignent (vraisemblablement) les noms vernaculaires anglais de certaines espèces : turkey oak, bear oak, etc. Certains assurent que la terre dans le voisinage des chênes est plus calcaire qu'ailleurs, ces arbres ayant la propriété d'« attirer » le calcium. Chose certaine, ceux qui pratiquent l'agriculture biodynamique - prônée par Rudolf Steiner - utilisent l'écorce en quantité infinitésimale pour dynamiser composts et purins. En outre, des travaux sont en cours pour la mise au point d'un engrais à base de glands de chêne.

Dans plusieurs régions du monde, les glands de chêne servent de nourriture aux cochons. Ainsi, en Espagne, pendant quatre mois, ils constituent la nourriture exclusive des cochons destinés à la production du fameux jamón ibérico, considéré par certains comme supérieur au jambon de Bayonne et au prosciutto de Parme. Le paysan amène ses cochons dans les grandes chênaies (dans ce cas, de chênes-lièges) et à l'aide d'une verge souple, il frappe les branches des arbres pour en faire tomber les glands dont se délecteront ses bêtes. Ce régime leur donne, paraît-il, une chair extrêmement goûteuse qui, de plus, offre l'avantage que son gras soit très riche en acide oléique (principal acide gras de l'huile d'olive) et par conséquent moins nocif que le gras des porcs engraissés avec d'autres types d'aliments. Et ça se mange ? Il n'y a pas que les animaux qui apprécient les glands puisque les humains mangent depuis toujours ceux de diverses espèces, quoique certains soient plus amers que d'autres. Ceux du chêne blanc (Q. alba), du chêne bicolore (Q. bicolor) ou du chêne à gros fruits (Q. macrocarpa) sont relativement doux tandis qu'il vaut mieux éviter, autant que possible, ceux du chêne rouge (Q. rubra). Lorsque, en cas de nécessité, ils devaient consommer des glands amers, les Amérindiens les faisaient bouillir dans plusieurs eaux après y avoir jeté une poignée de cendres de bois. Quand l'eau était claire, cela signifiait que les glands avaient perdu une bonne partie de leur amertume et étaient sinon délicieux, du moins mangeables. On les apprêtait alors, soit en les faisant rôtir, soit en les faisant sécher et en les réduisant en farine qui serait ajoutée à de la soupe ou à diverses autres préparations. Pour certains, il n'y avait rien de meilleur que de la farine de gland ajoutée à du bouillon de canard. Une autre manière de réduire leur teneur en tannin, et donc de les désamériser, consistait à les mettre dans des paniers que l'on enterrait pendant tout un hiver dans la boue humide. Il paraît que les glands sortaient de l'expérience tout noircis, mais infiniment plus agréables au goût. En outre, on les a confits au sucre comme les marrons glacés et on en a fait un substitut de café. On peut extraire l'huile des glands par pression. On obtient un liquide blanc et sirupeux que l'on purifie ensuite en le faisant bouillir et en recueillant l'huile à la surface. L'écorce a, semble-t-il, été parfois consommée en cas d'extrême nécessité, mais elle n'est généralement pas recommandée comme aliment, pas plus que les feuilles d'ailleurs, du fait de leur grande richesse en tannin, lequel peut entraîner de graves problèmes en cas d'abus. Il semblerait que les cendres du Q. alba aient été utilisées comme levain à pain et à gâteau dans l'est des États-Unis. On peut se servir de l'écorce ou des feuilles pour clarifier un vin maison, surtout s'il est très riche en pectine. En prime, le chêne donnera au vin ce goût de baril de chêne que certains amateurs apprécient tellement. Et ça soigne quoi ? Bien qu'on ait parfois utilisé les feuilles ou les glands, c'est surtout l'écorce intérieure, à laquelle on a donné le nom de « tan », qui a été appréciée pour ses propriétés médicinales. Celle des branches âgées de cinq à dix ans serait la meilleure. En Europe, c'est celle du Q. robur qu'on a utilisée tandis qu'en Amérique, on a employé celle de plusieurs espèces, les propriétés de tous les chênes étant sensiblement les mêmes. À cause de sa richesse en tannin, l'écorce est astringente, ce qui en fait un excellent remède topique pour combattre l'eczéma et diverses autres maladies cutanées. Généralement bien tolérée par la peau, elle ne provoque pas d'irritation. On s'en est servi aussi avec succès pour soigner l'inflammation de l'oeil, les hémorroïdes, les engelures et les fistules anales. Appliquée à hautes doses quand la gangrène menaçait d'envahir un membre, on lui attribuait le pouvoir d'arrêter la progression de l'infection. On l'employait en compresse, dans les bains de mains ou de pieds et, en cas de faiblesse générale, dans les bains complets. On l'a

également administrée en douche vaginale pour le traitement des pertes blanches et des métrites, et en gargarisme pour le traitement des angines, stomatites et pharyngites. On dit que les ouvriers qui étaient amenés à manipuler fréquemment l'écorce de chêne pour le tannage des peaux souffraient rarement de tuberculose, particularité que l'on attribuait au pouvoir astringent de l'écorce. On a d'ailleurs employé médicinalement la jusée, liquide qui se trouvait dans les fosses des tanneurs, que l'on filtrait puis faisait évaporer au bain-marie, pour préparer un extrait qu'on administrait dans le traitement de la phtisie (consomption). Pour préparer la compresse, faire bouillir une ou deux cuillerées à soupe d'écorce hachée pendant 15 minutes dans un demi-litre d'eau. Pour les bains, faire bouillir une petite poignée d'écorce par litre d'eau en faisant réduire de moitié. Ajouter la décoction dans la bassine ou la baignoire. Pour la douche vaginale ou les gargarismes, administrer 15 grammes par litre d'eau. Enfin, on peut infuser quelques feuilles dans un litre de vin rouge additionné de miel et se servir de l'infusion en gargarisme contre l'angine. Par voie interne, on s'est servi de l'écorce, des feuilles et des glands pour soigner les hémorragies, la tuberculose, les gastralgies, les pertes blanches, la diarrhée, l'incontinence d'urine, la faiblesse générale. L'écorce se prend en décoction à raison de cinq grammes par litre. Faire bouillir dix minutes. Prendre trois tasses par jour entre les repas. Quant aux feuilles, elles se prennent également en décoction à raison d'une poignée par litre que l'on fait bouillir dix minutes. Prendre trois tasses par jour. Les glands se prennent soit sous forme d'infusion de la poudre à raison de 30 grammes par litre d'eau (une tasse après les repas), soit sous forme de glands torréfiés et pulvérisés (préparation que l'on appelle « café de gland »), puis préparés en infusion selon les mêmes proportions. On a également employé en médecine les galles (ou pommes de chêne), ces excroissances en forme de noix qui poussent sur les feuilles à la suite d'une piqûre d'insecte (du cynips plus exactement), pour leur richesse en tannin. Il paraît qu'il fallait impérativement récolter les galles avant que l'insecte ne les ait quittées, sinon elles perdaient de leur astringence. Largement utilisées dans la tannerie, certaines de ces galles - la galle d'Alep ou du Levant étaient très recherchées, car elles donnaient au cuir une souplesse et un lustre exceptionnels. Les Amérindiens se sont servis de la mousse verte qui poussait sur les glands immergés dans la boue pour traiter les infections.

Compresse d'écorce de chêne Pour qu'une compresse soit efficace, il faut que son « bénéficiaire » soit à l'aise. La pièce où il se trouve doit donc être bien chauffée afin de lui éviter de prendre froid. Préparez une décoction de chêne en faisant bouillir une ou deux cuillerées à soupe d'écorce hachée pendant 15 minutes dans un demi-litre d'eau. Filtrez, laissez refroidir la décoction jusqu'à ce que la température oscille entre 65 et 80 °C (au besoin, utilisez un thermomètre) et trempez-y la compresse, qui sera de préférence un morceau de toile de lin, quoique tout autre tissu fera l'affaire. Tordez bien pour essorer et appliquez délicatement sur la partie malade de votre patient improvisé en l'avertissant que ce sera peut-être un peu chaud, mais que c'est pour son bien. Attention, il est extrêmement important de bien essorer, au risque de brûler la peau de ce pauvre cobaye. Recouvrez la compresse d'une serviette bien sèche. Pendant ce temps, préparez une autre compresse, car au bout de deux ou trois minutes, la première aura refroidi. Répétez ces « manoeuvres » pendant 10 à 30 minutes, le plus longtemps, le mieux. Chose certaine, si la peau sous la compresse vire uniformément au rouge, c'est le temps d'arrêter le traitement, lequel, en passant, est divin contre les hémorroïdes.

Acceptez avec modestie les remerciements de votre patient, en lui disant, par exemple : « Oh!, il n'y a pas de quoi en faire tout un plat. Après tout, je n'ai fait que suivre les conseils donnés dans l'Herbier médicinal. » On le trouve où ?

Les forêts de chêne ne sont plus ce qu'elles ont déjà été au Québec, puisqu'elles ont été décimées pour la construction de bateaux destinés à Sa Majesté la reine d'Angleterre et pour la fabrication de parquets dans les maisons de la noblesse anglaise. On trouve parfois des chênaies privées, mais c'est plutôt rare. Quand il y en a, on les trouve surtout dans l'ouest et dans le sud du Québec, car ils survivent mal aux grands froids du nord. Par contre, on plante beaucoup de chênes depuis quelques décennies, et il est donc possible de trouver de l'écorce vieille de quatre ou cinq ans. Convaincre le propriétaire de ces arbres qu'il vous cède quelques centimètres d'écorce, ça c'est une autre affaire.

Hêtre

Fabuleux arbre dont le tronc lisse à l'écorce gris acier rappelle la trompe ou la patte d'un éléphant, et dont la taille et la puissance tranquille évoquent aussi ce proboscidien, le hêtre est par ailleurs un arbre magique. Pour vous en assurer, il vous suffit de pénétrer dans un bois planté de hêtres matures au début d'une soirée d'automne et, pour peu que vous gardiez le silence et restiez aux aguets, vous verrez s'activer entre ses généreuses branches une multitude de petits êtres féeriques - dryades, faunes et sylvains taquins pour ne nommer qu'eux. Car, plus que toute autre espèce, le hêtre attire ces divinités des forêts. Son nom « Hêtre » vient du francique hester qui signifie « jeune arbre ». En ancien français, il portait le nom de « fou ». Dérivé du grec, le nom latin de l'espèce, fagus, veut dire « manger » par allusion à son fruit-noix qui est comestible. On lui a attribué d'autres noms vernaculaires foyau, foyard, fagette, faillette - tous plus ou moins dérivés de « fou » et de « fagine », terme qui désigne le fruit et qui a éventuellement donné « faîne », littéralement « gland de hêtre ». Et ça se mange? Les jeunes feuilles du printemps sont tendres et ont une saveur agréable, qui sera mise en valeur dans les salades. On dit que l'écorce intérieure est comestible, mais on rapporte peu d'usages dans ce sens. En Scandinavie, on a fait du pain avec de la sciure de hêtre bouillie, séchée au four, pulvérisée et mélangée à de la farine. Dieu, que les temps devaient être durs pour en être réduits à manger de la sciure! Ce sont les faînes qui présentent le plus grand intérêt culinaire. D'abord parce qu'elles renferment une huile comestible qui, contrairement aux autres huiles, a la particularité de se conserver longtemps, voire de se bonifier avec le temps. Ensuite parce qu'elles sont excellentes telles qu'elles. Chez nous ainsi que chez nos cousins du sud, elles ont fait l'objet d'un certain commerce. Il fut un temps, paraît-il, où on les trouvait dans la majorité des épiceries de campagne. Pour les cueillir, on attendait qu'elles commencent à tomber, puis on étendait au sol des toiles ou des couvertures, histoire de s'éviter les 40, voire les 60 mètres d'escalade qu'il aurait fallu se taper pour les ramasser directement sur l'arbre. Bien sûr, cela voulait dire qu'une partie de la récolte irait aux écureuils, mais on pouvait toujours se consoler en se disant que, un jour ou l'autre, si la faim tiraillait trop et que la perdrix venait à manquer, l'écureuil se retrouverait à griller sur la broche ou à rôtir dans les braises...

Dans toute l'aire qu'occupe l'arbre (l'est du Canada et des États-Unis), les Amérindiens consommaient les faînes, crues ou cuites, ou les écrasaient pour les ajouter à la pâte à pain ou aux gâteaux. Durant l'hiver, ils n'hésitaient pas le moins du monde à piller les caches de la souris sylvestre - Peromyscus maniculatus, de son petit nom. Il faut dire que ce minuscule rongeur a les yeux pas mal plus grands que la panse, car il lui arrive de faire des réserves astronomiques. On a vu, dans un seul endroit, de huit à dix litres de ces petites noix empilées en tas plus ou moins pyramidaux. Les Amérindiens n'avaient pas besoin d'un sens exceptionnel de la traque pour repérer une cache, Peromyscus ayant eu la courtoisie de leur indiquer le chemin en laissant traîner sur la neige les écales des faînes tout juste grignotées. À noter qu'il ne faut pas abuser des faînes, car elles renferment une substance irritante qui, à hautes doses, peut causer des malaises gastro-intestinaux. L'huile, par contre, en serait entièrement dépourvue. Et ça soigne quoi? Contrairement à diverses autres écorces, celle du hêtre ne semble pas avoir fait un stage remarqué dans la médecine classique, tant en Europe qu'en Amérique. Elle échappe même à la Matière Médicale des soeurs de la Providence, dont le souci d'exhaustivité est pourtant indéniable. Par contre, dans la médecine populaire, on l'a largement employée. À cause de ses propriétés fébrifuges, on s'en est servi comme succédané du quinquina dans le traitement de la malaria. C'est aussi un antiseptique général et pulmonaire, un vermifuge, un astringent et, à fortes doses, un purgatif. Outre dans le paludisme, on l'a employée contre divers autres parasites intestinaux, ainsi que dans les affections pulmonaires et dans la diarrhée. On préparait l'écorce sous forme de décoction, à raison de 30 grammes par litre d'eau, qu'on faisait bouillir jusqu'à réduire de moitié. On prenait deux tasses par jour. Les Amérindiens se servaient d'une compresse trempée dans la décoction de l'écorce pour soigner les démangeaisons cutanées, particulièrement celles qui sont provoquées par l'herbe à puce. Les feuilles étaient appliquées sur les enflures, les ampoules et les excoriations. On les mâchait pour soigner les gerçures aux lèvres et les douleurs aux gencives. Les premiers colons appliquaient les feuilles directement sur les brûlures, ou en préparaient une décoction qui soignait tant les brûlures que les engelures. À une époque lointaine, on recueillait l'eau qui stagnait dans les parties creuses du hêtre pour soigner les escarres, que ce soit chez les humains, les chevaux, les chèvres ou les moutons. De façon générale, tant en Europe qu'en Amérique, on s'est servi de l'infusion des feuilles ou de l'écorce du hêtre pour laver les plaies, enflures et irritations de tout acabit. Si l'écorce et les feuilles de hêtre n'ont guère eu de renommée, la créosote, substance tirée du goudron provenant de la distillation du bois, a été largement employée en médecine. Celle que l'on tirait du goudron de hêtre était réputée pour être la meilleure de toutes. On lui attribuait des propriétés astringentes, irritantes, narcotiques, antiseptiques, ondotalgiques et escarotiques (contre les escarres). On savait qu'elle cautérisait rapidement les muqueuses avec lesquelles elle était mise en contact. Par voie interne, on l'employait dans la dysenterie, la diarrhée, la tuberculose et les maladies respiratoires, le choléra, la blennorragie et les autres affections du

même genre, les nausées et les vomissements des « hystériques » et des femmes enceintes, ainsi que dans le mal de mer. Les usages par voie interne étaient nombreux : dans les hémorragies causées par les « piqûres des sangsues » et les coupures, en injections dans la matrice pour les pertes utérines, les fièvres puerpérales, etc., dans les oreilles pour l'ulcération du méat extérieur et pour la surdité due au « manque de cérumen », aussi en injection pour les ulcères fistuleux. En lotion sur les ulcères scrofuleux, syphilitiques, cancéreux et indolents, sur la « pustule maligne », les engelures, l'érysipèle, les brûlures, surtout si elles suppuraient beaucoup, et sur les plaies menacées de gangrène. En gargarisme, dans les maux de gorge putrides, la diphtérie, etc., en onguent, pour les maladies de peau. Fiou! Heureusement que ces maladies-là n'existent plus! Sinon on ferait quoi sans créosote de hêtre? Où le(la) trouve-t-on? Dans les bois rocheux du sud et de l'ouest du Québec. À l'est, sa limite suivrait une ligne joignant le cap Tourmente et la rivière Restigouche. Comme les jeunes hêtres gardent généralement leurs feuilles durant l'hiver, d'un coup d'oeil on peut juger de leur présence dans une forêt.

Pissenlit

Son nom Taraxacum signifie «je trouble, j'agite», par allusion à ses propriétés diurétiques, ce que confirme le nom de «pissenlit» qu'on lui donne en français. Officinale signifie «préparé en officine». Médicinal, quoi! Son rôle dans l'environnement «C'est le pissenlit, écrit le frère Marie-Victorin dans La Flore laurentienne, qui donne, vers le commencement de mai, la première miellée notable du printemps, fournissant abondamment aux abeilles - que l'on peut cesser de nourrir à ce moment - nectar et pollen.» Et ça se mange? Ça ne fait pas que se manger, ça se boit aussi! On fait de la salade avec les jeunes feuilles (voir notre recette dans Documents associés), un légume d'accompagnement ou des marinades avec les boutons floraux, et du vin avec les fleurs. On peut aussi couper les feuilles en chiffonnade et les ajouter aux sandwiches, aux soupes (à la fin de la cuisson) ou à du fromage de chèvre crémeux. Est-ce que ça soigne? Ben tiens! Puissant tonique, nettoyeur du sang, stimulant de la sécrétion biliaire, capable de réveiller tout organisme qu'une alimentation riche et le manque d'exercice ont rendu paresseux, le jus de pissenlit, à raison d'une ou deux cuillérées à soupe le matin et le soir, était jadis conseillé en cure d'un mois au printemps. On l'exprime de préférence le jour même à l'aide d'un extracteur à jus. Il se prépare avec moitié feuilles et moitié racines et se boit en remerciant les dieux et déesses d'être aussi efficace à petites doses. Parce que, à plus hautes doses, on serait franchement pas capables! Il paraît que c'est un remède divin pour tout ce qui s'appelle arthrite, arthrose, rhumatismes, à la condition de suivre la cure tous les printemps sans faute. Même les médicaments à base de cortisone ne seraient pas aussi efficaces, sans parler du fait qu'ils sont nettement plus toxiques. Pour en savoir encore plus sur les propriétés médicinales du pissenlit, voyez notre fiche complète. On les récolte quand ces feuilles? C'est simple : dès qu'elles sortent de terre et jusqu'à l'apparition des boutons floraux, soit environ de la mi-avril à la mi-mai sous nos latitudes. Idem pour les racines, qui offriront toutefois une deuxième récolte à l'automne. Prudence! N'allez pas cueillir vos pissenlits sur un terrain qui a été traité aux insecticides, herbicides, fongicides ou engrais chimiques. Vaut mieux éviter ce genre d'assaisonnement, c'est pas très

bon pour la santé. Ignorez également les bords de routes très passantes et tout endroit où la pollution peut être importante. En cas de doute, abstenez-vous! L'arracheur de racines de pissenlit Essentiel pour ramasser les profondes racines sans trop abîmer votre pelouse ou terrain. Il s'agit d'un tube qu'on enfonce dans le sol et qui permet de retirer une carotte de terre avec la racine au centre. Saviez-vous que? Dans les années soixante, on fabriquait encore du caoutchouc avec le latex qu'exsude le pissenlit. Jusque dans les années quarante, les jeunes filles de «bonne famille» étaient mises à contribution pour la récolte des fleurs de pissenlit avec lesquelles on faisait un vin médicinal qu'on offrait aux religieuses de l'«asile» pour le soin des malades. Ce vin était réputé remontant, tonique et à peu près bon pour tout.

Ronce

Son nom En France comme au Québec, il existe une certaine confusion de nom entre le véritable mûrier, un arbre du genre Morus, et la ronce ou mûrier sauvage, morphologiquement très différente et d'un tout autre genre botanique (Rubus). Cette confusion vient de la similitude des fruits que produisent le mûrier et la ronce. Dans certaines régions de France, pour les différencier, on nomme « mûron » le fruit de la ronce et « mûre » celui du mûrier. « Ronce » viendrait de rumex, rumicis, qui, en latin classique, signifiait « dard ». Rubus est un nom classique ancien, dérivé de ruber, « rouge », par allusion à la couleur du fruit de certaines espèces. Les divers noms anglais - raspberry, blackberry, cloudberry, dewberry, salmonberry, nagoonberry, thimbleberry - témoignent de la difficulté à caractériser ce genre botanique qui serait en pleine explosion génétique. Il n'y a pas à proprement parler de différences entre la ronce et le framboisier. D'un point de vue botanique, ce sont tous deux des Rubus et leur seule différence consiste en ce que, dans le cas des framboisiers, le fruit se sépare du réceptacle lorsqu'il tombe tandis que, dans le cas des mûriers, ce n'est pas le cas. Histoire de nous compliquer la tâche, on a créé un sous-genre pour ces derniers, auquel on a donné le nom d'Eubatus. Mais, botaniquement parlant, un sousgenre, ça ne veut pas dire grand-chose et quand d'aventure on en crée, personne ne sait jamais trop quoi en faire ni où les placer exactement dans la hiérarchie habituelle. Leur rôle dans l'équilibre écologique « Les Rubus par leur multitude et leur mode de vie, écrit le frère Marie-Victorin, jouent dans la nature un rôle écologique défini. Ils apparaissent sur les terrains sablonneux dénudés, après les graminées et les carex, et fournissent une protection efficace au sol durant l'ensemencement par les arbres. Le règne des Rubus est toujours éphémère, et bientôt ces végétaux passent à l'état d'éléments accessoires. » Entre-temps, ils auront servi de nourriture aux oiseaux de toutes espèces, leur fournissant les hydrates de carbone nécessaires pour affronter l'hiver ou la grande migration vers le sud, ainsi qu'aux cerfs et, surtout, aux ours. D'ailleurs, à l'automne, les excréments d'ours - excusez l'image - sont reconnaissables entre tous à cause de la multitude de petites graines non digérées qui les garnissent. Quant aux excréments d'oiseaux - décidément, on tombe dans la scatologie - à cette époque de l'année, ils sont littéralement bleus foncé ou pourpre. Et ça se mange? On ne va pas s'étendre sur les propriétés gustatives des fruits de la ronce, n'est-ce pas? Disons simplement qu'ils sont consommés depuis toujours, notamment par les Amérindiens qui en

récoltaient et en récoltent toujours de très grandes quantités. Pour les préserver, ils les ramassaient immatures et les conservaient dans des caches sous terre. Plus au nord, on les gardait dans des sacs de peau de phoque ou dans de la graisse de phoque ou de poissonchandelle. On les faisait parfois cuire, puis on les écrasait et on les faisait sécher en une sorte de pâte de fruits. Suffisait de casser un morceau au besoin et de l'ajouter au plat du jour. Ou bien on les faisait sécher tels quels pour les utiliser plus tard dans les sauces, les puddings ou la pâte à pain. On en faisait de la « crème glacée » en les fouettant avec de la graisse de phoque, on les marinait avec des feuilles de patience (une plante proche de l'oseille, qui appartient au même genre botanique), on les mélangeait avec d'autres baies comestibles ou avec du sucre d'érable, ou encore, on en faisait du jus que l'on consommait sur-le-champ, car il ne se conservait guère. Évidemment, on peut en faire des tartes, des gelées, des confitures, des sirops, du vin, du vinaigre (le célèbre vinaigre de framboise) et d'excellentes liqueurs. On a aussi consommé les jeunes pousses de l'année, appelées d'ailleurs turions, tout comme les pousses de l'asperge. On les pelait soigneusement, puis on les mangeait crues ou on les faisait cuire comme légume pour accompagner le gibier. On peut facilement en faire des conserves pour l'hiver, ou des marinades. Les Amérindiens fabriquaient une sorte de bière en faisant bouillir ensemble les tiges et les fruits, puis en ajoutant de la levure et du sucre et en laissant fermenter le tout quelques jours. Les pétales des fleurs de toutes les espèces sont comestibles et peuvent être ajoutés aux salades de fruits ou de légumes. Mais Dieu qu'ils sont petits! Et, en plus, au moment de leur cueillette, on se trouve en concurrence directe avec tout ce qui porte aiguillon à venin et autres sympathiques attributs du même genre. Les feuilles constituent une excellente infusion et on les a souvent substituées au thé, trop cher ou trop rare. Riches en tanin, elles possèdent l'astringence que l'on recherche dans cette boisson. En Chine et en Europe, il était d'usage de les faire fermenter légèrement dans le but d'en accroître la saveur, tout comme on le fait pour produire le thé noir. La technique est simple : il suffit de laisser flétrir les feuilles à l'ombre dans un endroit humide où la température oscille entre 25 et 40o C en les empilant en couches bien tassées d'une dizaine de centimètres. Au bout de quelques heures, voire d'un jour ou deux, selon l'intensité que l'on recherche et la température ambiante, elles auront pris une couleur foncée. On les fera alors sécher à l'air libre dans un endroit sec, en veillant à bien les détacher les unes des autres. Comme pour le thé, on peut s'en servir pour fumer du poisson, de la viande ou des légumes. En Europe, le « thé des familles » faisait partie de la tradition. Composé de mélanges de plantes dont la recette variait d'une région à l'autre, voire d'une chaumière à l'autre, il comprenait presque invariablement des feuilles de ronce, de cassis, de framboisier et de fraisier en proportions variables. À cela, on ajoutait au gré de l'humeur ou de la saison, des feuilles de menthe poivrée, des fleurs de tilleul, du serpolet, etc. Très souvent, les feuilles de toutes ces plantes étaient préalablement mises à fermenter. Une fois séchées, on préparait le mélange familial que l'on conservait dans des boîtes en fer blanc. Les feuilles de Rubus peuvent servir à clarifier le vin. Très rarement entend-on dire que les bourgeons sont comestibles. Et pourtant, ils sont absolument délicieux, crus, ajoutés à une salade de fruits. Ils ont une saveur complexe, à la fois fruitée et tanisée qui rehaussera un plat un peu fade. Il est vrai qu'il faut beaucoup de temps pour les ramasser, si bien qu'on préfère généralement les réserver aux emplois médicinaux. Et ça soigne quoi? Dans la phytothérapie française, on fait une différence entre le framboisier et le mûrier sauvage, mais quand on y regarde de près, on se rend compte que leurs propriétés se recoupent largement. Ainsi, ces deux plantes sont astringentes et diurétiques et leurs feuilles ont été employées indifféremment pour soigner divers troubles menstruels ainsi que les

irritations de la bouche et de la gorge. Toutefois, la ronce est censée être légèrement constipante tandis que le framboisier serait plutôt laxatif, ce qui étonne vu sa teneur en tanin. De plus, la tradition a établi un certain nombre d'indications spécifiques à chacune des deux plantes. Ainsi, c'est la feuille du framboisier rouge (R. idaeus) que l'on recommande aux femmes enceintes pour tonifier leur utérus et les préparer à l'accouchement, tandis que c'est la feuille de mûrier sauvage (R. caesius) qui est réputée utile aux diabétiques. Aucune espèce quelle qu'elle soit n'est toxique, dangereuse, dommageable ni ne provoque d'effets secondaires, si on exclut les blessures causées par les dards acérés placés stratégiquement sur les tiges. Aussi sera-t-on heureux d'apprendre que les feuilles, appliquées sur ces blessures, apporteront un soulagement immédiat et contribueront à en accélérer la guérison. Chez les Iroquois et les Saulteux, les racines des ronces servaient de remède aux jeunes mères et aux femmes enceintes fatiguées. Aux États-Unis, on a employé la décoction de l'écorce de la racine de mûrier pour soigner la diarrhée. En Chine, on considère d'ailleurs que l'écorce de la racine de mûrier est beaucoup plus efficace que les autres parties de la plante et on l'utilise chaque fois que possible. Les fruits ou leur jus ont souvent servi en médecine. Ainsi, dans la Grèce antique, on employait les mûres contre la goutte. Le jus de framboise serait efficace contre la cystite tandis que la confiture de mûres a servi à soigner le rhume et que le cordial à base de jus de mûre, de sucre, d'épices et de brandy était employé pour soigner la diarrhée ou d'autres problèmes intestinaux. En fait, les préparations culinaires à base de framboises et de mûres se doublaient très souvent d'une fonction médicale. Quant aux fruits séchés, qui sont peu intéressants pour la consommation parce qu'il ne reste pratiquement plus que les pépins, ils ont servi à faire de bienfaisantes infusions. On peut s'en servir aussi pour agrémenter une infusion insipide ou camoufler la saveur trop marquée d'une plante médicinale. Les feuilles et les bourgeons du mûrier sauvage ont servi à soigner l'hémoptysie, les hémorroïdes, la diarrhée, la dysenterie, les oliguries et le diabète. On l'a dit, par voie externe, les feuilles de framboisier ou de ronce peuvent soigner les blessures légères. En bain de bouche et en gargarisme, elles soignent l'angine, la gingivite, la glossite, la pharyngite, la laryngite, les névralgies dentaires, les plaies atones, propriété qu'elles doivent à leur astringence. Quelle que soit l'espèce choisie, on prépare les feuilles par décoction, en faisant bouillir pendant deux ou trois minutes l'équivalent d'une poignée par litre d'eau. Cette décoction servira pour les usages tant externes qu'internes. Pour préparer le glycéré de bourgeons, reportez-vous à la rubrique cassis. Il y avait jadis une pratique qui consistait à mettre dans un bocal des bourgeons de ronce fraîchement récoltés et de les exposer au soleil. Au bout de quelques jours, un suc sirupeux s'en écoulait. On le récupérait, l'étendait d'un peu d'eau et utilisait cette préparation en pansements sur les plaies ou encore en gargarisme contre les angines. Où le(la) trouve-t-on? Sautez dans votre voiture, sortez de la ville par l'autoroute de votre choix et, aussitôt que possible, prenez un petit chemin de campagne, en tournant à droite ou à gauche, peu importe. Stationnez sur l'accotement. Une fois dehors, fermez les yeux, tournez sur vous-même, puis faites quelques pas droit devant vous. Vous en trouverez, c'est certain, même si vous êtes le plus incorrigible des citadins. En voilà, justement! En principe, il n'y a aucun problème à prendre les fruits, bourgeons, feuilles, racine et turions des framboisiers et mûriers cultivés puisqu'ils sont directement dérivés de leurs parents sauvages. Toutefois, il faut s'assurer que les plants n'ont pas été pulvérisés par des fongicides ou insecticides chimiques.

Aubépine

Son nom Le nom générique viendrait du grec kratos, qui signifie « force », par allusion à la dureté du bois, lequel a beaucoup servi à fabriquer leviers, manches et poignées d'outils et autres articles du genre. « Aubépine » vient du vieux français « aubespin », lequel était tiré du latin populaire albispina, lui-même emprunté au latin classique spina alba, c'est-à-dire « épine blanche », par opposition à « épine noire », spina nigra, c'est-à-dire le prunellier, plante épineuse de la même famille, également employée en médecine. On croit que « cenelle » vient du latin populaire acinella, de acinus « grain de raisin », « pépin ». Au Québec, « cenelle » est devenu « senelle », et l'aubépine (l'arbre) est devenue un « senellier ». On a également appelé le fruit « poire à cochons », probablement parce qu'il a servi de nourriture à ces suidés de l'ordre des artiodactyles. - ??? - Bon, d'accord. « Suidés », du latin suis « porc », et « artiodactyles », du grec artios « pair » et daktulos « doigt », c'est-à-dire dont le nombre de doigts est pair. Son rôle dans l'équilibre écologique « Il semble que le grand développement du genre en Amérique soit le résultat immédiat de la rupture d'équilibre écologique amenée par le défrichement », écrit Jules Brunel dans la Flore laurentienne. En effet, l'aubépine était quasiment absente de l'Amérique avant l'arrivée des Blancs, car, pour s'épanouir, elle a besoin de beaucoup de lumière, ce que nos grandes forêts denses et hautes ne pouvaient lui offrir. Mais il semblerait que le genre connaisse une véritable explosion génétique sous nos climats, avec pour résultat que les 4/5 des espèces, se trouvent aujourd'hui de ce côté-ci de l'Atlantique. Et ça se mange? Les fleurs se mangent, mais elles dégagent très rapidement une odeur ammoniaquée qui rappelle par trop celle de l'urine. Il faut donc les consommer tout juste écloses. Les jeunes feuilles se mangent en salade. Les fruits sont comestibles, mais souvent insipides, leur pulpe étant généralement sèche et farineuse. D'ailleurs, il semblerait que les Amérindiens n'en aient jamais fait grand cas, contrairement à d'autres plantes européennes que les premiers colons leur ont fait connaître. Ils les mangeaient principalement lorsqu'ils n'avaient pas d'autres baies à se mettre sous la dent. Pour contrebalancer la sécheresse de la pulpe, ils la mélangeaient à des aliments gras - oeufs ou laitance de saumon - ou à des corps gras - huile de saumon, graisse de poisson-chandelle, graisse de marmotte ou d'ours. Ou encore, ils pilaient les fruits et en confectionnaient de fines tablettes qu'ils faisaient sécher pour les manger plus tard, trempées dans de la soupe ou

bouillies avec de la graisse de cerf et de la moelle. D'autres les ajoutaient à de la chair et des arêtes de saumon pilées et séchées. Les Iroquois les mangeaient soit crues, soit cuites dans une sauce ou dans les cendres, et les faisaient sécher pour l'hiver. Selon le frère Marie-Victorin, les fruits de l'aubépine du lac Champlain (C. champlainensis, une espèce fréquente dans la région de Montréal) seraient les plus recherchés de tous, à cause de leur pulpe épaisse et succulente. Ceux de l'aubépine subsoyeuse (C. submollis) suivraient de très près. La récolte des baies se fait de septembre à fin novembre, selon les régions et les variétés. Toutefois, il faut savoir que les fruits gagnent en saveur lorsqu'ils ont été exposés à quelques gelées. Malheureusement, ils sont souvent attaqués par les larves. Au Texas et en Louisiane, on cultive une espèce locale, le C. opaca, pour ses baies juteuses que l'on récolte en avril et qu'on transforme en gelée ou en vin. La gelée est notamment employée pour glacer le canard ou l'oie, comme dans la recette que nous vous proposons dans Documents associés. Et ça soigne quoi? Étonnamment, les soeurs de la Providence ne font aucune mention de l'aubépine, qui a pourtant été très utilisée en médecine. Cela s'explique probablement parce que ses propriétés cardiotoniques - de loin les plus importantes - n'ont été véritablement reconnues qu'à la fin du XIXe siècle. En effet, les premières références à ses propriétés n'apparaissent dans les manuels de médecine qu'en 1898 (rappelons que l'ouvrage de Matière médicale des soeurs de la Providence dont je dispose a été publié en 1890). Popularisée par la médecine éclectique au début du XXe siècle, l'aubépine a fait l'objet d'une intense utilisation médicinale pendant les deux premières décennies de ce siècle avant d'être graduellement remplacée par des médicaments de synthèse, bêta-bloqueurs et antagonistes du calcium, notamment. Ce sont les fleurs et les feuilles, et, à un moindre degré les baies, voire parfois l'écorce, qui ont été employées en médecine. Tonicardiaque, hypotenseur, antispasmodique, c'est aussi un hypnotique léger et un fébrifuge, ce qui en fait un bon remède dans les palpitations, les douleurs cardiaques, l'angine de poitrine, les spasmes vasculaires, la tachycardie, les arythmies, l'athérosclérose, l'hypertension, ainsi que les bouffées congestives, palpitations, irritabilité et insomnies de la ménopause. Si elle a permis de soigner tous ces problèmes, ses indications modernes portent surtout sur les maladies coronariennes. De plus, elle serait particulièrement utile pour le suivi d'un infarctus cardiaque dans la mesure où elle pourrait permettre de prévenir des attaques ultérieures. Elle doit toutefois être prise à très long terme, ses effets ne s'accumulant que très lentement dans l'organisme. Par contre, elle a l'avantage de ne présenter aucun effet indésirable. À cause de leur astringence, les fruits sont utiles contre la diarrhée et la dysenterie. On pense qu'ils pourraient également contribuer à dissoudre les calculs urinaires et biliaires. Leur astringence en ferait également un bon remède pour le traitement topique des rougeurs et de la couperose. Les fleurs se récoltent au printemps, avec les feuilles, quoique certains affirment que les feuilles sont plus riches en principes actifs lorsqu'on les récolte en août. On fait sécher fleurs et feuilles sur une toile moustiquaire, à l'ombre. On en prépare une infusion à raison d'une cuillerée à café par tasse d'eau bouillante. On prend deux ou trois tasses par jour. Les baies se récoltent à l'automne et peuvent être séchées comme les fleurs. La tisane se prépare à raison de 15 g par litre d'eau. On en prend deux ou trois tasses par jour. Pour l'usage externe, on fait bouillir 20 g de fleurs ou de baies dans un demi-litre d'eau. On peut se servir directement de la décoction pour laver le visage ou l'incorporer à une crème cosmétique. Ce sont les espèces C. oxyacantha (nom moderne : C. laevigata), C. monogyna et, à un moindre degré, C. pentagyna, toutes d'origine européenne, qui ont fait l'objet d'études

scientifiques. On croit toutefois que toutes les espèces pourraient exercer une activité thérapeutique dans la mesure où toutes renferment probablement les flavonoïdes actifs qu'on a isolés dans les espèces étudiées, quoique possiblement dans des proportions qui pourraient varier grandement selon les cas. On la trouve où? Beaucoup d'espèces ont une distribution très restreinte tandis que d'autres sont répandues dans tout le Québec. On trouve à l'occasion quelques spécimens de C. laevigata et de C. monogyna, qui se sont échappés de cultures.

Saule

Son nom Le nom générique, d'origine celtique, signifie « près de l'eau », par allusion à l'habitat de cet arbre ou arbuste. À cause de la forme de ses feuilles - allongées et au moins trois fois plus longues que larges, le saule (Salix alba) capte la lumière d'une manière tout à fait particulière, ce qui permet de le repérer de loin. Vu d'en haut, d'une montgolfière, par exemple, c'est un des meilleurs indicateurs de la présence d'un cours d'eau, fleuve, rivière ou ru, étant donné que ce qu'il aime plus que tout au monde, c'est de plonger ses racines dans la bonne terre humide et limoneuse des rivages. Son rôle dans l'équilibre écologique Dans les régions tempérées, les saules jouent un rôle important pour la préservation des rives des cours d'eau, leurs racines retenant le sol et freinant l'érosion. Dans les régions beaucoup plus froides, la toundra par exemple, où le couvert végétal ne dépasse guère les 10-15 cm de hauteur, les saules se font tout petits et rampants, profitant des quelques degrés de chaleur supplémentaires que le sol leur fournit par rapport à l'air ambiant. Mais encore là, ils forment des sortes de coussinets qui protègent le sol et l'empêchent de partir en poussière sous la forte poussée des vents. Certaines espèces survivent sur les rives longtemps inondées au printemps. Capables de résister aux débâcles, elles colonisent les bancs de sable récemment formés et en fixent le sol de façon à permettre l'établissement futur d'autres espèces d'arbres. Du grand saule noir qui, plus au sud, peut atteindre 40 mètres et qui occupe massivement les rives du Saint-Laurent et de ses affluents, aux petites espèces arbustives dont certaines sont de véritables reliques ayant échappé à la dernière glaciation et ne se retrouvant que dans quelques rares lieux isolés, le saule affiche une incroyable diversité de formes et de tailles. Rien qu'au Québec, on aurait dénombré au moins quarante espèces, quoique certains estiment qu'il y en a beaucoup plus si on tient compte de l'hybridation naturelle qui se produit entre les espèces. Symbole d'immortalité en Extrême-Orient, le saule est l'arbre de vie au Tibet, ce qui n'étonnera personne vu son extrême vitalité. En effet, il suffit de planter un rameau de saule dans la terre pour qu'il fasse bientôt des racines et devienne rapidement un arbre imposant. Et ça se mange? L'écorce interne, ou cambium, du saule blanc est comestible. Dans les pays nordiques, elle a servi à faire du pain. L'écorce de toutes les espèces de saule est d'ailleurs comestible, quoique très amère, du genre à vous faire rentrer les joues dans les mâchoires. Il faut donc la faire cuire dans au moins deux eaux avant de l'employer. Elle peut servir de nourriture de survie et

on dit que nombre de coureurs des bois coincés en forêt lui doivent la vie. On la mangera alors fraîche, en la mastiquant bien et en recrachant les fibres à mesure. Pour en faire du pain, on la fera cuire d'abord dans deux eaux puis sécher et on la réduira en poudre avant de l'intégrer en petite quantité à la pâte à pain. Une mise en garde s'impose toutefois : le cambium étant la seule partie du bois qui soit vivante, en prélever une trop grande quantité revient à tuer l'arbre à plus ou moins long terme. Par conséquent, on ne l'utilisera qu'en cas d'absolue nécessité. L'idéal est de le prélever sur des arbres récemment abattus ou tombés. D'un point de vue culinaire, les jeunes pousses, les bourgeons, les inflorescences et les très jeunes feuilles, sont nettement plus intéressants que l'écorce. De plus, la plupart du temps, on peut en prélever de grandes quantités sans mettre l'arbre en péril. Si on récolte l'écorce en hiver, c'est au printemps qu'on récolte ces parties vertes. Les Eskimos de l'Alaska et les Inuits du Canada ramassent encore de nos jours les parties comestibles d'une espèce nordique, Salix phylicifolia, et de diverses autres espèces. On mange les bourgeons crus avec de l'huile de phoque. L'huile de phoque sert d'ailleurs à les conserver plusieurs mois, voire une année complète. Cueillies lorsqu'elles ne dépassent pas les quatre centimètres, les jeunes feuilles se mangent soit crues et fraîches, soit séchées et ajoutées à la soupe ou prises en infusion. On les estime d'ailleurs assez pour les mettre en conserve. Les jeunes pousses de cette espèce et de diverses autres espèces rampantes de la toundra arctique et des montagnes peuvent être pelées puis mangées crues. Enfin, les Slaves de l'Ouest canadien fabriquaient une bière forte avec les branches de diverses espèces de saule. Et ça soigne quoi? Avant la mise au point de l'aspirine (acide acétylsalicylique) par Bayers, on employait dans les officines l'écorce de diverses espèces de saule de même que son principe actif, la salicine, qui fut d'abord isolée dans le saule, puis dans quelques espèces de peupliers. « Arbre contre la douleur », écrit le docteur Jean Valnet dans son livre « Phytothérapie ». Antinévralgique, antispasmodique, sédatif génital, calmant nerveux, fébrifuge, tonique digestif, le saule soulage les névralgies rhumatismales, les céphalées, les douleurs des règles, les états fébriles, l'angoisse, l'anxiété, l'insomnie des neurasthéniques. Il est en outre souverain pour éteindre les ardeurs fougueuses des nymphomanes, priapes, satyriasiques et autres faunes de ce monde, leur permettant de retrouver le sommeil innocent de l'enfance. Étonnamment, il soulage aussi l'hyperacidité gastrique. Étonnamment, en effet, puisque son équivalent de synthèse, l'AAS (aspirine), est au contraire déconseillé en cas d'hyperacidité ou d'ulcère gastrique, car il est réputé pour provoquer des lésions parfois très graves de l'estomac. Enfin, on croyait autrefois qu'une forte décoction de l'écorce intérieure du saule était la cure parfaite pour les maladies vénériennes. En phytothérapie, les chatons, les feuilles et l'écorce peuvent être employés, mais c'est de loin cette dernière qui est la plus efficace et, avec le temps, son emploi a prédominé. Les deux premiers se préparent en infusion à raison de 10 ml par tasse d'eau bouillante. On en prend trois tasses par jour avant ou entre les repas. L'écorce se prépare sous la forme de décoction à raison de 25-35 g par litre d'eau. On la fait bouillir cinq minutes puis infuser dix minutes. On en prend trois tasses par jour. On l'a aussi prise en poudre, incorporée dans du miel ou du sirop à raison de 5-10 g par dose. On peut également en préparer un vin en faisant macérer 50 g d'écorce dans un litre de vin pendant quelques jours. On prend un verre à bordeaux (75 ml) avant chacun des deux grands repas. Par voie externe, on emploie les feuilles en compresse pour soigner les contusions et plaies ou en emplâtre contre les entorses et les élongations. On prépare la compresse en faisant bouillir les feuilles dans de l'eau. On récupère le liquide refroidi et on applique. On prépare l'emplâtre en mélangeant les feuilles avec de la farine de blé et un peu d'eau et en appliquant la pâte ainsi obtenue sur les parties affectées.

Les feuilles de saule portent souvent des gales causées par divers insectes. La variété qui se développe sur le S.rigida et qui a la forme d'un bouton de rose serait médicinale (et probablement les autres également). On employait autrefois l'infusion pour soigner la rétention d'urine. Saviez-vous que? Les substances actives de nature hormonale que renferme le saule favorisent son enracinement. Il est possible de tirer parti de cette propriété pour bouturer des plantes plus rébarbatives. Il suffit pour cela d'écraser avec un marteau quelques rameaux de saule (toutes espèces confondues) et de les faire tremper pendant 24 heures dans de l'eau. On récupérera cette eau et on y mettra à bouturer les tiges de la plante récalcitrante. La reprise sera bien meilleure.

Tilleul

Son nom Le tilleul d'Amérique (Tilia americana ou Tilia glabra) est plus connu ici sous le nom de « bois blanc », probablement à cause de son bois, justement, qui de tout temps a été prisé par les ébénistes, les sculpteurs et les luthiers. Le sens du nom générique latin, Tilia, reste obscur, mais on sait toutefois que, dès le XIIIe siècle, le mot « teille », qui en est dérivé, désignait spécifiquement l'écorce de cet arbre, que l'on utilisait pour fabriquer des cordes et des nattes. Par la suite, « teille » en est venu à désigner l'écorce de diverses autres plantes textiles, dont le chanvre, « teillage », l'opération qui consistait à séparer les parties ligneuses de la fibre, « teilleur », l'ouvrier qui se consacrait à cette tâche, et « teilleuse », la machine à teiller. Tout un petit vocabulaire technique est donc né autour de la précieuse écorce de ce non moins précieux arbre. En grec, il porte le nom de Philyra, en hommage à la mère du centaure Chiron, dont on assure que les pouvoirs ont toujours été bénéfiques aux êtres humains. Le tilleul est d'ailleurs considéré comme un symbole d'amitié et de fidélité. Révéré à travers les âges, chanté et glorifié dans les poèmes, il appartient aux plus anciens folklores européens. Dans certaines traditions, on dit qu'il représente à la fois les vertus masculines de la force et du pouvoir, et les vertus féminines de la réceptivité et de la contemplation. Son rôle dans l'équilibre écologique À l'époque où Montréal était encore un grand village, le tilleul abondait dans la région et, au moment de sa floraison dans la première moitié de juillet, il constituait dans certains cas la principale ressource mellifère. Malheureusement, que je sache, il n'existe plus de producteur de miel de tilleul au Québec. Et ça se mange? Les Iroquois et les Saulteux consommaient les jeunes pousses et les rameaux, crus ou cuits. Quant à l'écorce, ils la cuisaient d'abord longuement puis la broyaient et l'ajoutaient aux bouillons de poisson ou à de l'huile de poisson qu'on intégrait ensuite aux ragoûts. Les jeunes feuilles encore translucides et très tendres sont excellentes en salade. On peut également les faire lactofermenter. Plus âgées, elles ont été séchées puis réduites en farine et ajoutées à des céréales. Réputé pour être très nutritif, ce plat était répandu lors de la dernière guerre mondiale alors que les nazis tentaient d'affamer la population française. On a aussi employé les feuilles comme fourrage pour le bétail.

On peut ajouter les fleurs aux salades de fruits ou de légumes, qu'elles parfumeront agréablement. Les fruits rôtis, que les anglophones désignent sous le nom de

monkey-nuts, ont servi à préparer un succédané de café. Quant à la sève, elle est, paraît-il, fort bonne à boire. On peut aussi en faire du sirop, mais le rendement est faible. Pour nombre d'Européens qui, contrairement à nous, peuvent en trouver sur le marché, de tous les miels, le miel de tilleul est celui qui possède la saveur la plus délicate. Toutefois, l'usage le plus connu est celui qui consiste à boire sa tasse de tilleul, à la maison ou au café, comme cela se fait depuis toujours en France, où c'est encore l'infusion la plus répandue. C'est d'ailleurs très précisément l'odeur suave de l'infusion, associée à celle des madeleines, qui, en réveillant ses souvenirs d'enfance, inspira une grande partie de l'oeuvre de Marcel Proust. C'est quand même pas tout à fait rien et c'est pour cela qu'on va jouer, le temps d'une collation, à se prendre pour Proust. Attention, toutefois, les madeleines doivent leur célèbre légèreté à une overdose de beurre. Vous trouverez la recette dans Documents associés. Et ça soigne quoi? Sédatives et légèrement hypnotiques, sudorifiques et diurétiques, les fleurs de tilleul ont servi à soigner les spasmes, les troubles digestifs, l'insomnie, les névroses et, parce qu'elles agissent sur l'hyperviscosité et l'hypercoagulation sanguines, l'athérosclérose et la pléthore. Plus récemment, on a découvert qu'elles augmentaient la résistance non spécifique de l'organisme, ce qui en fait un excellent remède contre la grippe et le rhume, particulièrement chez les enfants. Dès l'apparition des premiers symptômes, on alite l'enfant et on lui donne 2 ou 3 tasses d'infusion par jour. En Europe, on les prend très souvent avec des fleurs de sureau noir, considérées elles aussi comme capables de stimuler la résistance non spécifique de l'organisme. On a dit que certaines espèces de tilleul, dont le tilleul américain, pouvaient provoquer des vomissements et de la diarrhée chez certaines personnes, mais cela n'est pas confirmé par la tradition médicale nord-américaine. Ainsi, selon les Soeurs de la Providence, tant le tilleul d'Europe (Tilia europoea) que le tilleul d'Amérique sont employés en médecine. « C'est un breuvage agréable, écrivent-elles dans leur Matière médicale, qui convient bien dans les lassitudes, les digestions lentes, les dérangements nerveux. » De son côté, dans sa Flore Laurentienne, le Frère Marie-Victorin parle des propriétés antispasmodiques et diaphorétiques des fleurs de notre espèce. On peut donc les consommer sans crainte. Infuser dix minutes 15 à 30 grammes par litre. Prendre 2 à 4 tasses par jour. L'aubier de tilleul sauvage, réputé pour combattre l'arthrite, les rhumatismes, la cellulite, les états migraineux et les calculs biliaires et rénaux, provient du Tilia sylvestris, une espèce qui pousse dans le sud de la France et qui serait passablement différente des autres. Par voie externe, les Amérindiens employaient une décoction de l'écorce interne pour laver et traiter les brûlures. Les hospitalières employaient l'écorce et les feuilles sous la forme de cataplasmes émollients contre les enflures douloureuses et l'inflammation des yeux. Le bain aux fleurs de tilleul est réputé pour soigner la fatigue nerveuse, l'insomnie et l'anxiété. Il ferait des merveilles auprès des enfants irritables ou hyperactifs. On prépare d'abord une infusion avec 1 1/2 tasse de fleurs dans 1 litre d'eau. On filtre et on ajoute l'infusion à l'eau du bain. On recommande de faire tremper le « petit monstre » une quinzaine de minutes dans ce bain avant de le mettre au lit. Après quoi, on prendra soi-même un bain semblable, histoire de se calmer les nerfs... Mode de culture Sa beauté, sa forme, la densité de son feuillage et le fait qu'il se prête particulièrement bien à la taille font que le tilleul est largement utilisé comme arbre d'ornement. On trouve donc facilement des plants en jardinerie. Toutefois, si vous ne disposez que d'une petite cour, il faudra le tailler impitoyablement, car, élevé dans de bonnes conditions et laissé à lui-même, il peut atteindre les 40 mètres de hauteur. Pour les vrais de vrais qui préfèrent se compliquer l'existence en semant les graines, il faut savoir que ces dernières ont la germination pénible. On devra d'abord les exposer au froid,

soit en les mettant dans un sac de sable humide qu'on placera ensuite au congélateur - pendant cinq ou six semaines - avant de les semer en pleine terre, soit en les semant directement à l'extérieur, de préférence dans un bac, histoire de suivre le processus de près. Vous devrez toutefois faire preuve de patience, car, dans ce dernier cas, elles peuvent mettre deux ans à germer. Comme il n'existe pas, à ma connaissance, de source commerciale de semences, il vous faudra les prélever sur des spécimens vivants. Si vous avez la main verte, vous pouvez également procéder par bouturage. Fin mars/début avril, récoltez des rameaux de 12 à 15 cm et plantezles sur les deux tiers de leur longueur dans du sable humide. Arrosez régulièrement d'un fin jet d'eau et au bout de quelques semaines, vous devriez voir apparaître des feuilles. Transplantez au printemps. Par contre, si vous êtes du genre à rater vos semis de radis ou à perdre vos cactus pour raison de soif intense, vaudrait mieux commander un plant chez un pépiniériste. Le tilleul a besoin d'une terre riche, humide, mais non détrempée. Il craint tellement la chaleur que lorsque le mercure monte trop haut, il peut carrément perdre ses feuilles en guise de protestation. Pour se l'amadouer, on recommande de disposer un paillis d'une quinzaine de centimètres d'épaisseur sur le sol en veillant à bien couvrir l'ensemble de son réseau de racines (soit la surface occupée par l'ombre que projette le feuillage au zénith).

Solidago canadensis

Son nom On dit que Linné, père de la terminologie binomiale latine, donna à la verge d'or le nom scientifique de Solidago (littéralement, « je rends entier », « je consolide ») en raison de sa réputation à favoriser la guérison des plaies. Quant à son nom populaire de « verge d'or », l'histoire ne dit pas s'il lui vient de ce que les riches aristocrates employaient ses tiges pour corriger leurs petits monstres ou s'il faisait plutôt référence à un ancien rituel mystico-érotique dont l'origine se serait perdue dans la nuit des temps... Son rôle dans l'équilibre écologique Il y a environ 125 espèces de verge d'or, dont la majorité est nord-américaine. Avec les asters, elles recouvrent à l'automne de vastes étendues de terre, faisant de la vallée du Saint-Laurent, écrit le frère Marie-Victorin, « un immense jardin noyé de pourpre et d'or ». C'est-y pas de la belle prose ça? Quant aux auteurs de Plantes sauvages des villes et des champs (Groupe Fleurbec), ils écrivent : « Avez-vous déjà observé la succession des floraisons dans un champ à l'abandon? Selon un ordre vertical ascendant, le groupe printanier fraisiers-violettes-pissenlits, au ras du sol, est suivi par l'enchevêtrement multicolore des plantes un peu plus grandes à floraison estivale: graminées-trèfles-marguerites-chicorées-etc., et finalement par le bataillon dressé des grands asters-verges d'or ». Non, je n'avais jamais remarqué, mais maintenant que vous le dites, ça saute aux yeux. Ah! ces évidences qui ne cessent de nous échapper. Et ça se mange?

On connaît peu d'emplois culinaires à la verge d'or, sa saveur fortement aromatique étant plutôt désagréable. La seule espèce vraiment intéressante à cet égard est le S. odora au parfum anisé que, sous le nom de Thé de la Montagne Bleue, les Hollandais de la Pennsylvanie boivent comme substitut du thé. Sauf qu'elle ne pousse pas chez nous. Certains affirment que les Amérindiens consommaient les graines du S. canadensis, mais si c'est le cas, cet usage était certainement marginal et géographiquement restreint, peu d'experts en ethnobotanique en faisant mention. Par contre, le miel de verge d'or est l'un des plus communs en Amérique du Nord. Son goût se situe à mi-chemin entre celui du miel de trèfle et celui du miel de sarrasin. Comme c'est le cas pour tous les types de miel, il ramasse une partie des principes actifs de la plante et peut donc jouer un rôle non négligeable dans l'organisme. La mode actuelle qui en pousse plusieurs à rechercher des miels exotiques - romarin, lavande, mélaleuque et que sais-je encore? - ne devrait pas nous faire oublier les vertus d'un des meilleurs représentants de cette catégorie alimentaire. Il fera merveille dans le traditionnel pain d'épices dont vous trouverez la recette dans Documents associés. Et ça soigne quoi? Considérée dans la tradition européenne comme stimulante, sudorifique, tonique, carminative, apéritive et pectorale, on a utilisé la verge d'or pour les rhumes, les affections pulmonaires, les nausées et les douleurs causées par les « vents ». Toutefois, c'est dans les affections rénales (infections telles que colibacillose, cystite ou néphrite, calculs rénaux, albuminurie, oligurie) qu'on l'a surtout employée. Il s'agirait d'ailleurs d'une des meilleures plantes pour fortifier le système rénal. Elle a également servi à soigner la diarrhée, les entérocolites et les entérites, notamment celles dont souffrent les toutpetits lorsqu'ils percent leurs dents. On la leur administrait sous la forme de sirop. Riche en flavonoïdes de type vitamine P, la verge d'or est également utile dans le traitement des varices. À ce titre, elle entre dans la composition de nombreuses spécialités pharmaceutiques allemandes. On a longtemps prétendu que nos espèces ne possédaient que des propriétés astringentes, par comparaison à l'espèce européenne (Solidago virgo aurea ou virgaurea), censée être bien plus efficace. Mais voilà que des chercheurs allemands qui ont étudié deux de nos espèces indigènes, le S. canadensis et le S. serotina, d'abord importées en Europe comme plantes décoratives, affirment que non seulement elles possèdent les mêmes propriétés médicinales, mais qu'il y a de fortes chances qu'elles soient plus riches en principes diurétiques que l'espèce européenne. Elles sont d'ailleurs acceptées en Allemagne comme substituts de cette dernière en cas de pénurie dans l'approvisionnement. Au Québec, c'est le S. canadensis qu'on a essentiellement employé en médecine populaire. Les Amérindiens l'utilisaient pour soigner divers maux. Ainsi, les Zunis soignaient le mal de gorge en mastiquant les fleurs et en avalant le jus. Les Alabamas employaient les racines en cataplasme contre le mal de dents. Dans de nombreuses tribus, l'infusion des fleurs et des

feuilles a servi à soulager la fièvre et les « douleurs de poitrine ». Les Meskwakis préparaient une lotion qu'ils employaient contre les piqûres d'abeilles ainsi que contre d'autres types d'enflures douloureuses. Comme bien d'autres plantes, la verge d'or pourrait s'avérer utile contre certains types de cancer. En effet, on a découvert dans l'espèce S. canadensis deux polysaccharides qui ont montré des propriétés antitumorales chez des souris de laboratoire. Naturellement, il faudra bien d'autres travaux encore avant qu'on puisse confirmer cette activité chez l'humain. Pour préparer la tisane, verser un litre d'eau froide sur 1 ou 2 c. à soupe de plante séchée, faire bouillir deux minutes et laisser infuser une dizaine de minutes. Note. En usage externe : utiliser la tisane en lotion ou compresse sur les plaies. Pour préparer un sirop, faire d'abord bouillir pendant dix minutes 100 g de sommités fleuries dans un litre d'eau. Infuser 12 heures. Filtrer, ajouter 1,5 kilo de sucre et réchauffer jusqu'à complète dissolution du sucre. Refroidir et embouteiller. Garder au frais. Administrer au besoin, à raison de 1 ou 2 c. à soupe. On la trouve où? Selon les espèces, la verge d'or occupe divers habitats : sous-bois, champs sablonneux, rivages d'eau douce, rivages maritimes, sommets exposés des montagnes, bords de route, forêts, tourbières. Bref, il y en a pour tous les goûts. Le S. canadensis se trouve pratiquement partout au Québec. On récoltera la moitié supérieure de la plante en fleur qu'on fera sécher à l'ombre, comme de coutume sur une moustiquaire, ou suspendue en bouquets.

Violette

La violette... en gelée et en sirop À feuilles poilues ou non, en forme de cœur ou de rein, portées ou non sur une tige, à fleurs blanches, jaunes, bleues ou violettes, avec ou sans stolon, les espèces de violettes dans le monde se comptent par quelques centaines. Au Québec, on en dénombre 26, en plus de nombreux hybrides qui se forment spontanément au gré des visites des insectes pollinisateurs. La plupart du temps petite, presque insignifiante, la violette ne se distingue véritablement de la flore environnante qu'au moment de sa floraison, qui peut être spectaculaire lorsqu'elle couvre de grandes étendues. Mai est assurément le mois pour la cueillir. Peu particulière quant à son habitat, on la trouve un peu partout, en forêt pour certaines variétés, dans des champs plutôt ombragés ou carrément au soleil pour d'autres, en terre humide ou sèche, sablonneuse ou tourbeuse... Bref, si vous ne trouvez pas de violettes au moment de la floraison, c'est que vous n'avez pas envie d'en trouver. Et ça se mange ? Les jeunes feuilles se mangent crues ou cuites. Mucilagineuses, elles donneront de la consistance à une soupe ou un bouillon clair. Elles sont riches en vitamine C (210 mg par 100 g) et sans être très élevée, leur teneur en bêta-carotène n'est pas négligeable (824 mg en équivalent-rétinol par 100 g). Leur forme originale et leur couleur égaieront les mescluns printaniers et leur finesse contribuera à équilibrer les saveurs plus prononcées du cresson, de la chicorée ou de la moutarde. Quant aux fleurs, bien sûr, on peut les ajouter aux salades, mais traditionnellement, elles ont surtout servi à confectionner des sirops et des gelées ou, cristallisées, à décorer gâteaux et autres desserts. Les fleurs de violettes cristallisées sont d'ailleurs toujours une spécialité de la ville de Toulouse, en France. En Allemagne, on les met parfois à flotter dans le traditionnel Vin de mai, un mélange de vin de Moselle et de champagne dans lequel on a fait macérer des morceaux d'orange et d'ananas ainsi que des tiges d'aspérule odorante, une plante sauvage extrêmement aromatique. Le sirop de violettes, dont la recette est donnée dans Documents associés, pourra entrer dans la préparation de glaces ou de sorbets maison, napper crêpes, gaufres, gâteaux et quoi encore! Et ça soigne quoi? Étant donné sa richesse en mucilage, on ne s'étonne pas que les herboristes aient recommandé la violette pour soigner la toux et la bronchite ainsi que la constipation légère, un peu comme pour la graine de lin. Dans les hôpitaux, on préparait jadis à cet effet le sirop violat, dont voici la recette. Verser 1 litre et demi d'eau chauffée à environ 45° C sur 450 g de violettes. Agiter pendant quelques minutes puis passer en pressant légèrement pour exprimer le liquide.

Peser ensuite les pétales de violettes, les mettre dans la partie supérieure d'un bain-marie, ajouter deux fois leur poids d'eau bouillante et laisser infuser 12 heures. Passer en pressant pour exprimer le liquide. Cette fois, c'est l'infusion qu'il faut peser et lui ajouter le double de son poids en sucre en laissant ce dernier se dissoudre partiellement dans l'infusion avant de chauffer au bain-marie jusqu'à parfaite dissolution. Mais pas plus. Retirer du feu aussitôt. Toutes ces opérations complexes avaient pour but de préserver les principes actifs, facilement dispersables, des fleurs de violette. Conservez le sirop au réfrigérateur dans des bouteilles de vin bien nettoyées et fermées avec un bouchon de liège ou scellez les bouteilles avec de la paraffine et conservez-les dans un endroit frais. Pour les bronchites et la toux, on a recommandé de prendre 30 à 50 g par jour. Aux enfants, on en administre 1 c. à thé, une ou deux fois par jour. Étant donné la quantité de sucre qu'il y a là-dedans, ils ne se font généralement pas tordre le bras pour prendre leur potion! Pour soigner la constipation légère chez les tout-petits, on administrait un mélange de 1/2 à 1 c. à thé de sirop avec la même quantité d'huile d'amande. Les feuilles cuites dans l'eau ou fraîches et broyées ont été utilisées en cataplasmes pour soigner les gerçures des seins. Faites sécher une partie de votre récolte de fleurs de violettes. Pour cela, vous les placerez sur une toile moustiquaire montée sur un cadre de bois. La toile de moustiquaire devrait être en nylon plutôt qu'en métal, car ce dernier risque d'oxyder les fleurs délicates. Placez votre cadre autant que possible dans un endroit sombre pour éviter que les fleurs ne se décolorent. Si le temps est trop humide, chauffez votre four à 200° F, mettez les fleurs sur une tôle à biscuits recouverte de papier ciré et laissez-les de quatre à six heures, porte entrouverte. Laissez-les ensuite refroidir puis conservez-les dans un contenant de verre, de préférence opaque. Sinon vous devrez le ranger dans un coin obscur. Saviez-vous que ? Selon Pline L'Ancien, une couronne de violettes placée sur la tête aurait le pouvoir de soigner un mal de crâne ou de soulager les effets des « lendemains de veille ». Connaissez-vous l'expression jouer les violettes ? Elle signifie, pour un personnage public, être discret, se faire soudainement discret.

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