Trio pour clarinette, violoncelle et piano.

January 8, 2018 | Author: Anonymous | Category: Arts et Lettres, Musique, Histoire de la musique
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CAMERATA POUR LA PAIX Dimanche 22 avril 2015 TEMPLE PROTESTANT REIMS

C’était il y a cent ans. Le cauchemar avait commencé en août 1914. Il allait durer 52 mois et faire 9 millions de morts et 6 millions d’invalides. Premier mois du conflit : plus de 300000 tués. Entre août 14 et févier 15, sont tombés près de 40% des 1million 500 mille soldats français tués pendant toute la durée de la guerre. 1. CHOPIN. Largo de la Sonate pour violoncelle et piano.

La fièvre patriotique s’empare des deux camps : sacrifiant études musicales en cours, carrières artistiques débutantes ou déjà confirmées, instrumentistes et compositeurs sont nombreux à s’engager. On veut faire son devoir et on est persuadé que la guerre sera de courte durée. 2. SCHUBERT. Marche militaire pour piano à 4 mains.

Lui, il signait Claude de France ou Claude Debussy, musicien français. Dès le début du conflit et malgré son admiration pour Wagner, il laisse libre cours à sa germanophobie irréductible. Il n’est pas mobilisable en raison de son âge. Il a 52 ans et déclare que « ses aptitudes militaires le rendent tout au plus bon à garder une palissade » ; 26 ans auparavant, il compose une œuvre lumineuse pour le piano. C’est cette Arabesque que nous entendrons dans un arrangement pour flûte et alto, deux instruments de prédilection du compositeur, avec accompagnement de piano bien sûr. 3. DEBUSSY. Arabesque pour flûte, alto et piano.

Le patriotisme confine parfois au chauvinisme. Dès 1916, est créée à Paris La Ligue nationale pour la défense de la musique française. Debussy y est particulièrement actif. Un des premiers objectifs de cette Ligue est d’interdire l’exécution publique sur le territoire français de toute œuvre allemande ou autrichienne non tombée dans le domaine public. Les Parisiens n’ont donc pas dû entendre ce trio du compositeur allemand Karl Reinecke, mort en 1910, donc quelques années avant le début de la guerre. 4. REINECKE. Trio pour alto, clarinette et piano.

Mendelssohn, mort près de 70 ans auparavant n’était en principe pas concerné par cette mesure discriminatoire. Mais, bien qu’ayant en son temps épousé une française et entretenu des rapports d’amitié avec notre compatriote Berlioz, il avait deux raisons de n’être que très peu joué en France : c’était un Allemand issu d’une famille juive: tout pour ne pas plaire à la France germanophobe et passablement antisémite de l’époque. Par contre, la France très catholique du début du siècle pouvait lui savoir gré d’avoir en dirigeant à 20 ans la Passion selon Saint Mattieu fait redécouvrir à toute l’Europe le chef d’œuvre de Bach, complètement tombé dans l’oubli. Les instrumentistes français ne partageaient heureusement pas le dédain de certains : ainsi, le violoniste combattant Lucien Durosoir, qui passa quatre ans au front, écrivait à sa mère le soir de Noël 2015 : « Je joue ce soir l’andante du concerto de Mendelssohn. Envoie- moi les

accompagnements des concertos de Mendelssohn. » Le général Mangin aime la musique mais il n’est pas question d’avoir un orchestre symphonique dans le salon de son QG. Donc, Durosoir jouera en version réduite c’est à dire accompagné par un piano. On aurait pu aussi proposer au général cette belle pièce de musique de chambre : ce trio pour clarinette, violoncelle et piano. 5. MENDELSSOHN. Trio pour clarinette, violoncelle et piano.

Durosoir réclamait aussi des partitions des quatuors de Mozart. Il avait pu retrouver des musiciens mobilisés comme lui : en particulier le compositeur et altiste André Caplet et le violoncelliste Maurice Maréchal qui jouait sur un instrument fabriqué pour lui par des soldats dans une caisse à munitions. Celui-ci, baptisé le Poilu est toujours visible à la Cité de la Musique à Paris. Voici une sonate de Mozart (on n’osa jamais interdire le compositeur pendant la première guerre !) : c’est une œuvre écrite pour le violoncelle et le basson. Le violoncelle de Nicolas n’a pas fait les tranchées et il ne provient pas d’une caisse de munitions. 6. MOZART. Sonate pour violoncelle et basson.

Encore étudiant, le Français Jacques Ibert rejoint le front à sa demande. IL est d’abord infirmierbrancardier à l’hôpital d’Amiens. « Ce matin, opérations. Je sens encore l’iode à pleines narines. Il y a un pauvre petit chasseur qui est mort encore cette nuit ! Gangrène ! » Ambulancier en Champagne, Ibert effectue plus de 800 missions au péril de sa vie. Le chirurgien, dont il est l’assistant, lui propose s’il renonce à la musique après la guerre, de le prendre comme anesthésiste dans son service. Mais Ibert ne renoncera pas et se remettra à la composition. 7. IBERT. Trio d’anches.

Parfois, dans les villages dévastés de Champagne, on trouve par miracle dans l’église souvent quasiment détruite un orgue qui fonctionne encore : Ibert se met au clavier, les Poilus l’écoutent, les larmes aux yeux. Après l’offensive de Champagne en 1915, il est mis au repos et il compose un peu plus sereinement. 8. IBERT. Trio Interlude pour flûte, violon et piano.

Dans l’autre camp, quand la guerre éclate, le violoniste virtuose et compositeur autrichien Franz Kreisler est au sommet de sa gloire. Il a 39 ans et il refuse l’immunité artistique que réclament pour lui les membres influents de la grande bourgeoisie de Vienne. Il s’engage. Très gravement blessé, le 7 septembre, il est même donné pour mort. Il survivra et sera réformé : « Ce sera une grande perte pour mon régiment »écrit-il avec beaucoup d’humour « car grâce à mon oreille musicale entraînée, je pouvais déterminer la distance exacte des canons d’après le son que produisaient les obus au sommet de leur courbe. » Toute sa vie, il souffrira de sa blessure : il boitera et aura de grandes difficultés à supporter la station debout. Autre douleur tout aussi inguérissable : le chagrin d’amour 9. KREISLER . Liebesleid.

Dès août 1914, Ravel a tenté de s’engager dans l’aviation. Candidature refusée. Taille trop petite, poids insuffisant. Au volant de son ambulance Adélaïde, il convoie les blessés du front vers l’arrière. Très affecté par la mort de ses amis compositeurs, il leur rendra hommage dans Le Tombeau de Couperin écrit en 1917. Voici, composée en 1914, une émouvante mélodie de la liturgie hébraïque : c’est le Kaddisch ou prière pour les morts. 10. RAVEL. Kaddisch.

Courageusement, Ravel refuse de céder à la germanophobie ambiante. Il ne craint pas de déclarer son admiration pour certains compositeurs du camp ennemi. Il ose écrire en avril 1916, alors qu’il est sous les drapeaux : « Il m’importe peu que M.Schönberg (enrôlé dans l’armée autrichienne) soit de nationalité autrichienne. Il n’en est pas moins un musicien de haute valeur dont les recherches pleines d’intérêt ont eu une influence heureuse sur certains compositeurs alliés et jusque chez nous. Bien plus, je suis ravi que MM. Bartok et Kodaly et leurs disciples soient hongrois et le manifestent dans leurs œuvres avec tant de saveur… » Bartok, vu son faible poids (45 kg !) et son peu d’endurance, n’est pas mobilisé mais il lui est interdit de quitter les frontières de la Hongrie. En 1915, il compose ces danses paysannes. 11. BARTOK. Danses roumaines.

Février 1916 : c’est le début de l’enfer de Verdun : 500 000 morts. Sur mer aussi, la bataille fait rage. 24 mars 1916 : le compositeur espagnol Granados embarque sur le navire Sussex dans le port anglais de Folkestone. Il veut rejoindre la France après une tournée triomphale aux Etats-Unis. Le temps est splendide. Granados n’atteindra jamais Paris. A 14h 09, le paquebot est parcouru par une violente secousse : il a été torpillé par un sous marin allemand. Réfugiés sur un radeau, Granados se jette à l’eau pour secourir sa femme. Il meurt noyé avec elle. 12. GRANADOS. Orientale.

Année 1918. Le conflit s’éternise. L’Allemagne qui a signé un armistice séparé avec la Russie désormais bolchevique, a les mains libres pour préparer une offensive d’ampleur en France. Le 16 janvier, le jeune Paul Hindemith 22ans, violoniste, altiste et compositeur, rejoint son régiment à la frontière alsacienne. On lui demande de jouer la grosse caisse dans son unité. Son père, réserviste de 45 ans, a été tué dans les Flandres dès septembre 14. Malgré les visions de sang, de corps blessés, d’os pulvérisés, de lambeaux de cervelle, Hindemith compose et joue en quatuor avec d’autres soldats musiciens. 13. HINDEMITH. Quatuor. 1er mouvement.

31 Janvier : les avions allemands bombardent Paris. 23 mars : les tirs de la grosse Bertha atteignent la capitale. Claude Debussy agonise près de son piano. On ne peut le descendre à l’abri dans la cave : il est trop mal. Il meurt le 25 mars. Hindemith, dans le camp ennemi, est en train de répéter avec trois autres soldats, le quatuor en sol mineur de Debussy qu’il admire profondément. Quand il apprend la mort du compositeur français, il est bouleversé. A Paris, quelques amis de celui-ci dont beaucoup en uniforme, accompagnent le cercueil au cimetière du Père Lachaise.

Paroles de survivants :

14. DEBUSSY. Clair de lune.

« Souvent, je pense à mes très nombreux camarades tombés à mes côtés. Et moi, survivant, je crois être inspiré par leur volonté en luttant sans trêve ni merci jusqu’à mon dernier souffle pour la paix et la fraternité humaine. » Louis Barthas, caporal français.

« Les choses peuvent renaître si l’atmosphère de haine se dissipe un jour. L’avenir doit abolir les guerres. Il faut combattre la barbarie par l’art.» Charles Köchlin, compositeur français et infirmier. « Nous avons senti que la musique devait dépasser les frontières politiques, la haine d’une nation et les horreurs de la guerre. » Paul Hindemith, compositeur, musicien mobilisé dans l’armée allemande.

Finale. FAURE. Pavane.

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