Colloque : L`interculturalité dans tous ses états Le théâtre lieu de

January 12, 2018 | Author: Anonymous | Category: Arts et Lettres, Spectacle vivant, Théâtre
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Colloque : L’interculturalité dans tous ses états

Le théâtre lieu de croisement des cultures Lecture interculturelle de la dramaturgie d’Alloula Abdelkader et de Kateb Yacine. Benkhellaf Abdelmalek Doctorant Université 20 août 1955 Skikda Indépendamment des définitions que l’on peut donner au théâtre, on ne peut contester que ce soit le plus social des arts. A ce propos Jean Duvignaud écrit dans son ouvrage : « sociologie du théâtre » : « c’est un art enraciné, le plus engagé de tous les arts dans la trame vivante de l’expérience collective, le plus sensible aux convulsions qui déchirent une vie sociale en permanent état de révolution. »1 Certes, il est maintenant un lieu commun que d’affirmer la socialité de l’art théâtral, mais de nos jours il est bien plus. Le monde contemporain se caractérise par une mondialisation de plus en plus large et de plus en plus variée. Les peuples ne se contentent plus uniquement de la mondialisation au niveau économique. Cette mondialisation est également caractérisée par de grands flux migratoires que ce soit en tant que demandeurs d’emplois, d’études ou en tant que touristes les peuples ne cessent de sillonner la planète dans toutes les directions aidés en cela par le développement des moyens de transports. Il y a plus : le développement des moyens de communication avec l’avènement de l’internet a fait sauter toutes les frontières devant un échange de plus en plus libre, diversifié mettant en relation des communautés différentes les unes des autres et ne tenant compte d’aucune contrainte d’éloignement. C’est dans ce contexte qu’est né le concept d’interculturalité. Celui-ci doit se comprendre dans sa dimension positive, c'est-à-dire en tant qu’activité visant à mettre en rapport la culture des groupes d’individus vivant dans un même espace. Clanet le définit en tant que : « ensemble des processus – psychiques, relationnels, groupaux, institutionnels…-générés par les interactions de cultures, 1

Duvignaud, Jean, sociologie du théâtre, Paris,PUF 1965

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dans un rapport d’échanges réciproques et dans une perspective de sauvegarde d’une relative identité culturelle des partenaires en relation. » De nos jours la contribution des cultures n’est plus d’inventorier ce qu’elles ont inventé ou inventent mais elles seront évoluées en fonction de leur capacité de communication

avec

l’autre,

avec

les

autres.

Cette

approche

de

l’interculturalisme en tant qu’action le différencie à notre avis du multiculturalisme et du pluriculturalisme qui consistent à juxtaposer les différentes cultures les unes à côté des autres. L’interculturalisme est par définition interaction. L’on peut se poser une question existe-il une culture « pure » ou « épurée » de la culture de l’autre ? est-il possible aujourd’hui de concevoir une culture vivant dans

une parfaite autarcie, loin de toutes

influences ? Pour revenir au théâtre on citera une excellente définition de Roland Barthes même si elle se contredit. Dans son ouvrage Essais critiques le critique répond à la question : qu’est ce que le théâtre ainsi : « Une espèce de machine cybernétique [une machine à émettre des messages, à communiquer]. Au repos, cette machine est cachée derrière un rideau. Mais dès qu'on la découvre, elle se met à envoyer à votre adresse un certain nombre de messages. Ces messages ont ceci de particulier, qu'ils sont simultanés et cependant de rythme différent; en tel point du spectacle, vous recevez en même temps 6 ou 7 informations (venues du décor, du costume, de l'éclairage, de la place des acteurs, de leurs gestes, de leur mimique, de leur parole), mais certaines de ces informations tiennent (c'est le cas du décor) pendant que d'autres tournent (la parole, les gestes); on a donc affaire à une véritable polyphonie informationnelle, et c'est cela la théâtralité: une épaisseur de signes. » On peut concevoir une augmentation des nombres qu’il propose en fonction des moyens techniques utilisés. Mais ce qui attire notre attention c’est justement la multiplicité des éléments qui ouvrent le théâtre sur le monde et sur les autres pratiques.

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D’autre part, le théâtre c’est l’art de l’ici et maintenant. Conçu comme texte et comme représentation le théâtre est surtout un art du présent et d’une présence : présence des comédiens sur scène et présence des spectateurs dans la salle. Cette réalité des spectateurs dans la salle (au cinéma il y des spectateurs mais invisibles car la pellicule ne sent pas leur présence) contraint les metteurs en scène à prendre en compte leur réalité sociales et culturelle. La pièce de théâtre ne peut être reçue de la même manière par des publics différents. Le texte qui ne constitue qu’un argument du spectacle ou comme le considère Otacar Zich « un élément n’ayant aucune primauté »

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est abordé différemment par chaque

metteur en scène en fonction de sa culture, de son public, de sa vision du monde. Nous voici donc en plein processus d’un interculturalisme conscient ou inconscient mais qui laisse quand même des traces sur le produit final qui est le spectacle à voir. C’est un dialogue perpétuel entre les différent acteurs de la production d’une pièce de théâtre : nous visons par acteurs les agents de la production : les techniciens, les artistes et le texte. Tout le monde l’atteste, en Algérie dès son origine, le théâtre est l’art de l’autre, de l’ennemi. C’est une pratique importée par des français pour des français. Les algériens avaient adopté cette pratique qu’ils ne maîtrisaient pas encore. A ce propos Sid Ali Sellali écrit dans son ouvrage L’aurore du théâtre algérien : « nous sommes redevables à l’art dramatique français dont nous avons adopté la technologie pour créer un théâtre national algérien au sens vrai du terme. »3 Les hommes de théâtre à l’époque ne connaissaient que Molière qu’ils avaient largement traduit simplement ou dans certains adapté. Dans le cas de Sellali dit Allalou, il a monté la pièce qui signa la véritable naissance du théâtre algérien : Djéha. Cependant il s’est toujours servi du moule européen, c'est-à-dire la salle à l’italienne en U. nous sommes ici en présence d’une technologie, d’un art importé mais ayant un contenu algérien car utilisant un 2 3

L’esthétique de l’art et du drame Sid Ali Sellali, L’aurore du théâtre algérien, Oran, cahiers du C.D.H.S N° 9 1982, p 58

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personnage populaire et connu à travers tout le monde arabe. Ahmed Chéniki parle ici de "syncrétisme culturel" nous pensons pour notre part qu’il y a ici une situation d’interculturalisme. Pour sa part Abdelkader Alloula qui était en quête d’un nouveau théâtre authentiquement algérien a tenté dans ses trois pièces Legoual (les dires) Lejouad (les généreux) et Litham (le voile) de faire une jonction entre d’une part la halqua et la salle à l’italienne. D’une part un lieu populaire dans lequel évolue un personnage populaire : le goual, et de l’autre un espace européen. Le premier est ouvert ce sont les souks et les places des villages, le deuxième est fermé et hiérarchisé : la salle pour les spectateurs et le scène et les coulisses pour les comédiens. Cette contrainte, disons ce dialogue entre deux cultures à conduit le dramaturge à changer le dispositif scénique de ses pièces et jouer sur des scènes plus ou moins ouvertes. Toujours au niveau de la scène, ce metteur en scène qui revendique la paternité de Bertold Brecht, a été très influencé par le théâtre épique. Poursuivant le but de la désaliénation du spectateur les trois pièces citées jouent à pleins feux, c'està-dire sans artifice lumineux visant à embellir la situation et par là ramollir l’esprit critique du spectateur. Nous croyons déceler donc dans son théâtre la présence du théâtre européen à travers l’espace et une présence allemande plus exactement brechtienne dans sa mise en scène. Au niveau du texte les deux pièces Legoual et Lejouad nous rappellent un genre connu en littérature arabe : les séances – el maquamatesJugeons en : ces deux pièces sont constituées de micro récits racontant chacun l’histoire d’un personnage. Ils sont entrecoupés par des songs (des chansons), c’est un autre procédé utilisé par le théâtre épique et par le théâtre grec. Avant de personnifier les personnages, les comédiens qui jouent le rôle de gouals racontent d’abord l’histoire du héros. Ces micros récits n’ont pas de liaison causale entre eux, il est donc possible de commencer par n’importe lequel d’entre eux sans que le sens général de la pièce ne soit altéré. Notons en passant 4

qu’un metteur en scène marocain a monté dans les années soixante dix les maquamates de Badie ezzaman el Hamadani. Toujours au niveau du texte dans la pièce Litham Alloula met en scène un syndicaliste auquel on coupé le nez pour le punir. L’allusion ici à Gogol est claire dans sa nouvelle intitulée Le nez. L’auteur russe raconte l’histoire d’un fonctionnaire qui perd son nez puis le retrouve se déambulant. Il lui court après mais ne réussit pas à le rattraper. Les traducteurs de la nouvelle notent que le mot russe nez peut se prononcer à l’envers mais dans ce cas il a un sens complètement différent de l’organe et qui a un rapport avec l’honneur. Cette signification qui existe aussi chez nous « le nif » est exploitée par Alloula dans pièce. Le spectateur est donc convié à un véritable dialogue des civilisations. Il est mis dans une situation d’interculturalité pour revenir au propos de notre colloque. En ce qui concerne Kateb Yacine je ne citerai qu’un seul exemple : celui de la tragédie grecque. En effet Kateb Yacine utilise dans ses pièces réunies sous le titre Le cercle des représailles le chœur. Cependant sa fonction est quelque peu différente des tragédiens grecs. En effet chez Kateb le chœur représente tantôt le peuple, tantôt les révolutionnaires. Dans la tragédie Les ancêtres redoublent de férocité il se scinde en deux un chœur féminin qui décide de monter au maquis avec les hommes et un autre masculin.

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