SUR LA RECEVABILITÉ de la requête No 24736/94

February 22, 2018 | Author: Anonymous | Category: Arts et Lettres, Communication, Advertising
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SUR LA RECEVABILITÉ de la requête No 24736/94 présentée par Jean-Charles HAYAT contre la France __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 18 octobre 1995 en présence de M. H. DANELIUS, Président Mme G.H. THUNE MM. G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO J. MUCHA D. SVÁBY P. LORENZEN Mme

M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;

Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 24 juin 1994 par Jean-Charles HAYAT contre la France et enregistrée le 1er août 1994 sous le N° de dossier 24736/94 ; Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 13 juillet 1995 et les observations en réponse présentées par le requérant le 12 septembre 1995 ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante : EN FAIT Le requérant, de nationalité française, est né en 1940 et réside à Paris ; il est médecin. Devant la Commission, le requérant est représenté par Maître Daniel Baudin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Les faits, tels qu'ils ont été présentés par les parties, peuvent se résumer comme suit. 1.

Circonstances particulières de l'affaire

En 1979, le requérant fut exclu de la société civile de moyens "Groupe médical des Trois Fontaines" dans laquelle il exerçait. Propriétaire des murs de son cabinet, il continua cependant à exercer au même endroit. Le 30 janvier 1991, le conseil départemental du Val d'Oise déposa auprès du conseil régional de l'Ordre des médecins de l'Ile-de-France une plainte contre le requérant, plainte déposée auparavant devant lui

par plusieurs médecins qui exerçaient dans le "Groupe médical des Trois Fontaines". Cette plainte faisait état du non respect par le requérant de nombreuses décisions de justice le condamnant à verser à la société civile de moyens des sommes importantes, de son attitude agressive à l'égard des autres médecins et de son comportement envers les patients de nature à nuire à la bonne réputation du groupe médical. Par décision du 15 octobre 1991, le conseil régional de l'Ilede-France prononça à l'encontre du requérant une peine d'interdiction d'exercer la médecine pendant six mois. Il considéra que le requérant ne s'était pas acquitté de ses obligations et qu'il manifestait ouvertement son intention de n'en rien faire. Il précisa également que cette attitude était de nature à déconsidérer gravement la profession médicale. Le requérant fit appel de cette décision. Par décision du 29 avril 1993, le conseil national de l'Ordre des médecins, statuant en audience non publique, réduisit la peine d'interdiction d'exercer à trois mois. Il rappela que le requérant n'avait pas exécuté les décisions de justice le condamnant à verser certaines sommes à la société civile de moyens et que cette attitude constituait un manquement à son devoir de confraternité à l'égard des médecins membres de cette société. Par arrêt du 29 décembre 1993, le Conseil d'Etat rejeta le pourvoi du requérant pour absence de moyens sérieux. Ne figuraient pas parmi les moyens soulevés par le requérant celui tiré de l'absence de publicité des débats devant les instances disciplinaires. 2.

Eléments de droit interne

Articles 15 et 26 du décret du 26 octobre 1948 concernant la procédure devant les instances disciplinaires de l'ordre des médecins : "L'audience n'est pas publique et la délibération demeure secrète." Décret n° 93-181 du 5 février 1993 relatif au fonctionnement des conseils de l'Ordre des médecins modifiant les dispositions citées cidessus : "Lorsque la section se prononce en matière disciplinaire ou en matière électorale, l'audience est publique. Toutefois, le président peut d'office, à la demande d'une des parties ou de la personne dont la plainte a provoqué la saisine du conseil, interdire au public l'accès à la salle pendant tout ou partie de l'audience dans l'intérêt de l'ordre public ou lorsque le respect de la vie privée ou du secret médical le justifie." GRIEF Le requérant se plaint de la violation de l'article 6 par. 1 de la Convention dans la mesure où sa cause n'a pas été entendue publiquement par le conseil national de l'Ordre des médecins. PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 24 juin 1994 et enregistrée le 1er août 1994. Le 22 février 1995, la Commission a décidé de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur, en l'invitant à présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé du grief tiré de l'absence de publicité des débats devant les instances disciplinaires. Elle a déclaré la requête irrecevable pour le surplus. Le Gouvernement a présenté ses observations le 13 juillet 1995, après une prorogation de délai, et le requérant y a répondu le

12 septembre 1995. EN DROIT Le requérant se plaint de la violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention dans la mesure où sa cause n'a pas été entendue publiquement par le conseil national de l'Ordre des médecins. L'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention dispose : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) publiquement (...) par un tribunal (...) qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice." Le Gouvernement rappelle que le Conseil d'Etat, juridiction suprême de l'ordre administratif, juge de façon constante que l'article 6 (art. 6) de la Convention ne saurait s'appliquer aux procédures disciplinaires. Prenant acte toutefois de la jurisprudence contraire des organes de Strasbourg en la matière (Cour eur. D.H., arrêt Kraska du 19 avril 1993, série A n° 254), le Gouvernement souhaite démontrer que les règles du procès équitable n'ont pas été méconnues dans la présente affaire. Dès lors que la réglementation applicable à l'époque des faits excluait la publicité des audiences, le Gouvernement estime que le requérant ne saurait être regardé comme ayant tacitement renoncé à ce droit pour n'avoir pas explicitement réclamé l'organisation de débats publics. Le Gouvernement ajoute que la publicité des débats n'est pas un droit de caractère absolu. Il relève que le requérant a manqué à son devoir de confraternité à l'égard des membres de son cabinet médical et qu'étaient en cause des dissensions purement financières entre membres d'une société civile. Le Gouvernement estime que la mise sur la place publique de tels différends aurait entraîné une atteinte à la vie privée des médecins et porté un discrédit sur la profession médicale. Le Gouvernement en conclut que les règles du procès équitable n'ont pas été violées. Le requérant constate que le Gouvernement s'incline devant la jurisprudence des organes de Strasbourg selon laquelle l'article 6 (art. 6) de la Convention est applicable aux procédures disciplinaires. Il estime toutefois que le Gouvernement ne saurait se servir de la modification de la législation pour justifier la méconnaissance de la règle de publicité dans son cas. Ayant examiné les arguments des parties, la Commission estime que la requête soulève des questions de fait et de droit qui ne sauraient être résolues à ce stade de l'examen de l'affaire, mais nécessitent un examen au fond. La requête ne saurait dès lors être déclarée manifestement mal fondée en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. En outre, la requête ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

DECLARE LE RESTANT DE LA REQUETE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés. Le Secrétaire de la Deuxième Chambre (M.-T. SCHOEPFER)

Le Président de la Deuxième Chambre (H. DANELIUS)

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