Lesmicrobes, peupledesnuages

January 31, 2018 | Author: Anonymous | Category: Science, Biologie, Microbiologie
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SCIENCE & TECHNO

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Samedi 26 janvier 2013

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Les microbes, peuple des nuages L’analyse de grêlons révèlela présence de nombreusesbactéries, qui jouent un rôle dans les cycles des précipitationset du carbone.Cet écosystème célestecommencetout juste à être exploré microbiologie |

Marc Gozlan

I

l y a toujours en suspension dans l’air ordinaire des corpuscules organisés tout à fait semblables à des germes d’organismes inférieurs », rapporta Louis Pasteur quand il découvrit, en 1860, la présence de micro-organismes vivants dans l’atmosphère. Il faudra cependant attendre 2005 pour qu’une équipe clermontoise confirme que des bactéries existent aussi dans les nuages. Acejour,onnecomptedanslalittératurescientifique que sept études consacrées à l’analyse du contenu microbiologique de l’eau nuageuse. Deux nouvelles publications, danoise et française, parues cette semaine, apportent un nouvel

Les bactéries des nuages peuvent métaboliser l’eau oxygénée (H2O2) en donnant de l’eau (H2O) et de l’oxygène (O2) éclairagesur lacompositionetl’activitédelaflore bactérienne des nuages, un des habitats les plus hostiles de la planète, notamment en raison des radiations solaires, de la dessiccation, des basses températures et de la présence d’agents oxydants. Les chercheurs du département de science de l’environnement de l’université d’Aarhus (Danemark) ont choisi d’étudier des grêlons de cumulonimbus. « C’est la première fois qu’on analyse la composition microbienne de grêlons et que l’on dresse un inventaire des composés de matière organique qu’ils renferment. Les grêlons, figés par congélation en temps réel, représentent un matériel naturel pour une étude biogéochimique détaillée », indique Tina Santl-Temkiv du Centre d’astrophysique stellaire. L’analyse des grêlons a montré la présence de près de 3 000 molécules ainsi que celle de nombreux composés de matière organique dissoute, notamment des peptides, des sucres, des acides gras saturés, autant de molécules de matière car-

C’est la première fois qu’on analyse la composition microbienne de grêlons de cumulonimbus et que l’on dresse un inventaire des composés de matière organique qu’ils renferment. NINA RAZEN

bonée biodégradables, pouvant servir de substrats à la croissance des bactéries. L’analyse de la microflore présente dans les grêlons a montré une présence plus importante d’espèces bactériennes du sol que de celles associées aux végétaux. Cependant, après mise en culture, la plupart des bactéries cultivables étaient des bactéries de la phyllosphère, correspondant à celles retrouvées à la surface des plantes, notamment des Methylobacterium dont environ 90% renferment un pigment rouge, probablement un caroténoïde,quiles protègedel’actiondesrayons ultraviolets(UV).Cesbactéries,directementexposées aux UV, intempéries et variations de température, apparaissent donc mieux armées pour survivre et croître dans l’atmosphère des nuages.

Des bactéries à l’assaut des nuages

C

omment des micro-organismes des océans, du sol et des plantes parviennentils à atteindre les nuages? L’aérosolisation des bactéries marines se produit sous l’action des vagues ou des précipitations qui frappent la surface de l’eau. Lorsque les bulles d’écume éclatent, les cellules bactériennes sont éjectées par de micro-gouttelettes. Celles-ci sont formées à la surface de l’eau, à l’interface avec l’air, là où les bactéries sont souvent concentrées. L’aérosolisation et le transport des bactéries à partir du sol dépendent de la vitesse du vent. Quant aux bactéries qui croissent à la surface des végétaux, retrouvées à des concentrations pouvant atteindre 10millions de cellules par cm2, elles sont aussi expulsées dans l’air sous l’action du vent. Selon le taux d’humidité et la température, la feuille peut se dessécher et être réduite à l’état de fines

particules emportées par le vent. Par ailleurs, le biofilm bactérien qui recouvre les feuilles peut lui aussi sécher. Enfin, la pluie en tombant sur les plantes peut entraîner la production d’aérosols bactériens. Au gré des courants aériens ascendants, les bactéries peuvent gagner les nuages pour y vivre une seconde vie très active sur le plan métabolique pour certaines d’entre elles. Des chercheurs clermontois prévoient d’identifier par métagénomique la totalité des génomes bactériens et viraux présents dans vingt litres d’eau de nuages (pollués ou non) afin d’établir un inventaire complet des micro-organismes, déterminer un possible impact sur certaines fonctions métaboliques bactériennes, voire la présence de bactéries pathogènes dans l’eau de nuages urbains et industriels. p M. Gn

Selon les chercheurs danois qui rapportent leurs résultats dans la revue PLoS One, les bactéries qui tapissent la surface des plantes ne joueraient pas seulement sur la composition chimique atmosphérique mais pourraient également influencer la nature des précipitations. En effet, les bactéries de la phyllosphère sont dites glacogènes : elles contribuent à la formation de glace en élevant le point de congélation de l’eau atmosphérique. Les premières bactéries glacogènes viennent d’être identifiées par l’équipe d’AnneMarie Delort de l’Institut de chimie de ClermontFerrand, « sept au total », précise la chercheuse dont le travail paraîtra prochainement publié dans Atmospheric Environment. Par ailleurs, dans une étude publiée dans les PNAS lundi 21 janvier, les chercheurs clermontois ont étudié, en collaboration avec le Laboratoire de météorologie physique, l’activité microbienne contenue dans l’eau liquide des nuages d’origine continentale,marine et urbaine. Ils ont évalué la capacité des bactéries de ces nuages à transformer l’eau oxygénée, un agent oxydant qui s’y trouve en abondance. Des impacteurs qui condensent les gouttelettes, véritables « aspirateurs à nuage », ont été placés sur le toit du chalet se trouvant au sommet du Puy-de-Dôme (1 465 m). L’eau nuageuse a été incubée en utilisant quatre protocoles évaluant la part respective et combinée des processus de biodégradation del’eau oxygénéepar les bactérieset de photodégradation de cette molécule par les UV. Les échantillons étaient ou non filtrés pour se débarrasser ou conserver les bactéries, et maintenus dans l’obscurité ou exposés à un rayonnement ultraviolet mimant les réactions photochimiques produites en présence de lumière solaire. L’état énergétique bactérien et les concentrations en composés organiques ont été évalués dans les incubateurs.

Il ressort que les bactéries des nuages peuvent métaboliser l’eau oxygénée (H2O2) en donnant de l’eau (H2O) et de l’oxygène (O2). De plus, la présence de radicaux libres n’affecte pas le métabolisme énergétique des bactéries qui apparaissent pleinementactives. Surtout, aucune inhibition de l’activité métabolique bactérienne vis-à-vis de composés organiques biodégradables n’a été détectée. Il apparaît donc que les micro-organismes peuvent avoir un impact sur le bilan carbone dans les nuages. Les bactéries parviennent à se protéger des agents oxydants en se servant des enzymes de leur métabolisme oxydatif, ce qui leur permet non seulement d’utiliser des composés carbonés en présence de puissants agents oxydants censés les détruire, mais également de dégrader l’eau oxygénée génératrice de radicaux libres. « C’est la première fois que l’on montre que l’eau oxygénée est dégradée par les bactéries de l’eaunuageuse,cequi contribueà réduire laquantité de radicaux libres disponibles pour attaquer la matière organique carbonée. Les micro-organismes ont donc un impact sur la chimie atmosphérique, à savoir la capacité oxydante des nuages. Ces bactéries influent aussi sur le bilan carbone dans le nuage car elles parviennent, malgré desconditionsde stress oxydatifintense,à directement métaboliserdes composés carbonésorganiques », souligne Anne-Marie Delort, dont l’équipe estime que la libération de CO2 par le métabolisme bactérien se situerait entre 51 et 215 millions de tonnes par an – l’équivalent de 0,16 à 0,7 % des émissions de CO2 d’origine humaine. « Jusqu’à présent, l’impact potentiel de la composante microbiologique sur le pouvoir oxydant des nuages avait été complètement ignoré. Or les modèles de prévision climatique dépendent d’une connaissance exacte et précise de la chimie atmosphérique», conclut-elle. p

Shakespeare et Martin Luther King archivés en ADN Lamolécule de l’hérédité peut être utiliséepour stocker à long terme des documentsnumérisés Denis Delbecq

L

es sonnets de Shakespeare, un extrait sonore d’un discours de Martin Luther King, une photo, une copie del’articlede1953décrivantlastructurede l’ADN, et du code informatique. C’est le contenu d’une archive informatique concoctée à l’European Bioinformatics Institute (EBI) à Hinxton, en Grande-Bretagne, dont les cinq fichiers sont conservés sous forme de brins d’ADN artificiel dans… une éprouvette!

« Tant qu’il y aura des humains sur Terre, il y aura quelqu’un pour liredel’ADN.»PourChristopheDessimoz, un Suisse installé à l’EBI, notre curiosité est la meilleure justification des efforts entrepris afin de stocker des informations sous forme d’ADN. Il cosigne aujourd’hui des travaux publiés dans la revue Nature qui confirment que la molécule du vivant pourrait devenir le Graal de l’archivage d’informations à long terme. Car c’est une molécule étonnamment stable : en dépit de mauvaises conditions de conservation, nous pou-

vons décoder l’ADN de Néandertaliens et celui de mammouths retrouvés dans les glaces sibériennes. Stocké à l’abri de l’humidité et delalumière,l’ADNseraitdoncsusceptiblederésisterdurantdesdizaines de milliers d’années. Dans les ordinateurs, les informations sont représentées par des 0 et des 1. L’ADN, lui, code notre génome avec un alphabet de quatre lettres, quatre molécules organiques: A pour adénine, C pour cytosine, G pour guanine et T pour thymine. Des molécules qu’on peut assembler une à une,

pour créer de l’ADN artificiel, lisible à volonté. En août 2012, une équipe de Harvard avait proposé dans Science une méthode pour traduire le contenu d’un livre numérique en fragments d’ADN. Dans Nature cette semaine, l’équipe de l’EBI propose une autre technique, conçue à la même époque, qui permet de stocker 2 200 téra-octets de données dans un gramme d’ADN. «L’équipe de George Church à Harvard avait obtenu une densité de stockage beaucoup plus élevée, analyse Jérôme Bonnet, bio-ingénieur à l’uni-

versité Stanford (Californie). Mais sa technique de codage était moins sophistiquée et sujette à des erreurs de lecture.» L’équipe britannique a presque obtenu un sans-faute. «Notre codage est encore rudimentaire, bien en deçà de ce qui se fait pour éviter les erreurs de lecture dans les CD, souligne Christophe Dessimoz.Ilfautvoircetteexpérience comme une preuve de concept.» Un avis partagé par Sriram Kosuri, collaborateur de George Church : « Nos techniques sont là pour démontrer l’intérêt d’un archivage sous forme d’ADN.»

Pasquestion,biensûr,deremplacer les disques durs par des éprouvettes.Carlesopérationsdesynthèse et de lecture de l’ADN sont bien troplentes.«L’idées’appliqueseulement à l’archivage à long terme de données auxquelles on n’accède pas souvent, précise Christophe Dessimoz. Par exemple pour stocker des photos qui seront regardées par vos arrière-petits-enfants. Nous allons tenter l’expérience à l’échelle d’une bibliothèque. Vous imaginez si on pouvait préserver les trésors de la Bibliothèque d’Alexandrie pour les dix mille prochaines années? » p

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