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March 17, 2018 | Author: Anonymous | Category: Science, Biologie, Anatomie
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Manifestations nasales de la maladie de Churg et Strauss ● P. Faulcon*, M. Raynal*, P. Bonfils*

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e syndrome de Churg et Strauss, ou angéite granulomateuse allergique, est une vascularite systémique et pulmonaire associant un asthme souvent grave et une hyperéosinophilie sanguine et tissulaire. Des atteintes viscérales rappelant celles de la périartérite noueuse complètent le tableau clinique. La particularité de cette vascularite systémique nécrosante est qu’elle entraîne des lésions préférentiellement au niveau des artères et des veines de petit et moyen calibre dont les parois sont infiltrées de polynucléaires éosinophiles. Les atteintes extravasculaires correspondent à des infiltrats tissulaires en polynucléaires éosinophiles et à des granulomes à cellules épithélioïdes et géantes. La physiopathogénie de cette maladie est encore inconnue. L’hypothèse de l’implication d’antigènes inhalés et de certaines stimulations antigéniques (désensibilisations, vaccinations) est actuellement retenue.

OBSERVATION Un patient de 67 ans consulte dans le service pour une obstruction nasale chronique bilatérale associée à une anosmie. Ces symptômes évoluent depuis cinq années et sont associés à une rhinorrhée postérieure abondante. Il n’existe ni douleur faciale, ni rhinorrhée antérieure. L’interrogatoire précise que ce malade est suivi depuis cinq ans dans un service de médecine interne pour un syndrome de Churg et Strauss découvert lors du bilan d’une altération de l’état général. Par ailleurs, sa maladie a été précédée d’une polypose nasosinusienne et d’un asthme rapidement corticodépendants, sans notion d’intolérance aux antiinflammatoires non stéroïdiens. La composante obstructive de cette polypose nasosinusienne a déjà bénéficié de plusieurs séances de laser, sans réelle efficacité. La rhinoscopie antérieure objective une polypose nasosinusienne stade III bilatérale (tableau I) avec une obstruction quasi complète des deux fosses nasales. Tableau I. Les différents stades endoscopiques de la polypose nasosinusienne. Stade I Stade II Stade III Stade IV

Polype apparaissant dans le méat moyen Polype dépassant le bord inférieur du cornet moyen Polype se projetant en regard du cornet inférieur Polype extériorisé de la fosse nasale

* Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, hôpital Boucicaut, 78, rue de la Convention, 75015 Paris.

L’examen du pharynx montre une rhinorrhée profuse mucopurulente. Le scanner des sinus en coupes axiale et coronale, sans injection, retrouve des opacités pansinusiennes touchant l’ensemble des cellules ethmoïdales, en avant comme en arrière de la racine cloisonnante du cornet nasal moyen, avec des images de lyse des cloisons du labyrinthe ethmoïdal. Pendant plusieurs semaines, un traitement local par lavages des fosses nasales au sérum physiologique associé à une corticothérapie locale (béclométasone à la dose de 150 µg par fosse nasale et par jour) est instauré. L’absence d’amélioration clinique pose le problème de l’association de ce traitement local à une corticothérapie per os séquentielle à fortes doses en cure courte (0,5 à 1 mg/kg/j de prednisolone). Par ailleurs, ce patient reçoit, dans le cadre de la prise en charge de sa vascularite systémique, une corticothérapie par voie générale depuis plusieurs années à la dose de 6 mg/j de prednisone. La crainte d’un effet rebond caractérisé par une reprise évolutive des atteintes vasculaires viscérales à l’arrêt de la corticothérapie à forte dose contre-indique la prescription de cette dernière. Devant l’inefficacité du traitement local, une nasalisation ethmoïdale est discutée. DISCUSSION Le syndrome de Churg et Strauss est une affection rare (prévalence de 1,2 cas pour 100 000 habitants) (1), correspondant à environ 20 % des vascularites du groupe de la périartérite noueuse (2). Cette maladie atteint les sujets de tout âge sans prédominance sexuelle. L’anamnèse retrouve souvent la notion d’une stimulation antigénique itérative (désensibilisation, vaccination). Le syndrome de Churg et Strauss est une maladie qui évolue généralement en trois phases (1). Comme le montre notre cas clinique, les atteintes rhinologiques de cette maladie sont présentes dès le début de l’évolution et précèdent très souvent les lésions vasculaires viscérales (3). Cette phase prodromique est caractérisée par l’apparition de symptômes rhinologiques à type d’obstruction nasale chronique et de rhinorrhées antérieure et postérieure. Les diagnostics les plus souvent retenus dans la littérature sont la rhinite allergique et la polypose nasosinusienne (3). Un asthme d’évolution tardive, sans terrain familial évident, est très souvent associé à ces atteintes rhinosinusiennes (2). L’atteinte asthmatique est quasi constante dans l’évolution de la maladie. Touchant le patient vers l’âge de 30 ans, c’est une forme d’asthme sévère et rapidement corticodépendante. Radiologiquement, des infiltrats labiles non systématisés apparaissent sur les clichés pulmonaires (4).

La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 237 - novembre 1998

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La seconde phase de la maladie correspond à l’apparition d’infiltrats d’éosinophiles dans les tissus, notamment pulmonaires. La troisième phase est marquée par l’évolution d’une angéite systémique accompagnée de signes généraux (altération de l’état général, fièvre, amaigrissement). Cette vascularite se développe en moyenne trois ans après le début de l’asthme (3). En dehors de ces lésions rhinosinusiennes et pulmonaires, de multiples manifestations viennent grever l’évolution de la maladie. Les atteintes neurologiques sont représentées par des multinévrites rapidement invalidantes touchant les membres supérieurs et inférieurs (sciatique poplitée externe) (4). Les atteintes digestives entraînent des diarrhées et des hémorragies, parfois fatales (5). Les manifestations cardiovasculaires (insuffisance coronarienne, HTA, péricardite) sont prépondérantes et évoluent fréquemment vers l’insuffisance cardiaque (6). Les néphropathies glomérulaires sont moins fréquentes mais de pronostic redoutable (1). Les manifestations cutanées (nodules sous-cutanés, lésions ulcéro-nécrotiques et gangréneuses) s’observent dans 70 % des cas et sont souvent douloureuses (7). Les biopsies cutanées permettent souvent d’étayer le diagnostic.

Sur le plan thérapeutique, la symptomatologie des rhinites allergiques ou croûteuses peut être contrôlée par des lavages pluriquotidiens au sérum physiologique associés à une corticothérapie locale en spray (béclométasone à la dose de 150 µg par fosse nasale et par jour). Les antihistaminiques sont indiqués en cas de rhinorrhée ou de crises sternutatoires invalidantes. Le problème posé par la prise en charge des polyposes nasosinusiennes résistantes au traitement par corticothérapie locale seule est plus difficile. En effet, la corticothérapie per os et prolongée à faible dose (5 à 15 mg/j de prednisone) est le traitement essentiel de la maladie de Churg et Strauss, en association au cyclophosphamide et aux échanges plasmatiques suivant les cas (9, 10). La corticothérapie au long cours est difficilement compatible avec la prescription concomitante d’une corticothérapie en cure courte à forte dose (0,5 à 1 mg/kg/j de prednisolone) eu égard à la possibilité d’un effet rebond à l’arrêt de la cure. Dans les polyposes nasosinusiennes évoluées et invalidantes (obstruction nasale importante, surinfections fréquentes), en cas d’échec du traitement local ou de contre-indication à la corticothérapie en cure courte, la nasalisation ethmoïdale semble être la seule alternative au traitement médical. Cette indication chirurgicale doit être discutée en fonction des risques liés à l’état général souvent altéré de ces patients.

Les manifestations ORL du syndrome de Churg et Strauss sont essentiellement localisées dans les fosses nasales et les sinus paranasaux (8). L’obstruction nasale bilatérale associée, à des degrés divers, à une rhinorrhée antérieure ou postérieure est le signe clinique le plus fréquemment retrouvé à l’interrogatoire initial (3). Cette obstruction peut être le témoin d’une rhinite d’évolution saisonnière (4) ou d’une polypose nasosinusienne. Le clinicien doit dépister précocement ces atteintes nasales présentes dès le début de la maladie, car elles peuvent être responsables de surinfections sinusiennes grevant l’évolution de la vascularite systémique. Le scanner des sinus en coupes axiale et coronale sans injection objective des lésions sinusiennes (épaississement muqueux, polypes) associées aux lésions nasales dans près de 80 % des cas (3). Plus rarement, une rhinite croûteuse, des lésions granulomateuses semblables à celles de la maladie de Wegener et des perforations septales sont décrites (3) dans la littérature. Ces perforations du septum nasal siègent préférentiellement au niveau du septum antérieur. L’histopathogénie de ces lésions cartilagineuses lytiques est inconnue. D’autres symptômes rhinologiques peuvent être diversement observés. Des douleurs nasales à irradiation centrofaciale et des épistaxis sont retrouvées dans la littérature (3). En ce qui concerne les autres atteintes cervicofaciales, des nodules sous-cutanés peuvent être palpés chez environ 20 % des patients (4). Ces nodules sont souvent multiples, de petit diamètre, fermes à la palpation. Le cuir chevelu, les pavillons des oreilles, les paupières sont aussi quelquefois touchés. La biopsie de ces lésions sous-cutanées permet généralement le diagnostic histologique du syndrome de Churg et Strauss, mais le diagnostic différentiel avec la maladie de Wegener n’est pas évident à faire. Les lésions histologiques de la muqueuse nasale (cornet nasal inférieur, polypes) sont caractérisées par la présence de micro-abcès tissulaires et de granulomes nécrotiques bordés d’un infiltrat d’histiocytes et d’éosinophiles (3). En revanche, aucune lésion spécifique de vascularite n’est retrouvée sur les biopsies de muqueuse nasale.

CONCLUSION

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Le syndrome de Churg et Strauss est une vascularite systémique chronique évoluant en plusieurs stades. Dès le début de la maladie, les lésions tissulaires plurifocales peuvent toucher les fosses nasales ou les sinus. Le clinicien doit évoquer le diagnostic de maladie de Churg et Strauss devant des atteintes rhinosinusiennes (rhinite inflammatoire, polypose nasosinusienne) associées à un asthme et à une altération de l’état général. Cette démarche diagnostique permet ainsi une prise en charge thérapeutique plus précoce de ces malades dans un service de médecine interne. La difficulté posée par le traitement médical des polyposes nasosinusiennes évoluant dans le cadre de cette vascularite doit souvent faire discuter l’indication d’une nasalisation ethmoïdale chez ces patients. ■ R

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1.

Churg J., Strauss L. Allergic granulomatosis, allergic angiitis and periarteritis nodosa. Am J Pathol 1951 ; 27 : 277. 2. Godeau P., Herson S., Piette J.C. Classification des vascularites. Périartérite noueuse et syndrome de Churg et Strauss. Traité de médecine. 3 e édition. Flammarion Médecine-Sciences, Paris 1997. 3. Olsen K.D., Neel H.B., Deremee R.A. et coll. Nasal manifestations of allergic granulomatosis and angiitis (Churg-Strauss syndrome). Otolaryngol Head Neck Surg 1980 ; 88 : 85-9. 4. Lanham J.G., Elkon K.B., Pusey C.D., Hughes G.R. Systemic vascularitis with asthma and eosinophilia : a clinical approach to the Churg-Strauss syndrome. Medecine 1984 ; 63 : 65-81. 5. Modigliani R., Muschart J.M., Galian A. Allergic granulomatous vasculitis (Churg-Strauss syndrome). Report of a case with widespread digestive involvement. Dig Dis Sci 1981 ; 26 : 264. 6. Chumbley L.C., Harrison E.G., Deremee R.A. Allergic granulomatosis and angiitis (Churg-Strauss syndrome). Mayo Clin Proc 1977 ; 52 : 477. 7. Kazmierowski J.A., Chusid M.J., Parillo J.E., Fauci A.S., Wolff S.M. Dermatologic manifestations of the hypereosinophilic syndrome. Arch Derm 1978 ; 114 : 531. 8. McDonald T.J., Deremee R.A., Kern E.B. Nasal manifestations of Wegener’s granulomatosis. Laryngoscope 1974 ; 84 : 2101-12. 9. Guillevin L., Lhote F., Jarrousse B., Fain O. Treatment of polyarteritis nodosa and Churg-Strauss syndrome. A meta-analysis of 3 prospective controlled trials including 182 patients over 12 years. Ann Med Interne 1992 ; 143 : 405-16. 10. Guillevin L., Le Thi Huong D.U., Godeau P., Jais P., Wechsler B. Clinical findings and prognosis of polyarteritis nodosa and Churg-Strauss angiitis : a study in 165 patients. Br J Rheumatol 1988 ; 27 : 258-64.

La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 237 - novembre 1998

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